"Une de nos autrices préférées ! Un livre de détente génial qui vous fait découvrir Murano et l'histoire d'une famille de verriers, et d'Orsola Rosso, une femme qui décide de sauver sa famille de la ruine en apprenant à fabriquer des perles de verre. Un récit qui traverse, de siècle en siècle, guerres et épidémies, amours et deuils. Un vrai bonheur tellement l'écriture est belle !" - Gérard Collard.
Tracy Chevalier fait le portrait d'une femme, celui d'une famille et celui d'une ville, aussi intemporelles que le sont les chefs-d'oeuvre de l'île du verre.
La fileuse de verre, de Tracy Chevalier. Traduit par Anouk Neuhoff aux éditions de la Table Ronde.
https://www.lagriffenoire.com/la-fileuse-de-verre.html
À découvrir de la même autrice en format poche :
- La brodeuse de Winchester
https://www.lagriffenoire.com/la-brodeuse-de-winchester.html
- La jeune fille a la perle
https://www.lagriffenoire.com/la-jeune-fille-a-la-perle.html
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Son regard vint se poser sur moi comme un papillon sur une fleur, je ne pus m'empêcher de rougir.
J'en arrive à oublier que les gens voient les fossiles comme des ossements. Ils le sont, en effet, mais j'ai tendance à les considérer davantage comme des œuvres d'art qui nous rappellent ce qu'était autrefois le monde.
Les couleurs elles-mêmes compensaient mes difficultés à cacher ce que je faisais. J'aimais broyer les ingrédients qu'il rapportait de chez l'apothicaire, des os, de la céruse, du massicot, admirant l'éclat et la pureté des couleurs que j'obtenais ainsi. J'appris que plus les matériaux étaient finement broyés, plus la couleur était intense. A partir de grains rugueux et ternes, la garance devenait une belle poudre rouge vif puis, mélangée à de l'huile de lin, elle se transformait en une peinture étincelante. Préparer ces couleurs tenait de la magie.
La tapisserie est un art très différent de la peinture, repris-je. Les artistes qui n'ont jamais travaillé à des tapisseries ne sauraient le comprendre. Ils s'imaginent que tout peur être agrandi et tissé tel qu'il l'ont peint. Mais le regard que l'on porte sur une tapisserie est différent de celui que l'on porte sur un tableau. Un tableau est, en général, de plus petite dimension de sorte que vous voyez l'ensemble du premier coup d'oeil. Vous ne vous tenez pas tout près, mais à deux ou trois pas, comme si vous conversiez avec un prêtre ou un confesseur. En revanche, vous pouvez être aussi proche d'une tapisserie que vous le seriez d'un ami. Vous n'en voyez qu'une partie et pas nécessairement la plus importante. Par conséquent, aucun motif ne doit prédominer, mais plutôt se fondre dans un ensemble agréable à regarder.
Est-il pire de ne pas avoir de principes, ou d'avoir des principes qu'on n'est pas à même de défendre ?
J'étais à la cuisine en train de hacher des légumes quand j'entendis des voix provenant de l'entrée, la voix d'une femme, aussi étincelante que cuivre bien astiqué, et celle d'un homme, aussi dense et sombre que le bois de la table sur laquelle je travaillais. C'était là des voix comme nous n'en entendions pas souvent chez nous. Des voix rappelant de somptueux tapis, des livres, des perles, des fourrures.
Une graine doit atterrir loin de sa mère pour pousser, sinon elle restera à l'ombre et ne se développera pas.
Mes parents étaient assis sur le banc, l'un près de l'autre, la tête baissée. Sitôt arrivée, je pris la main de mon père et la portai contre mes joues humides, puis je m'assis avec eux sans rien dire.
Car il n'y avait rien à dire.
Arrive un moment dans nos vies où nous commençons tous à éprouver en profondeur notre condition de mortels, mais cette prise de conscience survient en général à un âge plus avancé que celui de Marie.
Il paraissait contradictoire de devoir afficher une mine grave dans la cathédrale, alors qu'on était entouré par la beauté exaltante des vitraux, le bois sculpté, la pierre gravée, la splendide architecture, les voix cristallines des enfants de choeur, et maintenant les agenouilloirs.