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sur 1203 notes
Emmanuel, (tu me permets de t'appeler Emmanuel? Tu crées dans ton livre une intimité si forte, une intimité que tu imposes presque au lecteur, sans le préparer, que je ne me vois pas écrire autrement ce billet sur ton livre qu'en m'adressant à toi. Mais ne t'inquiète pas, une fois fini, je repasserai au vouvoiement si je dois un jour m'adresser à toi. C'est juste le temps de quelques lignes).

Emmanuel donc,

Ça faisait longtemps que je n'avais pas lu un livre qui me laisse avec autant d'amertume, de dégoût. Après tout, chapeau bas, c'est le propos de ton livre, tu veux livrer de toi une image, en tant qu'homme, en tant que fils (mais moins en tant que père), qui pousse le lecteur à te mépriser et c'est une réussite.

Pourtant, ça partait bien, l'angle du livre était intéressant. Mêler une enquête, celle autour de ton grand-père, probablement abattu pour faits de collaboration pendant la Seconde Guerre mondiale, véritable cadavre dans le placard de ta famille, à un reportage dans un bled paumé de Russie, Kotelnitch, autour d'un Hongrois, prisonnier de guerre enfermé dans un hôpital psychiatrique pendant plus de cinquante ans. Avec tout autour l'interrogation sur tes racines russes. Mais au final, tu ne parles essentiellement que de toi, toi et ....oui, toi. La trame de fond ne sert que de décor à la mise en scène nombriliste que tu orchestres.

Certes, la trame est bien menée, je te l'accorde. Tu réussis à se faire combiner de manière fluide l'enquête, le reportage en Russie à ta relation chaotique avec Sophie, qui vient soutenir et orienter les charnières de la narration. le désastre de ta vie amoureuse vient parfaitement se marier à la tristesse de la vie à Kotelnitch, ville morbide, aux accents de l'ex-Union Soviétique. A te croire, tu serais un aimant à malheurs, voire un amant de malheur. Je trouve surtout que tu fais un étalage exhibitionniste totalement inutile dans ce livre et que tu ferais mieux de réserver ces propos à ton psychanalyste. Ce livre est finalement un peu ta télé réalité à toi, non?
J'ai été extrêmement choquée par la minutie avec laquelle tu décris l'escalade, que dis-je, la pente descendante de ta relation avec Sophie. Soit elle t'a donné son aval pour dévoiler à la face des lecteurs les méandres de vos rapports, de vos disputes, tromperies et autres, et dans ce cas, amen. Mais il faudrait à mon sens être sacrément dérangée pour accepter cela. A sa place, j'aurais eu envie d'aller me cacher dans un trou encore plus paumé que Kotelnitch et n'en jamais sortir. Loin de moi de dire qu'elle est irréprochable (quoi que c'est ta version des faits que l'on a). Mais écrire avec autant de précisions des choses si intimes, il faut vraiment vouloir ravager quelqu'un pour le faire.

Je retiens de ton livre que tu l'as écrit pour (te) faire mal. Consciemment ou pas. Tu dis vouloir te délivrer de la souffrance que le poids de ton grand-père fait peser sur ta famille, tu t'auto-flagelles, mais en l'écrivant, tu la couches sur papier pour l'éternité et tu graves un souvenir à vif dans les yeux de ceux qui t'aiment. Sans pour autant sembler t'en émanciper, t'en affranchir davantage. Mais en alourdissant la leur. Peut-être pas après tout, je n'ai pas la prétention de savoir mieux que toi ce qu'ils ressentent.

Enfin au-delà du récit, ton mépris des gens qui ne mènent pas ton train de vie me dépasse. Oui Emmanuel, nous n'avons pas tous une famille qui a pu subventionner un mode de vie de classe moyenne voire haut de gamme, avec des passe-droits, qui permettent de faire ce que l'on veut, de prendre le temps de se décider, sans stress. Alors avant de remettre en cause Bourdieu comme tu le fais, je ne le ferai pas mais je trouverais ça drôle de te parler de mon parcours, moi qui viens du bas de l'échelle et qui ai nagé à contre-courant pour essayer de faire ce que j'aime. Et bizarrement, j'ai la tête hors de l'eau mais je ne suis pas encore à bord du paquebot de mes rêves, alors que je suis bien meilleure nageuse que bien de ceux qu'on a fait monter avant moi. Voilà pour la métaphore.
Le seul courage que tu as c'est d'admettre la condescendance que tu portes au commun des mortels. Et de dire tout haut ce que de nombreux autres héritiers privilégiés comme tu nommes ceux de ta classe pensent, mais refuseront toujours de dire en public. Tu dois penser que c'est cool de la jouer provoc', de te dire que le salariat, l'idée de devoir poser des congés payés, ça te dépasse totalement, que travailler pour gagner sa vie, franchement, c'est nul.

Là où j'ai quand même bien ri, c'est à ce passage, relatant un des dîners réunissant tes amis : "[...] quelqu'un demande à Sophie ce qu'elle fait dans la vie et où elle doit répondre qu'elle travaille dans une maison d'édition qui fait des manuels scolaires, enfin, parascolaires. Je sens que c'est dur pour elle de dire ça, et moi aussi j'aimerais mieux qu'elle puisse dire : je suis photographe, ou luthière, ou architecte; pas forcément un métier chic ou prestigieux, mais un métier choisi, un métier qu'on fait parce qu'on aime ça. Dire qu'on fait des manuels parascolaires ou qu'on est au guichet de la Sécurité sociale, c'est dire : je n'ai pas choisi, je travaille pour gagner ma vie, je suis soumise à la loi de la nécessité". Tout est dit.

Allez, je dirai quand même que ton style accroche le regard et nous retient. Jusqu'au bout, j'ai eu envie d'en savoir plus sur Ania, pauvre russe francophile et francophone, assassinée pour des raisons très troubles à Kotelnitch. Et sur le devenir de ce reportage sans queue ni tête, seul point digne d'intérêt que je retiens de ton livre.

Je vais m'empresser de vite lire au moins un autre de tes livres, pourquoi pas l'Adversaire, celui-là même qui a terriblement signé la fin de ta relation avec Sophie ?

En espérant préférer l'auteur à l'écrivain.
Lien : http://labiblidemomiji.wordp..
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Je ne comprends pas pourquoi certains écrivains se sentent si différents du reste de l'humanité pour éprouver ce besoin égocentrique de publier leur petite psychothérapie, origines, ascendance, états d'âme, amours platounettes et tutti quanti...
Même si Emmanuel Carrère est loin de la fatuité d'un Olivier Adam avec ses "Lisières" ou d'un Tonvoisin avec sa "Solitude de l'ange", je regrette de constater qu'il m'a, à peu près, autant ennuyée qu'eux dans sa petite introspection.

L'ensemble est assez décousu et, sans doute, aussi confus que son état d'esprit au moment de l'écriture de ce roman. Son histoire d'amour avec sa Sophie est d'une banalité affligeante et je m'étonne qu'il ait pu penser qu'elle puisse intéresser quelqu'un d'autre que lui même.
Hormis les paragraphes concernant son aïeul, dont je n'ai pas très bien saisi, non plus, l'importance, les parties relatives à ses séjours en Russie auraient réellement pu être intéressantes, si elles n'avaient pas été le prétexte à s'épancher, encore et toujours, sur ses petits conflits intérieurs.

Et, il conclut en dédiant son livre à sa mère, Hélène Carrère d'Encausse. Mouais... Je ne connais pas personnellement cette dame mais, pour ma part, et bien qu'ayant une excellente relation avec mon fils, je ne suis pas certaine que j'aurais accueilli avec un enthousiasme délirant qu'il me dédie un bouquin dans lequel il détaille par le menu ses fantasmes et autres parties de jambes en l'air.

J'ai malgré tout mis deux étoiles à ce roman car il m'a tout de même "gardée" jusqu'à la fin mais, soyons honnêtes, quand on continue de lire essentiellement parce que l'on a commencé, il n'y a pas de quoi se réjouir.

Je vais donc vite oublier ce "Roman Russe" et, comme j'aime bien l'auteur, ne lui en tiendrai pas rigueur. Mais je vais attendre un peu avant d'ouvrir le fameux "Royaume" que l'on vient de m'offrir pour mon anniversaire.
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Pas simple pour moi d'évoquer le ressenti après la lecture de ce magnifique livre...
Emmanuel Carrère nous entraîne à la recherche de ces non-dits qui ont fait l'histoire de cette famille tourmentée.
Il nous raconte, sans pudeur, son amour pour Sophie mais nous montre tel qu'il est. Tour à tour on le comprend, on le déteste, on le plaint, on a envie de le secouer ou de le prendre dans nos bras pour le consoler.
Il nous fait voyager dans ce petit village russe, pauvre, où l'ombre du communisme persiste et régit encore le comportement des gens.
Un livre puissant, marquant. Une écriture incisive, simple et précise.
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D'entrée de jeu, je voudrais dire comment ce roman russe m'a touché droit au coeur. Et, cette sublime phrase qu'écrit Emmanuel Carrère à sa mère à la fin du livre.

" C'est étrange, mais parfois, en écrivant ce livre, j'ai retrouvé cette sensation inoubliable : celle de nager vers toi, de traverser le bassin pour te rejoindre"
Faisant ici référence à un souvenir d'enfant où il apprenait à nager avec un moniteur sous le regard aimant et couvrant de sa mère.
Emmanuel Carrère dans ce roman fait preuve de courage, il nous entraîne dans le dédale d'une introspection douloureuse qui ne lui laisse pas de répit.
Le père de sa mère à disparu tragiquement en 1944, il travaillait comme " interprète" auprès des allemands.
Cette opprobe et cette disparition constituent le secret de famille et l'impossibilité pour chacun des menbres de celles-ci à vivre pleinement. Emmanuel Carrère tente de démêler les écheveaux de cette filiation compliquée en partant faire un reportage en Russie, là où un membre de sa famille a été gouverneur.
Cette recherche et cette quête se traduisent aussi à travers la langue maternelle de sa mère : le russe. Il cherche à travers cette langue qu'il connaît, qu'il aime mais qu'il n'arrive pas vraiment à parler, un exutoire, une libération.
Ce roman russe est aussi l'histoire de son amour torturé avec Sophie. Rien ne lui semble trop grand ni invraisemblable que de publier pour elle une nouvelle érotique dans le journal: le Monde.
La vie d'Emmanuel Carrère est un roman, russe ? Sans aucun doute.
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Emmanuel Carrère semble ici égocentrique, mégalo, fondamentalement égoïste, vaguement manipulateur et somme toute assez déséquilibré. Pourtant, je ne peux m'empêcher de l'aimer... de manière certes moins pathologique et déchirante que sa Sophie... Mais étonnamment fort quand même étant donné la puissance de mon agacement !

Ce roman russe n'est pas du tout un roman, puisqu'il ne raconte que des choses réelles, qui n'auraient probablement d'ailleurs jamais eu leur place dans un roman, tant elles sont outrées et bizarres, alternant monotonie et hystérie.

L'auteur nous raconte une période troublée de sa vie, à mi-chemin entre un trou perdu de Russie (c'est lui qui le dit, et il m'a convaincue au point que j'en ai oublié le nom) et le pays des amoureux maudits (où il se complait dans une histoire odieuse et bancale, puis dans une rupture interminable et déchirante).

Aucun point commun entre ces deux sujets, si ce n'est l'auteur lui-même... Et comme fondamentalement c'est de lui-même qu'il aime parler, son livre a au final une certaine unité ! Je dois lui reconnaitre une grande honnêteté, car il ne se présente vraiment pas sous son meilleur jour, ainsi qu'un grand talent pour l'introspection et le récit.

Mais quelle obsession pour son propre nombril ! Sans aucune limite, il nous raconte tout, rien ne l'arrête ! Ni les demandes de sa mère, ni le respect d'une femme blessée, ni même simplement la pudeur la plus élémentaire... Quand il se passe des éléments tragiques dans son entourage, on a presque l'impression qu'il s'en réjouit car cela donne de la matière à son histoire...

Bref, je pourrais continuer pendant des heures à dégoiser contre l'horripilant Emmanuel Carrère. Il n'en reste pas moins qu'une fois encore son livre m'a touchée et passionnée.

Challenge PAL
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Le premier livre d'Emmanuel Carrère que j'ai eu envie de lire, et puis, ça ne s'est pas fait (à l'époque je ne faisais pas de liste des livres que j'avais repérés). Heureusement, car je ne pense pas que je l'aurais aimé à ce moment-là.
Il faut dire déjà que ce roman russe n'est pas un roman mais un récit autobiographique concentré sur une période de deux ans. Ou alors c'est un récit avec trois fils conducteurs dont chacun aurait pu donner naissance à un roman. Il y a d'abord le prétexte, ou plutôt ce qui motive l'auteur au départ : enquêter sur son grand-père géorgien dont la disparition à l'automne 44 en fait un fantôme et une sorte de secret de famille. Là le lecteur est floué car la mère de l'auteur ne veut pas qu'il recherche quoi que ce soit de son vivant, même si tous les autres membres de la famille le souhaiteraient. Alors il s'empare d'un fait divers, la découverte d'un hongrois, fait prisonnier à la fin de la guerre et oublié depuis plus d'un demi-siècle dans un asile psychiatrique à Kotelnitch, au fin fond de la Russie. de fil en aiguille l'auteur se remet au russe, a une idée saugrenue de documentaire sur Kotelnitch et ses habitants, qui prendra une tournure imprévisible. Troisième thème récurrent du livre : son histoire d'amour compliquée avec Sophie qui tourne au cauchemar lorsqu'il écrit pour le Monde une nouvelle érotique. Sophie a la consigne de la lire dans le train Paris-la Rochelle a une date précise. C'est un très beau cadeau dont elle ne profitera pas, faute de prendre le train, ce qui mène l'auteur au désespoir et à l'incompréhension devant l'échec total, monumental, de sa surprise (la date était pourtant réservée depuis longtemps).
C'est sans doute le livre où Emmanuel Carrère s'expose le plus, sans retenue et sans pudeur, alternant tour à tour sincérité évidente et regard biaisé, essayant sans cesse de prendre du recul. Dans ces confessions il se révèle tour à tour exaspérant, attachant, égocentrique, empathique, …, bref, complexe. L'écriture est simple, limpide et la lecture plus aisée que ne le suggèrerait la complexité de trois thématiques imbriquées. J'ai beaucoup aimé mais je conçois très bien qu'on puisse détester et je ne le conseillerai pas pour découvrir cet auteur.
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"Tu étais fière que je devienne écrivain. Il n'y a rien de mieux, à tes yeux. C'est toi qui m'a appris à lire et à aimer les livres. Mais tu n'as pas aimé la sorte d'écrivain que je suis devenu, la sorte de livres que j'ai écrits. Tu aurais voulu que je sois un écrivain comme, je ne sais pas, Erik Orsenna: un type heureux ou qui, en tout cas, le parait.Moi aussi, j'aurais bien voulu. Je n'ai pas eu le choix. J'ai reçu en héritage l'horreur, la folie ,et l'interdiction de les dire. Mais je les ai dites. C'est une victoire."

Une victoire.......oui, il fallait voir la suite... Voir s'il cessait de transférer sur chaque psychopathe qui passe ses angoisses existentielles. Il l'écrit ailleurs: " Je me demande si écrire, pour moi, revient nécessairement à tuer quelqu'un."Alors? C'est lui qui nous a donné la réponse dans son livre suivant. D'autres vies que la sienne ? Et oui .. c'était.. beau, lumineux et honnête.

Parce que quand même,dans ce livre à sa mère, dont elle ne veut pas ( parce que son équilibre, à elle ,a été construit ainsi), il ne tue peut être pas au sens propre du terme, mais il en fait , du mal!Très consciemment, d'ailleurs.
A sa mère ,donc. A la jeune femme qu'il croyait séduire par le biais d'une manipulation publiée,et qui n'en voulait pas non plus. A sa compagne actuelle, je suppose. A ses enfants........

Et donc cette auto-analyse, ce nombrilisme étalé lui auront au moins servi à quelque chose. Je n'y croyais guère , j'avais tort, on ne change pas comme cela, même en étalant ses secrets de famille. Des secrets qui pèsent tant dans sa vie (alors que sa mère n'a pu avancer que dans le déni) que le grand père disparu ( concrètement, puisqu'on ne sait pas vraiment ce qui lui est arrivé, et disparu surtout de la mémoire familiale, puisqu'il ne faut pas en parler) , il le recherche dans tous les personnages créés, soit de manière fictionnelle dans par exemple La classe de neige, soit par une étude tellement poussée qu'elle en devient aussi pathologique presque que le modèle , dans L'adversaire.. Des individus tellement malheureux, qui se supportent eux-même tellement peu, qu'ils retournent contre les autres leur haine de soi...

On ne change pas, et c'est sans doute tant mieux pour la littérature .
Car autant j'ai peu de goût pour son personnage, allo maman bobo, j'ai plus de 40 ans, je suis malheureux et je fais le malheur des autres parce que mon grand père etc......, autant je trouve ce livre extrêmement bien écrit, intelligent dans l'analyse , sincère oh que trop ,et brillant dans la construction.



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Au coeur de ce livre autobiographique Carrère revient sur un épisode terrible de sa vie : pendant l'été 2002 il a fait publier dans « le monde » une longue lettre érotique à la femme qu'il aime ; il savait qu'elle devait prendre le train ce jour-là pour le rejoindre, il avait réservé lui-même sa place dans le TGV, il savait qu'elle achèterait « le monde » et qu'elle le lirait pendant le trajet, et, qu'alors, en même temps que les 600 000 lecteurs du quotidien, elle découvrirait sa sublime déclaration…Je me rappelle avoir lu cette lettre dans le journal le jour de sa publication et j'avais été estomaquée par l'audace de Carrère de publier là une lettre aussi intime, aussi érotique, aussi torride, et celle du si sérieux « le Monde » de la publier, je me disais que c'était sublime, que cette femme devait être comblée d'être aimé de cette façon-là, par un homme qui osait ainsi… Philippe Sollers avait détesté cette lettre et se demandait si la mère de Carrère, secrétaire perpétuelle de l'Académie française ne s'était pas étranglée en la lisant. A l'époque je m'étais dit que sans doute Sollers avait le coeur sec de l'intellectuel accompli qui fait et défait les écrivains et qu'il ne pouvait pas « saisir » ; je m'étais dit aussi que même si Carrère faisait là un grand coup d'écrivain, sa sincérité dans cet écrit transpirait et constituait une prise de risque magnifique parce que faite par amour.

Dans « le Roman russe », Carrère raconte « l'après », l'échec total de sa surprise, et ses conséquences ; sa souffrance, le déchirement, la rupture…c'est bouleversant ; Et il écrit ce livre, pour la faire revenir, il le dit. Il ose dire qui il est, il ose dire son narcissisme, son égocentrisme, ses purs défauts d'être humain, toutes ses fragilités ; il dit quand il souffre, quand il pleure, il ose dire qu'il aime, et comment il aime, aussi, sans retenue.

Pour lire la fameuse lettre parue dans le « monde » :

http://medias.lemonde.fr/medias/pdf_obj/nouvelle2.pdf
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Un récit en forme de patchwork. Où il est question d'une recherche de racines russes, d'un amour français, de la réalisation d'un documentaire à Kotelnitch, d'incertitudes qui frôlent parfois la culpabilité, d'une nouvelle érotique, et, sous-jacents, d'accès de dépression.
Un récit qui se déroule chronologiquement, comme un journal.

Ce qui m'intéressait, c'est l'histoire du grand-père d'Emmanuel Carrère, disparu à la Libération, pendant cet épisode que certains ont appelé « épuration sauvage ». C'était aussi la motivation première du livre. Selon les lettres retrouvées, un homme sombre, amer, déçu de sa vie, ouvertement favorable au nazisme. Mais les recherches d'Emmanuel Carrère à ce propos, se dispersent dans son récit, et ne sont qu'une facette de son ouvrage.

Carrère consacre en fait l'essentiel de son récit, à la faillite de son histoire amoureuse : en premier plan, très détaillée, au fur et à mesure du naufrage, ou, en arrière-fond, dans tout ce qu'il a fait, et n'aurait pas fallu faire pour la sauvegarder.

Si le constat est lucide, intelligent, sans pitié sur des comportements parfois névrotiques et pervers, il est d'une totale impudeur. Je préfère définitivement Carrère quand il se fait chroniqueur d'autres vies que la sienne.
Et je n'ai pas l'impression qu'à l'arrivée de ces 350 pages, il en sache tellement plus sur l'ombre noire et pesante de son grand-père disparu, ni sur les circonstances de sa mort, qu'au début de son livre. Et moi non plus...


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Un titre simple et l'espoir d'un bon moment de lecture.
Emmanuel Carrère dans Un roman russe entame un reportage sur une histoire vraie d'un soldat hongrois interné cinquante-trois ans dans un asile psychiatrique en Russie.
Que de souffrance ! Enfermé seul dans un monde qui ne parle pas sa langue. J'ose dévoiler un peu de ce roman car ce n'est pas le vrai sujet. L'auteur bifurque sur la ligne à tenir et commence une quête plus personnelle, plus difficile. Un roman russe devient alors un carnet de souvenirs : un journal intime.
Carrère nous fait voyager, nous fait découvrir des gens "désabusés". La méfiance fait place à la courtoisie, la convivialité et même plus.
Toutefois, Sophie est la personne qui m'a le plus émue. Ses mots et plus particulièrement les pages 300 et 301 m'ont troublée, bouleversée même. La fragilité de cette femme est touchante et les lecteurs et plus encore les lectrices ressentiront sa profonde blessure.
J'ai détesté cet homme qui écrit son mal mais n'hésite pas à faire souffrir et du coup je n'ai pas trop aimé ce roman.
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