C'est l'histoire d'une famille dysfonctionnelle, dans un lotissement, dans une banlieue qui pourrait se trouver près de chez nous. le père est violent avec sa femme physiquement et psychologiquement, devant les enfants bien-sûr comme tout psychopathe narcissique pervers et j'en passe.
Déjà, la maison, la plus belle du lotissement, car destinée au départ à l'architecte, est étrange :
« A la maison, il y avait quatre chambres. La mienne, celle de mon petit frère Gilles, celle de mes parents et celle des cadavres. » P 9
La chambre des cadavres renferme tous les trophées de chasse du père, de la défense d'éléphant aux cerfs, sangliers sans oublier une hyène. Et bien-sûr, personne n'a le droit d'entrer dans la tanière du père, sous peine de sanction sur fond de méga colère.
Tout ce petit monde survit dans cet univers toxique où la seule bouffée d'oxygène est le passage du marchand de glaces ambulant. Et un jour, la bombe à chantilly explose tuant le marchand devant leurs yeux. le petit frère, sous l'effet de la sidération, s'éteint littéralement, se referme sur lui-même et sa soeur (dont on ne saura jamais le prénom, à moins que ma mémoire ne m'ait trahie) va tout tenter pour revenir en arrière et refaire l'histoire en essayant de fabriquer une voiture qui remonte le temps…
Le portrait du père est saisissant ! tout à fait le genre d'individu qui m'horripile et que j'aurais bien aimé « zigouiller » : déjà j'ai une dent contre les chasseurs et j'adore les éléphants donc lui et moi, c'était mal parti. Et les pervers, narcissiques, cogneurs idem.
« Au mur, dans des cadres, mon père posait, fier, son fusil à la main, sur des animaux morts. Il avait toujours la même pose, un pied sur la bête, un poing sur la hanche et l'autre main brandissait l'arme en signe de victoire, ce qui le faisait davantage ressembler à un milicien rebelle shooté à l'adrénaline du génocide qu'à un père de famille. » P 10
J'ai aimé l'énergie de cette petite fille qui va se passionner pour la physique, sur les traces de
Marie Curie, les sciences en général, allant jusqu'à faire du baby-sitting chez un voisin (un beau champion d'arts martiaux dont elle tombe amoureuse) pour prendre des cours auprès d'un professeur à la retraite, plus ou moins mis sur la touche du fait de ses méthodes.
Elle a seulement dix ans quand commence le récit et on la sent tout de suite prête à relever les défis et se donner les moyens de le faire. Pour ramener la lumière dans les yeux de son frère et tenter de le sauver, elle fait preuve d'imagination autant que de compassion, investie dans son rôle, même au prix de souffrance. Elle a une énergie extraordinaire.
Comment résister à cette scène par exemple où elle décide d'appeler le chiot « Curie » comme la grande Marie et voir que sa mère a fait graver « Curry » sur sa médaille:
« J'ai décidé de rebaptiser le chiot Sklodowska. Ça lui ferait peut-être même encore plus plaisir, à
Marie Curie , que je donne son nom de jeune fille à ma chienne. Mais Sklodowska, c'était un peu long à dire. Alors, pour faire simple, j'ai raccourci en Dovka. » P 74
Ce roman, c'est l'histoire de la violence au quotidien, de la peur dans la cellule familiale, qui ne peut qu'engendrer des comportements bizarres sinon pathologiques et si la petite fille réussit à s'accrocher, Gilles va au contraire se couper des autres, ne n'intéressant à rien et dériver de plus en plus…
Adeline Dieudonné réussit très bien à exprimer cette violence et cette peur, l'emprise du père sur la famille, la démission de la mère, tout en ne donnant jamais trop dans le trash. Elle montre que l'amour peut transformer les choses, qu'on doit tenter de réagir sinon on reproduit les mêmes schémas. C'est peut-être un peu trop schématique mais l'idée est intéressante et bien étayée.
Pour un premier roman, je trouve que c'est réussi, avec une place aussi pour l'imaginaire dans le récit. le rythme est rapide, il y a du suspense, et je me suis laissée prendre au jeu.
Ce roman a reçu le prix FNAC et j'espère qu'il en recevra d'autres….
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