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Armand Strubel (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253082248
1053 pages
Le Livre de Poche (20/06/2007)
4.45/5   10 notes
Résumé :
"Le Haut Livre du Graal " (ou Perlesvaus, Perceval) est un roman étrange et tourmenté, où la cruauté se mêle à l'élan de la foi. Des combats d'une indicible violence, avec lance enflammée et écu à la tête de dragon crachant du feu. Des châtiments atroces : un seigneur est noyé dans le sang. Des demoiselles qui transportent des têtes coupées, aménagent une fenêtre à guillotine destinée aux hommes qui les ont dédaignées, règnent sur une cour de chevaliers mutilés. Le ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Ce roman, écrit dans le premier tiers du XIII°s est anonyme. Il s'agit d'un des premiers textes écrits en prose (on écrivait en vers jusqu'à la fin du XII°, la prose ne servant qu'à la traduction). Il s'articule en onze branches d'inégale longueur et s'étend sur plus de 10192 lignes.

On ne sait pas grand chose de ce roman, si ce n'est qu'il se situe après les premiers romans du Graal que sont le Conte du Graal de Chrétien de Troyes et le Perceval en vers de Robert de Boron. le Perlesvaus reprend de nombreux éléments de ces textes fondateurs de la légende.

Comme Chrétien, et surtout comme Robert de Boron, l'auteur produit une version christianisée d'une légende celtique, païenne : celle du Graal. le monde arthurien est présent, mais tout entier tendu vers l'exaltation et la gloire de ce qui est appelé "La Nouvelle Loi" (le Nouveau Testament). Ainsi, on pourra trouver l'image de la présence du Christ dans l'hostie qui apparaît dans la chapelle Saint-Augustin aux yeux du roi Arthur et qui signe sa rédemption ou, autre exemple, la métaphore de la parole prononcée lors de la communion : "Prenez et mangez, car ceci est mon corps", lorsque le roi donne son fils à manger à ses vassaux.

Sur le plan géographique, si on retrouve les lieux canoniques des romans arthuriens, l'époque à laquelle se situe le roman est bien antérieure à celle qu'évoquent les autres textes : deux générations après la mort du Christ environ, puisque la mère de Perlesvaus, la Dame Veuve, est la nièce de joseph d'Arimathie qui aida à recueillir dans le Graal le sang du Christ mourant sur la croix.

Un aspect peut surprendre : l'incroyable violence apparaissant dans le roman. Nombreuses sont les scènes de décapitation (la Demoiselle au Char traînant 150 têtes ; décapitation d'Aristor par Perlesvaus ; la guillotine inventée par l'Orgueilleuse Pucelle ; l'épée qui servit à décapiter Saint-Jean, s'ensanglantant tous les jours à midi...). Une des hypothèses expliquant cette violence serait la lutte sans merci de la Nouvelle Loi contre l'Ancienne.

A lire, pour tous les passionnés ou pour les curieux. Il est toujours intéressant de pouvoir faire des parallèles avec d'autres textes sur le même thème.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Le Haut Livre du Graal est une continuation du Conte du Graal, un peu plus connu de la populace dans nos contrées. Certains frigides nous disent que cette oeuvre servait surtout à la propagande en faveur de la conversion au christianisme. Genre, la violence qui parsème ce texte serait une des nombreuses incitations à mener la guerre Sainte (on traverse tous des crises de rébellion adolescente –individus, nations et religions).


Bon, faut pas déconner du sérieux tout le temps. Reconnaissons que certains passages forcent sur le macabre au point de nous arracher de bons rires gras.


« Ils se mirent alors à table, et les plats furent apportés par des chevaliers qui avaient des fers aux pieds et à qui l'ont avait coupé les mains. le second service fut apporté par des chevaliers dans les fers qui avaient les yeux crevés, et qui avançaient guidés par des écuyers. le troisième service, ce furent des chevaliers dans les fers qui n'avaient plus qu'une main qui l'apportèrent. Puis ce fut au tour de chevaliers qui n'avaient plus qu'un pied à apporter le quatrième service. »


Sans doute que le Moyen Age assumait son Ombre avec un peu plus d'honnêteté qu'à notre époque. Un bon goût assumé pour le dégueulasse, et pas de politiquement correct qui sonne aux portes de chaque foyer le soir pour s'assurer que tout le monde dort bien et ne cauchemarde que dans ses rêves.
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L'auteur anonyme de Perlesvaus suit les pérégrinations de Perceval mais aussi d'Arthur, de Gauvain, de Lancelot. Il en résulte, dans des paysages qui tiennent autant à l'imaginaire qu'au réel, avec leurs châteaux et leurs profondes forêts, leurs chapelles et leurs rivages nébuleux, un dédale d'aventures où les prouesses guerrières prennent un caractère sacré. Perceval, le chevalier chaste de Chrétien de Troyes, appartient à un haut lignage, celui de Joseph d'Arimathie qui recueillit en le déposant de la croix et en lavant ses blessures le sang du christ dans un vase, le Saint Graal, qu'il apporta en Grande Bretagne. le Graal est désormais au service d'un oncle de Perceval, le Roi Pêcheur, saisi d'une étrange langueur ; car si le Graal semble incarner tous les pouvoirs, il paraît également inaccessible : il exige non seulement de la bravoure, mais aussi dans ce monde devenu chrétien de la sainteté. Perceval échoue, il reste interdit devant le Graal quand celui-ci lui apparaît, et ne peut prononcer les paroles qui auraient délivré le Roi Pêcheur ainsi que tout le royaume. Gauvain n'aura pas plus de succès et Lancelot est réduit, à cause de son amour pour la reine, à sa condition de pécheur. Ce roman est aussi une oeuvre crépusculaire dans un monde en proie au mal.
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Parmi les personnages arthuriens qui a suscité autant de créations artistique pour lui, il y a l'inoubliable Perceval le Gallois, le preux chevalier qui commence comme le nice ignorant mais qui est le premier à trouver le célèbre Graal (avant la création de Galahad qui va lui ravir cet exploit plus tard). Il y a bien sûr le Conte du Graal de Chrétien de Troyes dont il en surgit et qui reste l'ouvrage le plus mémorable du champenois, mais aussi Parzival de l'allemand Wolfram von Eschenbach roman très hétéroclite où notre héros a un demi-frère oriental et qui voit apparaître les thèmes légendaire du chevalier au cygne et du royaume du prêtre Jean et qui inspirera au XIXeme siècle Wargner avec Parsifal et Lohengrin, le conte gallois Peredur dans le Mabinogion... et puis il y a l'étrange, le bizarre et le déroutant Perlesvaus où le Haut Livre du Graal, qui rend perplexe ses lecteurs et les érudits pour son contenu en décalage avec ceux racontant avec noblesse les faits et gestes épiques arthuriens. Son auteur est anonyme et proclame dès son introduction que son récit n'est qu'une réécriture d'une " authentique" histoire qu'aurait dicté un ange à un Josephé (Joseph d'Arimatie qui recueillit le sang du Christ où encore Flavius Joséphe l'historien latin ?) Rien que cela peut vite poser d'ambiance Perlesvaus.
Se voulant comme une suite au roman de Chrétien de Troyes, il poursuit la quête de notre protagoniste pour le Graal mais toutefois l'entrecoupe des aventures de Gauvain (comme c'était déjà le cas chez Troyes) mais aussi Lancelot, et des événements qui se passent à Camelot. Malgré ces multiples disgressions, l'intrigue est bien là et on suit du début jusqu'à la fin notre valeureux Perceval. Enfin Perlesvaus surtout, nommé parce qu'il a perdu les Vaus, les eaux de son domaine. Et qu'ici, il est bien différent de son homologue initial. Car ici, Perlesvaus est incroyablement violent, s'attaquant à tout ce qui est différent et sans faire la dentelle, il décapite et réduit en morceaux ses ennemis et rêve de vengeance, sans avoir une once de pitié ni de mansuétude. Rassurez-vous c'est pas le seul élément perturbant de ce livre car tout le reste l'est !
En effet, et cela a frappé comme tout cela continue de frapper les esprits, le Haut Livre du Graal est d'une agressivité sans bornes et la brutalité y est démesurée, des morts nombreux, des tortures effroyables et des supplices sanglants y abondent à foison. La décapitation est le motif obsessionnel qui revient sans arrêt dedans avec notamment la mort d'Aristor adversaire de Perceval qui finit décollé, les macabres "ornements" du château des griffons, la demoiselle chauve qui traîne derrière elle une charrette remplie de têtes coupée et surtout le chef tranché de Lohot fils du roi Arthur que lui-même ouvre d'un coffre magique ayant le pouvoir de se mouiller de larmes à l'approche de proches... Des brigands sont pendus tandis qu'un château, une épouse est mutilée parce qu'on croit qu'elle folâtre avec Gauvain, un fils est sacrifié et dévoré par son père, des cadavres sont jetés en masse dans un fleuve et un ennemi se suicide dans les flammes ! Il y a une avalanche d'atrocités sanguinaires tels qu'on s'interroge même sur l'état mental de l'auteur, que certains avaient envisagé même comme un chevalier traumatisé par la guerre sainte dans les croisades (j'y reviendrai plus tard sur ce point-là). Toutefois, si certains passages sont réellement choquants (le moment avec Lohot...), au reste on tombe souvent dans le grotesque et l'absurde face à ces enchainement finalement peu crédibles d'horreurs, qui résonnent comme de simples scènes de films gores sans prétexte sérieux. Mais cela n'atténue pas l'atmosphère délétère et sombre qui y régne dans l'ouvrage, dans un monde en proie à la folie meurtrière où on tombe facilement comme une mouche et qu'au final toutes les quêtes que feront tous nos chevaliers n'y aboutiront pas, tous perdant lamentablement.
Cette violence se couple à une forte influence religieuse liée sans doute à celles des croisades qui sont dans l'air du temps. Nos chevaliers sont de bels chrétiens pourfendant les infidèles et autres méchants païens à détruire sans vergogne pour le Christ. Tout dans le roman sonne comme une hymne (féroce) au christianisme bien supérieur contre les autres religions forcément mécréantes (avec en cadeau un petit antisémitisme comme on les aime vu la dépréciation constante de l'Ancienne Loi face à la Nouvelle Loi) et on y voit la christianisation progressive du mythe arthurien avec la présence de Joseph d'Arimatie et de son lignage par son descendant Perceval qui le rend digne (ou pas...) du Graal. Et le fait aussi que Perlesvaus a été commissionné par Jean de Nesle, un des chefs de la ... Quatrième Croisade, qui sera connu pour être une des plus barbares avec le désastreux siège de Constantinople et la perte du pouvoir papale qui avait perdu tout contrôle sur les rois dirigeant la croisade. Bref, que du lourd...
Pourtant malgré l'ambiance fort peu pacifique et le ton très virulent et acerbe qui s'y dégage de l'ouvrage, la bizarrerie de Perlesvaus n'omet cependant pas son apport considérable à la légende arthurienne sur ses innovations. C'est ainsi qu'on trouve dans Perlesvaus les raisons du châtiment de Keu qui sera réutilisé dans le Lancelot-Graal où la Vulgate (où se situe notamment le fameux Mort Artu que j'ai déjà chroniqué, première oeuvre arthurienne dépeignant ouvertement et d'une intensité dramatique et tragique la fin du monde arthurien) cette série de romans arthuriens et certains actes de Perlesvaus se retrouveront dans La Morte d'Arthur de Malory. Claudas le roi de la Terre Déserte, l'ennemi du roi Arthur ainsi que les frères Ban et Bors dont leurs fils, Lancelot pour l'un et Bohort et Lionel pour l'autre vengeront fait sa première apparition dedans tout comme la bête glatissante. Enfin l'accent est davantage mis sur la lignée de Joseph d'Arimatie et le coté sacré du Graal qui sera fixé par la suite. Donc Perlesvaus est bien plus importante qu'on ne le croit.
Perlesvaus reste une curiosité médiévale à lire, son style bien que rébarbatif et guerrier, qui propose sa version originale et plus sauvage de la légende arthurienne qui en sera lissée dans les siècles suivants, et qu'il reste amusant de comparer avec les autres oeuvres. Voilà une lecture pas déplaisante malgré sa violence et qui nous entrevoit la pensée militariste et religieuse d'un siècle en pleine croisade.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Voici l'histoire de la très sainte coupe qu'on nomme le Graal, dans laquelle fut recueilli le précieux sang du Sauveur le jour où Il fut crucifié pour racheter les hommes. C'est Joséphé qui en a écrit le récit, sous la dictée d'un ange, afin que par son témoignage soit connue la vérité sur les chevaliers et les saints hommes qui acceptèrent de souffrir peines et tourments pour glorifier la religion que Jésus-Christ a voulu instituer par Sa mort sur la Croix.
Voici le commencement du Haut Livre du Graal, au nom du père, du Fils et du Saint-Esprit. Ces trois personnes ne sont qu'une substance, et cette substance est Dieu, et de Dieu procède le Haut Conte du Graal. Tous ceux qui l'entendent doivent s'efforcer d'en comprendre la signification et oublier tout le mal qu'ils ont dans leur cœur, à cause des saints hommes et des bons chevaliers dont ils entendront raconter les actions. Joséphé nous rapporte cette sainte histoire en l'honneur du lignage d'un bon chevalier qui vécut après la mort du Christ Notre-Seigneur. C'était véritablement un bon chevalier, car il était chaste et vierge dans son corps, hardi et généreux de cœur, et ses qualités étaient sans tâche. Il ne parlait pas volontiers, et, à le voir, on ne l'aurait pas cru d'aussi grande vertu. Mais faute d'avoir prononcé quelques paroles au moment opportun, il fut cause de graves infortunes pour la Grande Bretagne: toutes les îles, tous les royaumes furent dans le malheur, mais par la suite il leur rendit la joie par la vertu de ses qualités chevaleresques.
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Perlesvaus senti le colp qui grant fu et son hiaume enbarré ; il revient vers Aristor si tres durement qu’il li enpaint son glaive tres par mi le cors et abat lui et le cheval tot en un mont ; puis est descendus sor lui, si li oste la coife del hauberc et deslace la ventaille. « C’avez vos enpensé a faire ? fait Aristor. – Je vos trencherai la teste, dist Perlesvaus, si le presenterai a ma seror, a qui vos avez failli ! – No ferez, fait Aristor, mais laissiez me vivre et je vos pardonrai ma haine. – De vostre haine me soufferai je bien, ce m’est avis, d’ore en avant, fait Perlesvaus, mais la vie ne poet plus demorer en vos, kar vos l’avez bien deservi, et Damnedieus ne vielt sofrir ! » Il li trenche la teste tot errant et la pent a l’arçon de sa sele [...].
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D’après le récit véridique de Joséphé, le Château Tournoyant avait été construit par Virgile, qui y avait mis toute sa science, au moment où les philosophes étaient partis à la recherche du Paradis Terrestre. Et une prophétie avait annoncé que le château ne cesserait de tourner que lorsque viendrait le chevalier à la chevelure d’or, au regard de lion, au cœur d’acier, au nombril de vierge, doué de vertus sans taches, de la vaillance d’un homme et d’une foi absolue en Dieu.
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Il fait aprester une grant cuve en mi la cort et amener les .xi. chevaliers ; il lor fait les chiés couper en la cuve et tant sainier con il peurent rendre de sanc et les cors oster ariere et les chiés, si que il ne n’ot que le sanc tot pur en la cuve ; aprés fait desarmer le Segnor des Mores et amener devant la cuve ou il avoit grant fuison de sanc. Il li fait les mains lier et les piez molt estroit. Aprés li dist : « Sire des Mores, vos ne peustes onques estre saoulez del sanc as chevaliers ma dame ma mere, mais ge vos saolerai del sanc as vostres ! » Il le fait pendre en la cuve par les piés, si que la teste fu el sanc dusque as espaules, puis le fait tant tenir que il fu noez et estainz. Aprés fait porter son cors et les autres et toz les chiés as chevaliers en un charnier anchien qui iert dejoste une viés chapele en la forest, et le cuve a tot le sanc, fist jeter en la riviere, si que li aigue fu tote sanglente.
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Les chevaliers se levèrent d’un bond, rendus tout aussitôt furieux et enragés ; ils roulent des yeux et se déchirent les vêtements en hurlant comme des démons. Ils s’emparent des hallebardes et des épées qui se trouvaient là, avec l’intention de se jeter sur Perlesvaus, mais ils en furent incapables, car Dieu ne le voulut pas ; ils se précipitèrent l’un sur l’autre, se déchirèrent et s’entre-tuèrent sans même vouloir écouter la demoiselle.
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