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Critique de Cancie


Luna, sa soeur et sa mère habitent dans le douzième arrondissement de Paris, porte de Vincennes, un appartement de quatre-vingts mètres carrés dans ces barres rouges de HBM, habitations bon marché.
Luna raconte, le présent, le passé et surtout son mal-être et ce, à la deuxième personne, en s'adressant à nous, lecteurs.
Elle fait part de ce malaise qui va atteindre son paroxysme à la suite d'une soirée en boîte de nuit, où, après s'être rendue au fumoir pour griller une cigarette, elle va subir le regard d'un homme inconnu, puis ses doigts dans sa chevelure, son corps tout près du sien et cette phrase assassine : « Tu viens d'où ? Allez dis ! Tes cheveux ils viennent d'où ? Ils viennent pas du douzième arrondissement, il dit », ajoutant que les métisses, ça l'excite.
Depuis cette agression, elle a tenté d'occulter ce souvenir et n'en a parlé à personne.
Si elle a été fière de pouvoir dresser son arbre généalogique, a adoré raconter ses histoires de voyages quand, elle avait toujours vécu dans le même immeuble au bord du périphérique, qu'elle n'avait jamais mis les pieds au Niger, en Argentine, en Algérie, en Russie ou en Roumanie où ses ancêtres avaient bourlingué, voilà que « Quelque chose s'est cassé ». Ses relations sont maintenant gangrenées par les fantasmes d'exotisme et d'érotisme qu'on projette sur elle. Remontent à la surface de sa mémoire, les phrases toujours les mêmes qui lui sont lancées, les phrases de la rue, les phrases du bus, des terrasses de café et elle a peur de n'être pour les autres, plus qu'un corps.
Des couleurs, beaucoup de couleurs traversent ce premier roman de Anouk Schavelzon, le rouge et le bleu en étant les principales, même si le gris, comme celui de la ceinture grise est aussi très présent. Ce rouge que l'héroïne voudrait effacer pour tout recouvrir de bleu car le bleu est doux, le bleu est la couleur du passé, de l'acceptation, le bleu n'abîme pas, recouvrir son histoire du voile bleu de l'oubli.
Un chapitre m'a particulièrement touchée où il est question d'odeur et de couleur. Luna donne quelques conseils de coloriage liés à des souvenirs d'enfance, aux enfants dont elle a la garde pour se faire un petit pécule pour les vacances. Des conseils sur les couleurs, les adultes simplifiant toujours, voyant les gens en noir et blanc.
La plume de Anouk Schavelzon est très originale. Anaphores et vers libres viennent rythmer une écriture visuelle et musicale puissante.
Ce roman est d'une grande sensualité et il met brillamment en exergue le corps et son langage. le langage des mains est à lui seul, parfois, plus expressif que tous les mots prononcés.
Le bleu n'abîme pas de Anouk Schavelzon est un roman, une autofiction sans doute, centrée sur le récit des origines. Il est aussi une puissante réflexion sur le métissage, et la place qu'il assigne socialement. Un premier roman parfaitement maîtrisé dans lequel l'autrice a su faire passer de manière sublime et poétique, à la fois la honte, la fierté et la violence intérieure qui animent l'héroïne et son énergie inaltérable pour revenir à ses origines !
Merci aux éditions du Seuil / Fiction & Cie et à Babelio.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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