AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Caroline Hinault (135)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Solak

Un roman glaçant dans tous les sens du terme. Solak ; presqu'il située au milieu du cercle polaire, où se trouve implanté une zone militaire. 4 hommes vivent , survivent au quotidien. Suite au décès d'un des leurs, un nouveau vient d'être hélitreuillé. Un personnage, discret, mystérieux, taiseux, qui avoue être muet. Nous sommes à la vielle du fameux hiver arctique, où la nuit va s'installer pour un moment. Les descriptions sont époustouflantes . Ce huit clos, d'une noirceur extrême, cette tension qui s'installent entre les protagonistes, font peur, une sorte de folie se fait ressentir. L'écriture est tout en longueur, certains pourraient se lasser rapidement de la lecture, mais c'est existentielle dans cet univers. Nous sentons les tensions qui se multiplient, un mal être, une violence, une cohabitation qui par en vrille. L'auteure nous livre un premier roman remarquable. Un suspens qui nous suivra tout au long de la lecture, avec une fin totalement inattendue.

Commenter  J’apprécie          1218
Solak

Un huis clos étouffant dans le cercle polaire arctique où les motivations de chacun des protagonistes restent confuses, Caroline Hinault ne parvenant pas toujours à leur donner la dimension qui en ferait de véritables héros.



Pourtant, tout les ingrédients sont là dans le silence où seuls les craquements de la banquise animent l'atmosphère, l'histoire, noire au possible, est bien installée, mais son dénouement est bâclé, quel dommage!



Aucun des personnages n'émerge vraiment, il y a le mort, Igor, les vivants ou morts-vivants pour certains d'entre eux, et cette posture est sans doute la mieux rendue par la prose alerte de Caroline Hinault.



La vie quotidienne dans ce désert blanc, sans autre attente que celle de la longue nuit, puis du retour hypothétique du printemps, avec toutes les opportunités pour un drame, est bien relatée. Mais, cette narration manque un peu de la substance qui aurait pu en faire un grand roman, il s'en est fallu de peu.



Les descriptions de la nature, des animaux, des aurores boréales sont très belles, elles n'adoucissent cependant pas le climat très noir de l'oeuvre et ce n'est certainement pas leur but.



Donc, un roman qui déroute, embarque, puis débarque, selon la sensibilité des lecteurs.
Commenter  J’apprécie          1004
Solak

Un diamant brut que ce roman ! Que dis-je, une rivière de diamants blancs et noirs : L'atmosphère y est aussi sombre que sa banquise est blanche immaculée, ses personnages aussi pervertis qu'elle est vierge… et les éclats de pensées du narrateur coulent en phrases éblouissantes, comme le jour et la nuit de cette banquise qui est tout l'un ou tout l'autre.





« Parfois je rêve que la neige et la glace, la banquise toute entière, par fidélité à mon âme nécrosée, sont noires. Une étendue d'obscurité laquée qui s'étendrait à l'infini comme un voile de deuil givré. »





Comment oser écrire avec mes mots après avoir admiré, pendant 120 pages, la beauté, la précision, la poésie même, certes toute virile et militaire, mais non moins touchante bien au contraire, de ce récit via son narrateur Piotr ? Peut-être simplement en donnant un serti aux mots de l'auteure, laissant s'exprimer toute leur lumière, et leur matière.





« Saleté d'espoir. L'avantage de l'âge, c'est qu'on le fait taire très vite et moi je suis trop vieux pour tout, y compris cette saloperie de froid qui me craquelle la bouche, me couperose tellement la gueule que j'ai l'air d'un lutin de papier mâché roulé dans le sucre glace. »





Piotr est un militaire au passé obscur, probablement dans les deux sens du terme, habitant depuis 20 longues années sur cette banquise du bout du monde où sa fonction est de veiller… sur le drapeau national, planté là, en plein milieu d'un nulle part hostile au possible pour le commun des mortels.





« Tout ça pour un drapeau quand on y pense, et que d'autres troufions puissent pas claironner au monde que leurs bottes sont prioritaires, ce morceau-là, il est à nous, rien qu'à nous. »

« Quand on m'a parlé de cette mission tellement conne qu'elle en devenait sublime, garder un drapeau sur un glaçon, revendiquer la propriété du blanc et du vide, faut le faire quand même, c'était comme un cadeau de Dieu ou du diable qui sont l'envers et l'endroit d'une même médaille aussi ces deux-là, en tous cas ça tombait bien puisque ce que je voulais, c'était m'anesthésier, et la banquise pour ça, c'est l'idéal. »





Il accomplit sa mission avec un scientifique et deux autres militaires sous ses ordres. Mais vu que l'un de ces derniers a clamsé les mois précédents, paix à son âme, les « terriens » viennent chercher son corps bien conservé, hélitreuiller du sang neuf à la place, et larguer l'unique ravito de l'année : conserves, journaux (putain ces cons d'intendants ont encore oublié les pornos, on aimerait bien les y voir eux, privés des bordels de l'armée), sans oublier la Vodka, la seule à pouvoir endormir l'ennui, la douleur, la solitude, l'agressivité et les pulsions.





« On est tous arrivés ici pour la même raison, l'espoir d'amnésie à moins que ce ne soit d'amnistie, c'est le problème des grands mots, à deux lettres près comment savoir ? En tous cas l'espérance vénéneuse qu'à force de bouffer de la banquise, y aurait un peu d'innocence ou un truc originel bien limpide qui viendrait nous laver d'être des hommes. le faux espoir que si le temps peut servir à une chose dans nos vies de cafards, ça devrait au moins être à ça, à y rouler les choses trop laides pour être racontées et en faire un grand cigare amer qu'on fume seul, le soir, avant d'en faire retomber les cendres froides sur nos âmes jaunies. »





Or, ces maux sont difficiles à maîtriser dans un endroit où les jours sont sans nuit puis les nuits sans jour ; où les jours sans nuit vous empêchent de dormir aussi sûrement que les nuits sans jour vous font littéralement broyer du noir H24. Un huis clos en pleine nature dont aucun d'entre eux ne peut s'échapper, tout comme leurs pensées désespérantes et leurs pulsions violentes sont enfermées dans leurs têtes… Jusqu'à ce que plus personne ne puisse plus les retenir.





« La montée de la violence comme une drogue qui irriguait le corps entier jusqu'aux poings, le délicieux baiser du pouvoir, du sentiment de supériorité qui vous enfonce sa langue jusque dans la trachée et en demande toujours plus, plus loin, comme c'est bon, comme ça remplit, comme c'est jouissif, d'être celui qui domine, et puis après, la décrue, tout aussi violente, le vide sidéral, la honte. »





Mais où les drames commencent-il ? Y-a-til seulement un début et une fin, ou ne sont-ils que l'enchevêtrement de petites causes et de grandes conséquences ? L'un des éléments déclencheurs en l'occurrence est l'arrivé du nouveau militaire. On le surnomme le gosse tellement il paraît ne pas faire le poids. Pourquoi est-il là : Volontaire ou envoyé de force ? C'est que s'il ne faut surtout pas raviver le pire chez les personnes avec qui tu es isolé, il faut quand même pouvoir apprendre à se faire confiance dans ce territoire hostile, à compter les uns sur les autres pour faire face aux ours blancs, aux blessures sans hôpital etc… Mais le gosse est taiseux avec ça, à pas pouvoir compter sur lui pour animer les soirées ni répondre aux provocations. Pourtant il attend que ça Roq, le troisième et dernier militaire. le plus agressif sûrement. le plus atteint par la solitude, le manque - et la vodka.





« Pour gagner, il ne faut pas vaincre la violence mais l'aimer. » « La défaite des tendres tient tout entière dans la croyance qu'ils ont qu'on peut battre un chien enragé dans un duel au fleuret, l'espoir que la raison et la finesse pourront embrocher la violence avec de la dentelle de mots. »





Le tour de force de l'auteure, c'est d'arriver à rendre crédible sa narration au langage parlé et familier d'un vieux soldat bourru, soi-disant récalcitrant aux lettres, tout en nous faisant admirer chaque phrase : putain que c'est beau, bordel que c'est bien dit, comme dirait le narrateur. Des images fortes, des métaphores sensuelles jusque dans la violence : Cette plume trifouille au fin fond des âmes humaines, pas toujours jolies mais questionnant notre humanité. le choix charnel des mots et le ton du récit m'ont complètement séduite, et parvient à nous rendre attachant ce personnage qui ne le voudrait peut-être pas, du moins pas consciemment. Il parvient même à nous faire comprendre l'attitude des collègues moins fréquentables, tant il en parle avec la bienveillance et l'empathie de celui qui sait parfaitement ce que chacun vit et ressent. On se prend alors à penser que, pour parler avec autant de naturel poétique, brut certes, c'est qu'une belle sensibilité survit coriace sous la carapace.





« Dans un endroit comme Solak où on est quatre bonshommes obligés de frayer ensemble sur un bout de presqu'île glacée, y a un contrat tacite pendant la grande Nuit. On frôle les autres, mais on cherche pas à entrer vraiment en contact avec eux. Faut surtout pas péter la fragile bulle que chacun a soufflé autour de lui et dans laquelle il s'est enroulé pour supporter l'égouttement des jours sans lumière et du froid indescriptible qui ont piqué la vie au sol. »





Enfin, je gardais le meilleur pour la fin : On perçoit dès le départ la tension palpable qui monte entre les personnages, ainsi que la catastrophe vers laquelle chaque mot du narrateur nous amène. Ce que l'on ne sait pas encore, c'est ce qui va vraiment se produire, comment, ni même le pourquoi… Jusqu'à la fin ! Fin que je n'avais pas vu venir, tellement accaparée par les personnages, la beauté de la langue et cet univers en blanc et noir, dans lequel j'ai été totalement aspirée.





« Rien ne le retenait, on aurait dit qu'il voulait dissoudre la glace, croquer le blanc qui venait pourtant tout juste de prendre comme de bons gros oeufs en neige qui menaçaient encore par endroits de s'affaisser, parce que c'est une bête assoupie la banquise, jamais vraiment endormie, on sait pas si elle va pas cambrer le dos, s'étirer d'un coup et vous gober couillons sous la coque de sa surface. Faut pas penser à ça quand on lui chatouille l'échine, à l'idée qu'on avance sur une pellicule de quelques dizaines de centimètres d'épaisseur sous laquelle est ventousée l'énorme bouche de l'océan avec ses grosses lèvres rondes qui attendent que ça, de vous super, un peu comme celles des poissons nettoyeurs sur la vitre des aquariums. »





Beau, profond. Magistral. 120 pages qui pèseront bien plus lourd dans votre vie de lecteur. A LIRE absolument, vous m'en direz des nouvelles !
Commenter  J’apprécie          100107
Solak

Solak est un roman pour le moins étonnant, dont le style et la narration risquent d'en surprendre plus d'un. Solak c'est aussi une exploration extrême dans les méandres de l'âme humaine, à la mesure du cadre du roman, rude et impitoyable, car le froid conserve tout, y compris les souvenirs les plus enfouis qui ne font que sommeiller.

Pour ce qui est du style, je crois bien que c'est le premier roman que j'ai lu qui soit complètement exempt d'adverbes de négation, un peu pénible au début, cela dit, avec un narrateur unique, on comprend vite que celui-ci écrit comme il parle. Un autre aspect m'a, par contre, beaucoup plu : la grande majorité des phrases sont des métaphores, pas toujours très fines, mais toujours précises et ciselées, très en phase avec ce contexte hostile et délétère.

Je vais faire une petite digression qui s'adresse aux nombreux lecteurs de "La horde du contrevent", tout au long de ma lecture, j'ai eu l'impression de lire et "entendre" Golgoth en mode mélancolique et désabusé, une impression agréable pour tout dire.

Caroline Hinault m'a impressionné, pour un premier roman, c'est vraiment bon avec un suspense parfaitement maîtrisé et une tension qui monte crescendo. Le scénario imaginé par l'auteur est un modèle d'efficacité, l'utilisation des ingrédients climatiques extrêmes est parfaitement employée pour nous offrir un huis-clos étouffant et anxiogène qui va nous tenir en haleine jusqu'au bout, le tout sans en faire trop, ce que j'ai apprécié.

Le point fort du roman selon moi, tient avant tout dans le traitement des quatre personnages et dans l'équilibre instable nécessaire à la survie, il n'est même pas question ici d'harmonie, quand viendra la grande nuit, la solidarité devra être totale...

Ce roman, est aussi à sa façon une réflexion sur le genre humain et la difficulté à cohabiter quand les règles écrites ou tacites n'ont plus cours.

Sur ce bout de territoire Arctique, quatre hommes, "Grizzly" le scientifique pacifique, Roq et Piotr, les deux militaires au passé incertain, et la nouvelle recrue, "le gosse", un taiseux et pour cause, il est muet, s'apprêtent à affronter la grande nuit. Piotr, le narrateur a un mauvais pressentiment...

Pour conclure, j'ai passé un très bon moment de lecture, avec un intérêt et une curiosité en éveil tout du long, je mettrais juste un bémol avec le tout dernier chapitre et son épilogue, je l'ai trouvé un peu invraisemblable et pas en harmonie avec l'ensemble de l'histoire, j'ai ressenti une "pointe" de frustration, cela dit, j'ai vraiment aimé.

Il me reste à remercier les nombreux babeliamis qui ont lu ce roman et notamment Onee et sa liste "Un bon roman sous la neige" qui m'ont porté vers cette lecture.
Commenter  J’apprécie          9925
Solak

Un drapeau et une poignée de baraquements dans l’étendue arctique : c’est là, sur la base militaire de Solak, que cohabitent péniblement le climatologue Grizzly et deux engagés au passé trouble, Roq et Piotr. L’arrivée d’un jeune soldat stressé, difficile à cerner et muet, juste avant que ne commence la grande nuit de l’hiver arctique, vient bousculer le précaire équilibre du petit groupe. La tension devient si explosive que le drame semble inéluctable.





La couverture plante le décor, les premiers mots nous y jettent. Nous voilà brutalement livrés aux conditions extrêmes d’un territoire sauvage et glacé, bientôt prisonniers de la nuit âpre et sans fin de l’hiver polaire où tout est danger, au physique comme au moral. Car, tandis que blizzards, crevasses et ours risquent à tout instant de ne faire des hommes qu’une bouchée, l’ennui et la promiscuité du confinement ont de quoi ébranler les nerfs les plus solides. Alors, quand s’éloigne le dernier hélicoptère ravitailleur avant l’embâcle et la nuit polaire, c’est comme un couvercle d’angoisse et de tension qui s’abat sur le lecteur et les exilés de Solak.





Livrés à eux-mêmes loin de toute civilisation, les hommes ne tardent pas à se révéler dans leur vérité la plus nue. Si Grizzly est un idéaliste totalement investi de sa mission écologiste, les autres ont tous échoué ici pour de sombres raisons. Roq n’est que rapport de force et brutalité, la jeune recrue méfiance et tension nerveuse, pendant que Piotr, le plus âgé et le plus expérimenté puisqu’il survit à Solak depuis vingt ans, cache sous sa rugosité désabusée, la blessure et la culpabilité d’un passé dont il semble chercher malgré lui une forme de rédemption. C’est sa voix, brutale et crue, qui nous raconte sans ménagements et avec la force de sa colère, cette implacable histoire dont l’ultime, et pourtant attendue, déflagration prendra tout le monde au dépourvu.





Les mots de Piotr, sortis sans apprêt des tripes de cet homme, ont la puissance de carreaux d’arbalète. Directs, à l’os, ils s’enchaînent sans respiration dans une montée d’angoisse dont on sait d’avance qu’elle mène à une tragédie plusieurs fois annoncée. Mais, surtout, ils sont illuminés d’une beauté singulièrement poétique malgré leur expression brute et parfois triviale, si sincère et si spontanée. Innombrables sont les phrases que l’on s’attarde à relire dans une délectation stupéfaite et éblouie, avec la certitude de découvrir, dans ce premier roman, une plume d’exception dont on attendra avec impatience les prochaines productions.





Cette petite merveille de livre rejoint sans coup férir la très sélective liste de mes coups de foudre.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          903
Solak

Sur la presqu'île de Solak, au nord du cercle polaire arctique, trois hommes affrontent les rafales de vent glacial provoquées par l'hélico. Une fois la nouvelle recrue et le ravitaillement déposés, il repart avec le cercueil d'Igor. Piotr remarque aussitôt combien le gamin, au regard d'iceberg, semble tout frêle, malgré l'épaisseur de ses vêtements. Aucun mot échangé lors des présentations et, pour cause, le gamin est muet. Une situation qui étonnent Piotr, militaire installé depuis 20 ans à Solak, chargé de surveiller le territoire et la tenue du camp, Grizzly, un scientifique venu ici pour mesurer la glace et dont le départ est prévu après la grande Nuit et Roq, un militaire un peu rustre mais bon chasseur. Que sont donc venus faire ces hommes à l'autre bout du monde, isolés et soumis à un climat rugueux ? S'il faut savoir composer avec le froid, les ours ou encore la grande Nuit qui approche, c'est surtout la promiscuité et le passé de chacun qui, immanquablement, vont installer, dès les premiers jours, ce climat de tension...



Solak, une terre hostile, loin des terriens, soumise à de rudes conditions climatiques et où les mots nuit et jour n'ont parfois plus de sens... C'est ici que vivent trois hommes, Grizzly, Piotr et Roq, bientôt rejoints par une nouvelle recrue. Immersif, pénétrant, l'on est saisi, dès les premières pages, par ce huis clos glacial planté au cœur de ces immensités blanches. Saisi par ce froid mordant, par ces hommes au caractère rustre, au passé trouble et dont on ignore les raisons de leur présence à Solak, par cette ambiance tendue et nerveuse, par cette promesse d'une nuit qui ne finira jamais et par cette plume rude, à vif, tranchante comme la glace et poétique à la fois. Caroline Hinault dépeint, de son œil implacable, la cohabitation de ces quatre hommes si différents, prisonniers à la fois de Solak, de leur promiscuité et de leur passé, et cette nature, tout à la fois grandiose et hostile. Une lecture en apnée dont on ressort haletant, abasourdi, presque abattu, admiratif surtout...

Un roman surprenant et profondément noir, telle cette grande Nuit qui aura scellé le destin de ces hommes...
Commenter  J’apprécie          885
Solak

Comment se rafraîchir quand on est en train de rôtir sur une plage, sous un soleil caniculaire ? Bien sûr, il y a l'océan, 19°, ça vous saisit un peu quand il fait plus de 30 sur la plage, Mais on ne peut y rester toute la journée. L'autre solution c'est de plonger dans la grande Nuit arctique et d'ouvrir Solak. Frissons garantis, et ce n'est pas que le froid…



Un bout de banquise où flotte un drapeau, des baraquements décrépits, trois militaires pour garder ce territoire, investis de « cette mission tellement conne qu'elle en devenait sublime, garder un drapeau sur un glaçon, revendiquer la propriété du blanc et du vide, faut le faire quand même, ». Il y a aussi un scientifique, écologiste, qui est là pour faire des mesures et monter au reste du monde que oui, la terre se réchauffe. Il est un peu à part.



Deux des militaires sont là depuis plusieurs années, un vient juste d'arriver, étonnamment jeune, étonnamment frêle. Il arrive pour remplacer un qui s'est suicidé. Il dénote : qu'a-t-il fait pour mériter cette affectation ? Pourquoi est-il là ? Les deux anciens, on préfère ne pas savoir pourquoi on les a exilés, sur ce coin de terre perdue. Ce n'est plus la terre d'ailleurs, puisque les terriens ce sont les autres, ceux qui vivent ailleurs, « dans des contrées peuplées où flottent des peaux douces et des caresses, ».



L'auteure raconte dans une écriture nerveuse, aux fulgurances étonnantes, les quelques mois qui suivent l'arrivée de ce « gosse ». C'est Piotr le plus ancien ici qui raconte, l'arrivée du nouveau, les quelques semaines d'été, puis la grande Nuit qui va durer plusieurs mois, et le froid, terrible, qui empêche quasiment toute sortie. Alors la tension monte, entre ces hommes qui ne partagent pas grand-chose, à part quelques parties de cartes. On sait depuis le début que cela va mal finir, on ne sait pas qui, comment, mais ils ne seront pas tous là au retour de l'hélico. Et les évènements vont se précipiter, un final éblouissant, aux révélations pour le moins inattendues.



Encore un livre que je n'aurais pas lu sans Babelio. Merci à Onee et à tous les babelpotes qui ont suivi son exemple pour avoir attiré mon attention sur ce court mais ô combien intense roman.

Commenter  J’apprécie          7249
Solak

C'est un bout de glace à la dérive comme le sont les continents intérieurs.

Ici, c'est la banquise à perte de vue, l'infiniment blanc.

C'est une horizontalité minérale, solitaire jusqu'à l'os.

Nous sommes au nord du cercle polaire arctique. Sur ce territoire qui s'apparente à une presqu'île et qui s'appelle Solak, trois hommes cohabitent comme ils peuvent avec des missions bien particulières. Il y a tout d'abord Grizzly, un scientifique taiseux, professionnel du climat préoccupé d'aller relever sa sonde tous les jours. Il aime se pencher avec philosophie sur l'état déplorable du monde, aime lire les grands auteurs... Il y a Roq et le narrateur Piotr, deux soldats dont je ne suis pas curieux de connaître le passé trouble qui les a amenés ici ; leur mission consiste à défendre, à surveiller le drapeau d'une nation, hissé au milieu de cette station polaire. Les lectures de Roq, quant à elles, se cantonnent à des magazines pornographiques dont les pages sont froissées, jaunies, à force d'avoir été triturées dans tous les sens... Autant vous dire que les palabres philosophiques, écologiques ou bien disserter sur Shakespeare, ce n'est pas trop sa tasse de vodka...

Cohabiter, survivre...

Ils étaient quatre, si l'on compte un certain Igor qui n'a pas survécu... Alors il faut le remplacer, c'est aussi simple que cela... Qu'à cela ne tienne, déchirant la blancheur sidérale du paysage, un hélicoptère ravitailleur approche en vol stationnaire, il vient d'hélitreuiller sur Solak un jeune soldat, juste avant l'hiver arctique et la grande nuit polaire qui s'apprête à commencer. À la faveur du ravitaillement, le jeune militaire est à peine déposé sur le sol que l'hélicoptère s'éloigne déjà, repart avec la dépouille d'un soldat presque inconnu vers le monde des terriens, vers le monde des vivants j'ai presque envie de dire, refermant le couvercle sur cet espace désormais clos. La grande nuit peut commencer...

Parmi la cargaison déposée, figurent des denrées précieuses pour survivre, tenir le coup, pas forcément tenir débout car si la vodka sait ouvrir le paysage, y déverser des torrents de lumière, des rires de femmes, des ciels constellés d'aurores boréales, le voyage pose très vite ses limites et son fardeau au tangage de la nuit.

Le décor est ainsi planté dès les premières pages ainsi que son comité d'accueil.

Oui, survivre, Piotr le narrateur en sait quelque chose sur le sujet, cela fait vingt ans qu'il est là... Quand on est ici de manière volontaire, - car c'est un choix pour ses hommes, on peut s'interroger sur la férocité et la vacuité de leurs existences d'avant, avant de poser le pied sur cette étendue à la fois immaculée et pleine de brutalité.

La grande Nuit s'apprête à venir...

« le lendemain matin, elle était bien là, main dans la main, avec l'hiver comme deux esprits malins qui nous auraient cousu le visage dans notre sommeil. La grande Nuit. »

Les mois vont alors se succéder, un par chapitre, d'août à mars...

Solak est bien plus qu'une île, c'est un huis-clos oppressant. Et comme dans tout récit construit sur ce registre, il y a toujours un élément perturbateur qui arrive, un caillou dans la chaussure, quelque chose qui va dérégler le cours des planètes à jamais...

On l'appelle le gosse, le môme, cette nouvelle recrue qui vient de débarquer, qui commence à prendre ses marques, composer avec l'humanité d'ici. Il y a de la tristesse dans son regard. Il ne parle pas, et pour cause, il est muet, d'un silence aussi impénétrable que la nuit polaire, mais il écrit, écrit beaucoup sur un cahier, déchirant parfois les pages quand il veut s'exprimer aux autres...

On sent bien que son arrivée est de nature à perturber un équilibre déjà si fragile, si instable. Et puis Roq, il ne faut pas le provoquer, Grizzly et Piotr en savent quelque chose...

Une étendue immaculée, quelques baraquements...

De temps en temps rôde celui qu'on appelle le Pater, l'ours blanc... Je me suis demandé au fil des premières pages d'où pouvait venir le danger dans cette histoire, à quel endroit se situait la sauvagerie d'un tel lieu, la menace... Plus tard, je ne me posais plus ce genre de questions...

Survivre, se confronter...

J'ai aimé ce récit féroce, abrupt, qui ressemble par moments à une tragédie antique ou à d'autres moments à une odyssée solitaire et intergalactique jetée hors du temps.

J'ai aimé vivre avec la pensée du narrateur, ses réflexions, son angoisse existentielle, parfois la vodka vient poser un peu de détachement lorsqu'il questionne l'humanité, l'état du monde, parfois la vodka aide à panser de vieilles blessures mal refermées... D'autres fois il se contente de se tenir à distance de ceux-là avec lesquels il est condamné à partager cette solitude qui fait tant de bruits en lui...

J'ai aimé le style, l'écriture âpre de Caroline Hinault, ses phrases acérées, qui secouent, qui cognent au ventre...

Il y a une tension qui va aller crescendo, j'ai été emporté dans la fulgurance d'une comète et je n'imaginais pas qu'elle traverserait les pages de cette grande nuit polaire dans une déflagration d'une telle intensité.

Solak, c'est la solitude à l'état pur, c'est le soleil qui est passé dans l'envers du décor et qui n'est pas prêt à refaire surface. Solak, c'est un cri nu jusqu'au bord ultime de la nuit, emportant les aurores boréales et leurs dernières illusions...

Solak, un mot imaginaire qui claque comme le tempo d'un jazz de Mile Davis et qui vient rayer la grande nuit, So what ! So what !

Un coup de coeur que je vous supplie de lire !

Commenter  J’apprécie          7244
Solak

Un camp militaire sur une presqu'île imaginaire au nord du cercle polaire arctique.

.

L'autrice nous propose un huis-clos dans quelques baraquements isolés dans l'immensité glacée.

.

Au milieu des installations militaires, un drapeau et trois mecs pour le garder...

.

Un quatrième, appelé "le gamin", est héliporté pour remplacer Igor, qui s'est suicidé.

.

Hormis le dernier arrivé, les autres sont là depuis des années, supportant entre autres la présence du soleil et sa disparition pendant 6 mois.

En début de livre, c'est très bientôt la nuit.

.

Le paysage est beau à couper le soufle, et Caroline Hinault le décrit parfaitement tout comme elle apporte un soin particulier à la description des personnages.

.

Loin de toute civilisation, coupés du monde, le comportement des protagonistes est intéressant à observer.

.

Grizzly, scientifique idéaliste, écologiste calme et posé, aime la poésie.

.

Roq, brut de décoffrage, sans coeur, ne connaît que les rapports de force et élimine chaque animal qui passe à la portée de son fusil.

.

Enfin, Piotr, le plus âgé, sur place depuis 20 ans.

Plein de colère et d'énergie, c'est lui le narrateur et je dois reconnaître que dans sa voix réside la force du récit.

.

Le roman est puissant, la tension palpable, on ne peut s'empêcher de continuer à lire malgré le malaise qui nous étreint.

.

Pour un premier roman, l'autrice frappe très très fort.

.

*******

.

Mais je n'ai pas aimé du tout.

Les souffrances infligées aux animaux, adultes comme bébés, m'ont été insupportables.

.

Le fou de la gachette évoqué plus haut ne fait pas dans le détail. Les états d'âme, il ne connaît pas.

.

J'espère avoir réussi à être impartiale dans mon retour sur ce roman, parce que je ne vous cache pas que je ressors traumatisée de ma lecture.

.

.

.
Commenter  J’apprécie          6856
Solak

L’ours blanc rôde autour du camp… L’hiver, la grande Nuit, les aurores boréales et leurs colliers d’étoiles, bienvenue en terre hostile, dans un huis-clos glacé et étouffant, qui emprisonne sur la vaste étendue blanche, au milieu de rien… Mais ne croyez pas que l’été se révèle plus clément pour l’organisme, pauvres naïfs, car alors le soleil aveuglant brille sans discontinuer, rendant difficile sommeil et repos.

À la fin des années 1990, trois hommes marquent leur territoire, ils sont sur la presqu’île de Solak, au-delà du cercle polaire arctique, chacun a ses raisons d’être là, les officielles et les moins avouables.

Grizzly est un scientifique qui réalise des relevés météorologiques, les militaires, le vieux Piotr, le narrateur, et Roq, son subordonné ivrogne, sont là pour veiller sur un drapeau et vérifier qu’aucune armée ennemie ne viendra poser le pied sur la banquise.

Mais en ce jour d’aout, l’hélico de ravitaillement se livre à un ballet bien particulier, car en plus de l’habituelle livraison de vivres et autres denrées indispensables, le cercueil d’Igor est remonté à son bord. En remplacement d’Igor, un jeune homme, surnommé le gosse par Piotr tout au long du roman, est déposé sur la banquise pour prendre sa place.

Très vite, le gosse inquiète Piotr par son étrangeté, son inadaptation à l’environnement, qu’a-t-il donc fait pour échouer là ? Son regard bleu acier le transperce et Piotr se sent mal à l’aise, il sent qu’un jour ou l’autre la poudrière entre eux va exploser, mais il ne sait pas dire qui en sera la victime ni quand cela aura lieu.



Un style tranchant comme une lame, Caroline Hinault se glisse dans la peau du vieux Piotr avec un accent de vérité et un mordant bluffant. L’humour est sombre, gluant, noir, très noir dans tout ce blanc. La tension palpable est distillée à juste dose, les personnages et Solak sont brossés à coups de scalpel. L’immersion est totale, addictive, désespérément jubilatoire. Le tout s’achève dans un ultime feu d’artifice avec un final renversant !

Est-il vraiment utile de conclure en disant que je ne peux que vous recommander cette lecture pour vous rafraîchir cet été en prenant une bonne paire baffes de blizzard en pleine figure ?

Commenter  J’apprécie          6319
Solak

Dès les premières lignes j’ai été saisie à la gorge par cette écriture brutale et offensive mais non dénuée de poésie. Une écriture puissante qui ne faiblit pas et créé une tension qui traverse le livre et électrise le lecteur.



Solak, c’est l’histoire d’un huis clos à l’autre bout du monde sur la banquise. C’est le froid, le silence, la solitude des âmes face à cette immense étendue blanche. Sous ses allures de pureté virginale ce n’est rien d’autre qu’un purgatoire pour les âmes sombres, meurtries.



Solak, c’est la vérité crue c’est l’homme à l’état brut dépouillé de faux semblants et tel qu’il est quand les règles de la société ne sont qu’un lointain souvenir et que son instinct de survie est exacerbé. C’est une tension permanente qui croît, crispe le lecteur, alerte ses sens. Le lecteur sent, devine, dans ses tripes mais impossible de poser un raisonnement, une déduction. La catastrophe se profile inéluctable mais aussi insaisissable. Le quotidien prend des allures de bombe à retardement sous la plume de Caroline HINAULT.

Il y a un petit quelque chose de Sukkwan Island de David VANN dans le ressenti mais avec une écriture très différente.



Solak, c’est 124 pages en apnée d’une lecture dense et sombre. Addictive.

C’est beau, sombre, épuré et ça vaut le détour.



Merci copine Onee pour la découverte grâce à ta superbe critique! Ça mérite une plaque de chocolat… noir évidemment.



Commenter  J’apprécie          5928
Solak

« Quelquefois les agneaux se changent en lionnes, en tigresses, en pieuvres. »

Louise Michel, Mémoires.



Après de nombreuses critiques particulièrement engageantes d'ami.es babeliotes, il m'était impossible de passer à côté de ce premier roman de Caroline Hinault. Je vous remercie tous, ce thriller arctique a été une lecture très agréable. J'ai aimé la tension que l'auteure a exercée tout au long du récit grâce à un style simple mais efficace et une mise en scène particulièrement soignée.



*

Au nord du cercle polaire arctique, sur la presqu'île de Solak, trois hommes, le climatologue Grizzly et deux militaires au passé trouble, Roq et Piotr, accueillent un quatrième homme dans la station de Solak.

Le lecteur, en même temps que le nouveau venu, découvre ce nouvel environnement. Et ce qui frappe d'emblée, c'est l'attitude de ce dernier. Son mutisme déstabilisant, son caractère taciturne, secret, solitaire et distant ont des répercussions immédiates sur les trois hommes qui vivent en autarcie depuis des mois.



« le gamin a pas répondu, son visage avait quelque chose d'abîmé, de déjà vieux, de déjà mort même j'ai pensé. Il est passé devant nous en portant un carton. J'ai repensé à ses yeux comme deux brochettes de glaçons. Fin comme une aiguille, mais ça puait l'écorché. le coriace. Les emmerdes je me suis dit. »



Ainsi, très vite, l'arrivée de ce très jeune soldat au comportement étrange, muet et inadapté aux conditions de vie particulièrement rude, va compliquer les relations entre eux, exacerbant les tensions déjà latentes.



Chaque personnage se dissimule derrière un masque imperméable, révélant très peu leur véritable personnalité. Même si le lecteur pressent le drame imminent, il ne sait qui va porter le premier coup et qui en sera la victime.



*

Le temps de s'acclimater au style très nerveux de Caroline Hinault, et le soleil se couche pour nous plonger dans la pénombre arctique, transpercée de dérisoires brèches de lumière.



« Y avait pourtant parfois des aurores boréales tellement immenses qu'on aurait dit des ogresses vertes qui traînaient derrière elles leur dentelle d'étoiles, ça nous saupoudrait les yeux et nous coulait un goût de lumière au fond de la gorge. »



Le décor inhospitalier et rude que croque l'auteure à coups de crayons acérés nous permet d'imaginer cet univers sombre, vide, angoissant et violent où la folie n'est jamais loin.



*

Caroline Hinault a réussi à créer des personnages très réalistes, tourmentés, intrigants, mystérieux. On aimerait connaître leur passé pour mieux les comprendre.

Les principaux figurants ne sont que quatre, mais pour parfaire cette atmosphère oppressante et hostile, l'auteure a ajouté un cinquième acteur et non des moindres, l'environnement lui-même, qui joue dans ce thriller glacial, un rôle majeur.

Car, si ce désert hivernal et fantomatique offre de magnifiques paysages de carte postale, sa beauté immaculée et fascinante dissimule un côté brutal, indomptable et impitoyable.



Nous sommes très rapidement pris dans une banquise de brouillard formant un dôme qui nous emprisonne avec eux. Par moments, cette chape opaque s'entrouvre par la force du vent et nous laisse voir brièvement les hommes dans leur nudité la plus crue, avant que la brume ne se referme et nous étreigne à nouveau dans un monde de silence et de solitude.

Ainsi, l'hiver arctique, la banquise, et la grande nuit constituent la toile de fond qui agit comme un miroir hémisphérique, révèlant la vraie nature des hommes.



*

L'écriture à la première personne, surprenante, familière, sobre, féroce, semblable à du grésil, capture le drame qui se joue. Elle participe à créer un huis clos à ciel ouvert qui, de manière appuyée et graduelle, enserre le lecteur dans un étau mortel.



« le souffle commence à me manquer, le froid à geler mes mots. Mes poings sont déjà durcis, mes orteils aussi dans mes chaussures humides et mes yeux surtout, mes yeux sont morts grand ouverts parce qu'il y a des visions dont le regard se relève pas. »



Intrépides, implacables, les phrases vous cinglent.

Menaçants, incisifs, glacés, les mots rampent comme une bête à l'affut, s'approchant de leur victime jusqu'à l'acculer. Puis, furieux, enragés, les traits claquent, éclatent, les masques tombent et c'est la curée.



« Ce qu'il voulait surtout, c'était nous observer. Ça se sentait que derrière ses yeux bleu froid embués d'alcool, il cherchait à comprendre à qui il avait affaire, qu'il reniflait nos âmes sous le vernis du permafrost. »



*

Pour conclure, Caroline Hinault compose un huis clos original et parfaitement maîtrisé dans une prose à la fois poétique et âpre.

Portrait de la solitude, de la violence et des conflits intérieurs, « Solak » constitue une tragédie humaine captivante qui reflète la violence des états émotionnels de ses personnages.

Ce premier roman est une très belle surprise que je vous conseille fortement.
Commenter  J’apprécie          5638
Solak

Lorsqu'on a lu un livre qui vous a ébranlé comme celui de la Horde, vous vous dites une fois redescendu de votre petit nuage mais qu'est-ce que je vais pouvoir lire maintenant ? Qu'est-ce qui peut encore m'impressionner…C'est sans compter sur mes ami-es Babelionautes qui arrivent toujours à vous sortir de derrière les fagots une petite bombe à retardement, un de ces romans qui vous claque à la figure comme son titre d'ailleurs.



Si Solak est le premier roman de Caroline Hinault, sa lecture ne ressemble en rien à un essai ni à un premier jet. C'est déjà l'oeuvre d'une écrivaine chevronnée. L'action se situe sur un bout de glace au-delà du cercle polaire, avec quelques baraques et un drapeau planté au milieu. On y retrouve quatre hommes condamnés à y vivre plusieurs mois sous la nuit arctique et sans contact possible avant le retour du printemps (si on peut appeler çà un printemps). Il y a d'abord Grizzly le scientifique, qui effectue des observations climatologiques ; puis Roq et Piotr deux militaires au passé trouble en charge de la surveillance du territoire et de son drapeau ; et enfin un jeune soldat énigmatique, hélitreuillé juste avant l'hiver arctique en remplacement d'un autre militaire Igor, mort brutalement.



« Enfin la queue du câble caresse les poils de la toundra et le gamin pose deux guiboles flageolantes par terre, tête baissée sous la capuche fouettée par l'air. Avec le vent et le souffle de l'hélico, ça lui prend plusieurs minutes de se détacher du harnais, sans parler du froid qui engourdit les doigts. Il nous fait signe, se met à l'écart. On se précipite dans l'enfer de bourrasques, nos capuches sur la fente du regard, on saisit les câbles, les pinces, on réattelle tout le merdier, le container tout juste accouché de son précieux chargement dans lequel on a calé comme on a pu le cercueil d'Igor. On recule loin pour observer le troc de mort-vivant. On fait signe là-haut que c'est bon. »



Solak est aussi un roman écrit à la première personne du singulier pour une immersion qui vous permet de plonger plus rapidement dans l'histoire. Un roman où l'on partage les sentiments du personnage principal. Où l'on découvre les beautés du paysage par ses yeux. Où l'on vit ses sentiments les plus profonds dans ses situations les plus intimes. Ou l'on devient personnage à la place du personnage. Où l'on va directement à l'essentiel, sans fioritures, un roman à l'os. Où l'on a mal quand il a mal. Avec l'emploi du « Je » l'écriture devient rapide, les scènes s'enchaînent les unes après les autres dans un huis-clos limité aux champs visuel du narrateur.



« Il nous a tendu à chacun une main gantée nerveuse, sans rien dire. Nous on a quand même dit nos noms et puis que ce serait mieux de rentrer les caisses qui traînaient encore dehors, on allait avoir tout le temps qu'il faudrait pour faire connaissance. le gamin a pas répondu, son visage avait quelque chose d'abîmé, de déjà vieux, de déjà mort même j'ai pensé. Il est passé devant nous en portant un carton. J'ai repensé à ses yeux comme deux brochettes de glaçons. Fin comme une aiguille, mais ça puait l'écorché. le coriace. Les emmerdes je me suis dit. »



Ce roman est un juste équilibre entre l'immensité de la banquise et l'étroitesse du huis clos, les connaissances de l'unique scientifique et l'ignorance des militaires, la froideur du climat arctique et la chaleur du foyer de la baraque Centrale. On y retrouve aussi une subtile harmonie entre la poésie accentuée par la blancheur virginale de la banquise et l'horreur des scènes de chasse et la boucherie sanguinolente qui les accompagne. Il en va de même dans les relations entre ces individus que tout séparent et qui doivent pourtant vivre ensemble dans quelques mètres carré. Rien n'est blanc et rien n'est noir, la gentillesse des uns fait face à la violence des autres. Comme le dit Piotr, notre personnage central : « toute chose a son revers… »



« le problème c'est que les gens comme Grizzly savent pas lutter avec les vraies brutes qui ont jamais touché une goutte de nuance de leur vie alors que Grizzly a appris à nager dedans depuis sa tendre enfance, à croire qu'il en avait toute une piscine à la maison. Grizzly sait peut-être beaucoup de choses mais pas que pour gagner, il faut pas craindre la violence mais l'aimer. Il continuait à parler, sans deviner la jouissance de Roq dont j'entendais pourtant déjà déferler la rivière souterraine. Grizzly déballait ses réflexions de viking de la pensée, de valeureux combattant à valeurs et principes sans comprendre que les idées de Roq étaient des tiques hargneuses qui lâchent jamais le bout de haine qu'elles ont accroché. Celles de Grizzly volaient nobles et gracieuses comme des putains de hérons à la splendeur inhibante pour nous autres, petits morbaques de l'intellect. Moi ça va, ça fait longtemps que je suis en paix avec ma tronche d'ignare, mais Roq c'est différent, ses tiques ont faim, jamais rassasiées, et elles allaient pas supporter qu'un enfoiré de héron climatologue leur fasse de l'ombre. Qui a dit que c'était forcément la grosse bête qui mangeait la petite ? Ça l'excitait au contraire Roq, le réveil de l'élégant. Il jappait à l'idée de se farcir un de ces intellos qu'il vomissait. »



Et puis, il y a la fin qu'on n'attend pas et qui vient clôturer magistralement un roman que Caroline Hinault a su dominer depuis le début. Elle réussit dans son Solak à nous servir un épilogue digne d'un John Steinbeck. Si elle voulait garder le meilleur pour la fin c'est chose faite. Une vraie fin comme on les aime. Qui vous marque profondément dans la couenne comme un fer à chaud. Un roman poids lourd qu'il faut lire pour avoir une expérience inoubliable qui marque une vie de lecteur. On vous attend désormais au tournant Madame…



Merci à mes amies Onee et Yaena pour ce cadeau.



« Ça a duré un temps suspendu, agrafé au plafond pour pas que les minutes s'achèvent. »

Commenter  J’apprécie          5569
Solak

Un archipel en Artique, Solak est une base où cohabitent deux militaires Piotr sexagenaire installé depuis vingt ans, et Roq, caractériel, les deux étant en charge d'assurer la protection de ce territoire gelé et un troisième homme Grizzly, un scientifique très impliqué et taiseux. Les trois hommes attendent la relève, - suite au décès d'Igor -, d'un troisième militaire. L'arrivée d'une jeune recrue, un gamin mutique, va bouleverser l'équilibre précaire établi jusqu'à présent par les trois hommes.



Un huis clos à quatre personnages dans l'espace infini et hostile de l'arctique, une immensité qui pourrait permettre à chacun de s'épanouir, mais qui, dans des conditions de survie extrême, impose promiscuité et dépendance de chacun, exacerbe les frictions et les hostilités. Entre Roq, ombrageux qui cherche constamment querelle, les blessures et risque de perdition lors des sorties de Grizzly, les menaces liées à Pater, l'ours blanc, les caractères se dévoilent sous l'oeil observateur de Piotr. Une montée en tension qui préfigure le drame.

Un roman que j'ai lu car faisant partie des cinq romans noirs conseillés par Colin Niel dans les actualités Babelio, et je n'ai pas été déçue par ce conseil.

Avec Solak, Caroline Hinault décrit avec maestria et un style abrupt cette survie difficile d'un groupe en milieu hostile et tisse la toile du drame à la perfection.

Une belle découverte.
Commenter  J’apprécie          390
Solak

Depuis quelques temps je vois les critiques de "Solak"apparaître sur le site Babelio, mais envisageant de le lire prochainement je n'ai pas voulu les consulter afin de me laisser la chance de le découvrir sans être influencée par les remarques ou les citations. J'ai bien fait car il faut être vierge de toute information pour l'apprécier pleinement. Je ne vais donc pas ici faire ce que je n'aurais pas aimé qu'on me fasse à savoir trop en dire, la quatrième de couverture en dit déjà beaucoup. Laissez-vous surprendre par l'ambiance,immergez vous dans ce froid glacial, ressentez la tension et vous serez tout au long sur le qui-vive, ce n'est pas plus mal...
Commenter  J’apprécie          333
Solak

Ca commence très fort : la description d'un meurtre dans le prologue puis l'arrivée d'une jeune recrue à Solak, au nord du cercle polaire.



Ils sont déjà trois à vivre dans cet endroit reculé où les hivers sont interminables et les isolent du monde. : le narrateur, vieux militaire désabusé qui a déjà passé une vingtaine d'années à Solak, Roq, autre militaire dont la violence affleure sans cesse, Grizzly chercheur en transit pour étudier l'impact du réchauffement climatique. Un quatrième comparse vivait aussi au même endroit, il rentre dans un cercueil tandis que le petit nouveau arrive. Il est devenu fou au cours du dernier hiver et s'est fait exploser la cervelle.



Le ton est donné dès le départ : noir, tout est noir, tout sera noir, malgré la blancheur des lieux qui les entourent. Noir, comme la nuit qui dure d'octobre à mars et qui peut faire perdre la raison, noir comme Roq au passé trouble qui ne vit que par et pour la violence et qui prend plaisir à tuer les animaux, noir comme l'humeur du petit nouveau qui se dit muet et dont les tourments sont palpables. L'environnement, le froid et les conditions de vie sont très durs et poussent les hommes à la folie.



Peu d'espoir dans ce lieu perdu et dès le départ, la tension monte entre ces 4 protagonistes jusqu'à la tragédie qu'on pressent en commençant le roman.



La plume de l'auteure est puissante et âpre avec un langage parlé. le style est très imagé et évoque bien cette nature sauvage et cruelle.



J'ai toutefois des réserves pour le dernier quart de ce court et percutant roman : après nous avoir tenu en haleine à longueur de pages, l'auteur nous livre une salve de révélations que j'ai trouvé assez peu crédibles, et le final m'a semblé artificiel. Dommage, car j'ai refermé le livre avec cette déception.



Merci à Onee dont la critique enthousiaste m'a fait choisir ce livre au cours du dernier masse critique, merci à Babelio et à l'éditeur pour me l'avoir adressé.

Commenter  J’apprécie          338
Solak

Après une longue hésitation, j'ai opté pour "Solak" de Catherine Hinault en tant que Polar "Prix des Lecteurs du Livre de Poche" du mois de Février 2023. Premier roman de cette auteure, il s'agit d'un vrai bijou : à savoir d'un roman noir ou plus encore du récit d'un drame sous tension. Car tension il y a dés les premières pages ... Sur la presqu'île de Solak, perdue dans les terres enneigées et glaciales, trois hommes sont coupés du monde sur une base destinée à des prélèvements scientifiques liées au climat. L'ambiance y est pesante car les protagonistes sont des écorchés vifs, notamment via leurs fonctions militaires. Le récit débute avec l'évacuation d'Igor, un des "occupants" de la station qui s'est blessé et se trouve remplacé lors d'un ravitaillement par une jeune recrue, particulièrement troublante et mystérieuse, puisque cette dernière est muette (mais pas sourde).



Le style employé par l'auteure m'a sincèrement conquis avec des propos au ton direct, des personnages on ne peut plus entiers et des mots forts autant que des uppercuts ou un vent sibérien ... Le cadre de cette intrigue, aux accents de huis clos naturaliste, donne un ton encore plus angoissant et accentue ce sentiment qu'un drame va (inévitablement) survenir ... Les paysages blancs et glacials, la toundra et sa faune merveilleuse mais aussi dangereuse (avec notamment le redoutable "Pater") sont remarquablement décrits et le voyage offert, bien que glaçant, est une révélation.
Commenter  J’apprécie          320
Solak

Quel roman dérangeant qui dès les premières lignes met le lecteur mal à l'aise et le tient sur ses gardes !



Nous sommes à la fin du vingtième siècle sur une presqu'ile imaginaire au-delà du cercle polaire arctique. Un minuscule camp militaire avec quelques baraquements rouillés et un drapeau à relever tous les jours. Voici le décor. L'automne touche à sa fin et bientôt vont apparaitre les premiers signes de l'hiver, les jours raccourcissent et la longue nuit va tomber pour six mois. Une obscurité déprimante dans un froid perçant, le souffle violent du blizzard, la banquise à perte de vue avec ses crevasses, congères et autres failles dangereuses et dans cette immensité glacée attention aux ours polaires affamés de chair fraîche, les redoutables Paters comme les nomme l'autrice.



Dans ce désert blanc éloigné de toute civilisation cohabitent, par la force des choses, trois personnages : deux militaires au passé trouble et un scientifique idéaliste. Piotr, le narrateur, est le plus ancien sur la base, vingt ans d'exil volontaire. Quel secret est-il venu dissimuler ici ? Pour l'épauler dans sa mission de surveillance du territoire, Roq un individu primaire, violent, une véritable brute, très bon chasseur. Enfin, à côté d'eux, un jeune scientifique idéaliste surnommé Grizzli. Il est chargé d'étudier des phénomènes climatologiques et de faire des relevés dans la glace.



Au début de l'histoire, débarque, hélitreuillé, un quatrième personnage, une recrue militaire destinée à renforcer l'équipe de Piotr et Roq et remplacer Igor qui s'est suicidé récemment en se tirant une balle dans la tête, face à ses compagnons. D'allure assez frêle, mutique, énigmatique, le jeune soldat, que les autres appellent simplement le gosse, s'avère inquiétant ; il vient perturber le fragile équilibre existant, injectant immédiatement une forme de tension dans le groupe.



Comment ces quatre-là vont-ils réussir à cohabiter dans cet espace restreint et passer la grande nuit arctique ensemble ? Dans des conditions extrêmes ils vont devoir se retrouver face à eux-mêmes, à leur propre humanité et à leur passé qui peut ressurgir à tout moment. Caroline Hinault, dont c'est le premier roman, signe un huis clos oppressant dans la nuit glacée. J'ai beaucoup aimé le rythme lent du récit, telle la vie monotone et l'ennui ressenti dans cet univers hostile, puis la tension qui monte irrémédiablement. La tragédie arrive, on la sent approcher mais on ignore encore quelle forme elle va prendre et quel danger va frapper.



L'autrice déclare en interview que la rédaction de son livre a été poussée par le sentiment de révolte qu'elle éprouvait sur l'état du monde, la perte des valeurs et la violence persistante. Elle a « voulu faire un livre féroce. » dit-elle, où des hommes sont confrontés à la sauvagerie de la nature et à l'angoisse existentielle. Elle remplit parfaitement son objectif, aidée en cela par une écriture brute, imagée, familière, souvent très crue mais parfois humoristique et même poétique, ses descriptions des paysages enneigés et des aurores boréales sont magnifiques. Elle écrit comme parle Piotr, le narrateur. Le moins qu'on puisse dire est qu'il ne fait pas dans la dentelle...



Dès le prologue, j'ai été happée par l'atmosphère angoissante de ce roman, me demandant jusqu'où l'autrice allait m'emmener. Presque figée dans ce décor glaçant, j'ai assisté impuissante à la violence des hostilités entre les personnages et au drame à venir. Par contre, le dénouement surprenant et romanesque m'a laissée dubitative. Néanmoins je recommande cette lecture aux amateurs de thrillers et aux autres aussi.



#Challenge Riquiqui 2024

Commenter  J’apprécie          300
Solak

Ah ça, pour être un roman écrit à l’os, c’est vrai ! Le récit est expurgé de tout ce qui pourrait le parasiter, comme les tirets cadratins, les guillemets, et tout est condensé dans les 128 pages de l’édition (160 pages pour la version poche).



Entre nous, pas besoin de plus ! Cette avarice de détails ou ces dialogues non mis en évidence par des guillemets, sied bien au récit dont le narrateur est Piotr, un homme taiseux, en poste à Solak depuis 20 ans.



Peu de protagonistes aussi, puisque dans ce huis clos qui se déroule dans l’Arctique, il n’y a que trois hommes : Piotr, Roq et Grizzly. Le quatrième sera la nouvelle recrue et les figurants seront les ours blancs, les renards arctiques, les phoques… Dont certains ne feront pas que de la figuration…



Les personnages sont décrits à l’os aussi, nous n’en saurons pas plus que ce qu’il n’en faut pour faire vivre ce récit. Ils resteront tous un peu mystérieux, le strict minimum ayant été fait pour épaissir leur personnalité. Là non plus, il n’en fallait pas plus.



Ce qui est le plus décrit, ce sont les conditions de vie dans cet endroit où les températures descendent fort bas sous le zéro, dans ce coin paumé, où trois pelés et un tondu doivent garder le drapeau, pour que leur pays conserve ce morceau de glace.



Là-bas, tout est neuf et tout est sauvage, libre continent sans grillage… Mais attention, il y a des bêtes sauvages, des jours qui ne connaissent pas de nuits et des nuits qui ne connaissent plus le jour. Là-bas, tout peut être noir, sombre, à se donner envie de se pendre (d’ailleurs, paraît qu’un canal s’est pendu, tandis qu’un autre s’est perdu) ou, au contraire, être lumineux au point de rendre les hommes fous.



Huis-clos oppressant, roman très sombre, tension à couper au couteau, ce ne sera que dans les dernières lignes que tout sera dévoilé, me laissant hébétée. Ben merde alors, je ne m’y attendais pas…



Un roman à lire un jour où il fait froid, pour prendre encore plus la mesure des températures qui règnent dans cette presqu’île de Solak (ne lisez pas dehors tout de même) et en se blindant, parce que des animaux souffrent de la folie de la gâchette d’un des protagonistes (et de son envie de se faire du fric).


Lien : https://thecanniballecteur.w..
Commenter  J’apprécie          300
Solak

Un premier roman comme une gifle glacée. Caroline Hinault, agrégée de lettres et enseignante en lycée à Rennes, fut bien inspirée de troquer le Bic rouge et les copies contre la plume de l'écrivain!



J'ai dévoré ce court livre de 128 pages, à la couverture qui donne déjà le ton, avec ces baraquements sur leur étendue gelée, balayés par des vents blancs de neige. C'est dans ce paysage polaire, fascinante unité de lieu, que l'auteur dépeint Solak, une presqu'île imaginaire du cercle arctique, où elle dépose quelques bicoques et un drapeau, histoire de revendiquer ce territoire isolé. Les lieux sont gardés par trois militaires (un peu en surnombre pour veiller sur un seul étendard !) et un scientifique, chargé d'effectuer des relevés.



Le caractère désertique du cadre pourrait laisser présager d'un morne récit (peu de risque avec ce style littéraire affûté !). Or, celui-ci débute avec l'arrivée d'une nouvelle recrue, un des trois militaires de la base s'étant suicidé. Le lecteur pénètre donc dans cette base polaire par le biais d'un hélitreuillage, permutant un cadavre avec un jeune soldat.



Voilà, Caroline Hinault vient de briser l'équilibre anémié qui régnait à Solak. Elle fait de ce jeune personnage ce qu'elle appelle un "accélérateur d'intensité narrative", car sa présence, mais aussi son mutisme, vont "rebattre les cartes" au sein de ce micro groupe.

En effet, celui qui sera nommé "le gosse" se révèle muet et donc peu enclin à la communication. Tendu, il écoute et observe, griffonnant régulièrement dans un petit carnet des pensées qu'il garde pour lui.

S'il est plutôt bien accueilli par le scientifique, surnommé Grizzly, qui lui fait partager ses connaissances et n'hésite pas à l'intégrer à ses missions de chercheur sur le terrain, ses deux collègues militaires sont plus circonspects à son égard. Piotr et Roq sont opaques et l'on pressent que leurs histoires personnelles sont lourdes. Car qui voudrait, comme Piotr, résider 20 ans sur une base polaire désertique ? Sans apparemment aucun espoir, ni volonté de retour. Quant à Roq, il ne cache pas sa brutalité, voire sa bestialité, qu'il canalise à peine à travers son activité favorite : chasser, tuer et tanner les peaux de tout ce qui bouge sur ou sous la banquise. Le tout arrosé de pas mal de Vodka.



Avant tout, avant même le récit, Solak est un titre qui claque dans sa sonorité et qui reflète une écriture et un style acérés, percutants, révélant une forme de brutalité: par les mots choisis, mais aussi par la fulgurante véracité qui s'en dégage. Caroline Hinault sait à loisir asséner des constats d'une telle authenticité que lorsqu'elle les enduit d'ironie, sa plume se fait tranchante, et pourtant, paradoxalement, quelle poésie derrière ces mots incisifs ! Ces derniers sont assemblés pour contenir une colère et une violence ourdies, nous donnant la sensation continue d'une déflagration à venir.

Le récit se fait à travers un unique narrateur, Piotr, plus tout jeune, acceptant cet exil avec philosophie et résignation. Par sa narration à la syntaxe accidentée, Piotr mène ce monologue désillusionné et fataliste, promenant son œil désabusé et paradoxalement contemplatif sur cette petite communauté, mais plus largement sur l'humanité. La force du récit lui doit beaucoup car Piotr est un personnage désamorcé mais qui sait voir la violence sans fard des autres.



Le roman se divise en plusieurs chapitres mensuels, d'août à mars, faisant ainsi se dérouler l'action peu avant la plongée dans la "grande Nuit", jusqu'au retour timide de la lumière. L'auteur nous entraîne dans une traversée sous tension de cette Nuit interminable, un huit clos dans un baraquement chaud, seul refuge dans cette étendue glaciale et hostile. Et alors que tous les dangers sont dehors, c'est à l'intérieur que réside la menace. Le préambule au premier chapitre cueille le lecteur, en guise de bienvenue, par la sauvagerie qui se fait délivrance. Cette scène prendra tout son sens une fois le livre refermé et c'est un tour de maître que d'aboutir ce roman en apothéose, soufflant le lecteur et le renvoyant à ce préambule, bouclant ainsi la boucle.



Solak est court et intense, n'offrant que peu de répit au lecteur, dans son rythme mais surtout dans sa tension soutenue. Si le style m'a percutée au commencement, attisant tout mon intérêt, cette écriture tranchante et cette syntaxe hachée m'auront presque menée à l'overdose, mais c'était sans compter sur un dénouement qui m'a relancée dans ce "ring littéraire", achevant cette lecture en m'assénant un uppercut ! Caroline Hinault écrit sauvagement, comme un individu qui blessé gravement, plongerait à pleines mains dans sa blessure, et s'en repaît. Mais derrière son thème majeur, la violence et sa fatalité, subsiste encore, comme dans la boîte de Pandore, une ultime humanité.





À préciser que ce roman est publié aux éditions du Rouergue noir, qui proposent sur leur site internet 3 interviews vidéo de l'auteur, qui s'exprime sur "le lieu", "les personnages", "la révolte".
Commenter  J’apprécie          295




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Caroline Hinault (523)Voir plus

Quiz Voir plus

les enfants de noé

qui est simon ?

le papa
le personnage principal
l'amie de noémi
un animal

4 questions
60 lecteurs ont répondu
Thème : Les enfants de Noé de Jean JoubertCréer un quiz sur cet auteur

{* *}