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EAN : 9782070376209
672 pages
Gallimard (11/01/1985)
3.12/5   138 notes
Résumé :
Kate, journaliste politique française ; Cyd, Anglaise vivant à New York ; Flora, anarchiste espagnole ; Bernadette, dirigeante féministe ; Ysia, Chinoise attachée d'ambassade ; Louise, une claveciniste ; Deborah, la femme du narrateur... Telles sont les femmes. Le narrateur, un journaliste américain, nous dit tout sur elles, mais sa réflexion embrasse l'évolution du monde, ces dix dernières années : pouvoir féminin, érotisme, crise, terrorisme, idées et passions des... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Chef d'oeuvre intemporel… un « Joyaux »… « Femmes » traverse les époques sans prendre une ride.
L'histoire ? le narrateur, un journaliste, écrivain américain voyage entre Paris et New-York et livre sa pensée sur la société, ses maux et sur ses rencontres. Il est le fil rouge de ce roman.
La lecture peut sembler ardue, le propos de l'auteur incompréhensible. Pour qui ne s'est jamais frotté à une oeuvre calée, s'échouera sur le récif de son hermétisme. « Femmes » est l'Odyssée de Sollers. Il faut se laisser porter par les eaux agitées de la narration, par la pensée de l'auteur, légère et agile comme le battement des ailes d'un papillon.
Les mots sont séduisants et nous enchantent. Ils ne sont pas noyés dans le dédale de phrases alambiquées. On devine l'influence du peintre Picasso pour qui l'auteur a une grande admiration, la sobriété des lignes épurées propres au cubisme. Ils frappent notre esprit et l'éclairent de mille nuances. La prose de Sollers a le pouvoir hypnotique de nous emporter dans son monde onirique. C'est du baroque. A l'opposé d'une promenade de santé, par ses phrases courtes, réduites parfois à un mot essentiel, il nous rudoie, nous empêche de nous endormir sur la certitude que nous maîtrisons tous les tenants et les aboutissants de son propos. Sollers n'est jamais là où on l'attend…
Rafales de mots, cacophonie ? Non, symphonie ! « C'est écrit à l'oreille. » La composition est parfaite pour qui a l'oreille absolue.
Impossible de tout expliquer car « Femmes » est un balcon sur l'incommensurable, la fabrique divine de la Vie et de la Mort : la Femme.
Il prend le sac de la vie, le secoue, le malaxe et le renverse sur la table du monde sous nos yeux ébahis. Salmigondis de vies, de morts, d'hommes et de femmes, de sexe et de religion…
Cyd, Louise, Kate, Flora, Esther, Ysia, Edith, Bernadette, Deborah, Diane… Toutes sont les étoiles de la constellation Sollers, les éléments de son tableau de Mendeleïev (comme il le dit lui-même lors d'un entretien sur France culture).
Il écrit : « le monde appartient aux femmes. C'est-à-dire à la mort. » Elles enfantent, donne la vie mais aussi la mort, comme une bombe à retardement, offrande piégée. le diable se cache dans le détail.
Ce n'est pas un texte écrit contre les femmes, Sollers est contre, tout contre chacune d'entre elles, c'est un pamphlet contre le féminisme totalitaire. La « femme » de Sollers n'est pas une femme-objet. Elle a sa pleine indépendance et jouit d'un pouvoir parfois bien supérieur à celui du narrateur. Elle est autonome. Elle assume ses choix et sa sexualité. Vade retro Rousseau and Co.
Le sexe n'est pas pornographique. Il est ce qu'il est, un outil de communication intersexes, une arme qui provoque la petite mort, un objet d'asservissement, la drogue ultime. Il surgit le plus naturellement dans le récit car il n'y a pas mille manières de nommer les choses, sans vulgarité, avec une sauvagerie domestiquée. Il a le parfum de la transgression.
La religion émaille le récit du narrateur. Il écrit : « Il faudrait que l'Eglise catholique, apostolique, romaine, issue de l'Evangile et de Pierre, approuve le tripotage génital de l'humanité… Alors qu'elle a pour principe d'en marquer les limites… Comme si l'essentiel était là !... Comme si la sexualité n'était pas une infirmité !... Lourde ou légère, ça dépend des dons… Qu'on y soit soumis, soit. Qu'on se débrouille comme on peut avec, soit encore. Mais en faire une valeur ! Et demander en plus à l'instance de l'au-delà de légitimer cette erreur !... de plus en plus curieux… »
S'en sert il comme d'un passeport pour violer les frontières de la moralité ? c'est comme mettre une carafe d'eau sur une table d'ivrognes, personne ne la boira mais elle a le mérite d'être là, comme un alibi.
Sollers reconnait s'être inspiré du style de Céline lors de la rédaction de son manuscrit. Il rend aussi hommage à Faulkner, Proust, Flaubert ou au génial Burroughs, au trublion Bukowsky et à Sade bien sûr.
Ce qui charme dans ce roman, c'est la fantaisie de l'auteur, son humour fin et incisif, et l'abondance des idées, son inépuisable érudition. C'est jubilatoire !
Alors… ne pas résister… se laisser aller, porter, emporter… puis sombrer…
Editions Gallimard, Folio, 667 pages.
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J'ai tenté de lire Femmes, il y a fort longtemps, au moment de sa parution.
J'avoue que malgré toutes les critiques élogieuses de l'époque, le n'ai pas réussi à le terminer et je dirais même que je n'ai plus jamais tenté de lire un autre livre de cet auteur qui m'a laissé une véritable impression de malaise.
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Livre polémique .... Diatribe contre le politiquement correct ... Pavé dans la marre de la bien-pensance... non c'est sûr, çà ne va pas plaire à tout le monde!

La narrateur est un journaliste franco-américain, homme à femme, qui est pris de la curieuse idée d'écrire un livre. le roman qui affecte un style à la Céline, en moins inspiré tout de même, tire un tableau sans concession d'une époque en perdition. Politique, questions sociétales, art, religion, loisirs, sexe, relation homme-femme, tout passe au moulinet d'une prose extatique, acide et querelleuse. Des scènes allègrement pornographiques alternent avec des digressions sur la bible, des charges antiféministes sont interrompus par des considérations esthétisantes, Vénus dispute la primauté au Vatican. Il faut dire que les années 80 sont riches en événements, lourdement anxiogènes et l'auteur en tire le miel pour fouailler la bêtise ambiante à fleuret non moucheté. L'oeuvre ne peut pas laisser indifférent, les avis seront franchement partagés et assumés. Je doute que Sollers en ressorte le chéri de ses dames mais çà donnera grandement à réfléchir à ces messieurs, et c'est déjà beaucoup.
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Sollers nous présente un collectionneur qui trahit non seulement l'intimité qu'il vit avec les femmes dont il décrit les travers, mais offre un « docte » savoir sur ce qu'il comprend du sexe.
Il accumule, énumère avec des phrases courtes, sans trop de verbes et beaucoup d'adjectifs des jugements sans indulgence en ridiculisant avec un mépris quasi-paternaliste des clichés éculés.
Il reste à distance comme l'observateur d'une « faune » étrangère et bizarre avec laquelle il joue comme un chat avec une souris.
Ce qu'il y a d'actuel dans ce pavé c'est la liberté de langage (mais il y a toujours eu des romans « polissons » circulant sous le manteau) qui, en effet, montre une évolution de la société contemporaine de plus en plus décomplexée.
Sans être trop exigeante, je m'attendais à autre chose. Peut-être aurais-je dû continuer pour profiter de son analyse des années 80 sur le plan politique et autres, mais je me suis arrêtée à la page 30.
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Non, vraiment non, je ne comprends pas où a voulu en venir l'auteur...Quel style insupportable ! Quelle masturbation intellectuelle inutile ! Je n'ai pas pu poursuivre après quelques pages lues en soupirant....Nul.
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Citations et extraits (36) Voir plus Ajouter une citation
Werth n’en pouvait plus... Tout l’ennuyait, le fatiguait de plus en plus, le dégoûtait... Les demandes des uns, les supplications des autres ; l’atmosphère de malveillance implacable qui entoure la prostitution douce ; la niaiserie dépendante des garçons exigeant sans cesse d’être assistés, maternés, poussés, pistonnés... Pour quelques instants agréables (et encore), quel prix à payer... Téléphones, lettres, démarches, arbitrages... Conseils, indulgence à n’en plus finir, tutelle, pourboires déguisés... A ce jeu de la résignation, Werth était devenu une sorte de saint malgré lui, gardant quand même sa réserve ponctuée de soubresauts rageurs... Il ne vivait pas du tout son homosexualité comme le font la plupart, désormais, de façon triomphante, agressive, militante, dure, prononcée... L’obscénité en vitrine... Boîtes sado-maso, valse du cuir... Torses, poils, muscles, piscines d’argile, mer gluante... Floc-floc des râles et des grognements... La seule chose qui avait toujours fait peur à Werth, c’est que sa mère apprenne ses goûts par la presse... Qu’il y ait comme ça un scandale mettant en cause sa situation, d’ailleurs péniblement acquise, de grand professeur... Déjà, l’hostilité des collègues, l’inlassable calomnie des ratés universitaires... Rien à voir avec le gauchisme viril de Pasolini... Les sous-prolétaires dans le cambouis, sur la plage... Avec le risque d’assassinat au bout, c’est d’ailleurs ce qui a fini par arriver... Non, les Français sont plus réservés, que voulez-vous, ils souffrent de plus en plus, en demi-teintes... Proust dans une boîte de New York ? Charlus et Jupien dans les bains-douches directs de la 72e Rue ? Werth se battait, sans illusions, pour une sorte de sensualité atténuée, une variante d’épicurisme... Bouddhiste, japonisant, légèrement affaissé..
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Je peux enfin ouvrir tranquillement mon courrier... Tiens, le dernier livre de Charles Bukowski... Women... Nom de dieu, mon titre... Heureusement que l’éditeur français l’a laissé en anglais... D’ailleurs, aucune importance... Plus on est d’expérimentateurs, mieux c’est... Que chacun raconte... D’ailleurs, il n’a fait que reprendre lui-même le titre de la grande série de peintures de De Kooning... Sacs d’apparitions grimaçantes.. Vampires des pubs... J’aime Bukowski... Droit au truc.. Ciblé... C’est bien... Très bien... Les Français s’en souviennent un peu parce qu’un soir, en direct de l’émission littéraire télévisée que tout le monde regarde ici religieusement le vendredi soir (enfin, tout le monde le grand-petit-monde éditions-media), il a commencé à tripoter la cuisse de sa voisine romancière psychologue... Il a continué en débouchant une bouteille de vin blanc... Il s’est mis à la descendre... Au goulot... On l’a viré... Gentiment, mais fermement... Son livre ? Très bon, un peu répétitif. Mais c’est le sujet qui veut ça. Comment il se saoule, baise, fait des « lectures » dans les universités... Il croise Burroughs dans le même circuit... Tous les écrivains un peu difficiles en sont là... Ils ne se disent rien... Clientèles différentes... On prend les dollars, bonsoir... Lui, il fonce chaque fois sur une femme... Il y en a toujours une qui veut embêter le type ou la fille avec qui elle est... C’était bien, déjà, Les Contes de la folie ordinaire, Mémoires d’un vieux dégueulasse... Un Français n’oserait jamais... Horizons bleuâtres... Tortillages... Elucubrations alchimiques... Brocéliande by night... Le rivage des myrtes... Le secret des Pyramides... La main de Mme de Rênal sous la table... Les soupirs d’Elsa... L’enfant et les sortilèges... Buko a compris une chose : il ne faut pas retarder les scènes... Les états d’âme de l’auteur ne sont plus dans le coup... Droit dans le panneau... Scène primitive devant tout le monde... De Proust à Bukowski, on peut dire que le roman a fait un saut... Mauvais goût acharné... Mais finalement, voyons... Il y croit quand même trop à la toute-puissance féminine... Il laisse grossir son ventre, bière, décomposition... Son « poireau », dit-il, pour évoquer sa queue... Son « biscuit »... Est-ce que c’est mal traduit ? Mais non... Il lâche sa « purée »... Dans les « chattes »... Il « plante son poireau »... Il « trempe son biscuit »... Quand il n’est pas trop bourré... Bite et biture... Elles font un peu semblant... Ça le remue très fort... Neuf fois sur dix, il est vrai, il se renverse sur le côté avant de finir, trop de bière, impossible... C’est vraiment ce que les féministes auraient appelé autrefois un MCP, a male chauvinist pig... Mais qu’est-ce qu’elles vont faire maintenant du pig conscient, rutilant, poussé à bout ; du cochon content de l’être et voulant sa caricature ? Pourtant, elles lui écrivent... Voilà le truc... La publication dragueuse... Il a ce qu’il mérite... Elles ne se trompent pas de destinataire... Elles viennent en avion le sauter chez lui des quatre coins des Etats-Unis... Secrétaires, vendeuses, coiffeuses... Et tout de suite : au lit ! A dada ! Pas mal... Avec moi, c’est le malentendu complet... Elles m’idéalisent... Elles m’aiment... Elles me font le coup arrière-plan... Schizophrènes... Paranoïaques... La chose distinguée... Question d’image... De « niveau social »... Tandis que lui... Il est presque clochard, moche ; mais un truc dans l’oeil alcoolique, une torsion attendrissante dans ses veinules de vieux nez pourri... Elles rêvent plus ou moins de le prendre en charge... C’est ça ou l’identification frénétique... Le toi-c’est-moi à n’en plus finir... Elles m’écrivent aussi, oui, et même sans arrêt, mais jamais de trucs sales... Alors que, lui, elles l’attrapent comme ça : photos pornos, culottes en lambeaux... Avec moi, elles poétisent, elles délirent... Elles tiennent à me montrer qu’elles sont beaucoup plus folles que personne n’oserait l’imaginer... Ma préférée vit en Suisse... Elle ne demande pas à me rencontrer ; elle se contente de me raconter comment elle fait l’amour avec son mari en pensant à moi... Je ne réponds jamais, bien sûr... Mais je me surprends parfois à souhaiter plus de détails... Physiques, physiques ! Rien à faire, elles voilent... Elles ont tendance au rideau... Pas de mots... C’est pour les hommes, les mots ; pour les animaux... Non, non, mousselines, ombres, allusions... Mon apparence les égare... Les tient à distance... Sauf une ou deux qui téléphonent comme ça, de temps en temps... Quelques ignobleries... Pas grand-chose... Ou alors des silences un peu essoufflés, prometteurs... Est-ce qu’elles se branlent vraiment ? Difficile à dire... Ça m’étonnerait... La mécanique se construit toujours sur le mensonge de l’un ou de l’autre... Très rare de trouver celle qui sait pourquoi et comment arranger le décor... Cyd... Quand elle me glisse à l’oreille qu’elle est allée acheter un « string » en pensant à moi... Qu’elle s’est enfermée dans les chiottes, chez des amis, pour se toucher en disant mon nom... Vrai ou pas vrai, là, c’est de toute façon plus vrai que le vrai, ce n’est plus le problème... Elle s’excite de m’exciter... Cas particulier...
Tout de même, Bukowski n’est pas Bataille... Il est tout en extérieurs, sans variations... Vite à la baise, c’est tout... La grande nouveauté, c’est qu’il enregistre la transformation des femmes... Le raz de marée de masse... Les Américaines d’accord, mais c’est en train de venir partout... Leurs initiatives... Leur nouvelle hygiène... L’influence du SGIC en profondeur... Leur côté troupier, maintenant, déluné, dépoétisé, rentre-dedans... Elles y vont carrément... Rien à perdre... Croient-elles... Plus de préparatifs... Ça, et l’argent... Mutter of fact ! Les bonshommes sont très en retard... Empêtrés d’images... Comme les femmes autrefois... Chassé-croisé... C’est drôle... Cavalerie à l’envers... De plus en plus, de franches réalistes, froides, sexistes, s’échangent des types comme des gadgets... Elles feignent d’accepter les situations les plus scabreuses... Ménages à trois... A cinq... A sept... Pure tactique, et d’ailleurs Bukowski en témoigne... Derrière, c’est toujours, et plus que jamais, la même virulente jalousie qui règne... Le hurlement n’est pas loin... Il arrive... Il est là... Il éclate... Elles tentent le breakdown du mâle qui s’était découvert... Assoupi, amoindri... Ayant baissé sa garde... Ouvert sa porte... Jamais ! N’oubliez pas : jamais ! Sous aucun prétexte ! Gardez un oeil ouvert ! Le revolver sous l’oreiller ! Souplesse de western ! Le bras rapide vers le tiroir ! Position verticale, d’un coup !
La verticale, tout est là... Sans quoi, vous devenez leur mère, c’est fatal... Elles se recroquevillent comme ça dans leur vieille maman que vous devenez insensiblement pour elles... Elles ont un devenir automatique de radiateur électrique... De grille-pain... Ça me frappe dans les cocktails... Les femmes et leurs mères... Les types devenus mères... A leur insu... Ils titubent là-dedans sans s’en rendre compte... C’est hallucinant...
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« Exclamation de S... Dans la séquence sur Saint-Pierre-de-Rome, j’aurais dû me promener avec Sade ! Bien sûr ! C’est la clé de Juliette ! Ce que personne ne veut voir, me dit-il, c’est que tout le roman est construit autour de cet épisode central... La messe des messes noires ! Comme quoi Sade a bien compris l’essentiel... C’est vrai... Il a senti comme personne qu’il fallait culminer là... Au point juste ! Au lieu même de la négation suprême de la matière ! A l’oméga du parcours ! Faire fulminer le retour du refoulé ! Les cultes abolis ! Les plus archaïques ! Récapituler l’histoire du coït ! Depuis la préhistoire la plus enfouie ! Avec une majesté de dinosaure ! Insatiable ! Ecumant ! Sacrifices humains ! Mayas ! Trip de tripes ! Giclages en plein charniers successifs ! Viscères déployés ! Cervelles éclatées ! Foetus foulés aux pieds ! Tringlages de culs à la chaîne ! Gougnoteries en série ! Décapitations ! Monstruosités lentes ! Pantelantes ! Le plus amusant, c’est la façon dont le mot de l’époque pour désigner le pénis, la queue, la bite, a vieilli... Le vit... Le vit du Pape ! Démasqué par la philosophie échappée du boudoir pour entrer triomphalement à la basilique ! Aujourd’hui, me dit S., l’église devrait être remplacée par l’Université, la Sorbonne ou paris VIII ; ou, encore mieux, par une salle de rédaction de la télévision, la nuit... Voilà comment vous devez baiser pour passer demain à l’antenne à l’heure de plus grande écoute... Tout évolue... On pourrait garder Juliette... La philosophie en action... Le pauvre Pape mis en scène par Sade n’est autre que Pie VI, Jean-Ange Braschi, né en 1717, mort en France, à Valence, en 1799... Les dates parlent d’elles-mêmes... Je n’ai pas besoin de vous faire un dessin... Sade fait de Pie VI un blasphémateur, un enculé-enculeur, un fouteur, un dépeceur... Il semble éprouver une rage particulière, le délicieux Marquis, à représenter tout ça sous le baldaquin de Saint-Pierre... Les hosties consacrées posées sur les vits en érection et aussitôt transférés dans les culs forcés des victimes... Quel éloge de la transsubtantiation ! Quel vertigineuse analyse concrète de l’Eucharistie ! Quelle intuition du grand TUBE humain, du serpent digestif lui-même ! Quel prodigieux effort de résistance à l’endroit exact où la péripétie humaine est intrinsèquement dévoilée ! Quelle vision ! Des messes incessantes mêlées à des sacrifices répétés ! Inouï ! Sade, ou la Théologie malgré lui... On immole les corps attachés aux quatre colonnes... Bref, Bernini a beaucoup frappé l’imagination de notre écrivain le meilleur, le plus honnête... Et Rome ! Et l’Italie ! Le Vésuve ! Naples ! Olype Borghèse ! Princesse ! La duchesse Grillo ! Le cardinal de Bernis ! Albani !
Habileté de Sade... C’est le Père supérieur violé par la fillette en fureur... Le Père qui tourne au vert... Le grand Pervers mis à nu par l’échevelée paranoïaque en personne ! Le fin fond du Récit ! Curiosité brûlante ! On s’en doutait ! Même si c’est archi-faux, c’est vrai quand même ! Le Démon en direct ! L’effroyable cynisme imparable !
J’accorde tout cela à S... Il est plein de son sujet... C’est plus fort que Diderot... Plus acharné... Plus révélateur de la tornade qui a secoué la France, puis l’Europe, puis le monde...
« Un homme comme moi ne se souille jamais, ma chère fille, me répondit le Pape. Successeur des disciples de Dieu, les vertus de l’Eternel m’entourent, et je ne suis pas même un homme quand j’adopte un instant leur défauts. »
Sade se fait baiser comme un Pape... Insulter, fouetter, ordurifier, sans perdre un instant sa souveraineté... Il se donne le démon femelle adéquat... Le succube rationaliste de luxe ! Juliette est implacable ! Elle dérobe à la caisse ! Pille le trésor ! Elle arrache les faux-semblants de l’hypocrite ! De l’infâme ! Elle veut une franchise totale, Juliette ! La Vérité ! La virilité ! Caton ! Brutus ! On les voit, ces deux-là, dans le théâtre en question ! La gueule qu’ils feraient ! L’Antiquité à poil ! Dans la sodomisation intégrale ! Platon et Aristote en orgie !
Voyons ce que dit Sade du Christ, résumant l’esprit de l’époque et le porte immédiatement à son comble : « Examinons donc ce polisson : que fait-il, qu’imagine-t-il pour nous prouver son Dieu ? Quelles sont ses lettres de créance ? Des gambades, des soupers, des putains, des guérisons de charlatan, des calembours et des escroqueries. » Comme le dira plus tard Goebbels, dans le genre sinistre : " Plus c’est gros, plus ça marche. " Rien n’est plus crédule que l’espèce humaine, surtout quand on lui prêche l’incrédulité ! Logique à suivre... Assez simple, au fond... Vous prenez ce qu’il y a de plus respecté , de plus sacré ; vous foncez dedans froidement... Vous montrez que ça ment partout et toujours... Que ça ne montre que des vertus pour cacher des vices... Ça fonctionne ! A coup sûr ! Tel est le Ressentiment latent ! Vous faites pisser la vésicule ! Déborder la bile ! Comment ça ? A l’héroïne ! A la femme porte-lumière ! A Lucifer ! Elle a des nerfs d’acier ! Rien ne l’arrête ! Le coup de génie est là ! Une femme ravageant la baise ! Comme si c’était possible ! Crédulité surplombante ! L’impossible, donc le réel dont on rêve ! Et dire que Fals, je m’en souviens, trouvait que Sade manquait d’humour ! Mais enfin !
« Plus un être a d’esprit, plus il brise de frein ; donc l’homme d’esprit sera toujours plus propre qu’un autre aux plaisirs du libertinage. »
Le "vit" du Pape ! Cadeau du vice à la vertu ! Merci ! Il n’y a que les vrais salopards pour trouver Sade "illisible", "monotone", "ennuyeux"... Quand vous entendez ça , gaffe ! Vous êtes chez les ploucs qui croient que tout ça est réel ! Que le Pape n’arrête pas d’enculer les masses !
« Sade, continue S., est visiblement révulsé, ou feint de l’être, allez savoir, par deux choses... La première : que quelqu’un osé donné un coup d’arrêt à la nature dans ce qu’elle a de plus sacré, l’excitabilité sexuelle... Il ressent ça comme une castration insupportable. Il veut démontrer qu’il n’en est pas question ; que la machine à faire du foutre à travers le meurtre est infinie comme l’espace et le temps - montrant par là-même, précieuse démonstration, qu’à la base de toute sexualité il y a, en effet, le meurtre... La seconde, et nous retrouvons ici le lieu commun des Philosophes, consiste à s’indigner que ce dieu parle des jeux de mots... « L’imbécile de Jésus, écrit-il, qui ne parlait que par logogriphes. » Tout le christianisme — comme le judaïsme, d’ailleurs — est fondé, c’est ça l’horreur, sur de « fades allégories où les lieux sont ajoutés aux noms, les noms aux lieux, et les faits toujours sacrifiés à l’illusion » . C’est l’indication de l’autre monde par dérivation. Plus de limites aux corps, or on ne vibre que sur cette limite... Du coup, cette histoire de Pierre devenu pierre à l’envers de la pierre tombale sur laquelle on jouit, leur paraît une plaisanterie du plus mauvais goût. De quoi s’agit-il ? D’affirmer des noms, des lieux, et surtout des faits... La philosophie est toujours plus ou moins policière dans l’âme. Elle doit récuser l’équivoque, le sexe métaphorisé. Elle coupe. Elle découpe. Pourquoi ? Parce qu’elle ne saurait douter un seul instant de la réductibilité de toutes choses à une mesure simple. Littérale. Ô hystérie ! Et la mesure des mesures, si ce n’est l’Idée, c’est du moins le Sexe. Pas vrai ? L’Appétit ! La Volonté de Puissance ! Allons ! On ne nous la fait pas ! [...]
" Cela dit, ajoute S., le cas de Sade reste incroyable. Quel romancier ! En réalité, sa provocation est si énorme qu’elle demeurera toujours ambiguë. Point d’orgue. Machine infernale. Tant qu’il y aura des corps... Finalement il n’y a pas d’autre inconscient que l’inhibition à lire Sade... Et j’appelle inhibition non pas seulement le fait d’être incapable de le lire par écoeurement ou dégoût, mais aussi celui de le prendre à la lettre. Comme cet ineffable crétin, peintre, je crois, ou plutôt peinturlureur surréaloïde, qui s’est fait imprimer au fer rouge, un soir, les capitales SADE sur la poitrine, au cours d’un pauvre rituel fétichiste... Le surréalisme ! Parlons-en ! Les pruderies occultes de Breton... L’imposture minaudière d’Aragon... L’exaltation anti-sexuelle d’Artaud... Seul Bataille garde un peu d’allure dans ce grand capharnaüm refoulant... Surtout par rapport à Sartre... La nausée... C’est le cas de le dire... Genet... Bref, sexuellement, rien... Quel désastre... Le " nouveau roman " ? Vous voulez rire... Rien, rien, pas la moindre femme plausible... Donc : rien... Pas un livre... Même pas un passage érotiquement consistant... Mais passons ! Musique ! Enfonçons-nous dans le mouvement ! »
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Sortir ? Aller draguer ? Non... Bible... Psaumes... Style éternel... Méditation sous la lampe. Je pars dans la cadence... Pour le Cryphée... Sur instruments à cordes... Sur les flûtes... Sur la guittite... A mi-voix... En sourdine... De David... Quand il fuyait devant son fils Absalon... Quand il contrefit la folie en présence d’Abimélech... Lorsqu’il fut en guerre [...] Quand il était dans la grotte... Cantique des montées... Le serviteur de Iavhé, David... Le plus grand poète de tous les siècles... Jamais cité comme tel... Vous voyez ce que je veux dire... Toujours Homère et Cie... Pour les Juifs, c’est un roi divin... C’est donc, à nous Grecs, de le faire entrer dans la littérature... [Je souligne] En triomphe... Lauriers ! Palmes ! ... Malgré Athéna... La déesse aux yeux pers... Et des légions de professeurs et de douaniers érudits... Version latine... Prix... Académies... David de Bethléem, racine du Messie, reins du Germe... Récité par le Christ sur la croix... Psaume 22... « Eli, El, lamma sabactani. »... Le Juste abandonné fait appel à son dieu sur l’air de Biche de l’Aurore...


Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
Tu es loin de mon salut, du rugissement de mes paroles !
Mon Dieu, j’appelle de jour et tu ne répons pas ;
Même de nuit je ne garde pas le silence... [5]

Vous connaissez sans doute vaguement le début ?... Bien que vous n’ayez jamais osé penser que le Christ a rugi sur la croix, n’est-ce pas ?... Mais la fin ?

Devant lui seul se prosterneront tous ceux qui dorment dans la terre,
Devant lui s’agenouillent tous ceux qui descendent dans la poussière...

Voilà... Après quoi vient la grande question : sorti ? pas sorti ? Remonté ? Ou non ? Les paris restent ouverts... Résurrection dans le Chant ? Musique ?... David se plaint tout le temps qu’on soit désagréable avec lui... Qu’on l’attaque sans raison... Qu’on le flatte, mais qu’on le déteste... Qu’on l’accuse à tort... Que ses ennemis n’arrêtent pas de lui tendre des pièges sur sa route... Complots... Machinations... Mensonges... Noeuds... Lacets... Filets... On lui rend le mal pour le bien... On épie sa vie... Chiens... Serpents... Faux amis... Et tout cela, à cause du dieu qu’il sert... Celui-là précisément... Dont la grâce est dans les cieux... Dont la vérité monte jusqu’aux nues... Dont la justice est comme les montagnes, et les jugements comme l’Abîme... Le dieu de l’univers au-dessus de l’univers... Partout présent, au nord, au sud, dans les profondeurs et les hauteurs, les étoiles et les non-étoiles, la pensée, les ventres, les coeurs, les matrices et les embryons, les intentions de la langue... Qui fait crier de joie les portes du matin et du soir !...

Pour beaucoup je suis un scandale,
Mais toi, tu es mon solide refuge,
Ma bouche est pleine de ta louange,
De ta gloire, tout le jour.

Qu’est-ce qu’on dirait aujourd’hui contre lui ? Paranoïaque... Manie de la persécution... Mélancolique... Délire des grandeurs... Mais la musique ? Les Psaumes !...
Oui, oui... Vouf !... En réalité, c’est ça qui les rend fous... Fatal... La musique en mots, jour et nuit, vers la source... Tutoiement avec l’invisible... Phrases qui s’adressent à leur feu, au lieu de faire mousser le décor...

Quand je pense à toi sur ma couche,
Durant les veilles, je médite sur toi,
Car tu es mon recours,
Et à l’ombre de tes ailes, j’acclame,
Mon âme est attachée à toi,
Ta droite me soutient.

Quelqu’un n’arrête pas de chanter pour ce qui ne se voit pas ?... Ne se touche pas, et prétend régner sur les phénomènes ?... Et en plus exigeant la vérité, la justice, en vous rappelant sans cesse que l’homme est une erreur, un souffle, un néant ? Avouez qu’il y a de quoi s’énerver...

Tu me caches dans la cachette de ta face,
Loin des combinaisons des hommes,
Loin de la querelle des langues...

Et pour aggraver l’ensemble, ce dieu a ses préférés ? Et parmi eux, un préféré ? Il les traite tous durement, soit... Mais on les envie quand même... Puissance verbale... Et si c’était vrai ?...

D’en haut, il étend sa main, il me saisit,
Il me retire des grandes eaux,
Il me délivre de mon ennemi puissant
Et de mes adversaires qui sont plus forts que moi.
Ils m’attaquent au jour de mon malheur,
Mais Iavhé est pour moi un appui,
Il me fait sortir au large,
Il me sauve, parce qu’il m’aime.

Le grand mot est lâché... D’autant plus qu’il n’a pas du tout dit, ce dieu, qu’il aimait les hommes... Non... Au contraire !... Il aime celui-là... Hic ! Nunc ! Quelle injustice ! Quelle partialité ! Un dieu mélomane ! Intervenant à travers l’enchevêtrement des atomes pour sauver son interprète favori !... Étonnez-vous que ça fasse des jaloux parmi les corps !... Comme s’ils ne voulaient pas être follement aimés, les corps !... Caressés, choyés, rassurés, chouchoutés, bercés, avant le saut final en poussière !... Comme si ça ne méritait pas la Mort, justement, cette élection de l’Unique au milieu du Nombre... Oui, plutôt la Mort... Pour lui et pour tout le monde, à jamais... Na !...
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Les critiques de ce livre sont plutôt négatives, cela ne m'étonne pas plus que tant, mais je tiens quand même à défendre ce que j'ai aimé. Certaines longueurs, certes. Un style pas toujours digeste ? Par moment, c'est également vrai. D'ailleurs, l'auteur retrouvera par la suite une sobriété plus grande. Des inepties ? Cela par contre non, je ne suis pas d'accords. L'auteur touche juste et fait preuve d'une grande subtilité. Je me suis procuré ce livre après avoir lu une interview de son auteur sur le net. Ce qu'il disait de Lacan avait titillé ma curiosité et j'avais choisi ce pavé parmi d'autres livres à la bibliothèque de mon quartier. Je l'ai dévoré en 5 jours. Franchement, l'un des meilleurs livres que j'ai lu. Riche. Dense, Intelligent. Subtile. Critique. C'est vrai aussi que je n'aime ni le nouveau roman, ni le roman actuel. Un livre qui se lit comme on regarde un film, je ne croche généralement pas. Je suis plutôt un lecteur d'essai et de philosophie. Mais ce livre m'a réconcilié avec la littérature. J'ai depuis lu quatre ou cinq livres de Sollers que je ne connaissais pas. Je ne lis jamais les journaux littéraires et provincial, je ne connaissais pas son auteur. J'ai découvert quelqu'un qui défend une sensibilité qui est aussi la mienne : une certaine profondeur pas toujours policée de l'âme, l'homme hétérosexuel, l'Italie, une certaine façon de lire la Bible, Picasso. J'y ai découvert un auteur pour la vie. Merci Monsieur Sollers.
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Vidéo de Philippe Sollers
Dialogue autour de l'oeuvre de Philippe Sollers (1936-2023). Pour lire des extraits et se procurer l'essai SOLLERS EN SPIRALE : https://laggg2020.wordpress.com/sollers-en-spirale/ 00:04:45 Début
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