Dévoré, avalé, englouti, lu d'un trait.
Envoutée. Emue. Ensorcelée. Etreinte par tant de beauté, de poésie brute.
"
Du même bois" est un coup de coeur et un coup de foudre tout en finesse et en esquisse, en bouffée de lumière. J'ai tellement aimé!
Ce texte est le premier roman de
Marion Fayolle, dont je découvre qu'elle est illustratrice et auteure de bande dessinée et c'est peu dire que c'est une réussite. Quand j'y réfléchis me revient cette sensation de lecture qui me poussait à me dire "C'est étrange et beau, l'auteure écrit en images, comme des polaroïds qui se succèderaient". Voilà donc d'où viendrait cette écriture si picturale, si visuelle... de la maîtrise (magique) des mots et de l'écriture mais sans doute aussi de celle du crayon...
Ce qui m'a poussé à m'offrir "
Du même bois", ce fut son résumé: l'Ardèche, une ferme familiale et la cohabitation entre ses murs de pierre de plusieurs générations, la présence des animaux qui m'a rappelé à sa manière l'oeuvre et les romans de
Marie-Hélène Lafon que j'adore. Et puis, moi je viens d'un coin qui n'est pas si loin de l'Ardèche, où les fermes étaient (sont encore) légion. C'est de ce monde que je viens, du monde de la Terre. Mes grands-parents et tous ceux d'avant étaient paysans, mes oncles le sont restés et mes parents ont grandi dans une bâtisse de pierre d'où on voyait l'étable et le verger depuis les fenêtres des chambres. J'en suis fière et quand j'y pense, je suis toujours prise d'un vertige, d'une nostalgie qui m'enserre un peu la cage thoracique, qui me noue le ventre. Je ne sais pas vraiment expliquer pourquoi... Pourquoi cette nostalgie d'une époque que je n'ai pas (vraiment) connu? Peut-être parce que j'ai vu mes grands-parents souffrir de l'évolution de leur monde, peut-être parce que mes plus beaux souvenirs, ce sont les grandes tablées d'été dressées sous le pommier du verger? Peut-être parce que je t'ai trop perçu la douleur et l'angoisse parfois de mes oncles qui n'ont rien des grands céréaliers de la Beauce avec leur petite exploitation, qui sont bien plus (mais vraiment bien plus!) "Conf'" que "fdseaé? Peut-être parce, tout simplement, ce monde là coule en moi, malgré tout et pour toujours? Quoiqu'il en soit, comme je suis toujours attirée par les ouvrages de
Marie-Hélène Lafon qui sont par ailleurs toujours écrits d'une plume sublime, j'ai été attirée -papillon par la flamme- par celui de Mario Fayolle. J'en suis heureuse.
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Du même bois" est court (trop!) et raconte la ferme familiale en Ardèche, les trois générations qui y cohabitent, les vaches et les génisses, la terre, les souvenirs d'enfance. Il raconte surtout la famille, les membres de la tribu qui ne sont jamais nommés mais contés, chapitre après chapitre, grâce à la place qu'ils occupent dans la lignée: le "pépé", la "mémé, "la petite"... Pas de récit à proprement parler mais des instantanés qui brossent subtilement
le tableau d'une vie âpre, simple, difficile parfois mais belle à sa manière. C'est l'histoire d'un mode de vie un peu révolu aujourd'hui où l'on vivait tous sous le même toit, d'un mode de vie qui suivait le rythme des saisons et qu'on pensait immuable. C'est celle de toutes ces vies simples, souvent laborieuses, celle des taiseux toujours plus démonstratifs avec les animaux qu'avec leurs semblables, celle des généreux qui remplissent les assiettes avec tellement d'amour que parler en deviendrait superflu. C'est une ode nostalgique, un peu mélancolique même à la ruralité.
Et c'est beau, c'est beau parce que la langue, le style de
Marion Fayolle sont à la fois poétiques et saisissant et parce qu'ils épousent incroyablement bien le caractère de ce qu'elle raconte: économie de moyen, pureté et rythme de la syntaxe, écriture qui chante tel un ruisseau et peut-être comme l'Eyrieux, croquis pris sur le vif... Aucune fioriture mais des mots en esquisses choisis qui peuvent se dire à voix haute et qui vont à l'essentiel, la grâce en plus.