Claire Berest décortique de façon presque chirurgicale dans son nouveau roman L’épaisseur d’un cheveu le délitement d’un couple jusqu’à la violence imprévisible du féminicide.
Brins d’histoire
Étienne Lechevallier est correcteur pour les éditions de l’Instant fou. Seulement, il ne se limite pas à corriger les fautes, retoucher de-ci de-là des tournures de phrases et remettre une virgule pour laisser circuler la lecture. Non, Étienne peut réécrire presque complètement les ouvrages qui tombent entre ses doigts. Il ne supporte aucune déviance, aucune familiarité et aucun contresens.
Vive, sa femme, est photographe au carnet d’adresses très fourni. Elle travaille quelques après-midi à l’association Nid des Arts.
Étienne et Vive partagent leur vie depuis dix ans. Il est plus juste de dire qu’il partage le même appartement, tant leurs relations se sont délitées. Le concert du mardi soir reste le seul moment de partage de leur vie commune.
Le lundi, Vive organise un vernissage auquel Étienne est convié. Vincent de Gazeau, son ami de toujours, est aussi présent. A partir de cet événement, l’inévitable va se produire trois jours plus tard !
À chaque fois, Étienne rate “à un cheveu” tout ce qu’il touche : par exemple, la mention “Très bien” sur sa thèse par rapport à un malentendu ou le concours des Chartristes.
C’est aussi à un cheveu de sa vie que celle de sa compagne va basculer dans l’horreur.
Féminicide désossé
Avec ce récit qui aurait pu s’appeler chronique d’un féminicide annoncé, Claire Berest démontre lentement l’évolution d’une personnalité masculine au bord du précipice qui va plonger dans l’irrationnel. Elle montre le moment de basculement où la folie prend le pas sur la raison. L’analyse fine et précise ne peut que déboucher sur l’impensable.
L’écriture comme d’habitude est maîtrisée mais elle s’étire, s’étire longuement frisant l’ennui, comme le peu de nouveauté dans la vie d’Étienne, notre narrateur.
La personnalité d’Étienne est l’objet de cet ennui. Il est engoncé dans sa rigidité maladive avec ses conduites habituelles qui obligatoirement débouchent sur la colère dévastatrice. En tout cas, chaque ligne ajoute à la certitude que l’explosion de la violence est irrémédiable. C’est insupportable. Le malaise grandit au fil des pages. Il devient étouffant.
Claire Berest montre l’engrenage intellectuel dans lequel s’enferme son héros jusqu’à faire douter le lecteur sur la responsabilité de sa femme dans ce féminicide. Car, Vive appuie, de manière trop forte, sur les difficultés qu’il rencontre. Elle sait son manque de confiance et l’abus des rituels qu’ils utilisent pour continuer à pouvoir vivre. Et, pourtant, la crise est pour elle un point vers l’évolution de son couple.
Seulement, est-ce qu’une crise pour une prise d’autonomie doit déboucher sur un féminicide ? Et, là, on est au cœur de la problématique posée par Claire Berest. Car, on est tous un peu un Étienne et on est aussi tous un peu une Vive. Brillant !
Ce roman n’est pas facile à lire. Le malaise s’y répand jusqu’à l’inévitable. Car, nous, lecteur, on reste voyeur, comme souvent dans la vie réelle. Et, ça de la savoir, c’est insupportable !
Alors, votre avis ?
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