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- Pourquoi qu’on les appelle les Boches ?

- Parce que c’est comme ça qu’ils s’appellent.

(Je comprends subitement que les Boches ce sont les Allemands)

(...)

- Peut-être que quand on sera grands faudra qu’on y aille aussi.

(C’est où la guerre ?)

- Mon père dit que si tout le monde s’entendait il n’y aurait plus de guerre.

(Qui est-ce qui dit que ça doit être la guerre ?)
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Le lecteur joue avec lui-même tandis que le texte joue sur lui, sur sa curiosité, son désir comme une strip-teaseuse joue sur la curiosité et le désir de son public.
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Un gamin, c'est 9 mois dans le ventre, 3 ans dans les bras et toute sa vie sur le dos.
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Les sources de l’histoire religieuse des Celtes, manifestement insuffisantes, ne pourront fournir les éléments d’un exposé suivi qu’à condition que l’on comble par l’interprétation et l’hypothèse les lacunes considérables qu’elles laissent dans nos connaissances. Tous les efforts du critique devront tendre à ne pas franchir la limite qui sépare une hypothèse scientifique d’une pure conception de l’esprit.
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Les sensations lui reviennent, précises, identiques en leur puissance à celles expérimentées quinze ans plus tôt : le souffle aboli, l’effondrement silencieux de son être, du noyau même de ce qui le constituait.

Ce mélange massif de stupeur et de haine que seule produit la trahison.



Aujourd’hui, dans un bureau situé au seizième étage de la tour Étoile, dominant le vide avec lequel il fait soudain corps, un vide sidéral, cosmique, dans lequel il se dissout à mesure que s’enchaînent les explications embarrassées de son associé.

Hier, ou plutôt voici quinze ans, dans un salon feutré meublé d’un Chesterfield vert bouteille, d’un large bureau en acajou et de plusieurs chaises du même bois tapissées de velours doré, où il s’était rendu en compagnie de sa mère pour écouter la lecture du testament.

À l’instant où il avait poussé la porte et aperçu ce garçon élancé et barbu, nettement plus jeune que lui, il avait su. Cette implantation caractéristique des cheveux. Cette arcade sourcilière prononcée, cette peau mate, cette légère asymétrie posturale. Il s’était courbé, comme un arbre abattu sous ce coup de hache originel, le plus violent, le plus cruel qu’il recevrait jamais : un coup qui lui ôta ce qu’il conservait d’innocence et pulvérisa l’immense tristesse qu’il ressentait depuis la mort de son père.

Ainsi, il avait un frère. Du moins, une moitié de frère.

Ainsi, son père vénéré, adoré, son père décédé subitement d’une méningite à méningocoque – alors qu’il était dans une forme exceptionnelle pour ses soixante-seize ans, courant chaque matin cinq kilomètres quelle que soit la météo, se targuant d’un cœur et d’une tension de jeune homme –, avait engendré, puis soigneusement caché un autre enfant.

Pour lever toute ambiguïté, l’avocat avait pris la parole.

— Je vous présente Ernest Wilstroem, le fils cadet de feu monsieur Bauer.
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- Je ne peux pas tromper ma femme.



Si tu es vraiment gay, tu la trompes depuis longtemps.



Je m'arrête.



- Désolé, Patrick, je suis allé trop loin.Non, sans doute que tu as raison.



Nous arrivons sur le quai. Le train ne va pas tarder à partir. Si je m'écoutais, je ne monterais pas dedans. Mais et ensuite, qu'est-ce que je ferais?



Merci pour ce petit séjour, tu m'as permis de découvrir plein de choses et on passe toujours d'agréables moments.



- Je serai toujours là pour t'accueillir.



Je ne sais pas quoi faire. Lui serrer la main? Lui faire la bise? L'embrasser? J'opte pour la deuxième solution et commence à monter les quelques marches.



- Patrick !



Je me retourne. On dirait qu'il a les larmes aux yeux.- Si tu te décides, promets-moi que je serai le premier.



La sonnerie retentit, indiquant que les portes du train vont se refermer. J'ai juste le temps de répondre:



Promis.
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Enfin, les notions que nous pouvons glaner chez les auteurs de l’antiquité se répartissent sur plusieurs siècles et s’étendent à toutes les contrées où les Celtes ont séjourné. Nul n’oserait affirmer que du troisième siècle avant J.- C., où vivait Timée, au temps d’Ammien Marcellin (IVe siècle après J.-C.), les pratiques religieuses des Gaulois fussent demeurées immuables. On ne pourrait avec plus de raison soutenir que les Galates d’Asie Mineure, les Celtibères d’Espagne, les Gaulois de la Cisalpine, les Celtes qui pillèrent Delphes et ceux qui prirent Rome, les Gaulois transalpins et les Celtes de Grande-Bretagne eussent professé les mêmes doctrines et adoré les mêmes dieux, sans que le contact avec des nations étrangères eût en rien altéré les vieilles croyances de la race. Les témoignages des anciens sur la religion des Celtes ne peuvent donc être utilisés qu’avec prudence; dispersés dans l’espace et dans le temps, de valeur et d’importance variable, ils se prêtent malaisément à une construction d’ensemble.
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 Anonyme
Ma duelle



Tu es une femme duelle dont je me fais le voyeur, celle à l'âge mûr en surface mais qui libère des images qui sont anachroniques.

Ta peau, tes fesses et tout ton corps sont alors ceux d'une juvénile fille.

La même partie de ton corps peut se grêler de traces, qui disparaissent dans l'instant sous les caresses.

Il en est de même avec ta psyché , quand tu t'agaces comme une "ancienne" , alors que ta voix se pare d'une fraîcheur, quand tu aimes, et qu'une jeunesse habite alors ton corps et ton esprit .....
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Quant aux Mabinogion, quatre d’entre eux nous retracent plus spécialement les traditions communes aux Gaëls et aux Bretons. On y peut trouver quelques éléments des mythes familiers aux Celtes des îles Britanniques sans que l’on puisse déterminer si ces mythes ont été connus des Celtes du continent.
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Chaque flamme de bougie, chaque lanterne est une voix. Les gens les laissent là pour leurs familles, pour qu'un jour, ils puissent ouvrir la lanterne et entendre à nouveau la voix de ceux qu'ils ont aimés. Mais cela ne marche qu'une seule fois. Une fois la lanterne ouverte, et le message entendu, la bougie s'éteint pour toujours.
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L’obscurité est là. Les cris aussi. Des cris qui ne lui ressemblent pas, des convulsions qui effraient la mère, accélérant le rythme de ses pas dans cette pièce aux murs immenses. L’enfant est dans ses bras, bercé par cette mélodie qu’il aime pourtant, qui l’a tant de fois apaisé. Ses sanglots font dérailler la voix, d’ordinaire douce, en phase avec la respiration. Plus le nouveau-né se crispe, hurle, plus sa gorge à elle s’assèche ; le rythme s’affole et l’harmonie de la berceuse se brise sur les spasmes du garçon. Le temps se fige, c’est comme un orage qui ne passe pas, piégé dans cette pièce où l’air manque maintenant. Par vagues, les moments d’accalmie soulagent le petit corps qui alors se relâche. Les traits du visage se détendent et la mère essuie, une à une, les minuscules perles formées par les larmes, coincées entre les cils. Un instant, les pleurs s’estompent, laissant place à la voix qui reprend peut-être du courage puisque le son se fait plus juste. Le rythme est là, do, do, da ; grave, grave, aigu. Les paroles apparaissent :

Écoute ce chant,

Doux et chaud,

Comme le miel que font nos abeilles.

Je t’offre ces notes, le son de ma voix.

Te souviendras-tu que je chantais pour toi ?
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Elle ne comprit pas tout de suite. Comme s’il avait commencé à parler une langue qui lui était inconnue.

« Tu… quoi ?

– Je t’ai mise enceinte de Joseph. J’aurais préféré attendre, mais je voulais utiliser sa semence, et pas une empreinte. Un enfant conçu à partir d’une empreinte ne vous aurait pas été aussi étroitement apparenté. Et je ne peux pas garder les spermatozoïdes en vie éternellement. »

Elle le fixait, bouche bée. Il parlait avec désinvolture, comme s’il discutait de la météo. Elle se leva et voulut s’éloigner de lui, mais il l’attrapa par les poignets.

Elle tenta alors de se dégager violemment, s’apercevant aussitôt qu’elle n’y parviendrait pas. « Tu as dit… » Essoufflée, elle dut recommencer. « Tu as dit que tu ne le ferais pas. Tu as dit…

– Que je ne le ferai pas avant que tu sois prête.

– Je ne le suis pas ! Je ne le serai jamais !

– Tu es prête à porter l’enfant de Joseph. La fille de Joseph.

– Sa fille… ?

– J’ai mélangé une fille pour te tenir compagnie. Tu es très seule depuis quelque temps.

– À cause de toi.

– C’est vrai. Mais une fille te tiendra compagnie longtemps.

– Ce ne sera pas ma fille. » Elle tira de nouveau sur ses bras, mais il ne la lâchait pas. « Cette chose ne sera pas humaine. » Elle regarda son propre corps, horrifiée. « Elle est en moi, et elle n’est pas humaine ! »

Nikanj l’attira à lui, enroulant un bras sensoriel autour de sa gorge. Elle crut qu’il allait lui injecter un produit qui lui ferait perdre connaissance. Elle attendit l’obscurité qui s’ensuivrait avec impatience.

Mais Nikanj ne fit que la rasseoir sur le rondin. « Tu auras une fille. Et tu es prête à être mère. Jamais tu ne l’aurais avoué. Tout comme Joseph ne m’aurait jamais invité dans son lit, même s’il en mourait d’envie. Il n’y a chez toi que tes paroles qui rejettent cet enfant.

– Mais elle ne sera pas humaine, chuchota-t-elle. Ce sera une chose. Un monstre.

– Ne commence pas à te mentir à toi-même. C’est une dangereuse habitude. L’enfant sera à toi et à Joseph. À Ahajas et Dichaan. Et comme c’est moi qui l’ai mélangée, qui l’ai façonnée, qui ai veillé à ce qu’elle soit belle et sans conflits mortels, elle sera à moi. Ce sera mon premier enfant, Lilith. La première à naître, du moins. Ahajas est enceinte, elle aussi.

– Ahajas ? » Quand avait-il trouvé le temps ? Il n’avait pas chômé.

« Oui. Joseph et toi êtes aussi les parents de son enfant. » Il se servit de son autre bras sensoriel pour l’obliger à lui faire face. « L’enfant qui vient de ton corps ressemblera à Joseph et toi.

– Je ne te crois pas !

– Les différences resteront cachées jusqu’à la métamorphose.

– Oh mon Dieu. Ça aussi ?

– L’enfant qui naîtra de toi et celui qui naîtra d’Ahajas seront frère et sœur.

– Les autres ne reviendront pas pour ça. Moi, je ne serais pas revenue.

– Nos enfants seront meilleurs que nous tous, poursuivit Nikanj. Nous modérerons vos problèmes hiérarchiques et vous atténuerez nos limites physiques. Nos enfants ne s’autodétruiront pas à la guerre et s’ils ont besoin de faire repousser un membre ou de se modifier d’une autre manière, ils le pourront. Il y aura d’autres avantages aussi.

– Mais ils ne seront pas humains, insista Lilith. C’est ça qui compte. Tu ne peux pas comprendre, mais c’est ça qui compte. »
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Cela faisait à présent trois jours qu’elle était seule dans la grande salle, à réfléchir, lire, écrire ses pensées. Elle avait pu garder tous ses livres, ses papiers et ses stylos. On lui avait également laissé quatre-vingts dossiers – de courtes biographies qui comprenaient des conversations retranscrites, de brèves histoires, des observations et des conclusions faites par des Oankali, ainsi que des photos. Les sujets ainsi répertoriés n’avaient aucune famille encore en vie. Ils ne se connaissaient pas et ne connaissaient pas Lilith.

Elle avait lu un peu plus de la moitié des dossiers à la recherche de candidats à Éveiller, mais aussi de quelques alliés potentiels, des gens à qui elle pourrait peut-être accorder sa confiance. Elle avait besoin de partager le fardeau de ce qu’elle savait, de ce qu’elle avait à faire. Elle avait besoin d’individus attentionnés qui écouteraient ce qu’elle avait à dire et n’agiraient pas de façon violente ou stupide. Elle avait besoin d’individus capables de lui donner des idées, de pousser son esprit dans des directions auxquelles elle n’aurait pas songé. Elle avait besoin d’individus capables d’exprimer leur désaccord s’ils trouvaient qu’elle se montrait idiote – des individus dont elle respecterait l’opinion.

D’un autre côté, elle ne voulait Éveiller personne. Elle avait peur de ces gens et avait peur pour eux. En dépit des informations que contenaient les dossiers, il y avait tellement d’inconnues. Son travail consistait à former une unité cohérente et à les préparer à rencontrer les Oankali, à être leurs nouveaux partenaires commerciaux. C’était impossible.

Comment pouvait-elle Éveiller des gens et leur apprendre qu’ils faisaient partie d’un projet d’ingénierie génétique concocté par une espèce si différente que les humains auraient du mal à les regarder confortablement avant un bon bout de temps ? Comment pouvait-elle Éveiller ces gens, qui avaient survécu à la guerre, et leur confier qu’à moins de parvenir à échapper aux Oankali, leurs enfants ne seraient pas humains ?

Mieux valait ne rien leur dire à ce sujet, ou en tout cas le moins possible, pendant quelque temps. Mieux valait ne pas les Éveiller du tout avant de savoir comment les aider, comment ne pas les trahir, comment les amener à accepter leur captivité, à accepter les Oankali, à accepter quoi que ce soit avant d’être renvoyés sur Terre. Puis à prendre leurs jambes à leur cou dès que l’occasion se présenterait.

Ses pensées suivirent le circuit habituel : il n’y avait aucun moyen de fuir le vaisseau. Absolument aucun. Les Oankali le contrôlaient grâce à la composition chimique de leur propre corps. Ces commandes ne pouvaient être ni mémorisées ni sabotées. Même les navettes qui voyageaient entre la Terre et le vaisseau étaient des extensions du corps des Oankali.

À bord du vaisseau, un humain risquait d’être remis en animation suspendue à l’intérieur d’une plante, ou même tué. Leur seul espoir était donc la Terre. Une fois sur place – quelque part dans le bassin amazonien, d’après ce qu’on lui avait dit -, ils auraient au moins une chance de s’en sortir.

Ce qui signifiait qu’ils devaient se contrôler, apprendre tout ce qu’elle pouvait leur enseigner, tout ce que les Oankali pouvaient leur enseigner, puis utiliser ces connaissances pour fuir et survivre.
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C’est au bon matin d’un début de printemps, frais et clair. Mon frère aîné et moi nous dévalons notre petite rue, en cavalcade vers la mer et vers la citadelle de Port-Louis, de l’autre côté de la passe, qui depuis toujours garde l’entrée dans la rade de Lorient. Je dois avoir six ou sept ans. Maman nous a envoyés saluer notre père, commandant de sous-marin, qui part aujourd’hui en patrouille pour plusieurs semaines. Le soleil réchauffe le granit doré de la citadelle, la mer est plate, pas une risée. Nous attendons en nous chamaillant, comme d’habitude, ayant à peu près oublié pourquoi nous sommes là.

Et puis le voilà, silhouette puissante, noire, longue, précédée d’une vague d’étrave à peine visible, simple masse liquide sans écume, fendue par le masque du sonar et qui glisse en lourdes draperies transparentes sur la coque sombre.

Je suis interloqué, fasciné par l’impression de force et de rigueur qui se dégage de ce spectacle. Je n’aperçois pas mon père auquel nous devrions pourtant faire de grands signes des bras. Mais cet engin fort, austère et intimidant me renvoie à lui, héros tout-puissant dont la sévérité nous effraie parfois.

Je crois que c’est à cet instant qu’est née ma vocation militaire.

C’est ensuite la longue fréquentation familière de mon oncle Hélie qui m’a progressivement ancré dans une destinée de soldat. Je le rencontrai pour la première fois sous la grange de la maison de ma grand-mère. Au fond de la bâtisse poussiéreuse et sombre, on avait accroché au mur de galets un grand panneau de bois sur lequel étaient inscrits son grade et son nom suivis de la mention mystérieuse : « mort au champ d’honneur ». Cette plaque baptisait de son nom un fortin du djebel Chélia dans la montagne de l’Aurès où, en août 1959, il avait trouvé, à vingt-trois ans, une mort tragique. Rapportée en France après l’indépendance de l’Algérie par ses camarades du 18e régiment de chasseurs à cheval, elle avait, depuis, paré notre grange d’une gravité étrange dont la raison se perdait au fil des étés et des jeux que nous y organisions.
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Le soir tombe. D'ici, à la pointe de la crête, on dirait que le ciel a pris feu. Des filaments de nuages rosés, comme de la barbe à papa, courent entre les palmes et les caféiers.
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Ses tentacules ondulèrent. « Tout ce que je peux vous dire, c’est que votre peuple possède une chose qui nous est chère. Pour vous donner une idée de l’importance que nous lui accordons, sachez que d’après votre façon de mesurer le temps, cela fait plusieurs millions d’années que nous n’avons pas osé nous mêler des agissements autodestructeurs d’un autre peuple. Beaucoup d’entre nous se sont demandé s’il était bien sage de le faire cette fois-ci. Nous pensions… que vous étiez parvenus à un consensus, que vous aviez accepté de mourir.

– Aucune espèce ne ferait une chose pareille !

– Si. Certaines l’ont déjà fait. Et quelques-unes d’entre elles ont, par la même occasion, emporté certains de nos vaisseaux et équipages avec elles. Nous avons appris la leçon. Le suicide de masse est l’une des rares choses dont nous évitons de nous mêler.

– Et maintenant, vous comprenez ce qui nous est arrivé ?

– Je suis conscient de ce qui s’est passé. Tout cela m’est… étranger. Effroyablement étranger.

– Oui. Je ressens la même chose, alors qu’il s’agit de mon peuple. Ça dépassait l’entendement…

– Parmi les personnes que nous avons récupérées, certaines se cachaient dans les entrailles de la terre. Une grande partie de la destruction était de leur fait.

– Et ces gens sont encore en vie ?

– Quelques-uns.

– Et vous comptez les renvoyer sur Terre, eux ?

– Non.

– Pourquoi pas ?

– Ceux qui sont encore en vie sont désormais très vieux. Ils nous ont servis longtemps ; d’eux, nous avons appris la biologie, la langue, la culture. Nous les avons Éveillés par petit nombre et les avons laissés vivre leur vie ici, à différents endroits du vaisseau, pendant que vous dormiez.

– Pendant que je dormais… Jdahya, j’ai dormi combien de temps ?
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En vie !

Toujours en vie.

En vie… encore une fois.

L’Éveil fut difficile, comme d’habitude. La déception ultime. Inspirer suffisamment d’air pour chasser les sensations cauchemardesques d’asphyxie représentait une véritable épreuve. Lilith Iyapo resta étendue, haletante, tremblante après un effort aussi colossal. Son cœur battait trop vite, trop fort. Elle se roula en boule, comme un fœtus, impuissante. Le sang se remit à circuler dans ses bras et ses jambes par minuscules bourrasques d’une douleur exquise.

Une fois que son corps se fut calmé et eut accepté la réanimation, elle regarda autour d’elle. La pièce semblait mal éclairée ; or, elle ne s’était encore jamais Éveillée dans la pénombre. Elle se reprit. La pièce ne semblait pas mal éclairée, elle était mal éclairée. Lors d’un précédent Éveil, elle avait décrété que tout ce qui se passait, tout ce qu’elle percevait constituait la réalité. Elle s’était déjà demandé – combien de fois ? – si elle n’était pas folle ou droguée, malade ou blessée. Rien de tout cela n’avait d’importance. Ca ne pouvait pas avoir d’importance alors qu’elle se trouvait ainsi confinée, laissée sans défense, seule et dans l’ignorance.

Elle s’assit, chancela, prise de vertige, puis tourna la tête pour examiner le reste de la pièce.

Les murs étaient de couleur claire – blancs ou gris, peut-être. Le lit, une plateforme solide qui s’enfonçait légèrement sous les doigts et qui semblait sortir du sol, n’avait pas changé. Il y avait, à l’autre bout de la pièce, une embrasure de porte qui menait sans doute à une salle de bains. Elle avait généralement droit à une salle de bains. Les deux fois où elle n’y avait pas eu droit, elle en avait été réduite à choisir un coin de son box dépourvu de portes et de fenêtres.

Elle s’approcha de l’embrasure, scruta la pénombre uniforme, et constata qu’il s’agissait effectivement d’une salle de bains. Celle-ci ne comportait pas que des toilettes et un lavabo, mais aussi une douche. Quel luxe.

Quoi d’autre ?

Presque rien. Une autre plateforme, environ trente centimètres plus haut que le lit, et qui aurait pu servir de table, même s’il manquait une chaise. Avec des choses dessus. D’abord, elle vit la nourriture. Les céréales ou le rata habituels, au goût impossible à identifier, contenus dans un bol comestible qui, si elle le vidait sans le manger, se désintégrerait.

Et il y avait quelque chose à côté du bol. Comme elle n’arrivait pas à le voir clairement, elle le toucha.

Du tissu ! Une pile de vêtements pliés. Elle s’en empara, d’impatience les fit tomber, les ramassa et entreprit de les enfiler. Une veste mi-longue de couleur claire et un pantalon long et ample taillés dans un tissu frais, délicieusement doux, qui lui fit penser à de la soie ; elle n’aurait su dire pourquoi, mais elle soupçonnait que ce n’était pas de la soie. La veste auto-adhérente resta fermée quand elle s’en enveloppa mais s’ouvrit facilement quand elle écarta l’un de l’autre les deux plastrons. Leur façon de se détacher lui rappela le velcro, mais le système d’accroche n’était pas visible. Le pantalon se fermait de la même manière. Jusqu’à présent, elle n’avait pas eu droit à des vêtements. Elle en avait réclamé, mais ses ravisseurs l’avaient ignorée. Dans ses nouveaux habits, elle se sentit plus protégée que jamais depuis le début de sa captivité. Elle savait qu’il s’agissait d’un sentiment trompeur, pourtant elle avait appris à savourer tout plaisir qu’elle pouvait glaner, tout adjuvant à son amour-propre.

Quand elle ouvrit et referma sa veste, ses doigts touchèrent la cicatrice qui courait le long de son abdomen. Elle l’avait acquise entre son deuxième et son troisième Éveil, l’avait examinée avec crainte, se demandant ce qu’on lui avait fait. Qu’avait-elle perdu ou gagné, et pourquoi ? Et que pouvait-on lui faire d’autre ? Elle ne possédait plus son propre corps. On pouvait même lui couper la chair et la suturer sans qu’elle le sache ou y consente.
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Je sais l’histoire de ces familles élevées dans l’amour d’une France de fiction, celle d’Hugo, de Jaurès et de la Déclaration des droits de l’homme. Je sais que, loin du havre qu’ils espéraient y trouver, ils y ont été humiliés, pourchassés, déportés.
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Mais il est invraisemblable que les idées religieuses des Celtes de l’île d’Erin telles qu’elles nous apparaissent dans des poèmes épiques rédigés sans doute au VIe siècle ne soient pas très différentes des conceptions théologiques des Gaulois du temps de César, et il serait sans doute imprudent de restituer à l’aide de l’épopée irlandaise le vieux Panthéon celtique.
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La vie est un équilibre. On tend à l’oublier alors qu’on vit, insouciant, chaque jour après l’autre. On mange, on boit, on dort et on croit qu’on se réveillera toujours le lendemain, qu’on sortira toujours revigoré d’un bon repas et de quelques heures de repos. Les plaies ne peuvent que guérir, la douleur s’estomper avec le temps, et, même quand les blessures cicatrisent moins vite, quand la douleur s’atténue le jour pour revenir dans toute son intensité la nuit, quand le sommeil n’est plus réparateur, on croit encore que, le lendemain, tout aura repris son équilibre et qu’on pourra continuer à vivre comme d’habitude. Mais, à un certain moment, le délicat équilibre s’est rompu, et, on peut bien faire tous les efforts du monde, on entame la lente chute, la transformation de l’organisme qui s’entretient seul en celui qui lutte bec et ongles pour demeurer ce qu’il était naguère.
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