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3,12

sur 34 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Luna, sa soeur et sa mère habitent dans le douzième arrondissement de Paris, porte de Vincennes, un appartement de quatre-vingts mètres carrés dans ces barres rouges de HBM, habitations bon marché.
Luna raconte, le présent, le passé et surtout son mal-être et ce, à la deuxième personne, en s'adressant à nous, lecteurs.
Elle fait part de ce malaise qui va atteindre son paroxysme à la suite d'une soirée en boîte de nuit, où, après s'être rendue au fumoir pour griller une cigarette, elle va subir le regard d'un homme inconnu, puis ses doigts dans sa chevelure, son corps tout près du sien et cette phrase assassine : « Tu viens d'où ? Allez dis ! Tes cheveux ils viennent d'où ? Ils viennent pas du douzième arrondissement, il dit », ajoutant que les métisses, ça l'excite.
Depuis cette agression, elle a tenté d'occulter ce souvenir et n'en a parlé à personne.
Si elle a été fière de pouvoir dresser son arbre généalogique, a adoré raconter ses histoires de voyages quand, elle avait toujours vécu dans le même immeuble au bord du périphérique, qu'elle n'avait jamais mis les pieds au Niger, en Argentine, en Algérie, en Russie ou en Roumanie où ses ancêtres avaient bourlingué, voilà que « Quelque chose s'est cassé ». Ses relations sont maintenant gangrenées par les fantasmes d'exotisme et d'érotisme qu'on projette sur elle. Remontent à la surface de sa mémoire, les phrases toujours les mêmes qui lui sont lancées, les phrases de la rue, les phrases du bus, des terrasses de café et elle a peur de n'être pour les autres, plus qu'un corps.
Des couleurs, beaucoup de couleurs traversent ce premier roman de Anouk Schavelzon, le rouge et le bleu en étant les principales, même si le gris, comme celui de la ceinture grise est aussi très présent. Ce rouge que l'héroïne voudrait effacer pour tout recouvrir de bleu car le bleu est doux, le bleu est la couleur du passé, de l'acceptation, le bleu n'abîme pas, recouvrir son histoire du voile bleu de l'oubli.
Un chapitre m'a particulièrement touchée où il est question d'odeur et de couleur. Luna donne quelques conseils de coloriage liés à des souvenirs d'enfance, aux enfants dont elle a la garde pour se faire un petit pécule pour les vacances. Des conseils sur les couleurs, les adultes simplifiant toujours, voyant les gens en noir et blanc.
La plume de Anouk Schavelzon est très originale. Anaphores et vers libres viennent rythmer une écriture visuelle et musicale puissante.
Ce roman est d'une grande sensualité et il met brillamment en exergue le corps et son langage. le langage des mains est à lui seul, parfois, plus expressif que tous les mots prononcés.
Le bleu n'abîme pas de Anouk Schavelzon est un roman, une autofiction sans doute, centrée sur le récit des origines. Il est aussi une puissante réflexion sur le métissage, et la place qu'il assigne socialement. Un premier roman parfaitement maîtrisé dans lequel l'autrice a su faire passer de manière sublime et poétique, à la fois la honte, la fierté et la violence intérieure qui animent l'héroïne et son énergie inaltérable pour revenir à ses origines !
Merci aux éditions du Seuil / Fiction & Cie et à Babelio.

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�hronique🌀

Quelque chose s'est cassé

Reste à déterminer le quelque chose. Reste à déterminer ce qu'il est possible de casser. Est-ce qu'on casse quelque chose en soi en acceptant? Où est-ce que cette cassure redetermine une façon de penser? Il parait que c'est au travers des fissures que la lumière peut jaillir. Peut-être. Ce n'est pas que j'émets un doute, mais cette chose qui se casse à l'intérieur porte un nom: traumatisme. Il y a de la violence dans ce mot. Une violence dont on ne peut soupçonner l'impact. L'héroïne se serait sans doute bien passé de cette agression. Même si elle va apporter de la lumière, des couleurs, des histoires et des mots bleus, il n'en reste pas moins, que l'acte est abject. A l'intersection de son éclosion, il y a cet homme blanc qui arrive et saccage tout, et plante une question bien rouge sang, toxique et venimeuse: tu viens d'où?
Alors elle va chercher son origine, son identité, sa singularité. Elle va chercher ce qui fait d'elle ce qu'elle est, des pieds à la tête, du sang à la moelle, de la peau jusqu'à l'ADN. Elle cherche, se cherche, recherche dans les couleurs, les parfums, les souvenirs. Elle cherche dans les histoires, les carrefours, les archives. Elle est le fruit d'une transmission multiple et colorée, elle est vibration et sensualité, elle est remplie et vide de mots, elle est spoliée du sens de ces déterminants. Elle est poème, première, lionne. Elle est si belle, intuitive, curieuse. Elle veut le bleu, une maison bleue, tout en bleu. Dans sa tête, le bleu c'est l'apaisement, la maison bleue, le refuge, tout en bleu, car le bleu n'abîme pas. On peut se réinventer dans le bleu. Il existe un possible dans le bleu, réparer ce quelque chose qui s'est cassé…

Il faut qu'il pleuve sur les braises.

Je crois que parfois, nos corps grincent trop. Ils grincent, se tordent, crient une douleur qui vient de loin, plus loin encore qu'une histoire de peau, une histoire de génétique qu'il faut apaiser…Cette jeune femme m'a émue dans ses feux, dans ses vagues, dans ses frémissements. Elle raconte avec subtilité, entre pudeur et colère, sa condition de femme et sa réalité intersectionnelle. Mais au travers de ses expériences et de ses souvenirs, elle nous livre des histoires émotionnelles, familiales, sensorielles. Des histoires avec beaucoup trop de rouge. Mais avec mon petit coeur guimauve, puisque le rose-douceur n'abime pas non plus, je voudrais faire tomber une pluie bleue, utile et bienveillante, pour nettoyer son chemin, là où elle pense aller…Et j'irai avec elle…
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La voix de Anouk Schavelzon risque de ne laisser personne indifférent avec ce premier roman, le bleu n'abîme pas. À partir du récit de trois journées particulières, elle mélange, comme un chant, proses et poésies mêlées, ses recherches personnelles sur l'identité.

Luna se présente au lecteur dans une discothèque, son corps plongé dans la transe de la musique. Elle est dérangée par l'agression sexiste d'un homme, qu'elle surnomme mon tout blanc : À partir de sa chevelure en crinière, il lui chuchote ses fantasmes, la réduisant à ses origines » Tu viens d'où », » Tes cheveux, ils viennent d'où « . La jeune femme décide de se jouer du désir fantasmé de l'homme. Seulement, ainsi, elle se rend compte de son manque de respect pour son propre désir.
Doit-on être réduit aux fantasmes d'autrui pour exister ?

Qui est-on ? Reprenant l'insulte qui ramenait son héroïne à une identité, Anouk Schavelzon s'interroge sur ce concept. Elle questionne sa féminité et sa sexualité, à partir de cette assignation, qu'un blanc ou blanche ne se pose jamais de la même manière, tant le destinataire est sommé de répondre aux stéréotypes suggérés.

Au cours du second jour, Anouk Schavelzon dévoile la richesse de ses origines, la diversité des parcours et l'apport d'une identité monde, loin de la réduction dont on veut l'assigner. du Niger à la France, sa famille vient des quatre coins du monde, sans que l'une origine prenne le pas sur l'autre.

Pour ne pas être salie par la blessure de l'assignation identitaire, Anouk Schavelzon, avec sa narratrice, célèbre ce qui fait la richesse d'un métissage. Sa chevelure et les soins qu'elle lui porte sont la métaphore trouvée par l'héroïne pour célébrer la fierté d'être soi. Par conséquent, ce sont tous les sens qui sont sollicités par ce brassage. Et , c'est un festival de sensations auquel elle nous convie. Comme son grand-père, déclarons que l'origine est « une question posée pour établir une carte d'identité », mais qu'elle « est tellement exagérée ! »
Coup de coeur

Répondant à des questions d'une intensité très actuelle, Anouk Schavelzon, en mélangeant différentes figures de styles, prouve que ce concept identitaire n'est que leurre. Sa diversité renvoie à la diversité des styles qu'elle utilise. Avec, en toile de fond, la couleur bleue qui permet d'oublier et qui n'abîme pas ! Un coup de coeur pour à la fois la richesse de l'écriture et l'intensité du thème choisi.
Remerciements

à Babelio pour sa masse critique privilégiée et aux Editions du Seuil
Lien : https://vagabondageautourdes..
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Un grand merci aux éditions Seuil et à Babelio pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une Masse critique privilégiée.

Le bleu n'abîme pas, titre étrange au premier abord, évoque la vie d'une jeune femme métisse, Luna, et sa vie en région parisienne avec sa famille.
Mais un évènement la changera à jamais : une agression physique et verbale par un homme en boîte de nuit.

Depuis, "Quelque chose s'est cassé".
Elle et sa vie ne seront plus jamais les mêmes.
Comment se remettre d'un traumatisme ? Peut-on le surmonter sans séquelles ?

Ce roman mélange récit de l'histoire de Luna avant et après le choc, mais comporte aussi des passages poétiques comme pour montrer l'esprit tourmenté de la jeune femme.
D'abord déstabilisée par sa forme originale, j'ai ensuite pris goût à ce style d'écriture et ai eu envie de savoir si Luna allait pouvoir se reconstruire après ce qu'elle a vécu.
Premier roman d'Anouk Schavelzon très encourageant pour la suite.
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Rentrée Littéraire 2024 Premier roman

Je remercie Babelio, Masse Critique et les Editions Seuil pour la découverte de ce roman.

Luna a une famille cosmopolite : Niger et Algérie du côté maternel, Argentine et France du côté paternel.

Dans son enfance, la jeune femme était très fière d'expliquer ses origines à ses camarades de classe. D'autant plus que ses yeux bleus et ses cheveux châtains ne la distinguaient pas particulièrement des autres.

Pour redresser sa colonne vertébrale, Luna a dû porter pendant deux ans un corset. Pendant cette période, son corps d'adolescente s'est transformé en celui d'une femme. Ce corps, métamorphosé presque à son insu, lui est renvoyé par « le regard des autres, tes yeux bleus de Russie, de Roumanie, de France. Tes cheveux un mélange de la France et du Niger. Tes fesses hautes, tes hanches pleines du Niger. Ton histoire, leur histoire à eux, Inna, Abba, Vito et Danièle, pour dire ton anatomie, pour expliquer le désir qui monte. Les métisses ça m'excite, il a dit. «

Luna raconte le harcèlement du regard de certains hommes qui lui renvoient leurs propres fantasmes. Elle subira d'ailleurs des violences dont elle n'osera pas parler. La honte et le dégoût d'elle-même s'installent, elle n'éprouve plus de fierté à être métissée. Elle ne veut plus répondre aux questions sur ses origines.

Jusqu'au jour où elle visionnera une interview de son grand-père maternel sur le site de l'INA…

Le roman est scindé en trois parties allant du 31 Mai, 17 Juin et 20 Août. J'ai eu du mal à entrer dans le roman pendant toute la première partie qui est celle de l'agression sexuelle. Les deux autres sont axées sur la recherche d'identité, la réappropriation de son histoire familiale par Luna.

C'est ce qui m'a le plus intéressée dans ce premier roman, dont j'ai trouvé le style fluide avec quelques « échappées poétiques ».
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Luna vit à Paris avec sa mère et sa soeur (Esther). Fréquente un établissement scolaire dans le Marais. Fait accepter avec brio sa « différence ». Tient à être appréciée pour ce qu'elle est. Luna a une meilleure amie (Élodie) et un petit job de baby-sitting près de jumeaux de sept ans (Louis et Maxime) Une vie classique d'ado, quoi …

Pour l'anecdote, Luna a un quart de sang argentin, algérien, nigérian et français. La « faute » à ses grands-parents (Inna, Abba, Vito et Danièle) Luna en a marre qu'on la questionne sur ses « origines ». Surtout depuis qu'un homme (en boite de nuit) s'est permis de « sexualiser » son métissage … La jeune fille qui, jusqu'à présent, avait vécu son côté « exotique » sans trop s'interroger, va commencer à s'identifier sous un autre aspect. Entamer un voyage qui va la rapprocher de ses ancêtres …

Un beau récit intimiste. Une introspection qui va se transformer en une prise de conscience soudaine, quant à une triste réalité dont elle s'était tenue éloignée : l'intolérance déguisée derrière le paternalisme « bon enfant » de ceux qui sont persuadés de leur légitimité et de leur supériorité raciales … Un témoignage qui me touche profondément et me parle (même si j'ai eu – parfois – un peu de mal avec le style littéraire de l'auteure …)

Je remercie vivement la masse critique privilégiée de Babelio ainsi que les Éditions Seuil pour cet envoi !
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Une agression dans un fumoir lors d'une soirée s'apprête à faire tout ressortir pour la narratrice. Des souvenirs qui vont se mettre à affluer tout comme les questionnements sur l'identité, au plus près des sensations du personnage. le texte d'Anouk Schavelzon mélange avec justesse poésie et oralité pour saisir ce qui se joue chez la narratrice suite à cette agression, une femme que l'on sent proche de l'autrice en sous-texte et qui invite à la révolte. Une femme qui questionne sa trajectoire à travers son métissage et l'environnement dans lequel elle a grandi, plutôt issu de la classe moyenne. La narratrice invite à ne pas laisser figer des questionnements récurrents qu'elle rencontre, notamment le "Tu viens d'où" qui charrie son lot de clichés. Au final cela donne un bouquin qui sort des sentiers battus et qui livre une réflexion puissante sur l'identité, que ce soit sur le fond ou sur la forme.
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"Ta cambrure et ton cul
tes cheveux ils viennent d'où
Allez! Dis! Il dit.
Raconte, il souffle"

Ça débute ici ou peut-être avant dans les yeux famille ça débute là où les mots s'empreintent pour se défendrent parce qu ils ne savent pas dire au bon endroit
Ça débute la bière au sol l'insistance d'une main au cuir chevelu
une main excitée descend le long d'un dos métissé
A décimer les fantasmes tout blancs pour la honte pour la peur

j'aime tes courbes et tu me dois obéissance dit l'ancêtre colon blanc
Homme blanc à mulâtre dans l ancien temps vraiment?
le sexe attend aux courbes comme bienvenue faire comme si pas d'autorisation
l'homme prend
et les femmes de grignoter lentement des acquis fragiles
trop
fragiles
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Ce n'est pas une lecture facile : de par ses thématiques (agression sexuelle, racisme, arbre généalogique et origines...) ou sa forme, et son style écriture. Parfois il n'y a qu'une phrase sur une page, parfois les mots se répètent, toujours il y a de la force dans le propos.

Même si le roman est dans la catégorie "Fiction et cie" de l'éditeur, on sent que l'autrice y a mis beaucoup d'elle-même, et qu'il y a une part de vécu. Métisse, comme son personnage de Luna, qui en a marre qu'on lui demande "d'où elle vient".

Elle parle de sa famille, de sa mère et sa soeur avec qui elle vit, des ancêtres qu'elle a plus ou moins connus. La première partie parle beaucoup de son agression, et de toutes celles du quotidien. La seconde se concentre plus sur la famille et la recherche des origines.

J'ai beaucoup aimé cette lecture, et son honnêteté.
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Une jeune femme raconte une soirée en boîte de nuit parisienne qui la hante. Un inconnu se colle à elle et lui demande d'où elle vient en touchant ses cheveux frisés. Les métisses l'excitent.
Ses grands-parents lui ont légué plusieurs origines. Ils sont nés au Niger, en Argentine, en Algérie et en France.
Cette agression sexuelle l'empêche de dormir, de vivre. Son corps ne lui appartient plus.
Avec beaucoup de poésie et de rythme, certains passages pourraient être slamés, ce premier roman introspectif nous plonge dans les pensées d'une jeune femme après un harcèlement.
Le titre fait référence à sa tentative de recouvrir ce souvenir rouge de bleu pour l'adoucir.
Luna nous explique qui est sa famille, sa vie, son enfance. Elle a déjà vécu quelques événements traumatisants. Aujourd'hui elle vit dans un appartement avec sa mère, prof de philosophie, et sa soeur.
J'ai aimé écouter cette voix originale. Un texte qui pourra paraître difficile pour certains lecteurs mais que j'ai beaucoup apprécié pour ma part. Si vous aimez les textes intimistes et que le côté fragmentaire ne vous fait pas peur, alors laissez-vous tenter par cette belle plume prometteuse.
Je remercie Babelio et le Seuil pour cette masse critique privilégiée

Lien : https://joellebooks.fr/2024/..
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