Cet étrange recueil arrive entre mes mains par une rencontre impromptue avec Bartabas, l'homme de spectacle, au salon du livre de Gordes. Admirateurs de ses spectacles et de son lien unique avec les chevaux, nous allons le saluer et repartons avec ce petit recueil qui lui tient à coeur, présenté à nous comme une réécriture des débuts de l'histoire humaine et de la création. Bartabas signe son livre et nous invite à nous « immiscer dans la bête pour retrouver l'élan à la source ».
Point de dieu ou de déesse à l'oeuvre, orchestrant la mise au monde d'une nature et de ses princes et princesses vivant en ce royaume. Si ce n'est un dieu, c'est un conteur – le grand-père - qui dans un souvenir d'enfant, met en scène la voix d'animaux tour à tour « enjouée ou terrifiante ». Si ce n'est un dieu, c'est un homme ou une femme qui vient raconter son enfantement, sa mise au monde, brutale, fatale, qui, même dans la mort, est un éveil autrement, en 22 chants se clôturant à chaque fois sur une chimère de morale.
L'homme/femme centaure rencontre dans ces contes oniriques le mythe de l'homme/femme phénix qui tel l'oiseau de légende n'a de cesse de renaître de ses cendres. Il/elle y meurt plusieurs fois – englouti(e), dévoré(e), dépecé(e), décapité(e) – comme si la mort n'était pas une fin en soi mais le passage vers un autre avènement. La frontière entre humain et animal est flottante, la bête s'émeut quand l'humain retourne à l'état sauvage. Cruels, violents, poétiques, métaphoriques, ces contes nous intriguent et questionnent, malmènent et dégoûtent, nous hissent haut que pour nous précipiter plus bas, c'est fascinant et dérangeant, troublant sans nul doute. La notion de bien et de mal est ici proscrite car ce temps de la mise au monde n'est pas le lieu de la morale mais de l'instinct qui cherche et trouve sa voie vers la vie. de la copulation animale au cadavre nourrissant les vivants, les chants de Bartabas noient les contours de l'humain dans sa dimension animale. On adhère ou pas. C'est une expérience poétique à tenter ... ou pas.
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Il m'a fallu du temps pour comprendre ce que je lisais. Puis j'ai lâché prise et je me suis laissé bercer par la plume hautement poétique de Bartabas. Il s'agit d'un recueil bien particulier qui rassemble des chants d'inspiration chamaniques inventés par l'auteur. Ce texte presque initiatique questionne notre rapport à la nature, l'éloignement de l'homme et de l'animal, il essaie de faire écho à notre plus ancienne mémoire et nous rappelle notre condition d'animal terrestre. C'est une lecture intense, complexe mais puissante et superbement écrite.
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Après son hommage à ses chevaux, Bartabas change de registre et se lance dans des chants à l'animalité crue, où la violence, la mort et la sexualité entremêlent homme bestial et animaux.
Une lecture étonnante donc, mais qui rend hommage à la nature telle qu'elle est : sauvage et sans pitié, mue par des lois immortelles où les sentiments humains n'ont pas leur place.
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Le fondateur du Théâtre équestre Zingaro publie un étrange récit, sous forme d'une suite de chants, de visions qui évoquent les débuts du monde.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Entre deux représentations du « Cabaret de l'exil », Bartabas réveille dans « les Cantiques du corbeau » le vociférant bestiaire d'avant l'humanité.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Après «D’un cheval l’autre», son galop d’essai en écriture, l’écuyer signe «Les cantiques du corbeau», une chevauchée fantastique à l’aube du monde.
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
Vingt-deux chants qui racontent les origines de l’humanité, réflexion sur la place de l’homme parmi les vivants dans un bestiaire fantastique : licornes, monstres marins, chevaux...
Lire la critique sur le site : RadioFranceInternationale
Le fondateur du théâtre Zingaro publie un livre d’une intense poésie qui fait écho au spectacle actuellement à l’affiche au fort d’Aubervilliers.
Lire la critique sur le site : LePoint
Cris de reconnaissance, de défiance, de provocation ou d'attirance. Je savais aussi que s'ils gardaient le silence, un silence porté par la soif, la faim ou la solitude, c'était qu'il n'y avait rien à en dire. Ils n'avaient pas la nécessité d'évoquer leurs existences, ils naissaient avec leur savoir et n'avaient pas à se justifier d'être, il leur fallait juste vivre et mourir pour enrichir leur mémoire ancestrale.
Je n'étais pas comme eux.
Un matin, alors que je consultais le chant brumeux des corbeaux, je fus saisie de l'indéfectible nécessité de dire je, de le dire au présent mais aussi au passé et bientôt au futur. J'irais cueillir des mots pour aller trouver l'autre et parler de moi-même.
La nuit, l'animal me regarde et je lis dans ses yeux de nobles histoires, des chants qui m'invitent au voyage.
Seule la mort fait de moi leur égal. Comme eux je suis mortel, déjà mort, destiné à la mort. Comme eux je vis pour la mort. Douée d'une énergie éternelle, à la fin c'est toujours elle qui triomphe; elle est immortelle.
Proies et prédateurs sont solidaires dans l'adversité, mais je sais bien, moi, que mon statut me situe assez bas dans l'échelle des espèces. Beaucoup me surpassent par leur capacité physique phénoménale, mais aussi par le raisonnement, la ruse, la pensée. Seule la mort fait de moi leur égal.
Je suis sorti de mon rêve à regret, comme on quitte sa jeunesse en sachant que ce qui a été vécu ne sera pas revécu.
Le Paris des Arts de Bartabas.