Je vais commenter les trois livres qui composent la trilogie du soldat Chvéïk car les trois ouvrages ne font pour moi qu'une seule oeuvre. Quand on parle de cet auteur, on parle de la République tchèque dans son ensemble. On évoque toute la souffrance des occupations successives, des guerres des conflits, et on y accole un humour désopilant, pince-sans-rire, absurde ou qui dénonce l'absurdité de la réalité. C'est ce que fait Hasek à travers ce le personnage de Chvéïk, sorte "cas social" comme on dirait désormais vivant de petites combines innocentes comme le trafic de chats errants et qui se voit convoqué pour rejoindre l'armée. A travers cette satire Hasek dresse une critique très intelligente du pouvoir politique, militaire, du changement progressif d'époque avec la révolution industrielle qui bouleverse les moeurs parfois ridicules parfois fortement utiles et dévoyées dans un humour mordant et tendre à la fois. Car on sent chez l'auteur un vrai amour pour son héros mais un vrai amour pour sa culture, pour les gens. Tout est absurde, tout est laconique derrière les fous rires procurés mais il existe une croyance humaniste en un mieux futur à chaque ligne, chaque gag, chaque émotion. Ces trois récits sont pour moi importants, parmi les plus drôles de la littérature, et ont une place éminente au sein du patrimoine tchèque. Je ne conseillerai jamais assez de se jeter sur cette trilogie pour la dévorer en une seule fois. Et comme moi, d'y revenir petit à petit et de savourer chaque passage pour y trouver de nouveaux détails, de nouvelles idées, de nouvelles émotions. Magistral.
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En découvrant les aventures d'un soldat faussement benêt et balourd qui occasionne par sa naïveté feinte toutes sortes de catastrophes pour le lieutenant dont il est l'ordonnance, nous abordons dans ce roman une critique de l'empire austro-hongrois, tout principalement de son armée.
La réputation du soldat Chvéïk (que l'on écrit également Švejk ou encore Schweyk) n'est plus à faire. Des statues sont dédiées en République tchèque à ce personnage burlesque. Il faut dire que le caractère grotesque, parfois même grossier des aventures rapportées a probablement facilité l'accueil populaire qu'a connu ce brave soldat.
Pour ma part, je n'irai me lancer ni dans le tome précédent, ni dans le suivant. La gaudriole des casernes ne me fait pas rire. Les histoires emboîtées les unes dans les autres (procédé dont l'auteur abuse) m'agacent. Alors qu'il est en pleine action, le soldat nous embarque dans des digressions parfois de plusieurs pages introduites par "J'ai connu ...", ou, plus simplement "Un jour, ...". Une fois, cela passe. Mais sans cesse, cela irrite.
Ce qui me reste de ce roman ? Un voyage dans un régiment de Bohème au temps de la fin imminente de l'empire. Rien d'autre qu'une critique maquillée en un divertissement un peu lourd. J'admets qu'un lecteur du milieu du XXe siècle et vivant en Europe centrale ait pu l'apprécier, mais nous ne sommes pas dans cette situation.
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Deuxième tome sur notre paradoxal soldat Chvéïk, la critique par le bavardage et l’absurde continue. Si le premier s’attardait surtout sur l'Empire et la religion, ce deuxième, avec notre protagoniste en route pour le front, se focalise plutôt sur la guerre (et toujours le militaire).
A part cela, il n’y a pas grand-chose à en dire, puisqu’il reste dans la lignée du premier :
-Le personnage semble se concrétiser dans son incarnation du paradoxe et sa capacité à dissoudre les conventions humaines
-Comme dans le premier tome, c’est avant tout un roman digressif fourmillant d’anecdotes populaires
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[Chvéik attend son lieutenant dans la chambre de l'officier.]
Chvéik fumait tout tranquillement les cigarettes de son maître puisque celui-ci lui avait interdit d'empester la chambre avec sa pipe.
Ils purent immédiatement constater qu'il [l'officier] était d'excellente humeur car il pétait son képi à l'envers.
Mais lorsque j’étais à Prague, j’ai lu dans le Journal officiel un exemple d’héroïsme encore plus beau. Il s’agissait de l’aspirant docteur Joseph Bojnov. Il était en Galicie, au 7e bataillon de chasseurs, et comme il partait à l’assaut à la baïonnette, il reçut une balle. Pendant qu’on le transportait au poste de secours, il ne cessait de crier qu’on n’allait tout de même pas lui faire un pansement pour ce bobo, et il voulait avancer de nouveau avec son escadron. À ce moment-là une grenade lui brisa la patte. Et, de nouveau, les infirmiers voulurent l’emporter, mais il commença à ramper vers la tranchée, et c’est avec un bâton qu’il se défendit contre l’ennemi. Vint une nouvelle grenade qui lui emporta la main qui tenait le bâton. Il saisit le bâton de l’autre en hurlant qu’il ne leur pardonnerait pas ça, et Dieu sait comment ça aurait fini si un shrapnell ne l’avait définitivement occis. Sans doute qu’on lui aurait donné la médaille d’argent du courage. Lorsque la grenade lui arracha la tête, il cria encore en mourant : « Mourir pour la patrie, c’est le sort le plus beau, le plus digne d’envie. »
Le général était justement en route pour une
tournée d’inspection et il se rendait à Budeiovitz.
Il avait l’habitude, lorsqu’il découvrait un léger
flottement dans la discipline des casernes
qu’il visitait, de faire appeler le commandant de
la garnison et de lui tenir le langage suivant :
– Avez-vous un revolver ?
– Oui, mon général.
– Bien. À votre place, je sais l’emploi que j’en ferai,
car ce que je vois ici ressemble plus à une
pétaudière qu’à une caserne.
Après chacune des tournées d’inspection du
général, çà et là, l’un ou l’autre des officiers se faisait
sauter la cervelle. Le général von Schwarzburg enregistr
ait la nouvelle avec satisfaction :
– Parfait ! Parfait ! disait-il. Voilà ce qui s’appelle un soldat.
De plus, il avait la manie de déplacer les officiers
et de les envoyer dans des garnisons perdues.
– Lieutenant, où avez-vous été à l’école des Cadets ?
demanda-t-il à Lukach.
– À Prague, mon général.
– Que vous a-t-on appris là-bas, si vous ne savez même
pas qu’un officier est responsable de son subordonné ?
Primo : Vous devisez avec votre ordonnance comme avec
un ami intime, vous lui permettez de parler sans être interrogé.
Secundo : Vous lui permettez d’insulter votre supérieur. Il faut
que tout cela se paie. Comment vous appelez-vous, lieutenant ?
– Vos papiers ?
C’est avec ces paroles aimables que le commandant de la patrouille militaire qui faisait une ronde, aborda Chvéïk. C’était un sergent suivi de quatre soldats, baïonnette au canon, il ajouta, en mauvais tchèque :
– Je vois que vous assis, vous pas voyager, vous boire, toujours boire.
– Je n’ai pas le moindre papier, milatchkou (1), répondit Chvéïk. M. lieutenant Lukach, du 91e régiment les a tous sur lui. Moi je suis resté à la gare.
– Qu’est-ce que cela signifie, milatchkou ? demanda le sergent en s’adressant à l’un de ses soldats, un vieux de la territoriale.
– Milatchkou, en tchèque, ça veut dire sergent, répondit celui-ci en souriant.
Le sergent déclara à Chvéïk :
– Tout soldat doit avoir des papiers. Sans papiers, un pouilleux comme toi doit être enfermé au poste de la gare comme un chien enragé.
(1) Chéri.
Blanche Cerquiglini présente Les aventures du brave soldat Švejk de J