« Hé oui ! Un lapin, c'est fait pour finir en civet ou en pâté, les hommes, c'est fait pour ceci ou cela, Dorozs pour devenir une station thermale, la tombe de Vince pour recevoir une stèle, la vieille maman pour habiter dans un appartement de Budapest. Iza prend soin de tout le monde, et s'il lui arrive d'oublier quelqu'un, ce ne sera jamais qu'elle-même. » (p. 164) Cet extrait, il résume assez bien le roman
La ballade d'Iza, écrit au milieu du siècle dernier par la dame de lettres hongroise
Magda Szabó. Je ne l'ai découverte que récemment et, depuis, chaque roman d'elle que je lis me donne l'envie de continuer à lire son oeuvre.
Son roman s'ouvre sur Mme Szöcs qui apprend la mort de Vince, son mari et compagnon de vie depuis très, très longtemps. La narration, à travers quelques retours en arrières, résume leur vie à deux, leur aménagement ensemble dans leur maison, la venue de leurs deux enfants, un garçon qui n'a pas survécu et plus tard une fille, Iza. La narration continue avec elle, rapidement sur son enfance, puis ses études en médecine, même à travers la Deuxième guerre mondiale, son mariage avec Antar. Celui-ci a également droit à son histoire, comment il a tout mis en oeuvre pour faire d'Iza son épouse et comment il a demandé le divorce pour s'unir à Lidia. C'est que c'est un gentil garçon, bonace et pantouflard, et qu'Iza est froide, distante, toute dévouée à sa profession.
À travers toutes ces petites histoires, on découvre cette famille au destin ordinaire. Mais surtout Mme Szöcs, la narration revient toujours cers elle. À la mort de Vince, elle est un peu secouée (qui ne le serait pas !) alors sa fille dévouée prend les choses en main. Il va de soi que sa mère doit venir s'installer chez elle, dans la capitale, même si cela la coupe de ses repères. Exit la petite maison charmante, les voisins, l'aimable épicier, le lapin Kapitany, etc. C'est qu'elle s'ennuit à Budapest, Iza est accaparée par son travail et son nouveau copian, Domokos. Malgré tous les sacrifices que cette dernière fait, elle ne réussit à rendre sa mère heureuse. Ainsi, lorsqu'au cimetière on installe finalement une stèle pour commémorer Vince, c'est avec émotions qu'elle retrouve son patelin.
La ballade d'Iza traite de manière très humaine et sensible de thèmes trop peu abordés dans la littérature « contemporaine ». Même si le roman a été écrit et se déroule dans les années 1960, son propos est encore d'actualité. Iza elle a sa carrière, une vie personnelle coupée de celle de sa mère depuis un bon bout de temps. Elle l'aime mais ne la connaît plus. Elle sait très bien qu'il serait difficile pour sa mère de rester seule à la campagne mais s'y prend très maladroitement. Elle ne la consulte pas, ne pense pas à ce qui lui ferait vraiment plaisir. le pire, c'est qu'elle agit ainsi sans penser à mal. Quelle incompréhension ! Combien de nos aînés se retrouvent dans la même situation ? Et Mme Szöcs, comme tant d'autres, ne souhaite pas confronter sa fille alors elle se tait, se confinant de plus en plus dans un rôle inutile, ressassant ses souvenirs. Elle s'efface même devant la femme de ménage Terez.
C'est vraiment touchant. Malheureusement, puisque la narration se promène lentement d'un personnage à l'autre, le lecteur ne peut saisir pleinement cette intrigue qu'une fois sa lecture bien entamée. Peut-être certains auront-ils décroché avant ? Aussi, je me questionne sur le sens du titre, qui ne me semble pas tout à fait approprié puisque qu'Iza ne se ballade pas vraiment (je sais qu'il ne faut pas prendre à la lettre un titre pareil mais tout de même !) et que l'auteure accorde une plus grande importance à sa mère. En hongrois, le roman s'intitule Pilátus. J'ignore ce que cela signifie. Une référence à Ponce Pilate qui s'est lavé les mains des événements qui allaient s'ensuivre ? Un peu comme Iza prend des décisions froidement sans toujours penser aux conséquences ? Ça vaut la réflexion.