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sur 766 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
“Car c'est ainsi que les hommes naissent, vivent et disparaissent, en prenant avec les cieux de funestes engagements.”

Le prologue est exceptionnel de puissance lyrique. Les premières phrases claquent, plaçant immédiatement le récit dans la tragédie de la condition humaine vouée irrémédiablement à la prédation et la violence. Puis le récit se resserre dans le huis clos d'un hameau isolé où se rend un jeune guérisseur au chevet d'un garçonnet, le temps d'une nuit de terreur ancestrale.

Comme dans un conte, on est totalement hors du temps tant l'histoire
pourrait se passer aussi bien au Moyen-Âge qu'aujourd'hui. Comme dans un conte, les personnages n'ont pas de prénom, c'est juste le fils, c'est la mère, c'est l'homme aux épaules rouges. Comme dans un conte, il y a un interdit, ici laissé par la mère un peu sorcière qui passe le relais à son fils : ne jamais s'écarter de sa mission de guérisseur, sinon ...

« Au milieu de cette foule aveugle, titubante ( les hommes ), certains comprennent les choses cachées. Ils devinent en silence les grands tremblements du corps, les affaissements soudains du sang, ils possèdent le don, la force. Ils se mêlent aux autres et les soignent, les apaisent, ils ressemblent à des hommes et des femmes mais ils portent en eux des décennies de douleur et de joie, ils connaissent le feu, ils l'ont en eux, ils maîtrisent les flammes. »

Le fils comprend la langue des choses cachées, il comprend ce qu'il se passe dans les maisons, dans les corps, dans les têtes, il ressent ce qui ne se voit pas, il entend le langage qui existe dans les silences et ses sous-textes qui sont les secrets. Nous sommes dans un conte noir sur le passage à l'âge adulte, une histoire de transgression. le fils aura une décision à prendre en s'affranchissant d'un ordre établi venu du fonds des âges, il devra agir contre tout ce que sa mère lui a transmis, quitte à réveiller les fantômes et tout risquer d'embraser.

L'écriture de Cécile Coulon accompagne le parcours nocturne du fils avec une force incroyable. Avec peu de mots - mais terriblement évocateurs-, elle convoque une atmosphère pleine de mystères, de malédictions, d'opacité irrationnelle à la lisière de l'horrifique, tout en déroulant un récit à la limpidité évidente. le lecteur ne voit rien mais comprend tout des enjeux suggérés, pris dans des sensations intenses qui le retournent et le glacent lorsqu'il entrevoit le terrible du destin passé et en marche lors de quelques scènes aussi fulgurantes que poétiques.

Il est rare de lire un roman aussi court et fervent qui parvient à décrire un microcosme humain éruptif avec une scénographie des lieux marquante. La concision sert la sidération de ce qui est raconté sur l'histoire éternelle de la résilience des femmes face à la brutalité du monde et des hommes.

« Oui c'est ainsi que vient la mort.(...) elle se révolte contre ce qui était prévu, écrit, mis en place, elle se fiche des lois qui ne sont pas les siennes. Seuls comptent pour elle la langue des choses cachées, les fantômes pris dans leurs chaînes comme un grand amour dans un coeur brisé, les animaux coupés en deux au bord de forêts sombres dévastés par la pluie, les bâtiments écroulés où naissent encore des oiseaux grinçants de faim. C'est ainsi que vient la mort, nous l'accueillons avec des bars pleins de fleurs, des yeux pleins de larmes surpris qu'elle nous connaisse si bien, et qu'elle éveille en nous des amours plus fortes que la vie elle-même. »

Je suis très admirative du travail de Cécile Coulon, que ce soit ses poèmes ou ses romans. Celui-ci est assurément un de mes préférés avec Une Bête au paradis.
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Nous avons tous ressenti ça un jour. Vous savez, cette sensation singulière où il y a dissonance entre ce qui est dit et ce qui est ressenti, une compréhension confuse de non-dits bien plus authentiques que ce qui est dit. Il suffit parfois de presque rien, de toutes petites choses chez l'autre en face de nous, une façon de jouer avec ses mains, de se tenir, une façon autre de parler, une altération minime du regard. Impossibles à prouver, impossibles à rationaliser, ces choses cachées, amalgamées en différentes strates, nous en percevons alors la présence, la profondeur vertigineuse, surtout lorsqu'elles concernent nos histoires familiales intimes, comme si un sixième sens était à l'oeuvre. Une voix plus animale et instinctive en nous, plus empathique, une intuition au-delà de toute rationalisation des ressentis, fugace, éphémère, des lambeaux qui parfois nous filent entre les doigts, de petits gouffres dont nous percevons quelques microsecondes la noirceur…Ces choses cachées, tel est l'objet de ce livre magnifique de Cécile Coulon.

Avec poésie, Cécile Coulon nous convie à un voyage au coeur des aspects les plus sombres de l'âme humaine, un voyage dans les secrets dont nous sommes faits. Elle effleure les douleurs cachées, les drames vécues, les atrocités commises qui se répercutent parfois sur des générations et des générations, scellées dans des secrets transmis, cristallisées dans des colères incalmables et des héritages inévitables.

Pour ce faire, l'auteure nous propose un conte et comme dans beaucoup de contes, les personnages n'ont pas de nom, la temporalité n'est pas mentionnée. Cette histoire pourrait se passer aujourd'hui ou il y a des centaines d'années, qu'importe.
Il y a la Mère, le Fils, le prêtre, l'enfant, l'homme aux épaules rouges et la femme aux yeux verts. Mais surtout, comme toujours dans les livres de Cécile Coulon, il y a un lieu, un lieu emblématique, personnage à part entière de chacun de ses ouvrages, point de départ de la naissance de ses histoires, qui lui instille insidieusement son ambiance, ses couleurs, ses tonalités : ici un village aussi sombre que son nom, le Fonds du Puits, village paumé et moribond niché entre deux collines. le Fils va venir y effectuer sa première mission, seul, sans la Mère.

La Mère connait bien les choses cachées dont nous parlions au début, elle a la faculté de les percevoir avec acuité au point de savoir parler la langue des choses cachées, elle entend tout ce qui est tu, elle voit ce qui est tapi, elle porte attention et comprend les signes, elle possède ainsi un don de guérison, nos maladies étant souvent la conséquences de nos maux psychologiques et de nos fardeaux, elle que l'on implore lorsque la médecine et la religion ne peuvent plus rien. Ce don, elle l'a transmis à son fils, elle lui a tout appris. La mère se faisant vieille, le fils part donc, seul, pour sa première mission au lieu-dit le Fond du puits. Oui, un lieu aussi noir que le promet son nom, ce d'autant plus que la Mère ne lui a pas tout dit de ce village où, des années auparavant, elle est déjà venue. Les gens se souviennent, ils n'ont pas oublié, notamment, une certaine cruauté.

« le Fond du Puits repose toujours à l'ombre : l'eau y est fraiche, l'herbe plus verte que sur les deux seins pelés qui l'entourent, une seule route le traverse, un clocher le grandit. Les maisons y sont bien rangées. Les vivants persistent à vitre. On ne qui jamais le Fonds du Puits sur ses deux jambes, mais toujours portés par d'autres ».

Alors qu'il est venu pour guérir un enfant à l'agonie, il va en réalité dénouer un drame passé dont la Mère a pris part, remuant l'histoire qui se joue entre membres d'une même famille et entre membres d'une même communauté depuis des générations. En pensant faire mieux, faire autrement, en croyant rendre justice à la femme aux yeux verts contre l'homme aux épaules rouges.

« Il voir la longue table et il sait qu'ici des femmes ont été prises.
Le bois : brossé de traces, de mains qui se sont agrippées à son bord, d'assiettes chaudes, de couteaux plantés, d'ongles cassés ».

A fleur de peau avec les sensations et les intuitions qui lui sautent à la figure, le Fils comprend les drames qui se sont joués et quel a été le rôle de sa mère. Elle a certes soigné mais n'a pu rétablir l'équilibre des choses, la justice telle que les humains se la représente. En prenant la décision de faire des choses que la Mère lui a interdit de faire, de transgresser l'ordre établi, de faire ses propres choix, le Fils va rétablir l'équilibre. Pense-t-il tout du moins…En réalité il sera tout aussi cruel qu'elle. A sa manière. En faisant tout le contraire, il arrive finalement au même résultat.

La fin tragique de ce conte m'a fait tressaillir et réfléchir…qu'aurais-je fait à la place de la Mère et à la place du Fils ? En toute sincérité, je ne sais pas et cette question n'a pas fini de m'interroger…Qu'est-ce qui est juste lorsque des atrocités ont été commises ? Est-ce réparable ? La faute des hommes est-elle réparable, eux qui « construisent des villes géantes pour des vies minuscules, et la haine de cette petitesse les pousse à toutes les grandeurs » ? La loi du Talion des hommes, est-ce le juste rétablissement des choses ? N'engendre-t-elle pas plus de haine et de malheurs ?


Mais quelle plume absolument magnifique que celle de Cécile Coulon ! Il n'y a rien à ajouter, rien à retirer, la plume teintée de poésie noire semble aussi ancestrale et authentique que le conte qu'elle narre. le style, riche, subtile et précis, sensoriel également, doté d'une grande puissance évocatrice, sert magnifiquement cette histoire atemporelle.


Cécile Coulon, via ce conte sombre et initiatique, est implacable sur notre condition humaine.
Elle nous invite cependant à être attentifs aux choses cachées, à conscientiser notre intuition en portant une attention particulière au monde, notamment à nos proches. A tenter de mieux percevoir, mieux ressentir l'indicible, l'invisible. A nous interroger sur les secrets familiaux, à aller traquer les signes et les indices, pour mieux nous connaitre, mieux comprendre nos agissements et mieux transmettre en acceptant avec bienveillance et conscience l'héritage générationnelle.
Ce conte est aussi une leçon d'affranchissement, il nous enseigne en effet que notre façon d'être au monde, notre chemin, forcément singulier, différent de nos aînés, importe plus que le résultat, souvent pas si éloigné finalement de celui que nous ne voulions pas atteindre.

Un conte captivant qui fait réfléchir, sa morale étant soumise à multiples interprétations ce qui en fait un livre très riche. Une lecture marquante assurément ! Définitivement sous le charme du style, de la plume, de l'art de la narration, définitivement amoureuse de la langue ensorcelante de Cécile Coulon !



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Sera-t-il possible, comme elle l'a tenté pour ne pas nous effrayer, que l'écrivaine dissimule son talent derrière un fromage à pâte molle ?
Je crains bien que ce ne soit là peine perdue !
Car jamais peut-être n'avait on aussi profondément raconté les tréfonds de l'âme humaine, les choses qui ne sont pas ou qui se définissent mal, qui effraient, les cauchemars accrochés à la vie sans devoir jamais s'y diluer.
Le mot a été ici tourné et retourné pour apercevoir l'indicible.
"La langue des choses cachées" est un roman de Cécile Coulon, paru en janvier 2024 aux éditions "L'iconoclaste".
C'est un récit sidérant, sombre et désespérant.
Un récit teinté de surnaturel et entaché par des éclaboussures du cloaque de la condition humaine.
Il me semble que la littérature n'avait pas pris une telle gifle depuis "le faussaire" de Jean Blanzat.
C'était bien avant l'invention du normatif code-barre.
Mais là, il n'a pas pu s'interposer entre le mot et l'émotion.
La langue a retrouvé de sombres accents mystérieux que l'on avait perdus de vue sans même s'en apercevoir.
Le mot est neuf.
Le style lui semble ancestral, aussi vieux que le souffle qui modèle ce récit initiatique et terrifiant.
Le fils a pris la relève d'une mère qui n'avait plus la force des longues marches.
Il est arrivé au "Fond du Puits" pour guérir un enfant.
Il va y dénouer un drame vieux de plusieurs années ...
La langue est riche, l'idée est précise.
Le tout est teinté d'une sombre poésie.
Les chapitres sont très courts.
Les phrases emportent les destins comme le Gave roule les galets au fond de son lit.
La manière de raconter est hors du temps, à la fois ancienne et renouveau de la littérature.
Ce livre est magnifique.
Que Dieu me savonne et qu'Edmond me pardonne mais voilà un prix Goncourt qui aurait du corps, du panache et du style !
Mais rien sur le fromage à pâte molle !

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La langue des choses cachées, c'est comme la douleur furieuse de plonger dans un autre monde, lorsque la présence des gens devient comme une écharde dans l'oeil.
Un jeune guérisseur est appelé par un prêtre pour venir dans un village coincé entre deux basses collines où les rues deviennent des labyrinthes, ce village s'appelle le Fond du Puits, il est venu soigner un enfant malade, dévoré par les fièvres dans cette chambre sombre comme un tombeau, c'est un enfant que personne n'a encore réussi à soigner, au chevet duquel son père veille. On appelle ce guérisseur en dernier recours parce qu'il comprend le feu qui dévore les corps, il connaît les gestes pour enlever ou y remettre ce feu.
Le jeune guérisseur aborde ce territoire avec des visions qui lui révèlent ce que d'autres ne voient pas ou ont oublié. Ici au détour du chemin il devine sur cet orbe aux branches majestueuses le visage placide de pendus, là sur cette grande table en bois censée servir des repas, gît encore le souvenir douloureux de femmes violées.
Il se retrouve brusquement en proie à un passé dévastateur entre deux familles, un passé que sa mère connaît, elle-même guérisseuse, c'est un passé qui ne passe pas, qui mêle des violences entre un homme et une femme.
Hypnotiques, bouillonnants, fiévreux sont les mots de ce court roman qui se déroule durant une seule nuit.
Ici on ne nomme pas les gens, ont dit le fils, la mère, le prêtre, l'enfant, l'homme aux épaules rouges, la femme qui tient un fusil...
Ce n'est pas ce jeune guérisseur qui aurait dû venir cette nuit-là, mais sa mère qui lui a transmis son pouvoir. Elle est désormais trop vieille pour l'accompagner, ce soir-là elle n'a pas trouvé la force de venir, alors son fils vient pour la première fois, doit s'émanciper de sa mère qui lui a tout appris sans qu'on sache comment, l'histoire ne le dit pas, il lui faut désormais apprendre à guérir par lui-même, en passant peut-être par d'autres procédures...
C'est en ce sens un roman initiatique, un roman d'apprentissage, mais le jeune guérisseur doit faire seul, il va accomplir la traversée de ce village en une seule nuit.
Il y a cette mère, la mère du jeune guérisseur, omnisciente dans le texte, bien qu'elle ne soit jamais là et c'est comme si elle devenait brusquement le personnage principal, surtout parce qu'elle n'est jamais là.
L'histoire va unir ses deux personnages, la mère et le fils, comme une une oscillation entre deux versants, dans cette mission presque divine dont ils sont investis et qui les unit dans la distance.
Le fils, personnage mutique, mais qui parle pourtant bien plus que la mère, - c'est dire, qui transgresse déjà le pouvoir par la mère qui lui avait ordonné de ne jamais parler, faire mais ne jamais dire. Apprendre la langue des choses cachées, c'est apprendre à se taire.
La parole est vaine et en même temps parle de chemins nouveaux.
Chaque lecteur peut voir ici, prendre un peu ce qu'il veut, métaphore de l'apaisement et du soin, de la mort et de la vengeance, du chagrin éternel qui unit le malheur des hommes.
Le plus important ce sont les actes de la mère et du fils, qu'on ne comprend pas et parce qu'on ne les comprend pas, on y croit plus que jamais. Ainsi, ce récit ressemble à un conte.
J'ai ressenti la crasse immonde d'un lieu en tournant les premières pages, l'innommable, la noirceur de l'humanité, des maisons qui chuchotent, des hurlements derrière les portes, c'est un lieu habité par des âmes en souffrance.
Oserais-je dire que le lieu est important dans la narration de ce récit ?
Le paysage, les endroits, sont des éléments fondateurs dans l'oeuvre romanesque de Cécile Coulon, pour ceux qui la connaissent un peu. Ici c'est un lieu habité par des personnages eux-mêmes habités par ce lieu. Prisonniers aussi...
Je crois volontiers Cécile Coulon un peu magicienne, un peu sorcière, capable de percer le ventre d'un texte de ses doigts de fée, d'aller chercher dans la lie poisseuse des mots les entrailles de l'âme humaine, de les porter dans la lumière du jour, de les métamorphoser par une alchimie dont elle a seule le secret, en une poésie baroque, intemporelle.
Raconter quelque chose qu'on ne peut pas dire, pas nommer explicitement, ne pas pouvoir en décrire les gestes, ni peindre les visages, encore moins les sentiments... La langue des choses cachées ne passent pas par des mots. le langage peine à raconter ce qui se passe ici.
Cécile Coulon est allée chercher dans ces personnages la noirceur profonde, pour dire à quel point ce fils est vital pour le village, mais à quel point ce village est vital pour le fils.
Comment voir, débusquer, démasquer ce qui n'est pas dit ?
C'est alors qu'il faut se servir d'un autre langage, celui du regard, des gestes, ce qui est dérobé, ce qui est invisible, ce qui se terre dans l'envers du décor.
La noirceur conduit le destin des hommes, elle se veut ici cathartique dans les gestes d'un jeune guérisseur dont les mains savent enlever ou laisser le feu dans un corps en souffrance/
La toute fin de ce roman envoûtant qui m'a embrasé est totalement sidérante, impossible de l'oublier ni par les mots ni par les images, ni par ce qu'elle produit dans le creux du ventre, ni par le chemin qui nous permet de nous échapper dans ce labyrinthe de rues.

« C'est ainsi que vient la mort, nous l'accueillons avec des bras pleins de fleurs, des yeux pleins de larmes, surpris qu'elle nous connaisse si bien, et qu'elle éveille en nous des amours plus fortes que la vie elle-même. »
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La mère l'a éduqué, entraîné, instruit pour que rien de ce monde ne lui soit étranger, pour qu'il prenne un jour, sa place. le fils déploie ce que la mère lui a appris, il est seul à entendre les cris, le seul à parler la langue des choses cachées, là où s'affrontent les forces. Il convoque et voit le passé.
Il m'a été difficile d'entrer dans ce roman, sa lecture n'est pas très aisée. Et puis j'ai été happé par l'écriture à la fois poétique et brutale de Cécile Coulon. Elle nous entraîne dans les ténèbres de la condition humaine. Un exercice littéraire très original, une plongée dans ce que l'âme a de plus noir, un récit très actuel contrairement à son apparence.
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La langue des choses cachées nous plonge dans un décor monochrome, un village archétypique loin des repères du temps. En compagnie de personnages qui ne connaissent des ondes que celles que leur perception capte et émet. Pas de pylônes, pas de gadgets, juste un lien fort et permanent au vivant.

L'intrigue met en scène le fils, celui qui a été envoyé pour perpétuer les dons de celle qui connaît les secrets les plus intimes des âmes qui guettent derrière les seuils. Avec une obligation de résultats : la mission est l'occasion de faire ses preuves, de légitimer sa présence. Mais son souci de bien faire ne risque t-il pas de créer le chaos ?

Ce court roman est de ceux qui laissent une trace, par l'ambiance si particulière qu'il crée. La prose est ciselée comme une dentelle à l'ancienne. Chaque mot compte. Pas de fioritures, juste la magie des phrases qui fait la poésie. Une sorte de passerelle entre les romans et le recueil de poésie de l'autrice
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Lecture inoubliable que ce roman de Cécile Coulon !
Ecriture forte, ardente, poétique, une écriture-choc !

J'ai ADORE ce roman qui laisse deviner, qui n'explique pas, qui murmure, qui palpite de sous-entendus. C'est ce qui convient au thème abordé, celui des guérisseurs, des rebouteux, plus proches de l'âme du monde que quiconque, qui veulent rééquilibrer la vie, redonner forme aux bancals, aux souffrants, aux malheureux, à l'aide d'un langage secret, cette langue des choses cachées.

Ce roman murmure, oui, mais il hurle aussi ! Car le fait de « travailler » sur le corps souffrant et surtout, à travers lui, sur l'âme, est une entreprise téméraire et ambitieuse. Les corps se rebellent, ont peur, ont mal. Les cris fusent et bouleversent le village reculé dans lequel les faits se passent.
Le jeune homme qui a pris le relais de sa « mère » en est secoué à l'extrême. Et il fait ce qu'il croit être bien pour l'équilibre du monde…

La langue qu'il utilise, personne ne la connait, mais le langage de Cécile Coulon, je commence à le cerner, il m'emporte, il m'éblouit, il me galvanise.
MAGISTRAL !
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Le visage de l'auteure, cette jeune femme blonde à l'apparence angélique, au sourire d'adolescente m'avait interrogé plusieurs fois dans différentes émissions de la Grande Librairie. Lisant peu de romans, ce petit livre de 133 pages me convenait.

Ma lecture a été un choc imprévu !

« Car c'est ainsi que les hommes naissent, vivent et disparaissent, en prenant avec les cieux de funestes engagements »

L'histoire pourrait paraitre banale. Les deux personnages principaux du livre sont signalés entre parenthèses pour les reconnaitre plus facilement dans le récit : « mère » et son « fils ». Rebouteux, guérisseurs, médecins de l'âme et du corps, ils ont appris très tôt la langue des choses cachées quand « ils étaient appelés ». La « mère », âgée, ne peut plus se déplacer. Elle a soigné de nombreux personnages dans le monde, des humains, des princes, des puissants, et, souvent, des animaux qui lui faisaient confiance. Elle envoie son « fils » à sa place vers un lieu-dit : le Fond du Puits, un village d'ombre où le soleil ne s'infiltre jamais. Lorsque l'on y pénètre, on se demande si l'on en sortira vivant.

Ce « fils » est venu à la demande d'un prêtre pour soigner un enfant malade qu'il trouve d'une beauté stupéfiante. Son père, un homme affreux, monstrueux, violent, atroce, un homme aux épaules rouges a toujours fait le mal : il a violé des femmes, cogné des hommes, vidé des bêtes. Cet enfant souffrant est le sien, il l'a eu avec une femme, décédée, peu de temps après le terrible drame conté dans le livre. Cet être bestial veille son fils unique : « Cet enfant est son salut, la lueur dans la boue, la couronne sur la crasse, cet ange, il ne le mérite pas, mais une douceur a percé sous les épaules rouges du père, un morceau d'amour qui tangue, qui grince. »

Le « fils » apprend par le prêtre que sa « mère » était venue au Fonds du Puits une vingtaine d'années auparavant. À l'époque, l'homme d'Église l'avait conduit dans une maison où une jeune femme qui n'avait pas vingt ans, aux yeux verts, souffrait. La « mère » avait tout de suite compris ce qui s'était passé : le viol avait été commis par une brute aux épaules rouges, dans une autre maison, « sur une table usée par le viol et la mauvaise mangeaille ». La jeune femme avait senti les mains de la « mère » sur son corps. Avec son pouvoir, elle « a rétabli l'ordre du monde en évitant la venue d'un être créé dans le drame et l'horreur ». La « mère » était repartie en laissant l'homme aux épaules rouges, le monstre, vivre et persister.

Plusieurs personnages de femmes vont apparaitre dans le récit, toutes sont souffrantes ou âgées. Deux d'entre elles ont souffert du fait de l'homme aux épaules rouges : celle aux yeux verts à qui la « mère », autrefois, a retiré son enfant avant sa naissance ; et la femme de cette brute, morte, dont l'enfant est cloué au lit, et que le « fils » est venu soigner.
« Cet homme règne sur la vie et la mort de ces deux femmes par les vies qu'il a nichées à l'intérieur d'elles, comme on cache son meilleur atout au milieu d'un paquet de cartes. »

J'en ai peut-être déjà trop dit. Je ne raconterais pas la suite des événements dans lesquels cette étrange histoire, pas facile à décrire, nous entraine.

Ce récit est superbe, terrible, cruel. Son épilogue est un long et magnifique chapitre sur la mort : « C'est ainsi que vient la mort, nous l'accueillons avec des bras pleins de fleurs, des yeux pleins de larmes, surpris qu'elle nous connaisse si bien, et qu'elle éveille en nous des amours plus fortes que la vie elle-même. »

Ce roman est un livre d'ambiance, noir, glauque, moyenâgeux, envoutant. Il m'a profondément remué, par les mots, la violence, sa sombre poésie qui nous attire alors que l'on souhaiterait fermer le livre.

Je connais mieux maintenant le style éclatant de Cécile Coulon dont le talent littéraire m'a impressionné.

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Lien : http://www.httpsilartetaitco..
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Au départ j'ai été surprise par le style de l'autrice. Les mots sont forts ils claquent ils ne ménagent pas le lecteur. Très vite on est comme ensorcelé par ce roman qui se matérialise dans notre esprit tel un film car oui on voit les images et on entre vraiment dans l'histoire. Impossible alors de lâcher ce roman qui a été pour moi une excellente lecture. du surnaturel l'impression de lire un conte horrifique où la fin surprend. Une très agréable découverte.
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Jeudi rencontre avec Cécile Coulon.
J'y suis allée sans impatience. "Seule en ma demeure" ne m'avait pas vraiment plus.
Mais voilà, cette jeune auteure m'a séduite par son intelligence et son humour.
Elle a publié son premier livre très jeune (16 ans). Elle écrit beaucoup de poésie ( prix de la révélation de poésie).
Née en Auvergne, elle déplore l'obligation de "monter" à Paris pour réussir.
Très tôt elle décide de situer ses romans dans la France rurale sans faire une littérature de terroir.
Elle a consacré sa thèse de fin d'études au thème "sport et littérature".
Et elle écrit ce roman très court, qui ne laisse pas de place au superflu, en s'imposant une discipline de fer: course a pied et écriture. Bien sûr elle évoque Murakami et son Autoportrait de coureur de fond.
L'histoire...Une guérisseuse est appelée auprès d'un enfant dans un hameau perdu, le" fond du puits". Trop âgée et fatiguée , elle laisse la place à son fils qu'elle a instruit des gestes et des plantes qui guérissent.
Dès son arrivée dans la maison de l'enfant le fils voit et entend des choses que les autres ignorent. Il suffira d'une soirée et d'une nuit pour que remonte à la surface toute l'histoire de ce lieu lugubre, pour que le fils fasse ce que sa mère n'avait pas fait des années auparavant.
Ce roman court est glaçant, sombre, poétique. Un conte que l'on ne peut ni situé ni daté. Une écriture très puissante.
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