Un vocabulaire riche assurément, une syntaxe qui laisse parfois à désirer même si l'auteur l'utilise comme effet de style pour accentuer la bizarrerie de l'histoire et un fond qui me laisse perplexe et qui nécessiterait l'aide d'un interprète !
Un roman loufoque, ennuyant et dont le côté jubilatoire mis en avant par certains lecteurs m'est resté complètement caché.
Un roman moderne qui en a peut-être dérouté beaucoup et qui personnellement, ne m'a rien apporté, ni plaisir, ni enseignement, ni envie surtout de continuer les prolongations dans le monde de l'auteur.
Un roman qui se veut peut-être psychologique avec introspection et analyse d'un être perturbé et qui part dans toute les directions et n'aboutit nulle part !
Un roman vide de sens où un verbiage intensif, recherché, pseudo-intellectuel et mystique noie un poisson inexistant.
Un roman que j'ai voulu arrêter dix fois, que j'ai continué avec des pieds de plomb, que j'ai achevé avec un intense soulagement et qui me laisse songeuse quand au choix des auteurs primés...
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J'ai connu autrefois un type qui faisait de la céramique. Il s'est marié à une femme qui s'appelle Blanche, et il habite une maison dans la montagne. À trois heures, un jour, je suis allé chez lui : il faisait très chaud, et il y avait des fèves du Japon qui grimpaient sur la tonnelle. Le soleil faisait des croûtes partout. Il travaillait à moitié nu sous la tonnelle. Il gravait des dessins aztèques sur des espèces de potiches en terre; et le soleil faisait sécher la terre, formait des petits grains de poudre tout autour du vase; après, il mettait les émaux, et le four faisait cuire les couleurs: chaleur sur chaleur. Tout ça était harmonieux. Il y avait une salamandre à queue fendue qui dormait sur le sol cimenté. Je ne crois pas avoir jamais vu autant de chaleur sur chaleur de ma vie. Le paysage était à 39° et le four à 500°. Le soir sa femme Blanche faisait bouillir les fèves du Japon; c'était un type bien : il était tous les jours presque mort. Tout blanc, un morceau d'air dansant, un cube équilatéral en train de cuire.
Je me suis dit que je pourrais avoir, moi aussi, une maison de campagne. Sur le côté d'une espèce de montagne caillouteuse; sous les pierres bouillantes, on aurait des serpents, des scorpions et des fourmis rouges.
Voici à quoi je passerais mes journées : j'aurais un bout de terrain plein de cailloux, exposé au soleil du matin jusqu'au soir. Au milieu du terrain, je ferais des feux. Je brûlerais des planches, du verre, de la fonte, du caoutchouc, tout ce que je trouverais. Je ferais des sortes de sculptures, comme ça, directement avec le feu. Des objets tout en noir, calcinés dans le vent et la poussière. Je jetterais des troncs d'arbres et je les ferais brûler; je tordrais tout, j'enduirais tout d'une poudre crissante, je ferais monter haut les flammes, j'épaissirais la fumée en volutes lourdaudes. Les langues orange hérisseraient la terre, secoueraient le ciel jusqu'aux nuages. Le soleil livide lutterait avec elles pendant des heures. Les insectes, par milliers, viendraient s'y précipiter, et s'enfouiraient la tête la première dans la base incolore du foyer. Puis, élevés par la chaleur, grimperaient le long des flammes comme sur une colonne invisible, et retomberaient en douce pluie de cendres, délicats, fragiles, métamorphosés en parcelles charbonnées, sur ma tête et sur mes épaules nues; et le vent des flammes soufflerait sur eux et les ferait frémir sur ma peau; il leur donnerait de nouvelles pattes de nouveaux élytres, une vie nouvelle, qui les lèverait dans l'atmosphère, et les abandonnerait, grouillants, flous comme des miettes de fumée, dans les trous des cailloux, jusqu'aux pieds de la montagne.
Vers, disons, cinq heures de l'après-midi, le soleil gagnerait. Le soleil brûlerait les flammes. Il ne laisserait plus, au centre du terrain, qu'une tache noire, parfaitement circonférique; tout le reste serait blanc comme un paysage de neige. Le brasier aurait l'air de l'ombre du soleil, ou d'un trou sans fond. Et il ne resterait que les arbres calcinés, les masses de métal foudroyé, fondu, le verre fondu, les gouttes d'acier parmi les cendres comme de l'eau. Tout aurait poussé comme des plantes obscures, avec des tiges grotesques, des bavures de cellulose, des crevasses où grouille le charbon. Alors je les prendrais toutes, ces formes tétaniques, et je les mettrais en tas dans une chambre de la maison. je vivrais bien au milieu d'une montagne de cailloux blancs et d'une jungle incendiée. Tout ça est connecté avec la chaleur. Elle décomposerait tout pour recomposer un monde pourri par la sécheresse; la simple chaleur. Avec elle, tout serait blanc, et dur, et fixé. Comme un bloc de glace au pôle Nord, ça serait l'harmonie matérielle, grâce à quoi le temps ne coule plus. Oui, ce serait vraiment beau. Le jour, ce serait, chaleur plus chaleur, et la nuit, noir plus charbon.
Et un jour, je... (page 213) ...
«On me reprochera certainement des quantités de choses. D'avoir dormi là, par terre, pendant des jours ; d'avoir sali la maison, dessiné des calmars sur les murs, d'avoir joué au billard. On m'accusera d'avoir coupé des roses dans le jardin, d'avoir bu de la bière en cassant le goulot des bouteilles contre l'appui de la fenêtre : il ne reste presque plus de peinture jaune sur le rebord en bois. J'imagine qu'il va falloir passer sous peu devant un tribunal d'hommes ; je leur laisse ces ordures en guise de testament ; sans orgueil, j'espère qu'on me condamnera à quelque chose, afin que je paye de tout mon corps la faute de vivre...»
Quel talent dès son 1er livre ! il évoque avec densité une réalité pleine de sensations, d'images... comme la simple intensité de la chaleur !
C'est comme un tableau qui m'inspire, dont en voici quelques touches pour reprendre ses effets :
- le flou de la chaleur qui tremble, qui s'élève étourdissante comme une fièvre, jusqu'aux derniers degrés, dernières limites... où entrent des images mentales sous pression... qui se bousculent, se répètent. Obsessions... sous la chaleur, déambule, écorché vif, délires, hanté par les flammes, aux prises dansantes de l'errance, titube au hasard, sans but, foudroyé dans cet enfer aux "gouttes d'acier", étouffante atmosphère minérale, tournoyante à souhait ! Insolation, surimpression, surexposition, blanche, éblouissante... flash à en perdre la raison.
On croit toujours qu'il faut illustrer l'idée abstraite avec un exemple du dernier cru, un peu à la mode, ordurier si possible, et surtout - et surtout n'ayant aucun rapport avec la question.
J’espère qu’on me condamnera à quelque chose, afin que je paye de tout mon corps la faute de vivre.
Cette semaine, La Grande Librairie s'installe à Marseille et propose une émission exceptionnelle, en public, à l'occasion des Nuits de la lecture et des 10 ans du Mucem. Au coeur de ce musée dédié aux cultures de la Méditerranée, des écrivains, des librairies et des lecteurs pour une soirée dédiée aux mots, aux mille identités de l'espace méditerranéen, et à cette idée que la littérature est toujours un lieu de rencontres, de partage et de commun.
Augustin Trapenard est donc allé à la rencontre du lauréat du prix Nobel 2008 Jean-Marie Gustave le Clézio. Il est venu présenter son dernier ouvrage, "Identité nomade" (Robert Laffont), explorant son parcours d'écrivain, ses voyages et ses affiliations. L'auteur s'interroge également sur le pouvoir de la littérature dans le monde contemporain. Un récit introspectif captivant sur l'essence de l'écriture. le tout, durant une magnifique balade à Nice, ville qui l'a vu naître.
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