Sa correspondance avec Philippe Sollers nous révèle un amour hors du commun. De la pure littérature.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
❝ Lettre 247 - Paris Vendredi 25 avril 2008
Amoureux mille fois chéri,
Ce matin : froid d’hiver ensoleillé.
Ce soir : voilà la chaleur qui nous tombe dessus sans crier gare. Cette expression qui me vient soudain (crier gare) est d’une merveilleuse étrangeté, le rayon en train de traverser la pièce est une lame éblouissante m’arrivant de biais jusqu’à mon bureau. Je cligne des yeux, ma tête est coupée en deux, et pourtant je jubile, la chute imbécile de tout à l’heure ne laisse heureusement aucune trace, tu vois bien, à part un léger tremblement de plume. Cela ne fait qu’aiguiser ma prudence en traversant la grande pièce : mes talons ont été retenus par une usure de tapis. J’ai bien dormi.
Jamais je ne t’ai vu maîtriser comme cette fois-ci l’horrible épuisement habituel. Il a suffi de deux jours de tranquillité pour que tu retrouves cet élan magnifique et magique, ton île. Il y a là, toujours, une source nerveuse qui te pousse en avant, très haut, et l’étrangeté de sa pluie de mots sur le papier, toujours fidèle à ta grande folie.
Tu es le plus grand, le plus puissant écrivain du ciel.
Sois prudent, toi aussi. Nous entamons la seconde semaine de ton séjour, tu as raison de dire que, déjà, sourdement, nous entrons dans l’espace du retour. Je respire mieux, je tremble déjà de te savoir là, sous les cabrures.
Le silence du presque été est ici presque incroyable, inhumain.
Je mets une couronne de baisers sur ta belle tête.
Moi aussi je ne pense qu’à toi.
Et je continue à respirer comme la plus belle femme du monde.
Je te serre. ❞
Paris,
Mardi 28 juillet 1981
20 heures
Mon cher, cher amour. Bizarrement le rêve du week-end continue : tu as beau être retourné dans ton île, tu laisses ici une part de toi, un sillage lumineux de comète sur la queue de laquelle je suis installée à califourchon.
[...]
Croisé Pierre Nora1 tout à l’heure qui s’arrête pile, me disant : «vous êtes belle, belle, c’est incroyable, vous êtes rayonnante» et j’avais envie de lui crier que c’était vrai parce que je me chauffe à l’énergie Sollers, plus forte que tout, plus haute que tout, et musicale, et parfumée, et savoureuse, et pleine d’éclats de Para-dis. Journée splendide, vraiment. Le Veineux2 est tout chaud de ton passage. Je vais monter m’étendre sur le lit magique et me serrer en pensée contre toi. Puis dormir. Puis me réveiller dans toi qui sens si bon. Je t’embrasse, je t’aime à la folie.
Ton millepattes
Paris,
Dimanche 12 juillet 1981
7 heures 30
Mon amour,
Je me suis levée à 5 heures, j’ai mis en train mon Calaferte que j’interromps par fringale de t’écrire. Si je m’écoutais, je ne ferais que ça : je vis dans une véritable saoulerie d’amour, qu’approfondit le silence inouï de la ville. Me pencher à la fenêtre et regarder le sillon nu de ma rue, c’est comme si je perdais ma tête dans la pensée de toi, exaltante, battante, ravissante au sens étymologique du terme. Il n’y a pas une seconde qui ne soit ainsi comme une pierre précieuse montée sur or, absorbant les moindres nuances du jour et de la nuit. Ton spontamour1 d’hier était génial, comme je l’ai dit : tu as surgi comme un diamant dans le noir où me guettait l’angoisse fibreuse, inarrachable, qui se permet de prendre feu dès que je m’endors.
Paris Vendredi 17 juillet 1981
16 heures
Mon cœur,
Le miracle continue : je suis bien dans mon attente de toi et ses repères, le silence est d’une profondeur qui semble démultiplier la lumière, j’ai l’impression de vivre dans la forêt de pendeloques de cristal d’un lustre que tu aurais rendu magique. C’est la première année que je respire de cette manière-là, comblée par ta pensée, ta voix et ta lettre de chaque jour. Oh mon! c’est bon d’être, je veux dire d’être à toi, et de pouvoir t’admirer et t’aimer dans tous les sens, à tous les niveaux...
Regardé par la fenêtre si tu n’allais pas surgir en cabriolant. Mon désir de toi est si fort que je suis au bord de l’hallucination : tu approches, tu me fais signe, tu montes avec une légèreté qui n’appartient qu’à toi, j’ouvre avant que tu aies mis la clé dans la serrure, nous sommes dans les bras l’un de l’autre et tu ne me quittes plus.
Ah vous écrivez : émission du 02 septembre 1977
Trois écrivains au sommaire de ce magazine littéraire de
Bernard PIVOT:
Georges CONCHON pour "
Le sucre"
Dominique ROLIN pour "Dulle griet"
Alexandre ASTRUC pour "Le
serpent jaune"