Elle est l'un des secrets les mieux gardés du Vatican. Après avoir été exposée aux yeux de tous, après avoir causé de vifs émois à ceux qui avaient tenté d'en percer le mystère, la Pietà Vitaliani est désormais cachée à l'abri des regards indiscrets, enfermée à triple tours dans un endroit tenu secret… “On l'enferme pour la protéger”, selon l'Eglise, moyen de préserver celle qui confine au divin, tout en l'élevant au rang de mythe, de chimère.
L'histoire débute en 1986, au moment où le créateur de la sainte statue s'apprête à rendre son dernier souffle. Michelangelo Vitaliani, l'homme aux mille vies, moqué pour sa petite taille qui ne dépassa jamais celle d'un enfant, admiré pour son génie créateur, haï par les envieux, instrumentalisé par les puissants, s'apprête à nous livrer son histoire et, par là même, le mystère qui entoure sa célèbre création…
Il est des romans que l'on rechigne à refermer tant l'on s'y sent bien. Parce qu'ils nous font voyager avec des compagnons formidables, parce qu'ils nous font rêver, ressentir les choses comme si nous y étions, parce qu'ils nous apportent enrichissement et évasion, tout simplement.. “
Veiller sur elle” est de ces romans-là.
Aux côtés de Michelangelo, dit “Mimo”, nous allons parcourir l'Italie de Pietra d'Alba, à Florence, en passant par Rome, pour revenir, toujours, à Pietra d'Alba, où l'attend l'insaisissable Viola, sa “jumelle cosmique”, son âme soeur, celle par qui tout commence et tout fini. Une plongée envoûtante dans l'Italie du XXème siècle, dans une région épargnée par la première guerre mondiale mais qui n'échappera malheureusement pas à la seconde… Une région paisible, quoique miséreuse, où l'on cultive les orangers, sous l'égide de quelques puissants, dont font partie les Orsini. Une région que l'on voit rattrapée par son époque, par le progrès qui déboule sans crier gare.
Au coeur du roman, il y a l'Art en général et la sculpture en particulier. Dans un pays connu pour ses génies créateurs, fier de son savoir-faire et de sa richesse, Mimo n'a pas à rougir car, si l'homme, du haut de son mètre 40, est petit en taille, son talent, lui, est immense, incommensurable, à la fois percutant et subversif. On le voit se déployer au fil des années et raconter comment se construit un chef-d'oeuvre, avec, en toile de fond, les jeux de pouvoirs entre l'Eglise et les politiciens.
Mais, ce qui enchante par-dessus tout à la lecture de “
Veiller sur elle”, au-delà du processus artistique qui lie un artiste à son oeuvre, c'est l'objet qui la lui a inspirée, en l'occurrence sa relation avec Viola. Un amour impossible, digne des plus grandes tragédies italiennes, mais qui bouleverse par sa pureté, son évidence, son absolu. Une relation entre deux individus hors normes, qui va défier toutes les lois et déchaîner toutes les passions.
Jean-Baptiste Andrea dresse par la même occasion un sublime portrait de femme. Une femme brillante, visionnaire, audacieuse, prisonnière de sa condition, mais qui n'aura de cesse d'essayer de briser ses chaînes.
L'auteur nous offre ainsi un roman enchanteur, qui se conclut en apothéose, lorsqu'une vague d'émotions déferle sans prévenir pour ensevelir le lecteur au moment où la lecture s'achève… C'est beau, puissant et tous les ingrédients sont réunis afin de plaire au plus grand nombre. A souligner la plume de l'auteur, à la fois fluide, immersive et tellement agréable qu'elle rend le texte difficile à lâcher. Bref, j'ai adoré!
A lire aussi, pour ceux qui auront aimé, les romans de Luca di Fulvio, “Le gang des rêves” par exemple, ou “Pietra viva” de Léonor de Recondo.
“
Veiller sur elle” vient de recevoir le Prix du Roman Fnac, largement mérité et, je lui souhaite, peut-être le premier d'une longue série.