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sur 5215 notes
°°° Rentrée littéraire 2023 #9 °°°

Moi en cette rentrée littéraire, j'ai des envies de romanesque. Et le dernier Jean-Baptiste Andréa est résolument, follement romanesque, un régal !

C'est l'histoire de Mimo et Viola, nés en 1904, deux êtres qui n'auraient jamais du se rencontrer lorsqu'ils avaient treize ans : lui né dans l'indigence, élevé dans l'atelier d'un oncle sculpteur alcoolique ; elle dans la famille la plus puissance de Ligurie. Deux opposés polaires enfermés dans leur corps, elle dans son corps de femme alors qu'elle rêve grand et anticonformiste ; lui souffrant de nanisme alors qu'il entend maitriser les blocs de marbre pour devenir sculpteur.

Le roman s'ouvre en 1986. Mimo, au seuil de sa vie dans une abbaye piémontaise où il vit reclus depuis une quarantaine d'années sans avoir prononcé ses voeux, se remémore le fil de sa vie, sa relation singulière avec Viola et l'histoire de son chef d'oeuvre : une mystérieuse statue, troublant quiconque la voyait au point que le Vatican a décidé de la soustraire à la vue de tous.

Jean-Baptiste Andréa est un conteur exceptionnel. Sur près de 600 pages ( avec à peine quelques longueurs dans le dernier quart, peut-être ), il retrace les destins de Viola et Mimo, comment ils s'aiment, se confient, se disputent, se séparent, se retrouvent, mus par une connexion d'âmes comme il en existe peu :
« - Nous sommes deux aimants. Plus nous nous rapprochons, plus nous nous repoussons. 
- Nous ne sommes pas des aimants. Nous sommes une symphonie. Et même la musique a besoin de silences. »

C'est une déferlante d'émotions qui remplit d'étoiles le lecteur qui lit à coeur ouvert pour être sûr de prendre tout ce que propose l'auteur avec une générosité réjouissante, sans pathos, avec une délicatesse et fluidité qui forcent l'admiration. D'autant que tous les personnages ( bons ou mauvais ) lui parlent tous directement à l'oreille, tout particulièrement l'anticonformiste Viola avec sa fougue qui emporte tout, un des plus beaux personnages féminins rencontrés récemment.

Les personnages résonnent en nous d'autant plus fort que l'intensité dramaturgique du récit, constante, est renforcée par des décors italiens admirablement décrits ( des enchanteresses collines à orangers du domaine des Orsini, aux bas-fonds de Florence et Rome ) et un arrière-plan historique, jamais écrasant mais toujours présent, qui traverse le chaos de la première moitié du XXème siècle ( Première guerre mondiale, montée du fascisme et mise en place du régime totalitaire mussolinien, Deuxième guerre mondiale et défaite italienne ). J'ai adoré également le voyage dans l'histoire de l'art italien avec des références passionnantes à Michel-Ange, Fra Angelico ou encore le Caravage.

« Sculpter, c'est très simple. C'est juste enlever des couches d'histoires, d'anecdotes, celles qui sont inutiles, jusqu'à atteindre l'histoire qui nous concerne tous, toi et moi et cette ville et le pays entier, l'histoire qu'on ne peut plus réduire sans l'endommager. Et c'est là qu'il faut arrêter de frapper ».

Les dernières pages révèleront évidemment les secrets de la statue. Rien de flamboyant comme je m'y attendais. J'ai été un peu déçue par ce manque de spectaculaire tant l'attente était grande après 600 pages, mais avec le recul, j'applaudis l'élégance de cette retenue qui est en harmonie avec ce qui a été conté précédemment, à la hauteur de la beauté des personnages.




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Un roman difficile à chroniquer, il est tellement excellent il n'en ressort que du positif . Un roman , majestueux, époustouflant, bouleversant, nous passons du rire aux larmes, C'est le premier roman de l'auteur mais certainement pas le dernier Nous faisons la connaissance de Mino alias Michelangelo, ce denier a vécu plus de 40 ans dans une abbaye, nous sommes en 1985,il sent son dernier souffle arrivé, il décide de raconter sa vie , il est atteint de nanisme. Il nait dans les bas-fond au seuil de la pauvreté, nous sommes dans le début du 20 eme siècle, son père est décédé durant la premier guerre mondial. Mino est envoyé chez son oncle, où l'alcool est son meilleur ami, Il exploite Mino sans état d'âmes, Un point commun les unis, celui de la sculpture. Mino fait ses preuves, suite un une commande importante, de la famille bourgeoise Orseni . Il fait la connaissance de Viola, un rencontre qui n'aurait jamais du se faire, mais rien ne peut effacer, le lien d'amitié qu'ils ont tissé, Ils ont les même idéaux, les mêmes centres d'intérêt soif de changement,
Viola se marie, convention de la haute société, suite à une chute vertigineuse, elle ne pourra pas voir d'enfants, Mino continue sa vie en tant que sculpteur, qui se fait une renommer au fil des pages.
La relation avec Viola n'est pas simple mais perdure Nous sommes dans une période de tremplin, la montée du fascisme, Tant d'obstacles qu'il aura à surmonter, la reprise en contact avec Viola.
Mino Viola, Viola Mino, deux personnages qui dégagent une empathie très forte, Nous ne pouvons pas être indifférent, une sensation de faire parti du décor.
L'auteur nous envoûte, sans aucune difficulté dans son histoire. le sujet est traité avec pudeur ,, La plume de l'auteur est fluide, sensible, subtile et poétique. Une lecture bouleversante, émouvante.
Mino vient de vous raconter sa vie,
Je ne peux que vous conseiller ce livre.
Bravo à l'auteur,
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Douceur de marbre.
Jean Baptiste Andrea mérite un Master en souvenirs d'enfance... difficiles. C'est le Rémi sans famille des rentrées littéraires, un Dickens qui twiste les grandes espérances. Après une histoire d'amour et d'orphelin dans le remarquable « Des diables et des saints » sur des airs de piano joué dans des aéroports, il troque le synthé pour le burin d'un sculpteur et polit un récit d'une beauté sans aspérité.
Mimo est né pauvre, son père est mort et son corps a oublié de grandir. Il est confié aux mauvais soins d'un sculpteur de pierre dépourvu de talent mais pas de méchanceté qui en fait plus son esclave qu'un apprenti. Sortez les mouchoirs. Les mauvais traitements endurcissent le jeune garçon dont le génie du caillou se révèle. Durant cette enfance, il va rencontrer son âme soeur, Viola, fille de très bonne famille à la réputation de sorcière, assoiffée de connaissances et qui refuse son destin de cruche mondaine dans une Italie qui penche de plus en plus vers le fascisme. le duce va doucher les rêves d'enfants et la religion va vendre son âme au diable.
L'écho favorable qui se propage concernant ce roman dans le qu'en-dira-t-on babéliote est mérité. La fougue romanesque du récit m'a pris en otage, évadé du temps, et je n'ai ressenti aucun essoufflement dans la narration. Un marathon de 575 pages couru au sprint du rocambolesque. Pas de temps mort, des personnages secondaires typés qui ne font pas que de la figuration, des dialogues qui sonnent comme de la poésie, des mystères de la création artistiques autour d'une sculpture maudite, de vaines quêtes de prestige ou de pouvoir et un contexte historique aussi trouble que passionnant.
Que demander de plus pour parfaire la nuée d'étoiles ? Et bien, peut-être un peu plus de caractère dans le trait de plume. La prose est à mon goût un peu trop enfantine, pas assez couillue et pas seulement parce qu'elle fréquente peu les chambres à coucher ou ne relate la violence que par le biais de ses conséquences. L'auteur évoque le crime de la veille, la trahison du lendemain, le chapitre toujours en léger différé. le romancier excelle dans les incidences et les retentissements, moins dans la description brute et crue d'un évènement. Même les passages où Minno s'égare un peu dans le stupre et la boisson ne risquent pas de faire rougir une colonie de nonnes.
L'écriture de Jean-Baptiste Andréa a les défauts de ses qualités, ou bien l'inverse, mais je préfère retenir le caractère très agréable de cette lecture qui dégage des ondes positives sous sa carapace dramatique, qui rassurera les âmes sensibles, cajolera les doux rêveurs et apaisera les âmes contemplatives. J'ai presque eu envie de manger du boulghour, de me lancer dans la poterie façon Ghost et penser du bien de mon voisin en refermant le livre. Il est parfois bon de bâillonner son mauvais esprit.
Mon côté fleur bleue asséchée dans l'herbier jauni de mes vieilles années a apprécié la relation platonique mais passionnée de Mimo et Viola, âmes qui se chamaillent et se rabibochent sans cesse, opposés qui s'attirent, s'éloignent et se rapprochent comme des aimants versatiles, qui ne peuvent vivre l'un sans l'autre mais qui sont lucides sur les frontières sociales qui les séparent. Leurs rencontres sont des petits moments de liberté sans filtre ni secret. La lucide extra-lucide et l'artiste apolitique se disent les choses qu'ils taisent au monde.
Un vrai plaisir tout public.
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C'est un beau roman, c'est une belle histoire...
Veiller sur elle, le titre était pourtant une belle promesse et l'invitation aussi à découvrir l'univers littéraire de cet auteur que je ne connaissais pas encore, Jean-Baptiste Andrea. Pour la rencontre, voilà qui est désormais fait ! Pour la promesse, c'est un peu plus compliqué...
Avec beaucoup de délicatesse, Veiller sur elle nous invite à la rencontre de deux destins qui vont s'entrelacer dans l'Italie du vingtième siècle, son fracas et sa fureur.
Il donne la parole au sculpteur de génie Michelangelo Vitaliani, qui revisite l'Italie de ses souvenirs et le chaos du XXe siècle. Michelangelo Vitaliani, c'est Mimo né pauvre et nain. Il va connaître le génie. Sur la route de Mimo, il y a Esméralda dont la rencontre va le toucher au coeur. Non, pardon je me trompe d'histoire, je reprends. Sur la route de Mimo il y a Viola, jeune fille impétueuse, fantasque et intelligente, benjamine de la richissime famille Orsini. J'ai aimé son anormalité.
Pourtant, cette histoire de sculpteur m'a laissé de marbre.
Ils font connaissance dans un cimetière, Viola étant une nécromantique convaincue...
Ils vont traverser l'histoire, traverser les guerres, les heures sombres de l'Italie, être l'un pour l'autre comme deux aimants. Plus ils se rapprochent, plus ils se repoussent.
Nous traversons le siècle tandis que ces deux-là continuent de se guetter, se chercher, s'apprivoiser à chaque retrouvaille...
Le temps passe avec ses griffures, ses fissures qui craquellent les moulures des belles demeures, dépose la moisissure à la commissure des fenêtres et des portes...
Les personnages, malgré l'idée séduisante de départ, malgré leur destin hors du commun, malgré leur différence, malgré leur force et leur fragilité, restent toutefois conventionnels, approchés comme on aborde la surface d'une onde sans jamais y pénétrer.
Et le roman hésite sans cesse entre deux versants, oscillant entre enchantement et réalisme, entre fable onirique et fresque historique, comme si jusqu'au bout l'écrivain s'était posé la seule question qui vaille la peine d'être prononcée : que vais-je faire de mes personnages, où vais-je les amener ?
Moi aussi je me suis posé des questions. Qu'en est-il de la folie de Viola ? J'aurais voulu être saisi du même vertige qui la déploya dans les airs lorsqu'elle voulut imiter un oiseau avec des ailes de papier. Sa présence aura toutefois sauvé mon relatif plaisir à cette lecture, mais quel dommage d'avoir traité ainsi un aussi beau personnage !
Qu'en est-il du génie de Mimo ? On voit peu les traces de son art, l'homme étant parfois difficile à suivre dans sa soulographie quotidienne. J'ai eu l'impression qu'il fréquentait davantage les estaminets que son atelier ou la coupole de San Pietro delle Lacrime et à force, les vapeurs d'alcool me sont montées à la tête...
Au départ, il y avait donc une belle promesse et je m'attendais à une lecture qui m'emporte sur la vague de cette promesse.
L'histoire est belle, originale et aurait mérité qu'on lui accorde un meilleur sort.
Visiblement, Jean-Baptiste Andrea sait raconter de belles histoires, mais ce n'est pas un écrivain de l'intériorité. Cela bavarde beaucoup, cela décrit beaucoup, l'écriture manquant pourtant de souffle, accorde peu de place aux respirations.
J'aurais voulu être touché par la grâce d'une écriture qui m'aurait enveloppé de son étreinte charnelle, un peu comme la grâce d'une pietà qui naît des mains magiques d'un artiste au fond de son antre.
Il y a au coeur de ce texte l'idée folle de voler puis de retomber maladroitement au sol.
Le livre ressemble un peu à cela.
Il m'a manqué ainsi différentes choses qui font que ce livre restera pour moi une lecture ordinaire, plaisante certes, mais ordinaire.
J'ai attendu l'incandescence, le vertige, la lumière qui m'éblouirait, le sortilège qui me terrasserait.
J'aurais aimé trouver des aspérités dans les personnages, tout est un peu lisse ici comme le marbre des statuts.
De temps en temps, une petite phrase qu'on pourrait croire de toute beauté perle comme l'éclat faux d'un diamant ou l'écho d'une métaphore incongrue, vite emportée dans l'ennui des dialogues et le rythme d'un récit convenu.
Si encore les personnages avaient été attachants... En dépit de mon regard épris d'une certaine Viola...
Et si enfin, l'auteur n'avait pas été si complaisant, passant sous silence les pages les plus sombres de l'Histoire du Vatican, tant vis-à-vis du régime de Mussolini que du IIIème Reich...
Je pense que j'oublierai vite ce roman cependant pétri de quelques belles intentions, même s'il ne faut jamais se priver du plaisir d'une lecture divertissante et ce livre aura totalement répondu à mon attente de ce côté-là. Mais ce bonheur passera aussi vite qu'il fut venu, n'altérant en rien le moment que j'ai vécu.
Cette déception me rappelle cruellement que lire un livre, c'est renoncer dans le même espace-temps effrité et non élastique à confier nos humeurs étranges et solitaires au livre qui nous sauvera irrémédiablement de la médiocrité du monde.
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« Des diables et des saints » étant l'un de mes plus grands coups de coeur des dernières années, je n'ai pas longtemps hésité à me jeter sur ce nouveau roman de Jean-Baptiste AndreaCent millions d'années et un jour »), qui vient d'ailleurs déjà d'obtenir le prix du roman FNAC.

« Veiller sur elle » invite à suivre la fabuleuse destinée d'un sculpteur de génie, né en France de parents italiens en 1904. Suite au décès de son père lors de la première guerre mondiale, sa mère décide d'envoyer Michelangelo Vitaliani, dit Mimo, chez son oncle, maître Alberto, à Pietra d'Alba. Âgé de douze ans, le garçon, atteint de nanisme, se retrouve apprenti dans l'atelier d'un oncle, certes alcoolique et parfois violent, mais qui a au moins le mérite d'être sculpteur et de lui offrir ses premières armes dans la profession. C'est d'ailleurs en travaillant sur l'un des chantiers de son oncle qu'il rencontre Viola Orsini, la fille d'une des plus riches familles de la région…

Après les notes de piano dans « Des diables et des saints », Jean-Baptiste Andrea plonge cette fois ses lecteurs dans l'art de la sculpture en nous contant la genèse d'une oeuvre bien mystérieuse, suscitant tellement d'émotions que le Vatican a pris le parti de la soustraire au regard de tous. Outre la naissance d'un artiste de petite taille, mais de grand talent, Jean-Baptiste Andrea narre également l'amitié entre deux êtres qui n'auraient jamais dû se rencontrer, mais qui ont cependant la même soif de grandeur et d'évasion. Lui, rêvant d'un succès qui lui permettrait de s'extraire de la pauvreté, elle, refusant son rôle de femme mondaine dans un société patriarcale qui entrave son indépendance et son instruction.

L'auteur déroule cette merveilleuse histoire d'amitié qui invite à réfléchir sur l'art, sur un fond historique qui traverse le XXème siècle, de la première guerre mondiale à la défaite du régime totalitaire mussolinien, en passant par une montée du fascisme qui obligera le jeune Mimo à faire des compromis entre son art et ses convictions, le tout servi par une plume poétique et débordante d'humanité.

Un récit sur l'art de sculpter qui ne devrait laisser personne de marbre !

Coup de coeur !
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En 1986, un vieil homme agonise dans une abbaye italienne. Il n'a jamais prononcé ses voeux, pourtant c'est là qu'il a vécu les quarante dernières années de sa vie, cloîtré pour rester auprès d'elle : sa Pietà et son chef d'oeuvre de maître sculpteur, que le Vatican a pris le parti de soustraire au monde et de tenir au secret, tant, sans que l'on sache se l'expliquer, la statue suscitait l'émotion et la polémique dans le monde. Qu'a donc de si spécial cette oeuvre mystérieuse ? Et quel est le secret de son étrange influence, celé dans son tombeau de pierre en même temps que dans le silence de son créateur ? Nul ne saura jamais, à moins comme le lecteur, d'avoir accès aux pensées du mourant qui, en ses dernières heures, remet mentalement son histoire en ordre…


Né en France de parents italiens, Michelangelo, dit Mimo, perd son père lors de la première guerre mondiale. A douze ans, le garçon, atteint de nanisme, n'en dépasse pas moins déjà largement les talents paternels de sculpteur. Sa mère l'envoie donc chez son oncle, sculpteur lui aussi, à Pietra d'Alba. Exploité et maltraité par son parent plus assidu à manier la bouteille que les ciseaux, l'adolescent desservi par son physique n'est pas pris au sérieux lors de ses premières armes dans la profession. Mais, les chantiers de son oncle l'ayant envoyé chez les Orsini, les riches maîtres du village, il y fait la connaissance de Viola, la fille de la famille, qui, brillante et rêvant d'instruction et d'indépendance, se heurte elle aussi aux murs des préjugés inégalitaires, sexistes cette fois-ci.


Naît alors, entre Viola et Mimo qu'en apparence pourtant tout sépare, une formidable amitié qui, à défaut de jamais laisser la place à un amour impossible, malgré les séparations, les brouilles et les divergences de vue, ne cessera plus de lier ces âmes soeurs. Les deux devront se battre pour leurs rêves et leurs idéaux, Viola pour sa liberté de femme dans une société patriarcale qui la condamne à l'obscurité, Mimo pour celle de son art qui, en l'exposant bientôt à la lumière du succès, le place aussi au coeur des enjeux politiques du fascisme montant. « Toute frontière est une invention, il suffit de croire ». de la tyrannie intime à la tyrannie politique, cette foi leur vaudra chacun un chemin de croix aboutissant très symboliquement à la si dérangeante pietà… Une preuve s'il en fallait que, de nos jours encore, il n'est pas donné de bousculer les conventions structurant profondément la société, qu'il s'agisse de condition féminine, d'art ou de religion…


Campés avec autant de justesse que de tendresse, les deux magnifiques personnages de ce roman confirment la récurrence chez l'auteur des duos attachant platoniquement un jeune garçon malmené par la vie à une jeune fille plus mûre et plus forte au même âge. Un amour d'une grande pureté les lie, qui survit silencieusement aux circonstances faisant diverger leurs trajectoires de vie, et qui, avec toutes leurs failles et leurs complexités, les fait s'incarner dans une histoire lumineuse, habitée et universelle, un vrai moment de grâce et d'émotion, une ode à la liberté sur le fond historique d'une Italie à la fois terre de création artistique, de tradition patriarcale et religieuse, et, en ces années trente, d'invention du fascisme.


On ne se lasse décidément pas des beautés de plume de Jean-Baptiste Andrea. Sobre, poétique et d'une justesse parfaite, celle-ci souligne superbement l'universalité de ses histoires, entre amour le plus pur, sublimation artistique et préservation des idéaux fondamentaux. Coup de coeur.

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Quelle aventure ! Quel roman riche en enseignements, en coups de théâtre et en surprises extraordinaires !
Jean-Baptiste Andrea, récompensé par le Prix Goncourt 2023 pour Veiller sur elle, m'a d'abord intrigué avant de m'entraîner sur les pas de Michelangelo Vitaliani, cet Italien né en France en 1904. Sur ses pas, c'est une prodigieuse plongée dans l'Italie de l'entre-deux guerres avec la montée inexorable du fascisme et l'influence importante de l'Église.
Michelangelo que l'on appelle Mimo, veut travailler la pierre comme son père. Il sera sculpteur. Ainsi, tout au long du récit plein de rebondissements, certains plus ou moins crédibles, je côtoie le monde artistique italien profondément marqué par un autre Michelangelo, Buonaroti celui-ci, que nous nommons Michel-Ange, et Fra Angelico, pour ne citer qu'eux.
L'histoire débute en 1986, retourne en arrière puis revient de temps à autre au monastère de la Sacra, dans le Piémont. Un moine qui n'en est pas un – il n'a pas prononcé de voeux – se meurt après quarante années vécues dans ces lieux. Il a 82 ans et il est là pour Veiller sur elle, une sculpture bien mystérieuse, une Pietà.
Si le mystère est complet, c'est l'histoire de cet homme qui va me captiver. Il est arrivé en Italie à l'âge de 12 ans. À sa naissance, on a remarqué un piccolo problema. Sa taille est anormale. Il souffre d'achondroplasie, de nanisme, mais il fait preuve d'une volonté , d'une force et d'un courage impressionnants.
Veiller sur elle, si ce titre s'applique à cette fameuse Pietà qui intrigue de la première à la dernière ligne, il me fait penser aussi à Viola Orsini, cette fille du même âge que Mimo, sa jumelle cosmique, comme Viola les définit. Leurs relations, à elles seules, donnent un intérêt puissant au livre.
Finalement, après quelques doutes, au début du roman, je me suis laissé emporter par l'écriture de Jean-Baptiste Andrea qui se révèle un fameux conteur. Il sait aussi bien me faire profiter des richesses naturelles de l'Italie du Nord que me plonger dans les bas-fonds de Milan, Gênes ou Rome, avec des descriptions toujours soignées. Il glisse même au passage quelques expressions en italien ou en latin.
Au travers du parcours de Mimo et de la famille Orsini, c'est tout un pan de l'histoire italienne que Jean-Baptiste Andrea me permet de suivre, en la vivant de l'intérieur, sur les pas de Mimo, de Viola, de leur famille, de leurs amis et de leurs ennemis.
Que souffle la tramontane, le sirocco, le libeccio, le ponant ou le mistral, les cinq vents dont Viola ne cesse de répéter les noms afin de les apprendre à Mimo, la prose de Jean-Baptiste Andrea m'emporte au bout d'une histoire captivante, émouvante, souvent bouleversante.
Veiller sur elle : un grand roman !

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L'amour transcendé par l'art et vice versa.
«  Il est des absences dont on ne se remet pas ».
MA-GNI-FIQUE.Ce roman est habité par la grâce, la passion, la beauté.
Je rejoins la déferlante de la rentrée littéraire et l'engouement pour « veiller sur elle », emportée à mon tour par ce lyrisme propre à JBA, cette atmosphère particulière empreinte de magie qui rappelle un peu les contes et qui a un goût d'enfance, ce fabuleux souffle romanesque.
Jean Baptiste Andrea nous offre une incroyable fresque qui traverse un demi-siècle d'histoire italienne et dont la fin sublimissime m'a renversée.
« Tramontane, sirocco, libeccio, ponant et mistral, je t'appelle du nom de tous les vents» 💨 et celle que le nabot MichelAngelo Vitaliani dit Mimo, sculpteur de génie, appelle désespérément dans ce chant incantatoire c'est Viola sa « jumelle cosmique », son alter ego. Son amie/ amoureuse éternelle.
Mimo est un adolescent pauvre lorsqu'il rencontre Viola, riche fillette un peu lunaire qui arpente les cimetières, alors qu'il est envoyé après la mort de son père en apprentissage chez un oncle acariâtre, sculpteur sans talent, pour devenir son apprenti. C'est dans la vallée italienne de Pietra Alba que Mimo s'entiche de cette fille singulière issue de la puissante et clanique famille Orsini. Selon la rumeur Viola aurait le don de se changer en ourse.

Le roman présente un récit à deux temporalités et débute en 1986 dans un monastère italien où Mimo âgé, entouré d'un cercle de frères, va rendre son dernier souffle. Il serait le sculpteur d'une oeuvre mystérieuse à la beauté surnaturelle mise à l'écart du public dans une crypte ultra-sécurisé par le Vatican on ne sait trop pour quelle raison. C'est en se plongeant dans l'histoire de son sculpteur Mimo qu'on va être éclairé.

Dès leur rencontre Mimo le débrouillard et Viola la fille qui voulait voler, ne se quittent plus. La vie les séparera nombre de fois « nous ne savions plus qui était le miroir de l'autre », ils vivront une amitié « maintes fois rapiécée » mais « tout redevient toujours comme avant ». Avec poésie et sensualité l'auteur évoque le mystère de la création artistique et la relation au modèle.

Dans une Italie troublée par le fascisme leurs destins compliqués connaissent nombre d'aventures et de rebondissements : tentative d'assassinat, inventions de machine, convalescence, création artistique, voyage dans le temps, catastrophe naturelle, lutte antifasciste…
J'ai adoré le rapport à l'art, à la sculpture et à la création artistique, les descriptions sont magnifiques. C'est une histoire romantique d'une infinie délicatesse, emplie de fougue et de candeur.
« Tramontane, sirocco, libeccio, ponant et mistral, je t'appelle du nom de tous les vents » lecteur pour t'implorer de lire ce bijou au plus vite!
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En ce jour d'automne 1986, en Italie, un des trente-deux frères qui habitent encore l'abbaye se meurt. Ce n'est pas un mourant comme les autres. Lui, Il Francese, est le seul en ce lieu à ne pas avoir prononcé de voeux, et pourtant on lui a permis de rester pendant quarante ans. « Il est là pour veiller sur elle ». Elle, c'est cette statue qu'il a sculptée, cette Pietà, une oeuvre majeure qui a sidéré et fasciné, celles et ceux qui ont eu le privilège de la contempler.
Luttant contre la mort, il se souvient… C'est ainsi que défile le récit de sa vie, à rebours.
Né en France en 1904, de parents italiens pauvres, Michelangelo Vitaliani dit Mimo est atteint d'achondroplasie, il est de petite taille. Il va découvrir son pays l'Italie, au décès de son père, en octobre 1916, lors de la Première guerre mondiale. En effet, sa mère l'envoie alors en apprentissage dans un petit atelier turinois, chez Zio Alberto, un sculpteur de pierres comme l'était le père de Mimo, mais sans envergure. Fin 1917, Alberto et son apprenti partent s'installer à Pietra d'Alba.
À l'extérieur du village, en lisière de forêt, se dresse la villa du très riche clan des Orsini.
Viola Orsini est la fille de cette famille prestigieuse. Elle est extrêmement intelligente, féministe et ambitieuse. Elle a même trop d'ambition pour se résigner à la place qu'on lui assigne et rêve de voler pour échapper à sa condition féminine.
Le jeune garçon est un nain, certes, mais il est beau et surtout il est un génie précoce qui a le don de comprendre la pierre et de savoir la tailler à merveille.
Ces deux êtres qui n'auraient jamais dû se rencontrer, vont, au premier regard se reconnaître et ne jamais se quitter. Entre la jeune et riche aristocrate et le modeste ouvrier sculpteur va naître une liaison platonique, ils ne pourront ni vivre ensemble, ni rester loin l'un de l'autre.
Veiller sur elle, de Jean-Baptiste Andrea, Prix Goncourt 2023 nous invite à suivre la destinée de ce sculpteur hors-pair dans l'Italie de l'entre-deux-guerres avec la montée du fascisme et l'arrivée au pouvoir de Mussolini. La religion, son poids, ses secrets, son influence dans de nombreux domaines sont présents tout au long du roman.
En parallèle à l'ascension du petit Mimo , Jean-Baptiste Andrea brosse avec talent le portrait parfois presque fantastique d'une femme prête à tout pour conquérir sa liberté. Il n'oublie pas les autres personnages qui sont tous, bien analysés psychologiquement, parfois peut-être de manière un peu caricaturale.
Ce roman d'amour inscrit dans ces années de fureur qu'a connues l'Italie montre bien le fossé qui existait entre les riches aristocrates et leurs journaliers quasiment asservis. Hymne à l'art en général et à la sculpture en particulier, il permet également d'en suivre l'évolution dans cette première moitié de vingtième siècle, sans oublier le cinéma, ce septième art, dont il est aussi question avec la visite du studio mythique Cinecittà, outil de propagande fasciste.
Les descriptions, telles des tableaux de peintre, somptueuses en couleurs, des jardins et de la forêt qui entourent la villa Orsini, du village de Pietra d'Alba avec sa pierre un peu rose, mêlées aux fragrances émanant des orangers, citronniers et bigaradiers m'ont donné l'illusion de me promener au coeur de ces paysages et procuré de belles émotions.
Veiller sur elle est certes un roman d'amour plein de rebondissements, habité par la grâce et la beauté, dont l'intérêt est augmenté par son déroulement dans une période majeure de l'histoire de l'Italie, pourtant je n'ai pas été emportée autant que je l'espérais, le trouvant un peu long et manquant d'éclat, trop foisonnant de thèmes divers.

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A l'été 1986, « la main de Dieu » aide Diego Maradona à emmener l'Argentine vers un deuxième titre au Mondial de football.

A l'automne suivant, le sculpteur Mimo (Michelangelo Vitaliani), s'éteint discrètement, à l'âge de 82 ans, dans un monastère italien veillant sur sa pietà, son oeuvre la plus célèbre, la plus polémique, la plus sulfureuse … cachée ici, loin des regards humains pour éviter tout scandale.

Ainsi s'achève le calvaire d'un artiste né en 1904 sous une mauvaise étoile (émigré, nain et orphelin) dont la carrière (1926-1946) s'est accomplie sous Mussolini et ses chemises noires, la seconde guerre mondiale, et le tremblement de terre de 1946 qui l'incite à se réfugier dans un couvent.

Une carrière qui profite largement du mécénat de la famille Orsini et de l'influence de Stéphano, hiérarque fasciste, et de son frère Francesco, prêtre faisant carrière à l'ombre de Monseigneur Pacelli, futur Pie XII. Une vie influencée par Viola, la cadette de la fratrie Orsini, aussi indépendante que brillante, au caractère bipolaire … pouvant aussi bien l'envoyer en l'air qu'en faire une « ours ».

Mimo laisse à la postérité une oeuvre profane et religieuse aussi disparate qu'extraordinaire. Les commandes de l'administration mussolinienne ont rarement survécu à la guerre et aux règlements de compte de la libération. Celles du Vatican ou des paroisses comptent notamment un « Saint François » et un « Saint Pierre recevant les clés du paradis » qui font date dans l'histoire de l'art et semblent inspirées par « la main de Dieu ».

Jean-Baptise Andrea conte ses personnages, leurs ambiguïtés et leurs ambitions, avec délicatesse et les enracine dans des paysages superbes et un contexte historique qu'il reconstitue en s'accordant quelques libertés (Mgr Eugenio Pacelli est nonce en Allemagne de 1917 à 1929 ; il est improbable qu'il passe en 1920 à Pietra d'Alba chez les Orsini) mais dont la trame est solide. Il romance son intrigue habilement en chuchotant en quelque sorte l'ultime confession de Mimo à Padre Vincenzo, et révèle progressivement le secret de cette Pieta Vitaliani, sculpture ambiguë, en rupture avec la tradition, confiant l'humanité soufrante à Marie, pour « veiller sur elle », à la veille de la Résurrection.

Ce roman guidé par « la main de Dieu », à l'instar de la Pieta Vitaliani, rayonne d'espérance et enchante le lecteur avec les trésors florentins de Fra Angelico ou les chefs d'oeuvres romains de Michel Ange.

Un excellent prix Goncourt 2023 que je préfère au macabre « Vivre vite » (2022) et qui me semble du même niveau que « La Plus Secrète Mémoire des hommes » (2021)

PS : Rhapsodie italienne, sur la même époque
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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