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3,74

sur 184 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Les Vallées closes est un drame social sous forme de roman choral alternant les chapitres centrés sur trois personnages principaux dont la vie est bouleversée par le même événement dans un village du Lubéron. Et une question, obsédante : que s'est-il passé la nuit où Paul-Marie, respectable quadragénaire, employé de mairie modèle, a accueilli chez lui, en août 2016, le jeune Enzo, déficient intellectuel qui fait un stage à son service comptable ? Lorsqu'on fait la connaissance de Paul-Marie, il se cache chez sa mère Claude, terré dans le grenier, loin des regards ravageurs.

La conduite narrative est excellente. On voit passer beaucoup de romans alternant passé / présent, mais sans que cela soit toujours vraiment justifié pour apporter du sens au récit. Ici, Mickaël Brun-Arnaud excelle à faire évoluer son intrigue entre 1979 et 2016 pour éclairer le vécu de Claude, Enzo et Paul-Marie. A chaque fois, il dévoile au moment pertinent un petit morceau du puzzle pour comprendre leur construction personnelle, créant un suspense et une tension qui croissent à mesure qu'on se rapproche de la vérité de l'instant fatidique d'août 2016.

C'est un roman couperet qui ne souffre pas la demie-mesure : soit on assume de ne pas avoir du tout apprécié sa forme et son fond d'une infinie noirceur sur la ligne de crête acrobatique du glauque ; soit on assume d'avoir trouvé de la poésie dans la laideur décrite. Deuxième option pour moi.

« Paul-Marie avait pleuré des larmes invisibles dans le coude de son frère ; des larmes invisibles, inaudibles et inodores, parce qu'il savait que ses tristesses, aussi pures et sincères fussent-elles, étaient pour son père une atteinte directe à ses précieuses couilles qu'il portait aux hanches et en sautoir comme un collier inestimable. « 

Incontestablement, la surcouche de noir est épaisse, tant sur les événements décrits – certains à la limite du supportable tant la violence décrite est explicite – que sur la forme. le lecteur est souvent giflé par la crudité grossière des mots choisis.

Après refermé le livre, avant de me demander si j'avais aimé, je me suis posée la question de la légitimité d'un tel ultra-réalisme qui peut confiner au sordide et repousser certains lecteurs. Sans doute, l'auteur dégoupille-t-il un peu trop de grenades. Oui, certains événements très durs auraient pu être absents sans que le roman ne perde de sa puissance. Oui, la description de cette communauté rurale archaïque et incroyablement arriérée peut sembler très outrancière, un peu comme dans Pays perdu de Pierre Jourde auquel j'ai souvent pensé. Oui, des mots grossiers sont largement utilisés.

On peut se laisser aveugler par tant de laideur, ne voir quelle au point d'avoir du mal à entrevoir autre chose. Chacun ses limites, ses sensibilités, ses envies de lecture. Tout le monde n'a pas envie de se faire secouer. Moi j'aime bien être dérangée dans mon confort de lectrice si j'y trouve un sens, et je l'ai trouvé ici.

Car au final, il y a un propos derrière tout cela : l'urgence à décrire la douleur que peuvent ressentir des personnes « différentes » lorsqu'elles se retrouvent dans un microcosme qui impose une norme brutale et intolérante qui s'apparente à une prison. La notion de l'enfermement est remarquablement travaillée  dans ce huis-clos du village et de la maison familiale. On ressent toute l'oppression que vivent Paul-Marie et Enzo, sans cesse épiés par des voisins hostiles, piégés par la virilité toxique glorifiée et la saleté des rumeurs malveillantes.

Derrière cette laideur des bas instincts largement déployée, derrière la colère ou le dégoût que j'ai pu ressentir, j'ai trouvé les percées de tendresse que l'auteur a pour certains personnages : une mère qui ne comprend pas son fils mais l'aime envers et contre tout, un frère qui aimerait protéger son cadet. La grande qualité de l'écriture de l'auteur permet d'entrevoir cette beauté éphémère qui surnage de la boue.

« Comme il avait toujours su que pour survivre, il fallait s'endurcir, Daniel savait que son frère ne s'endurcirait jamais ; et il assistait chaque jour, impuissant, aux délicatesses insensées de Paul-Marie qui, en se promenant sur les chemins de terre, vérifiait sans cesse où il posait le pied pour ne pas écraser les fourmis ou abîmer les fleurs. Comment ce monde incolore avait-il eu la cruauté, l'impertinence, la folie, de faire naître en son sein, un garçon en couleur ?"

Lu dans le cadre de la sélection 2024 des 68 Premières fois #8
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Un roman brut de décoffrage qui dénoncela violence liée à à l'inculture, dont les plus faibles et les minorités font les premiers frais !

Dans la petite ville où tout le monde se connaît, les rumeurs vont bon train. L'attitude de Claude, cette veuve qui longe les murs, ne fait pas de doute, elle cache quelque chose, et ce pourrait bien être le fils maudit par qui le pire est arrivé. Les accusations qui le pointent du doigt sont unanimes, il s'est attaqué à un être sans défense, et est donc inexcusable.

Pourtant quand on remonte le fil de l'histoire, tout n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît. le passé de Claude est édifiant, une enfance construite sur des deuils, sur des projections parentales délirantes, et sur une violence sourde et constante. le père de ses enfants n'a pas fait tache dans le tableau. Si la chasse est un exutoire pour affirmer sa virilité, la parole est elle aussi utilisée comme une arme dont les coups laisseront des cicatrices indélébiles.

Ce qui s'est vraiment passé entre Paule-Marie et Enzo est certes important, mais c'est surtout ce qu'en ont fait les commérages qui va poser problème. La vindicte populaire accomplit son oeuvre de destruction, concentrant sa haine ordinaire sur une cible toute désignée.

A l'aide de dialogues crus, qui reflètent bien la violence et la brutalité ambiantes, le roman fait mouche. C'est parfois à la limite du supportable.

Un sujet sensible, traité sans filtre, loin d'une romantisation de la bêtise commune.



288 pages Robert Laffont 19 janvier 2023
Sélection prix orange 2023
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Paul-Marie, trentenaire, a toujours vécu en Provence, dans un petit village niché au coeur d'une vallée. La commune ne compte pas beaucoup d'habitants. Les familles y sont généralement installées depuis plusieurs décennies. Tout le monde se connaît. Tout se sait. Tout se dit. Tout se juge.

Aujourd'hui, Paul-Marie y a construit sa vie. Il est même employé à la mairie du village. C'est un homme discret et respecté. Jusqu'au jour où il prend en stage Enzo, un jeune garçon déficient mental.

Les vallées closes” est un livre triste abordant la différence, l'intolérance et les préjugés.

C'est un roman choral alternant entre les points de vue de divers personnages.

Tout au long de l'histoire, on suit la relation qui se crée entre Paul-Marie et Enzo et on comprend très vite que quelque chose s'est passé. Paul-Marie devient un indésirable. Il doit se cacher. Sa vie est détruite. Les langues se délient.

On assiste à toute la méchanceté d'une communauté et à l'exclusion d'un homme.

L'auteur traite de la différence, un sujet difficile dans lequel la cruauté et les préjugés des hommes peuvent détruire une vie et celle de ses proches.

Il s'agit d'un roman percutant mettant en scène des personnages sensibles.
Une très belle lecture.

Lien : https://labibliothequedemarj..
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Il s'agit d'un roman noir, registre complètement différent par rapport au précédent roman de l'auteur.

Parlons d'abord de cette magnifique illustration qui nous plonge parfaitement dans l'ambiance de ce roman. Une bâtisse de campagne avec une femme âgée en train de balayer et une lumière allumé à l'étage cachant une personne qui ne doit être vue.

Nous rencontrons Claude, une vieille femme qui doit vivre entouré de personnes qui juge son fils Paul-Marie coupable de l'innommable.

Nous sommes ainsi plongé en pleine Provence dans un village reculé dans lequel on parle des autres, de leurs vies, on juge sans cesse les personnes. Et c'est exactement ce qu'il se passe avec Paul-Marie qui va devoir se retrouver cacher dans le grenier de sa mère pour échapper à la vindicte populaire.

Claude est un personnage très touchant. Une mère prête à tout pour protéger son fils. C'est le personnage que j'ai préféré dans cette histoire.

L'alternance des 3 points de vue (Claude, Paul-Marie et Enzo), permet au lecteur de retracer l'histoire à travers différentes temporalités.

Le but étant de faire doucement la lumière sur ce qu'il s'est passé cette fameuse nuit.

L'auteur nous pousse à prendre position, à prendre partie finalement sur la situation.

C'est une histoire qui je dois l'avouer est assez perturbante, racontée dans un vocabulaire parfois assez cru. C'est un roman qui est écrit dans le but de bousculer son lecteur.

Il n'est pas fait pour convenir à tout le monde, c'est une certitude.

Il faut accepter que certains romans vous mettent mal à l'aise, vous pousse dans vos retranchements et heurte votre sensibilité. Et les vallées closes fait indéniablement parti de ce type de roman.

Pour ma part j'ai passé un bon moment de lecture.

Les sujets sensibles comme l'intolérance, l'homophobie, le rejet des personnes différentes ou même sur la complexité sur le rôle de mère y sont abordés de façon brute mais tellement réaliste.

C'est une histoire qui laissera une trace dans votre coeur de lecteur.

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Un roman d'une puissance inouïe.

Si, au départ, on se demande dans quoi on s'embarque, la pluralité des points de vue nous happe très vite.

Les personnages et leurs névroses nous enferment dans un labyrinthe psychologique saisissant.

Un drame social bouleversant, un livre percutant.
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DÉCHIRANT ! 💔

"Ouais, c'était somptueux la Provence. Somptueusement laid quand on regardait de près."
Cette simple phrase résume parfaitement ce roman dans lequel passé et présent se répondent entre drames, tendresse, larmes et amour.

Paul-Marie, Enzo ainsi que leurs mères respectives Claude et Geneviève se livrent tour à tour dans ce roman choral déchirant. Tous ont été brisés par un évènement dont on ne connaîtra la teneur qu'à la toute fin du récit. Et en tant que lecteur, on est impatient de connaître ce qui s'est passé ce soir là, les paroles qui ont été échangées, l'événement clé qui a tout gâché.

Un roman sur ce qui dérange, sur l'intolérance qui sévit dans ces endroits clos.
Un roman sur la campagne profonde et ses préjugés, les gens taiseux au coeur des vallées, ce qui se joue parfois derrière les portes closes.
Ceux qui s'aiment avec des coeurs durs comme la pierre, ceux qui divulguent des ragots qui blessent, et ceux qui subissent... encore et toujours.

La plume de Mickaël Brun-Arnaud est sublime et m'a fait vivre un tourbillon d'émotions. Des passages font sourire, d'autres brisent le coeur. Des phrases qui caressent, d'autres qui giflent. Une telle poésie pour raconter une telle âpreté...

Je sais, ma chronique en dit peu, mais il est difficile de parler de ce roman sans spoiler. Sachez simplement qu'il sort des sentiers battus et m'a vraiment épatée !
Je recommande, bien évidemment ! 😇

Ça vous tente? Peut-être connaissiez vous déjà cet auteur et ses "Mémoires de la forêt"?
Ceux qui l'ont lu, qu'en avez-vous pensé?
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S'il y a des livres qui vous marquent à chaque ligne, Les vallées closes en fait partie.
Une lecture qui passe par toutes les émotions, tous les sentiments.
La peur est présente partout. Dans les regards, dans les gestes, dans les paroles, dans les non-dits.
L'amour est omniprésent. L'amour différent. L'amour violent. L'amour bestial. L'amour plus fort que tout.
La violence se fait sournoise. La violence se tait. La violence est là derrière chaque volet fermé.

Il ne faut pas trop en dire sur ce roman choral, véritable drame social. Des personnages bouleversants marqués au fer rouge de la différence, de l'intolérance. Victimes d'une haine viscérale portée par les on-dit, les commérages rancuniers et de ses conséquences.

Avec une écriture cinglante, Mickaël Brun-Arnaud crache sa colère contre un monde où il ne fait pas bon être différent. Il dénonce l'étroitesse d'esprit misérable et primaire qui demeure dans ces lieux reculés du monde, ces vallées closes où perdure le côté sauvage de l'homme.
C'est un récit âpre qui bouscule, qui dérange par le ton cru des mots, par sa forme.

Les vallées closes, un roman qui m'a emportée.
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Les vallées closes.
Mickaël BRUN ARNAUD

Sud de la France, région du Luberon, nous voici à Apt.
Un coin qui rassemble des oliviers, de la belle végétation et des fruits confits.
Le cadre a beau être attirant nous voici en compagnie de Claude (appelée aussi Claudette ou Claudio), feu son mari et leurs fils Paul Marie et Daniel.
Une famille dysfonctionnelle ? On ne peut mieux dire !
Car au moment où débute l'histoire, Claude a enfermé son fils cadet quarantenaire dans le grenier pour qu'on ne sache pas qu'elle le cache.
Pourquoi ? Pour le protéger de la vindicte populaire puisqu'il est accusé de pédophilie envers Enzo un jeune homme légèrement handicapé mental qui aime Paul-Marie mais est complètement étouffé par sa mère Geneviève.
Ne reste que Claude et son fils (si fragile et mourant) pour affronter le reste du monde : Geneviève et surtout le Village !
Un très bon roman qui traite habilement de la mort d'un enfant, de la protection d'une mère, de l'enfance mutilée par la méchanceté d'un père, de l'homosexualité, du handicap et du jugement de la société.
J'ai particulièrement aimé avoir les points de vue de Claude (rugueuse vielle femme que la vie n'a pas épargnée), d'Enzo (qui voue un culte aux pokemons et se trouve manipulé par sa mère et rejeté par son père) et de Paul-Marie (qui survit dans l'ombre de son grand frère mort qui le protégeait de leur horrible père). Un roman choral avec des chapitres datés.
Les liens se font et donnent un sens à toute cette histoire insensée.
Un beau gâchis de vies c'est certain mais une formidable histoire.
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Dans ce village de Provence, un drame se joue. Un drame dû à la misère des émotions, des non-dits, des préjugés. Les chapitres alternent entre 3 personnages principaux. On a Paul-Marie, qu'on suit depuis l'enfance, un enfant délicat ayant atteri dans la mauvaise famille, avec un père qui est un gros con et une mère qui n'aura jamais su comment aimer ses enfants. On a Claude, la mère, incapable d'exprimer ses émotions. Et Enzo, jeune adulte atteint d'une "déficience intellectuelle légère à modérée".

Dans le style et le contenu, on est loin, j'imagine, de Mémoires de la forêt, autres romans jeunesse de Mickaël Brun-Arnaud. C'est brut, direct, parfois vulgaire. L'action se passe souvent sous la ceinture. L'auteur décrit avec talent chacun des personnages, avec une mention spéciale pour Enzo. J'adore ce style et j'ai dévoré ce roman.

En prenant un peu de recul, je ne peux pas m'empêcher de tiquer sur quelques points. J'ai peine à croire qu'en Provence, aussi perdu que puisse être le lieu du roman, les mentalités soient encore celles qu'on imagine il y a 100 ans en arrière. Les personnages sont très stéréotypés. Les hommes sont soit des connards misogynes et homophobes, soit des homosexuels assumés ou refoulés (parfois les deux!). Les femmes des mères étouffantes, victimes des hommes décrits plus haut.

Mais pendant la lecture, jamais ces critiques ne m'ont dérangé et j'ai passé un excellent moment de lecture.
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Les vallées closes, je m'y suis rendue après qu'on m'ait avertie, des scènes avaient choqué une cliente. Par envie de comprendre ou par esprit de défi, je me suis lancée, sans connaître le sujet, quelques pages à peine après avoir commencé, ça y est, je sais, je comprends.

Le sujet est sensible ou plutôt les multiples sujets sont délicats à traiter. On fait la rencontre de Paul-Marie, élevé par une mère qui tient la baraque mais ne montre pas d'amour et un père qui invite ses gamins à regarder du porno avec lui. On fait la connaissance également d'Enzo, un ado déficient mental, qui vit seul avec sa mère depuis que son père est parti avec Carine, sans se retourner. le décor est planté. Les personnages se dévoilent. Les mauvaises langues n'ont aucun mal à se délier. le bouc émissaire est tout trouvé. C'est parti pour le pugilat.

Je ressors du roman, admirative de l'écriture de l'auteur. Il aurait vraiment pu se casser les dents avec tout ce qu'il remue mais l'histoire tient la route. La psychologie des personnages est suffisamment développée que pour comprendre et presque se mettre à la place de chacun.

Le langage est parfois cru, des scènes peuvent heurter la sensibilité de certaines personnes mais je dis bravo. Ce genre de texte qui montre une réalité cachée, est nécessaire. Et puis, il faut savoir lire entre les lignes, derrière lesquelles se cachent parfois beaucoup d'amour.

C'est un roman social, à lire et à recommander autour de soi.
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