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Anne Rolland (Traducteur)
EAN : 9782070304080
96 pages
Gallimard (09/10/2003)
3.58/5   45 notes
Résumé :
A Paris, la jeune Lizzie West tombe amoureuse de Vincent Deering, le père de la petite fille dont elle est l'institutrice. Devenu veuf, Deering doit repartir aux Etats-Unis. Les amants se promettent de s'écrire, mais rapidement Lizzie ne reçoit plus aucune lettre. Quelques années plus tard, elle le croise par hasard..
Une analyse fine et pénétrante du cœur d'une femme amoureuse par l'auteur de Chez les heureux du monde.
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Je vous invite ce soir dans le coeur d'une femme amoureuse. Alors, vous venez ?
Elle s'appelle Lizzie West, elle est jeune et exerce le métier d'institutrice à Paris. Parmi ses élèves, il y a Juliette, la fille de Vincent Deering, un peintre américain qui se croit doué et dont l'épouse est gravement malade. Juliette semble donner du fil à retordre à l'enseignante qui prend son métier à coeur. Elle s'en émeut auprès de son employeur, évoquant dans des sanglots l'idée de renoncer à sa mission. Celui-ci tient à la rassurer, la console même, ils échangent un baiser à travers ses larmes...
Une relation amoureuse naît de cette étreinte. Mais l'épouse de Vincent Deering décède quelques temps plus tard. Vincent Deering doit alors retourner aux Etats-Unis pour gérer les biens de son épouse. Les deux amants se promettent de s'écrire. Lizzie West ne faillit pas à cet engagement. Elle lui écrit, mais elle ne reçoit pas de lettre en retour. Elle écrit encore et encore, mais ne recevra aucune lettre de son amant.
Quelques années plus tard, alors que Lizzie West a hérité d'un vieil oncle et vit désormais bien plus aisément qu'auparavant, elle croise par hasard à Paris Vincent Deering sans le sou... Et devinez un peu ce qu'il va advenir ?
Ne vous y trompez pas, derrière l'apparence d'une banale bluette un peu surannée, se tient un récit construit de manière ciselée. Malgré sa taille concise, - puisqu'il s'agit d'une nouvelle, j'ai été impressionné par la densité des sentiments qui se tient dans ce texte, l'art que déploie la romancière pour nous les restituer dans une variation subtile de l'amour, de ses illusions et désillusions, de ses renoncements.
Il ne s'agit pas d'un récit épistolaire, on ne saura jamais rien du contenu de ces lettres, bien que j'ai imaginé aisément quelle pouvait être la teneur de ces missives sentimentales. Elles forment un pont, une intrigue presque, sur laquelle s'adosse le texte riche d'Edith Wharton. Tout le charme de la narration est sa construction sur des ellipses. C'est fin, acéré et permet de ne jamais s'ennuyer.
C'est une chronique douce-amère d'une femme amoureuse, prête à tout pardonner, qui perd pied, perd peut-être la raison tout doucement...
C'est un merveilleux personnage féminin dessiné par Edith Wharton de manière précise et affutée, personnage dont on peut admirer à chaque respiration du texte la sincérité des sentiments, ses doutes, ses failles. J'ai eu envie à mon tour de la prendre dans mes bras, non pas comme le fit Vincent Deering quelques années plus tôt... Sans doute Edith Wharton y est un peu pour quelque chose...
Je vous invite ce soir dans le coeur d'un lecteur pris d'affection pour une certaine Lizzie West...
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Paris 1910. Lizzie West, jeune femme peu fortunée, gagne sa vie en donnant des cours à domicile à la fille de Vincent Deering, peintre ayant eu un certain succès, dont elle finit par s'éprendre. Des sentiments réciproques lient ces deux personnes mais il est marié. Le décès brutal de sa femme oblige Vincent Deering à retourner aux Etats-Unis pour régler l'héritage. Durant son absence une correspondance s'engage mais alors que Lizzie ne cesse d'envoyer des nouvelles, elle ne recevra plus de réponses jusqu'à ce qu'elle le revoit à Paris quelques années plus tard…

Edith Wharton possède une grande habileté à décrire les sentiments humains. Elle place son lecteur du côté de son héroïne en décrivant ses espoirs, ses regrets, ses choix ; le récit se focalise uniquement sur les sentiments de Lizzie. Comme dans la plupart de ses récits, Wharton revient sur le mariage et le divorce. Alors qu'elle renferme ses thèmes favoris, déception et désillusion dans le mariage, cette nouvelle est plus joyeuse et optimiste que la plupart de ses autres oeuvres. Lizzie est certes déçue par son mari, mais elle l'aime toujours, ainsi que le quotidien qu'ils partagent, et constate qu'elle est heureuse, sa prise de conscience n'a pas détruit son bonheur. Elle ne dira rien et ne fera rien pour changer tout cela, sacrifiant ses illusions à son confort. La désillusion et la déception n'engendrent pas le désespoir car Lizzie choisit un dénouement différent.

L'attention de Wharton est généralement centrée sur les femmes et les défis qu'elles ont à relever. Comme souvent, la description des personnages, ainsi que la relation qui les relie, est plutôt sombre et austère. Désenchantement et solitude règnent généralement chez Wharton. Elle évoque ces thèmes sous divers angles, arrêtant rarement un choix ou un point de vue définitif, elle préfère laisser une question, un problème non résolu, en offrant différentes perspectives ou possibilités au lecteur.
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Lizzie West est une jeune institutrice pauvre. Elle tente avec difficulté d'inculquer quelques connaissances à la jeune Juliette Deering. Mais Lizzie est heureuse, car elle partage une romance secrète avec Vincent Deering, le père de Juliette. « Ce n'est pas le baiser reçu qui importe, mais le baiser rendu. Et le premier baiser de Lizzie West avait été pour Vincent Deering. » (p. 16) Hélas, Vincent se retrouve veuf et doit rentrer en Amérique pour régler les affaires de sa défunte épouse. Les deux amants promettent de s'écrire, mais après quelques lettres, Vincent se tait et les lettres passionnées de Lizzie restent sans réponse. « Mais bien qu'elle fut convenue en elle-même et avec insistance du caractère épisodique de leur histoire et que, pour Deering, celle-ci ne pouvait être qu'un simple accident, elle demeurait convaincue que son sentiment pour elle, même fugitif, avait été véritable. » (p. 45) Des années plus tard, les anciens amants de retrouvent et le voile de silence se déchire. « Un amour capable de supporter la pesanteur de la vie pouvait être tissé de substances médiocres et mêlées. » (p. 92)

Edith Wharton a signé ici une nouvelle de grande qualité, à la fois fine et acérée, sur l'amour. Sans donner de réponse ni porter de jugement, elle interroge sur l'origine du sentiment, son entretien et la façon de le préserver des trahisons et du quotidien. L'intrigue est finalement banale, mais le talent de l'auteure est de la nouer de telle façon qu'elle prend l'ampleur d'un drame bourgeois où l'on se méprise à mots feutrés pour ne pas rayer les apparences.
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"Les lettres" est une nouvelle d'Edith Wharton, romancière américaine ayant passé la plus grande partie de sa vie en France.
C'est donc tout naturellement que l'intrigue de cette nouvelle se situe à Paris, soi-disant ville des amoureux mais ici plutôt ville des déboires amoureux de la jeune Lizzie West.

Lizzie West est une jeune fille simple gagnant sa vie comme institutrice.
Elle s'amourache alors du père d'une de ses élèves : Vincent Deering, peintre de son état : "Ils avaient échangé un baiser, voilà le fait nouveau.".
Ce dernier devient vite veuf, semble répondre à sa flamme, puis doit repartir aux Etats-Unis en prenant soin de laisser sa fillette à un couple d'amis sur la Côte d'Azur et fait jurer à Lizzie de lui écrire pour lui donner des nouvelles : "Ce pacte, à y penser au long d'une nuit d'insomnie, avait surtout consisté - de sa part à lui - à la supplier de lui faire parvenir des nouvelles fréquentes et détaillées et, de sa part à elle, en promesses de les lui donner chaque fois qu'il écrirait pour les lui demander.".
Bien entendu, Lizzie n'aura plus de nouvelles de Deering jusqu'à ce qu'elle le revoit à Paris quelques années plus tard.
La roue de la fortune a tourné et Lizzie en est sortie vainqueur : elle a hérité de la fortune d'un parent et vit désormais plus chichement qu'auparavant : "Elle avait beaucoup espéré de cette opportunité de pouvoir flâner, voyager et surtout musarder - cet art propre aux femmes -, sans parler du pouvoir de se montrer "gentille" envers ses anciennes compagnes d'un temps moins favorable.".
Le rapport de force est inversé, car Deering vit désormais dans le dénuement, mais Lizzie ne lui résistera pas bien longtemps et finira par l'épouser.

Il ne faut pas se laisser abuser par le titre, il ne s'agit pas d'un roman épistolaire mais d'un roman dont l'intrigue tourne autour de lettres : celles envoyées par Lizzie à Deering et restées sans réponse.
L'auteur a pris le parti de ne pas montrer leur contenu au lecteur, il n'y en avait de toute façon pas besoin puisque ce dernier imagine sans problème leur contenu.
L'auteur a vécu de nombreuses années en France, cela se voit immédiatement à la lecture tant les descriptions de Paris sont précises et retranscrivent l'atmosphère de la capitale française.
J'ai bien aimé également la vision des hommes français qu'a Edith Wharton, ou tout de moins ce qu'elle fait penser à la tante de Lizzie : "Elle en était encore au même stade que ses compatriotes féminines qui goûtent au maximum l'excitation périlleuse d'être exposées aux regards d'un Gaulois licencieux.".
J'ai souri, car ceci a traversé le temps et les époques et l'auteur est toujours très respectueuse de la France. Elle apporte juste sa vision très précise des français et de leur comportement.
En tout cas, cette nouvelle est bien amère et non dénuée de morale.

Lizzie West, l'héroïne, n'est pas une oie blanche, pourtant elle se laissera abusée par Vincent Deering et croira tout ce qu'il lui dit pour finir par l'épouser et l'entretenir.
Car Vincent Deering est un profiteur, purement et simplement, incapable de faire quoi que ce soit avec ses dix doigts, il se dit peintre mais est incapable de vivre de son art, qui est certainement médiocre, c'est en tout cas ce que laisse à penser l'auteur.
Lizzie West n'est pas non plus une victime dans le sens où même lorsqu'elle apprend la vérité elle préfère fermer les yeux et continuer ainsi, rabrouant une nouvelle fois celle qui est certainement son amie la plus sincère alors que quelques minutes auparavant sa décision était toute autre : "Et même si, maintenant, elle pourrait lui pardonner de l'avoir oubliée, elle ne pourrait jamais excuser sa duperie.".
Lizzie West condense à elle seule l'image de la femme aveuglée par l'amour et que rien ni personne ne peut ramener à la raison.
Elle a peur de se retrouver seule, à l'origine sans doute peur de vivre et de finir sa vie seule, et c'est pour toutes ces raisons qu'elle se laisse abuser et accepte sa situation : "De cette appréhension, elle détournait résolument ses pensées, consciente du fait que, si elle se laissait aller à l'envisager, la force motrice de son existence disparaîtrait et qu'elle ne saurait plus ni pourquoi elle se levait le matin, ni pourquoi elle se couchait le soir.".
En somme, c'est une réaction tout à fait humaine et compréhensible, tout le monde ou presque a plus ou moins connu une personne ainsi faite qui accepte de fermer les yeux par peur de se retrouver seule.
Edith Wharton a réussi à croquer un portrait féminin au plus proche de la réalité sans faire détester son héroïne ni attirer la pitié du lecteur sur elle.
Malgré ses résolutions, Lizzie finit sans trop d'effort par céder à Deering, sans voir à aucun moment à quel point il est profiteur et paresseux : "Le changement de son sort ne l'avait entraîné à aucun excès : il était simplement trop paresseux pour rédiger le chèque comme il avait été trop paresseux pour se rappeler sa dette.".
D'ailleurs, l'auteur a joué finement dans son écriture, pendant la première partie de l'histoire elle ne laisse rien transparaître de la vraie nature de Deering, ainsi le lecteur croit dur comme fer, tout comme Lizzie, à la sincérité des sentiments qu'il éprouve pour la jeune femme.
Ce n'est que dans la deuxième partie que le lecteur commence à se poser des questions et à percevoir la vérité, se séparant ainsi du personnage de Lizzie qui préfère s'enfermer dans son amour, dans ses certitudes et dans sa vie quotidienne avec son petit confort dû à sa situation financière.
Je n'approuve pas l'attitude de Lizzie : "Voilà qui n'arrivait jamais dans les romans : le bonheur "bâti sur le mensonge" s'effondrait toujours, ensevelissant son architecte présomptueux sous ses ruines. A en croire les lois de la fiction, si Deering l'avait trahie une fois, il devait fatalement continuer à le faire. Et, cependant, elle était convaincue qu'il n'en était rien.", mais c'est là l'un des tours de force de l'auteur, je ne la déteste pas non plus, je n'ai pas eu envie d'envoyer promener le livre devant tant de naïveté et d'aveuglement ni de secouer Lizzie pour la ramener à la raison et je ne lui en veux pas.
Au contraire, je comprends en un sens pourquoi elle agit ainsi, ceci est dû en grande partie au style littéraire d'Edith Wharton dont la plume est toujours aussi précise et affûtée quand il s'agit de parler des affres de la vie amoureuse.


Goûter au style d'Edith Wharton c'est y revenir, et même si plusieurs mois se sont écoulés depuis ma dernière (et première) lecture de cette auteur, j'ai lu avec grand plaisir "Les lettres", conte oscillant entre le doux et l'amer et pénétrant au plus profond du coeur d'une femme amoureuse qui a perdu tout ou partie de sa raison, mais ne dit-on pas que la raison n'a jamais raison quand il s'agit du coeur ?
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Belle et amère leçon de vie énoncée en peu de mots mais beaucoup d'élégance dans cette nouvelle par une Edith Wharton toujours aussi fine et subtile dans sa peinture de la nuance.

Une jeune fille pauvre parvient à la richesse et trouve l'amour: c'est qu'il en faut de la nuance sur sa palette pour atténuer le grossier d'un pitch aussi manichéen et facile! Edith Wharton n'en manque pas, ni de hauteur de vue pour traiter son histoire au-delà de considérations morales hors de propos et l'emmener dans un sens inattendu.

Le personnage de l'homme aimé, toujours abordé en ombres et teintes de gris, est abominablement bien réussi.
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Il n'était pas le héros de ses rêves mais il était l'homme qu'elle aimait, celui qui l'avait aimée. Ce que ce fulgurant éclair de compassion et de connaissance lui révélait, c'était que, tout comme le marbre est souvent composé d'un mélange banal de mortier, de verre et de galets, ainsi un amour capable de supporter la pesanteur de la vie pouvait être tissé de substances médiocres et mêlées.
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Il y avait des heures de triomphe où elle brûlait de leur crier ce que l'on voyait du sommet, et des heures d'humilité où elle se demandait pourquoi ses pas à elle s'était trouvés guidés si haut, alors que d'autres, sans doute aussi méritants, continuaient de trébucher et de tâtonner dans l'obscurité.
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" Ils ont une manière, ces Français, de vous dévisager - je n'ai jamais rien vu de semblable ! Est-ce que cela ne vous rend pas nerveuse, Lizzie ? " s'exclama soudain Mrs. Mears, ébouriffant le boa de plume qui ornait sa poitrine soulevée d'indignation. Elle en était encore au même stade que ses compatriotes féminines qui goûtent au maximum l'excitation périlleuse d'être exposées aux regard d'un Gaulois licencieux.
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Elle avait beaucoup espéré de cette opportunité de pouvoir flâner, voyager et surtout musarder – cet art propre aux femmes -, sans parler du pouvoir de se montrer « gentille » envers ses anciennes compagnes d’un temps moins favorable.
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Ces lettres lui procurèrent, en tout cas, durant les semaines où elle les porta sur son coeur, des sensations plus subtiles et plus complexes que la présence même de Deering.
Etre en sa présence, c'était à chaque fois comme affronter une mer tumultueuse qui la soulevait en l'aveuglant ; mais ses lettres composaient un lac tranquille où plonger son regard, se mirer, capter le reflet du ciel et le fourmillement de la vie qui frémissaient et scintillaient sous la surface de ses eaux. p.35
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Videos de Edith Wharton (33) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Edith Wharton
https://www.laprocure.com/product/1525906/chevaillier-louis-les-jeux-olympiques-de-litterature-paris-1924
Les Jeux olympiques de littérature Louis Chevaillier Éditions Grasset
« Certains d'entre vous apprendrez que dans les années 1912 à 1948, il y avait aux Jeux olympiques des épreuves d'art et de littérature. C'était Pierre de Coubertin qui tenait beaucoup à ces épreuves et on y avait comme jury, à l'époque, des gens comme Paul Claudel, Jean Giraudoux, Paul Valéry et Edith Wharton. Il y avait aussi des prix Nobel, Selma Lagerlof, Maeterlinck (...). C'était ça à l'époque. C'était ça les années 20. Et c'est raconté dans ce livre qui est vraiment érudit, brillant et un vrai plaisir de lecture que je vous recommande. » Marie-Joseph, libraire à La Procure de Paris
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