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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
En 2003, Lélia, la mère de l'auteur, reçoit avec perplexité une étrange carte postale. Anonyme, elle ne comporte que les prénoms de quatre membres de la famille, morts à Auschwitz en 1942. Près de vingt ans plus tard, Anne Berest se met en tête de découvrir qui a bien pu envoyer ce message énigmatique. Son enquête va lui faire exhumer un siècle d'histoire familiale, depuis la fuite de Russie des Rabinovitch, en passant par la Lettonie et par la Palestine, jusqu'à leur installation à Paris et l'horreur qui les y attendait pendant la seconde guerre mondiale. La grand-mère de l'auteur, Myriam, fut la seule à échapper au funeste destin de la famille entière. Elle a laissé à sa fille et à ses deux petites-filles le terrible poids d'un silence étourdissant…


Bien avant Anne, Lélia avait commencé à recoller les morceaux de ce passé barricadé dans le mutisme maternel, rassemblant et recoupant au cours de longues et minutieuses investigations les traces qui, dans leurs boîtes d'archive, attendaient de trouver leur place dans la mémoire des vivants. L'histoire des Rabinovitch met en pleine lumière le vieux serpent de mer de l'antisémitisme, les exils répétés et les renaissants espoirs d'intégration, la confiance demeurée malgré les alarmes, et finalement la prise au piège d'un impensable savamment orchestré. Avec justesse et intelligence, la narration restitue contexte et processus, décortiquant comment, insensiblement, a pu s'imposer une idéologie massivement meurtrière, au point de susciter le zèle d'un Etat français devançant les exigences nazies.


Piqué par l'énigme de la carte postale, le lecteur se retrouve happé par l'enquête menée par l'auteur, et c'est à pieds joints qu'il plonge dans ce récit sensible et vivant courant sur cinq générations. Dépourvue du moindre pathos, la narration bouleverse d'autant plus qu'elle se déroule avec la plus grande sobriété. Son réalisme saisissant vous emmène coeur et dents serrés au bout de l'insoutenable, et c'est le moins que l'on puisse faire que de savoir et de se souvenir. Ecrire et lire cette histoire, c'est sortir les victimes du néant où on l'on a voulu les plonger, puis les laisser bien après la défaite allemande. Car il aura fallu des années, puis encore un demi-siècle, pour que l'administration française finisse par reconnaître d'abord le simple décès, puis la mort en déportation des victimes des camps…


Tout en creusant le sillon de la mémoire, l'enquête d'Anne Berest nous confronte également à la réalité contemporaine. Comment ne pas se sentir troublé lorsque l'on découvre avec elle ce que sont devenus la maison et les biens personnels de ses arrière-grands-parents, la gêne et l'hostilité patentes des descendants des anciens voisins ? Au fur et à mesure que s'emboîtent les bribes du passé, ce sont toutes leurs répercussions sur le présent qui nous sautent peu à peu à la figure et nous interrogent. Pour l'auteur, elles sont le déclencheur d'une réflexion intime sur son identité, sur l'influence de ce passé sur sa personnalité profonde et sur sa manière de vivre sa judaïcité.


Initialement choisi sur un quiproquo entre les écrivains Anne et Claire, que j'ignorais soeurs, ce livre sur lequel je me suis précipitée, sans même me préoccuper à l'avance de son contenu, m'a subjuguée. Grave, parfois éprouvant, tendu comme un thriller, il est écrit avec une sincérité, une sensibilité et une clairvoyance qui vous vont aussi droit au coeur qu'il marque votre esprit. Un très grand coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Tout démarre avec cette fameuse carte postale reçue le lundi 6 janvier 2003, par Lélia, la mère de l'autrice. Sur cette carte sont inscrits quatre prénoms : Ephraïm et Emma, les grands-parents maternels de Lélia, ainsi que Noémie et Jacques, sa tante et son oncle. Tous les quatre avaient été déportés à Auschwitz en 1942 et n'en sont jamais revenus.
Comment expliquer que, soixante-et-un ans plus tard, cette carte postale parvienne à Lélia et Pierre Bouveris, une carte postée du bureau du Louvre et représentant l'Opéra Garnier ?
Le mystère étant resté entier, ce n'est que dix ans plus tard qu'Anne Berest, sur le point d'accoucher, décide de tenter de tout savoir sur ses ancêtres.
La carte postale, extraordinaire quête mêlant intimement l'histoire d'une famille aux drames bouleversants causés par le nazisme, m'a emporté et passionné jusqu'à la dernière ligne. Pendant les Correspondances de Manosque 2021, j'avais écouté Anne Berest parler de son livre, cela m'avait touché, intrigué, intéressé, mais je ne pensais pas que la lecture du livre m'emmène au plus profond de l'âme humaine, soulignant une fois de plus des problèmes toujours actuels, hélas.
C'est tout d'abord Lélia, sa mère, qui raconte, dans le Livre I, intitulé Terres promises. Elle détaille l'histoire de ses grands-parents : Ephraïm et Emma Rabinovitch. Lui, à 25 ans, ne se sent pas juif mais socialiste, en 1919, dans cette Russie où les brimades, la violence, la mort menacent. Il faut envisager de partir mais Emma, enceinte, met d'abord au monde Mirstchka (Myriam) à Moscou, le 7 août 1919. Pour échapper aux fouilles de la police, ils partent vivre à Riga, en Lettonie où la vie est prospère car Ephraïm réussit dans le commerce du caviar. Puis, Noémie naît dans cette même ville où recommencent les menaces qui poussent à partir pour Lodz, en Pologne. L'antisémitisme gagne là aussi. Train pour Budapest, bateau sur la Mer Noire et Haïfa, en Palestine où Myriam et Noémie, après le russe, le yiddish, l'allemand et le polonais, apprennent l'hébreu et l'arabe…
Un petit frère, Itzhaak, voit le jour là-bas, à Migdal, mais Ephraïm veut développer une invention qui accélère la levée de la pâte à pain, dont il est l'auteur. Quel est le pays idéal pour réussir avec un tel procédé ? La France, bien sûr ! le petit Itzhaak s'appellera Jacques et c'est ainsi, je passe certains détails, que toute la famille se retrouve à Boulogne-Billancourt, en septembre 1929.
Les parents réussissent. Les enfants entament de brillantes études au Lycée Fénelon mais la jalousie, la haine ressortent peu à peu. Tout au long de ma lecture, je croise des noms prestigieux comme Jean Renoir, Francis Picabia et Vicente, son fils, Gabriële Buffet, puis René Char à la tête d'un réseau de résistance.
Bien avant que la France soit envahie, les Juifs sont stigmatisés. Lorsque Pétain fait adopter le statut des Juifs en 1940, c'est une cascade d'interdictions qui entraînent notre pays et l'Europe entière dans l'horreur d'un génocide programmé, organisé et facilité par une opinion publique saturée de slogans antisémites qui peuvent surgir à nouveau aujourd'hui.
Anne Berest conte tout cela de manière très vivante. Alternent confidences et événements tragiques comme la rafle du Vél' d'Hiv', les camps et les convois. Il faut raconter encore et toujours ramener à la mémoire des anciens comme des plus jeunes cette extermination massive d'êtres humains, avec des souffrances inimaginables, dans des pays que l'on disait civilisés.
Le Livre II de la carte postale se consacre aux souvenirs d'un enfant juif sans synagogue avec toujours le même objectif : qui a écrit et expédié cette fameuse carte ? Comment se sentir juive alors qu'on est élevée dans le socialisme laïc et républicain ? Eh bien, la bêtise et l'intolérance sont toujours prêtes à ressurgir et à causer les mêmes ravages si la mémoire s'efface.
Un Livre III traite des prénoms, ces fameux prénoms qu'il faut changer pour éviter les réflexions des imbéciles. C'est dans ce Livre III que l'autrice publie deux lettres. La première, elle l'écrit à sa soeur, Claire Berest, qui lui adresse une réponse belle, forte, émouvante ! Un grand moment de lecture !
Enfin, le Livre IV parle de Myriam qui a vécu avec Vicente Picabia et Yves Bouveris, entre Apt et Avignon, dans le Luberon, près du village de Céreste. C'est ainsi que, délicatement, par subtiles touches successives, l'énigme de l'origine de la carte postale sera enfin résolu mais je n'en dis pas plus pour laisser à chacune et à chacun le plaisir de la découverte tout en gardant en mémoire les années tragiques qui ont marqué à jamais ce XXe siècle alors qu'aujourd'hui, la folie humaine frappe encore, oblige un peuple à fuir les bombes et la guerre, causant de nouveaux déracinements et, c'est le plus intolérable, abrégeant des vies dans des souffrances inadmissibles.

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« Je me reconnais enfin : je suis fille et petite fille de survivants » conclut Anne Berest en achevant l'histoire de sa famille au XX siècle.

Lélia Picabia, mère de la romancière, fut conçue durant l'occupation par ses parents, opérateurs radios opérant pour un réseau de résistance … on devine son sort si ceux ci avaient été capturés par l'occupant. Son père Vicente se suicida après la guerre, Myriam, sa mère, se remaria et, durant des décennies, garda le silence sur son enfance et son mariage.

Myriam Rabinovitch, la grand mère, née à Moscou en 1919, grandit dans une fratrie de trois enfants, fuit la Russie avec ses parents vers la Lettonie. Puis ils s'installent en Palestine, cultivent des oranges, et arrivent enfin en France. Ils apprennent rapidement le français, Myriam et sa soeur Noémie collectionnent les premiers prix pendant que leur père innove, dépose des brevets et crée une société. Cette intégration exemplaire ne suffit pas pour obtenir leur naturalisation et quand la guerre éclate la famille est contrainte de se réfugier dans l'Eure. Myriam se marie le 14 novembre 1941, devient ainsi française, et s'installe à Paris avec Vicente Picabia.

Le 13 juillet 1942, la gendarmerie se présente au refuge des Rabinovitch, interpelle les enfants Noémie et Jacques qui sont emprisonnés à Evreux, internés au camp de Pithiviers, déportés le 2 aout vers Auschwitz… Jacques est gazé, Noémie succombe du typhus.

Le 8 octobre, Ephraim et Emma, les parents sont à leur tour arrêtés, dirigés vers Drancy et achevés dès leur arrivée le 6 novembre à Auschwitz

Myriam, sans aucune nouvelle de ses parents, part en Provence, rejoint le réseau animé par le Capitaine Alexandre alias René Char qui plastique la maison de Jean Giono, retrouve Vicente incarcéré à Dijon, puis le couple remonte à Paris où il est recruté par les services britanniques.

A la libération, elle guette devant l'hotel Lutetia le retour des déportés et prisonniers. En vain … polyglotte elle s'engage comme traductrice dans l'armée pour oublier ce passé sinistre.

Remariée Myriam Bouveris refait sa vie, tait sa judéité, élève ses enfants puis accueille ses petits enfants l'été en Provence

En 2003, une carte postale est adressée à M Bouveris ; quatre prénoms Ephraim, Emma, Noémie et Jacques en constituent le texte énigmatique qui va inciter Lélia Picabia à s'intéresser à l'histoire des Rabinovitch.

En 2020, la fille d'Anne Berest est traitée de juive par un écolier … avec sa mère Lélia, elle reprend le fil du drame, rencontre les derniers survivants ayant connu leurs ancêtres et publie cet extraordinaire témoignage qui est à la fois un livre d'histoire et un manuel d'éducation civique traitant les sujets graves que sont les migrations, le racisme et l'antisémitisme. Et un bel hommage rendu à celles et ceux qui ont abrité, aidé, nourri les proscrits, au péril de leur vie.

Cette carte postale mérite d'être lue, notamment par les lycéens, qui seront sensibles au destin de Noémie et Jacques, adolescents apatrides, entonnant la Marseillaise le 13 juillet 1942 dans le fourgon cellulaire qui les mène au calvaire.
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"La carte postale " , un roman qui "prend aux tripes ", un roman que l'on peine à quitter tant il nous transporte , nous émeut , nous interpelle ,tant ses personnages sont " vrais " , sincères , inoubliables .
J'ai lu bon nombre de livres se rapportant à cette sombre période de notre " Histoire " et je n'attendais pas forcément d'éclairage particulier sur ce terrible sujet , mais j'avoue avoir été emporté , bluffé , par la volonté de l'autrice de reconstruire un passé douloureux , caché , tabou .Et comme on le dit souvent familièrement , il n'est pas toujours trés judicieux de " sortir la poussière " qui dort sous le tapis .Par contre , il suffit de trois fois rien pour déclencher un séisme , voire un tsunami qui emporte tout sur son passage et révèle combien la vie de certains et certaines est précaire , combien est ténu le fil qui vous maintient en vie ou vous plonge dans d'insondables abbysses , selon que vous soyiez là ou là .Au "bon" ou " mauvais " endroit .Une mystérieuse carte postale sur laquelle figurent quatre noms va lancer cet ouvrage dont on ne saura pas vraiment s'il s'agit d'un livre sur l'histoire d'une famille , une saga , un thriller ou un livre d'Histoire .Peu importe du reste car ce qui va nous poursuivre , nous hanter est indescriptible , au delà de la raison . Chaque page ou presque "dégouline " d'émotions .C'est fort , trés fort , écrit avec une incroyable finesse , sans pathos mais avec une telle sincérité que tout lecteur se sentira , à un moment ou un autre , concerné au plus haut point .
Anne Berest nous emmène sur une voie dangereuse , une voie qui rescucite des disparus pour construire des vivants .D'hier à aujourd'hui , la libération de la parole pour libérer les esprits , donner à voir , à comprendre ..ou pas.
La construction du récit est trés intéressante et suit une chronologie parfois interrompue par des voix venues d'ailleurs , d'ici ou de là , du monde des ténèbres ou de celui d'un aujourd'hui que l'on souhaiterait bien entendu lumineux .
Livre d'espoir ? Livre d'UNE famille ? Pas si sûr mais cela , je vous laisse le découvrir . Tourner la première page , c'est plonger dans un univers qui , soyez en certains et certaines , va vous bouleverser et vous émouvoir sans pour autant , je m'adresse aux " âmes sensibles " , vous faire renoncer .
Un trés beau roman salué , entre autres , par le "Renaudot des lycéens" . Croyez moi , les " gamins ", ils ont cette fraicheur et cette acuité qui font qu'ils se trompent rarement et qu'on peut leur faire confiance .Pour ma part, c'est une évidence .
A bientôt ....
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Encore un nouveau coup de coeur pour cette année, un merveilleux récit qui m'a apporté de nouvelles connaissances au sujet de la seconde guerre mondiale, sujet inépuisable et malheureusement passionnant qui a fait l'objet d'une littérature abondante. Quelle ne fut pas mon bonheur en apprenant que son auteure avait remporté le grand prix des lectrices Elle, Anne Berest le mérite vraiment.

On y aborde donc en premier lieu la question juive et cette malédiction qui pèse sur les familles depuis des siècles, on observera le devenir de la famille rabinovitch sur quatre générations, et l'on sera obligé de constater que l'antisémitisme a été, existe toujours et sera et qu'Anne, Arrière-petite-fille d'Ephraïm Rabinovitch est porteuse de toute ce passé.

Les grand parents préviennent, les enfants n'y croient pas, et c'est suite à une série de mauvais choix par méconnaissance que l'on assistera à la longue descente aux enfer de cette famille. Et l'on souffre pour eux, on sait les choses, on est conscient de l'avenir des personnages, on aurait envie d'intervenir pour prévenir, on n'ignore rien en tant que lecteur, de leurs échecs futurs, et ça fait mal !

La période de l'occupation est passionnante et instructive, Anne Berest fournissant dans les détails, le traitement subi par les juifs en France, les interdits, les obligations de recensement, la propagande qui aida à répandre l'antisémitisme dans la population, et plus tard, la résistance et les réseaux organisés par ces héros qui n'hésitèrent pas à risquer leur vie pour rendre sa liberté à la France.

Et puis il y a un certain suspense, déjà annoncé par le titre du roman : qui a envoyé cette carte postale mentionnant simplement le prénom des aïeux morts en déportation ? Lélia, fille de Gabrielle Rabinovitch livrera à sa fille les éléments dont elle dispose, documents qu'elle a rassemblés et qui sont à l'origine de ce roman, lettres, photos, témoignages, et lui laissera ensuite la liberté de rechercher l'auteur de cette carte postale anonyme.

Un récit très abouti, une réussite, à lire absolument !
Lien : http://1001ptitgateau.blogsp..
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Pour moi une carte postale est synonyme de vacance,de bonheur en famille. Après avoir lu et aimé la carte postale d'Anne Berest je ne suis plus tout à fait sûr de mon affirmation . La carte postale est un témoignage sur un passé pas si ancien, douloureux et cruel. Une famille venue chercher un petit coin de paradis en France. les Rabinovitch. Sauf que ce pays des lumières a creusé leurs tombes en les offrant pieds et poings liés aux bourreaux nazis. La carte postale n'est pas un énième récit sur la Shoah, cette histoire va plus loin, comment vivre quand on est enfants et petit enfants de déportés? Et surtout qu'est-ce que c'est que d'être juif. Anne Berest les a connu ces silences ces non dits comme Lélia sa mère. Ephraïm, Emma, Jacques et Noémie quatre prénoms sur une carte postale quatre racines effacées de l'arbre généalogique. Ce récit est très proche de l'histoire de Daniel Mendelsohn et de son très beau livre « les disparus «  .
La carte postale est aussi l'histoire de Myriam la grand mère d'Anne seule rescapée de la famille Rabinovitch. Chance ou malchance comment peut-on vivre avec cette idée que la destinée est seule responsable de notre vie, un lourd fardeau qui pèsera sur les épaules de Myriam. Et puis il y a cette transmission invisible qui relie les familles entres elles, des prénoms, des endroits, des situations, des connections entre les générations. La carte postale est une quête et une enquête un beau récit qui m'a touché.
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Un jour de janvier 2003, une carte postale représentant l'Opéra Garnier arrive dans la boîte aux lettres, au milieu des cartes de voeux. Elle est anonyme, quatre prénoms sont inscrits : Ephraïm, Emma, Noémie, Jacques, d'une écriture très maladroite. Elle semble avoir mis 10 ans avant d'être postée. Personne ne veut approfondir, jusqu'au jour où Anne est sur le point d'accoucher de sa fille, et elle veut savoir, au grand dam de Lélia…Mais il est temps d'ouvrir la porte aux souvenirs…

Dans la première partie du livre, on fait la connaissance des membres de la famille Rabinovitch, Nachman et son épouse, les enfants Ephraïm, Boris, Emmanuel puis les trois enfants d'Ephraïm et son épouse : Myriam, Noémie et Jacques, leur vie en Russie puis les différents exodes : Riga, puis la Palestine où Nachman va résider entretenant son orangeraie, très lucide, car il a toujours dû fuir pogroms et persécutions. Il conseille à tous de partir aux USA, mais personne ne l'écoute. Boris choisit la Pologne d'où est originaire son épouse et, les deux autres Paris. Que pourrait-il bien leur arriver, ils se sont intégrés. L'auteure nous raconte comment elle a réussi à tout reconstituer.

L'auteure nous fait vivre la rafle du Vél' d'Hiv, son organisation méthodique, toute la maltraitance, le zèle de la police e, avec des termes bien choisis, sans concession, mais sans pathos non plus. Il en est de même avec les arrivées aux camps, les cheveux rasés qui vont servir à confectionner des pantoufles, les cendres recyclées en engrais ou les dents en or coulées en lingots… quant au traitement des êtres humains on le connaît donc je n'y reviendrai pas.

« Il faut que vous compreniez une chose : un jour ils voudront tous nous faire disparaître. » Nachman quand il parle de quitter la Russie.

Myriam rencontre à Paris, à la Sorbonne Vicente :

« Il a vingt et un ans, son père est le peintre Francis Picabia, sa mère Gabriële Buffet est une figure de l'intelligentsia parisienne. Ce ne sont pas des parents ce sont des génies. »

Dans la deuxième partie, on se situe dans la période actuelle, la fille d'Anne a entendu dans la cour de récréation un copain marocain qui n'aime pas les Juifs. Plus jamais cela disait-on à une époque… et comment réagir, surtout quand on n'est pas pratiquant. Toujours est-il que la grand-mère Lélia n'entend pas rester les bras croisés. En tout cas cela va relancer les recherches sur la personne qui a envoyé la fameuse carte.

Les difficultés à retrouver les archives, les traces de la famille est sidérante, car la France ne veut pas reconnaître la déportation, il faut tout enfouir sous une chape de plomb, c'est bien connu, les Français étaient tous des Résistants, pas des collabos…

Anne Berest évoque aussi Daniel Mendelsohn dont « Les disparus » qui me narguent dans ma bibliothèque mais que je n'ai encore eu le courage d'attaquer) Primo Levi, Hélène Némirovski… ainsi que l'interdiction de faire concourir « Nuit et Brouillard » à Cannes au nom de la réconciliation franco-allemande…

Vous l'aurez compris, j'ai beaucoup aimé ce livre, notamment le parcours de la famille à travers l'Europe pour tenter de fuir les persécutions, du caviar de Riga, à l'orangeraie de Palestine, sous fond de musique Emma joue et enseigne le piano, et l'impossibilité à imaginer l'inimaginable, quand on s'est intégré, en ayant demandé une naturalisation qui n'arrivera jamais…

Tout est bien équilibré, dans ce récit, la période avant la guerre, comme la période actuelle et Myriam m'a beaucoup plus, sa fin de vie est aussi bouleversante que tout son parcours.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m'ont permis de découvrir ce roman et de retrouver son auteure dont j'ai bien aimé « Sagan 1954 » il y a quelques années. Maintenant il ne me reste plus qu'à sortir « Gabriële » qui m'attend sagement dans ma PAL …

Je voulais faire une pause dans les récits sur la seconde guerre mondiale, la Shoah, mais je n'ai pas résisté à « Enfant de salaud » de Sorj Chalandon… on ne se refait pas…

#Lacartepostale #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Dès les premières pages du roman, Anne Berest nous embarque avec brio dans une spirale qui nous happe littéralement et nous fait parcourir l'histoire de sa famille sur presque un siècle.
Son écriture est comme un jeu de miroirs permanent qui renvoie l'histoire des siens à l'histoire universelle du peuple juif avec tous ses thèmes dont le principal, bien sûr reste la Shoah dont une partie de sa famille en sera la victime.
Partant d'une étrange carte postale reçue un matin chez sa mère, elle part aidée de celle-ci sur les traces de sa famille et reconstitue l'histoire de ses arrières-grands-parents.
Ce qui m'a beaucoup intéressée dans ce roman, c'est les questions et les non-dits, les secrets qui tournent autour de l'identité "culturelle" de la judéité.

Oui, Anne Berest est juive mais ne le vit pas ainsi.
"Je suis juive mais je ne connais rien de cette culture".
"Je suis le rêve accompli de mon arrière-grand-père Ephraïm, j'ai le visage de la France"

D'autres dans sa famille, comme son aïeul ont été confrontés, dans d'autres formes à cette judéité complexe qui les pousse à renier, à dissimuler, à oublier ce qu'ils sont. Et, ainsi, devenir des Juifs dits assimilés. Ce passage très fort, ou son arrière- grand- père vivant en France et voulant être naturalisé français va jusqu'à interdire aux siens d'évoquer le fait qu'ils sont juifs.

Tous ces questionnements, ces comportements sont évidemment dictés à la base par la peur, les persécutions des juifs à travers l'histoire qui leur inspirent une survie permanente.
"La liberté est incertaine. Elle s'acquiert dans la douleur"
Au fil du roman, Anne Berest nous livre, se livre courageusement pour combattre ses démons et remonter l'histoire de sa famille. Avec sa mère qui a déjà tissé les liens des différents membres de sa famille dont l'histoire de sa propre mère qui est la seule ayant survécu à l'holocauste.
Ce roman est riche, foisonnant de cette histoire familiale qui a traversé le temps. Ce thème de la survivance est magnifiquement évoqué dans cette citation
"Mais aujourd'hui, je peux relier tous les points entre eux, pour voir apparaître la constellation des fragments éparpillés sur la page, une silhouette dans laquelle je me reconnais enfin: je suis fille et petite fille de survivants"

Anne Berest a écrit un grand livre qui aide à mettre du baume sur les coeurs.
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Ephraïm
Emma
Noémie
Jacques...
Et ils ont été des millions à perdre la vie durant la Seconde guerre mondiale, tout cela parce qu'ils étaient juifs ! Et le pire, c'est qu'il n'y a pas eu qu'eux !
Ces quatre noms, Leïla, la mère de la narratrice, les lis sur une carte postale qu'elle reçoit en janvier 2003, sans aucune explication ni mention du destinataire. Elle les reçoit en pleine figure, comme une gifle qui lui rappellerait non seulement ses origines (encore et bien que cela ne soit absolument pas...disons plus une honte) mais aussi son silence envers sa fille concernant ces derniers et les circonstances tragiques dans lesquelles ils ont disparu ! Tout cela parce qu'elle avait voulu, non pas oublier mais ne plus penser à ce passé trop douloureux et pourtant...ce silence imposé par sa mère Myriam qui avait, elle, honte...honte d'avoir survécu alors que ses parents, sa soeur et son frère, eux, n'avaient pas eu cette chance. Pourquoi, elle, Myriam, n'était-elle pas morte comme eux, avec eux ?
Bien que Leïla n'ait jamais trop bousculé sa mère sur le sujet, Anna, la narratrice de ce roman, elle veut comprendre et pour comprendre, elle veut surtout retrouver la personne qui a envoyé cette carte postale à sa mère et pourquoi maintenant ! Pour cela, elle va devoir un peu brusqué sa mère pour qu'elle lui confie son passé et cela ne va pas être évident car, comme je l'écrivais plus haut, celle-ci, aurait préféré ne plus y penser mais il faut parfois savoir réveiller les morts pour ne pas qu'on les oublie !

La narratrice va donc se plonger dans cette enquête, seule, afin de lever le voile sur ce qui s'est passé...il n'y a pas si longtemps que cela et qui laisse encore des traces aujourd'hui !

Je n'en dirai pas plus sur le sujet, d'une part, lorsque je vois l'affluence de critiques sur ce dernier, et d'autre part, parce que j'ai moi-même reçu une sacrée gifle en le lisant et que je me retrouve à mon tour, démuni de mots et pourtant, n'oublions pas !
Un roman extrêmement puissant, très bien écrit, admirablement romancé et que je ne peux que vous recommander !
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Epoustouflant, c'est le mot qui me vient à l'esprit pour décrire ce livre. Je l'ai déjà conseillé à mon mari et à mes filles. Et je profite de la tribune de Babelio pour vivement vous conseiller la lecture de ce texte entre roman, récit, (auto)biographie, questionnement....
.
Le livre se lit avec plaisir grâce à une écriture fluide, légère pour une thématique plutôt délicate.
L'auteure, dans ce livre, dévoile un pan de la vie de sa famille, juive, russe, installée en France, disparue à Auschwitz. Mais ce livre est aussi le récit de la recherche de la mère de l'auteure sur sa famille, sur son histoire. Puis de la quête qu'elles mèneront, mère et fille, pour comprendre l'origine de la "carte postale".
Au travers de ces recherches se pose également la question de savoir ce qu'est être Juif quand on est laïc. L'auteure partage avec nous ses questionnements, passionnants, sur ce sujet.
.
Un livre qui se dévore : en dépit du nombre de pages de ce pavé, je n'ai pas pu le lâcher. Pourtant ce livre a eu pour effet de me faire faire des recherches sur des personnages qui ne m'étaient pas connu comme la Dr Hautval (Juste parmi les Nations) ou l'abbé Alesch (qui trahira comme monnaie sonnante et trébuchante un réseau de Résistants).
Suivre les recherches menées par la mère et la fille sont passionnants, difficiles à lâcher. Comme elles, on a envie de savoir qui a envoyé cette carte postale, et pourquoi. Comme elles, on découvre l'infinie tristesse de ces vies détruites à Auschwitz.
.
Franchement si vous ne l'avez pas déjà fait, je vous conseille vivement la lecture de cette "Carte postale". Un prix Renaudot des lycéens 2021 amplement mérité ! Je partage leur avis sur ce livre époustouflant, utile, émouvant...
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