Je vais tenter d'écrire un billet au sujet de ce livre «
Ce que raconta Jérémy ». Je dis bien « tenter » étant donné que j'ai eu quelques difficultés à pénétrer le coeur du roman. Pour imager, je dirais que je suis restée sur le palier avec un pied dedans et un dehors.
Sur les conseils de mon compagnon qui a lu deux fois ce roman, je me suis aventurée dans le Middle West au cours des années 1920, à Boutflour exactement, « posée dans le sud profond de cet état yankee ».
Un soir sous une pluie battante, glaciale, le jeune Jeremy, orphelin, qui distribue des journaux, se voit offrir l'hospitalité par Matt Lacey, vieil acteur devenu alcoolique, vivant dans une grande demeure encombrée d'objets disparates. de solitude en rencontres, Jeremy et Matt vont prendre l'habitude de se retrouver dans cette grande maison jusqu'au jour où Matt va proposer à Jeremy de devenir son secrétaire dans le but d'écrire ses confidences et tout particulièrement l'histoire des familles
Fergus et Summerlad dont il a été le témoin privilégié.
Deux familles, d'un statut social très élevé, vont s'entre-déchirer, se haïr et aboutir à une guerre déclarée entre deux femmes, de forte personnalité, ennemies pour toujours : Elvira Summerlad et Winifred
Fergus.
La première, Elvira, épouse du frère de l'autre, Winifred. le frère, Wilders
Fergus qui d'affaires douteuses en affaires douteuses ruine la famille Summerlad. Elvira connaît alors la déchéance et se retrouve à la tête d'une pension de famille sous l'oeil accusateur de la petite ville tandis que Wilders qui la laisse sans scrupule et sans ressource avec leurs trois fils, parcourt les Etats Unis à la recherche d'une affaire juteuse qui pourrait lui redonner son faste d'antan.
Ce roman est particulièrement bien écrit, les personnages ont de l'épaisseur et des caractères bien trempés. Les fils aussi ont des individualités tourmentées. L'aîné, très fusionnel avec sa mère du genre castratrice, très beau, est prêt à tout pour faire du cinéma et le second, handicapé, jaloux, espionne et consigne ses observations dans un cahier. C'est une photographie sans concession de l'Amérique profonde presbytérienne des années 20 où chacun épie l'autre, où les commérages vont bon train, où une femme qui fume est immédiatement associée à une femme de petite vertu. Il y a une violence et une tension qui irradie tout le roman. On sent bien peser cette morale presbytérienne qui asphyxie les individus et c'est tous ces interdits qui pèsent sur la sexualité, suscitant des fantasmes qui créent cette violence dans les rapports humains : violence qui ira très loin dans la perversion.
Mais voilà, je n'ai pas réussi à analyser toutes les réactions, à en comprendre le fondement, je ferai surement une très mauvaise sociologue. Les années 1920, la morale, ont rendu certaines réactions hermétiques à ma compréhension à moins que ce soit le côté équivoque de la narration qui m'a perdue.
J'ai voulu lire ce roman jusqu'au bout sentant bien la tragédie arrivée derrière cette atmosphère de sauvagerie et aussi pour l'écriture sophistiquée et raffinée du romancier.
James Purdy, reconnu comme un auteur très important de langue anglaise, admiré de ses confrères, est souvent comparé à
William Faulkner bien qu'au fur et à mesure de l'avancement de la narration, les personnages sont facilement identifiables, je n'ai ressenti aucune confusion.
James Purdy, homosexuel, a du se battre pour affirmer son homosexualité dans une Amérique puritaine. Il aimait bien mettre en scène des rapports psychologiques audacieux dans ses romans. Je vous laisse, à présent, le soin de découvrir cet auteur et espère, un jour, voir passer un billet qui peut-être me donnera certaines clefs pour mieux pénétrer l'oeuvre de cet écrivain.