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Citations sur Du même bois (84)

Dans la cuisine, la mère de la gamine parle de ce qu'elle doit faire, fait des listes, les répète tout haut, ça raccroche le premier avec le dernier mot, ça invente des boucles, ça devient infini, ça l'affole. Elle rejoint la mémé, elles échangent leurs listes, les font se regarder, se rassurer. Le ménage, les lessives, le repassage, les repas, maudits repas qui reviennent trois fois par jour, quatre-vingt-treize fois par mois. Elles ont les mêmes listes, les mêmes invasions. Vous pensez que ça se fait tout seul, tout ça ? Et la gamine qui aurait l'âge de les aider mais qui ne les aide pas. Elles ont beau lui montrer comment ça se lave, des toilettes, comment ça se cuisine, des repas. Tu pourrais au moins mettre la table, il faut qu'on t'explique tout. Comment tu feras quand tu seras en ménage ? Elles le plaignent, déjà, le pauvre homme qui tombera sur leur gamine. Elle ne voit pas quand c’est sale, n'a pas la tête faite pour ça. La sienne fait des listes aussi, mais de mots inutiles, de rêves, d'idées qu'elle note dans des carnets. Elle ne saura jamais tenir une maison, ça s'ajoute à leurs inquiétudes. Parce qu’au verso de la liste des choses à faire, il y a celle des inquiétudes. Plus longue encore, qui s’entortille, qui fait des lassos, des tentacules, qui aimerait enlacer les gosses mais les étrangle. Des boas sortis de leur ventre pour les amarrer là. Le soir, la gamine ouvrait les fenêtres, fait bâiller la maison, laisse les serpents s'enfuir.
(p.33)
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Elle espère ne pas lui faire de mal à son fils, ne pas l'engloutir dans son amour marécageux. Mets ton pied ici, cherche les mottes, prends ton temps. Voilà. C'est pas grave d'avoir une jambe dans l'eau. Dis-toi que c'est le paysage qui essaie de t'aimer, qui te demande juste de rester encore un peu. N’essaie pas de courir, je vais t'apprendre. Accroche-toi à Maman, colle-toi bien, je ne vais pas te lâcher, on ne va pas tomber.
(p. 94)
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La gamine pose ses mains sur son ventre, son bébé vient s’y lover. Elle se demande à quoi il va ressembler. Il s'imprime en taille-douce dans le revers de sa peau. Elle sait que l'encre se loge dans le fond des entailles, que toutes ses failles se verront sur lui. C'est par les brèches, par les blessures que les traits s’impriment, ce sont les écorchures qui font le dessin, elle aimerait les polir, les estomper un peu. Elle s'inquiète qu'il ait ses lignes fragiles, ses contours égratignés, ses crevés, ses bêtes trop noires aux mêmes endroits. Ce sera un garçon.
Il ne faudrait pas que son père à elle se surimprime sur lui, que ses acides mordent sa plaque, qu'il réapparaisse un peu partout, par taches, en transparence, qu'on le voie trop à travers. Elle s'angoisse. Et s'il naissait sur du papier de soie, qu'un rien le froissait, le déchirait, qu'il était forcé de boire, de faire comme son père à elle ou comme le frère du pépé, pour supporter tout ça. Il sera là dans quelques mois, elle a le sentiment d'avancer sans phares, lancée dans la nuit.
(p. 89-90)
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Le visage de la mémé est patiné par le vent et le soleil, ses hanches rembourrées par le fromage et la bonne viande de la ferme. Le paysage déborde sur elle, elle n’aurait pas pu vivre ailleurs. Elle a la même silhouette que le prunier du jardin, celui qui croule sous trop de fruits, qui s’affaisse sous le poids de sa générosité. Ses bras, son dos, ses jambes sont fatigués d’avoir passé toute une vie à donner.
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C'est l'adolescence, ça leur passera. Quand ils verront que ce n'est pas mieux ailleurs, ils reviendront, ils feront paysans, on ne veut jamais ressembler à ses parents quand on a quinze ans. Les jeunes se teignent les cheveux, mettent des habits de la ville, effacent là où ça pourrait se voir qu'ils viennent de la ferme. Ils n'aident plus pour nourrir les vaches, l'odeur, ça reste dans les cheveux, le sale ça se coince sous les ongles.
À cet âge où on se débat pour ne pas ressembler au père, le gosse, lui, il a fait le contraire. Il a fait tout pour ressembler, pour appartenir, pour qu'on ne lui demande pas de partir, pour qu'on oublie qu'il n'était pas le fils. Est-ce qu' il existe des hirondelles qui ne s'en vont jamais?
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est là, au pied de ce pâté de roches, que la Loire prend sa source. Ils sont tous là pour ça, var jaillir un fleuve, assister à une naissance, Au début, c'est minuscule, juste des filets d'eau. Les gens d'ici, ils appellent les montagnes des sucs. Et on dirait les sucs d'une montagne justement, ce liquide qui perle entre ses blocs de phonolite. On voit bien qu'elle transpire, qu'elle pleure, qu'elle sécrète, qu'elle perd les eaux en permanence. Elle accouche, sans douleur, devant une foule de photographes. Certains sont déçus, ils imaginaient sans doute un torrent, une cascade, un jet puissant. Ils ne pensaient pas s'être déplacés pour quelques larmes entre des caillasses.
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Ça saute, ça fonce dans les clôtures, ça lève le cul, ça se carambole, ça fait des glissades, ça pète. C'est la première fois que les petits veaux sortent de l'étable.
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 Elle a ramené des fleurs naturelles, c’est quand même plus joli que toutes ces compositions en plastique, mais avec le climat ça ne tient pas, ça crève. Des fleurs mortes sur des morts, ça fait triste, il faudra bien penser à venir les enlever si on sent qu’il commence à geler.
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Ce gosse, ce n'est pas vraiment le leur, mais il a passé tellement de temps avec le pépé que ses habits lui vont tout pareil. Ça fait des bosses et des plis. Au même endroit, ça se déplace au même rythme, ça fait illusion. Ça mouille les yeux de la mémé.
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Le visage de la mémé est patiné par le vent et le soleil, ses hanches rembourrées par le fromage et la bonne viande de la ferme. Le paysage déborde sur elle, elle n’aurait pas pu vivre ailleurs. Elle a la même silhouette que le prunier du jardin, celui qui croule sous trop de fruits, qui s’affaisse sous le poids de sa générosité. Ses bras, son dos, ses jambes sont fatigués d’avoir passé toute une vie à donner. Elle en a élevé, des gamins : les siens et ceux des autres. 
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