AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,3

sur 175 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Romancière multi-primée, la canadienne Miriam Toews revient aux éditions Buchet Chastel avec une oeuvre très particulière qui mêle fiction et fait divers sur fond de féminisme et de communauté religieuse.
Après Jamais je ne t'oublierai et Pauvres Petits Chagrins, Miriam Toews nous emmène dans une communauté mennonite de Bolivie du nom de Molotschna où le Diable (ou Dieu, selon les sources) vient punir les filles et femmes du village durant la nuit pour leurs péchés inavoués.
Inspiré des véritables événements qui se sont déroulé à la colonie de Manitoba entre 2005 et 2009, Ce qu'elle disent imagine la réaction de ces femmes lorsqu'elles apprennent la vérité : ce sont en réalité huit hommes de la communauté qui ont violé durant des années des femmes et des fillettes en les anesthésiant grâce à des barbituriques destinés aux animaux.
Écrit en réaction à ce fait divers atroce, le roman de Miriam Toews centre son action sur deux jours de conciliabules rédigés sous forme de procès-verbal par August Epp, un homme récemment retourné à la colonie après son exil des années durant suite à la mort de ses parents.

Mennonites aujourd'hui
Avant de commencer à vous parler de Ce qu'elles disent, expliquons d'abord que l'action prend place dans une communauté mennonite, l'un des courants anabaptistes issus du schisme d'avec le catholicisme datant de 1536. Souvent confondus avec les amish, les mennonites refusent le baptême des enfants (y préférant le baptême des croyants en âge de décider), l'usage des armes et donc toute participation à des actes violents et pour certains l'usage de technologie et des progrès techniques en général (comme c'est le cas de la colonie de Molotschna présentée dans le roman).
Du fait, les femmes de Molotschna n'ont pas le droit d'écrire ou de lire et doivent une obéissance totale à leur mari, celui-ci représentant l'autorité de Dieu sur Terre. Ceci permet de comprendre l'astuce narrative employée par Miriam Toews, à savoir la rédaction par August Epp d'un procès verbal pour restituer la parole de ces femmes analphabètes et écrasées par une autorité patriarcale absolue.
Cela permet aussi autre chose à l'autrice canadienne, à savoir apporter un regard extérieur d'une figure masculine (mais non virile selon le standard de Molotschna, August possédant une sensibilité et des compétences qui le rapprochent plus dans l'esprit des participantes de l'assemblée à une personnalité féminine) et qui a connu le monde moderne extérieur (et donc l'énorme gouffre qui sépare ces deux univers).
Une fois ces faits établis, intéressons-nous maintenant au récit en lui-même.

Interrogations féminines
Ce qu'elles disent se scinde donc en deux parties principales (sans considérer quelques interludes) où August Epp, notre narrateur rapporte le déroulé des deux journées de discussions de huit femmes (par opposition aux huit hommes coupables de sévices et emmenés au poste de police). Dans ce récit, les hommes prennent une place théorique, et non physique, si l'on excepte quelques interventions d'August Epp soit par quelques questions/réflexions (sollicitées ou impulsives) auprès des femmes, soit par le biais de préoccupations personnelles adressées au lecteur lui-même.
Ce qu'elles disent est un roman de femmes qui parlent de la condition féminine…mais aussi de religion et de foi.
De façon fort surprenante, et malgré les faits atroces qui ont réuni ces femmes, les viols et autres sévices ne seront que rarement rapportés. Quand ils le sont, Miriam Toews n'épargne rien au lecteur et tranche dans le vif pour mieux se concentrer sur le but premier de son récit : rendre la parole (et donc le pouvoir) à des femmes qui ont été dépouillées de tous leurs droits.
Ainsi, Ce qu'elles disent posent des questions qui, dans un premier temps, peuvent sembler absurdes : les femmes sont-elles des animaux ? Ont-elles le droit de décider/parler par elles-mêmes ? Des interrogations qui semblent incroyables à notre époque mais qui trouvent logiquement leur place au sein d'une communauté rétrograde comme celle de Molotschna. de façon très intelligente pourtant, Miriam Toews parvient à rendre ses questions vraiment actuelles puisqu'elle compare, entre les lignes, les comportements des hommes dans la société moderne (et les récentes affaires dévoilées par le phénomène MeToo) à ceux d'une poignée d'hommes vivants avec des préceptes moraux plus que douteux. Finalement, que l'on viole une femme mennonite ou une femme dans la société occidentale actuelle, n'est-ce pas l'assimiler inconsciemment à un animal ?

Partir ou se battre
Bien vite pourtant, les discussions, fortes en métaphores et paraboles, s'orientent vers la vie de ses femmes et leur avis sur la question centrale et raison de ce conciliabule : face aux atrocités commises, faut-il rester et se battre ou partir et fonder une nouvelle communauté ? En posant ce choix central (et après avoir rapidement évincé la possibilité de ne rien faire), Miriam Toews nous invite à réfléchir sur les choix qui s'offrent aux femmes devant les injustices dont elles sont victimes. Plus fort encore, elle s'interroge sur la possibilité de corriger l'homme dans la société actuelle ou la nécessité de repartir de zéro en évinçant les tyrans d'hier pour éduquer les enfants de demain au respect de la femme. La grande force du roman, c'est de ne jamais faire croire au lecteur que l'homme est mauvais par essence ou qu'il faille établir une sorte de domination féminine en miroir de celle établie par les hommes par le passé. La solution ici passe par le pacifisme (même s'il est très difficile et que Salomé adhère à une solution bien plus radicale que l'on ne peut que comprendre) et par la discussion, l'échange des idées, l'écoute de l'autre. Mine de rien, Toews incarne différents courants de pensée féministes et les confrontent sans compromis et…sans exclure l'homme du débat mais en lui rappelant le respect et la primo-importance de la parole féminine sur la sienne lorsque l'on en vient à un sujet qui concerne la femme.

Vivre avec Dieu
Au milieu de ce féminisme pluriel et passionnant, l'autrice canadienne place quelques réflexions intéressantes sur la religion et la construction Biblique qui s'articule finalement…sur des hommes…et qui se transmet par la parole masculine. Dès lors, la place de la femme peut-elle être autrement que secondaire par rapport à l'homme ? Loin de condamner le mennonitisme, Miriam Toews explique avec malice que la religion, c'est ce que l'être humain en fait. Que si d'un côté certains s'en servent pour asservir, d'autres retiennent le message de pacifisme total et le respect de son prochain.
Le coupable, là-dedans, ce n'est pas la spiritualité et les principes de la foi mais bien les origines de cette foi et le sexe de ceux qui la colportent.
En filigrane, on trouve aussi une histoire d'amour taciturne et pudique entre Ona et August, belle et simple qui ne domine personne et qui permet, au moins l'espace de quelques pages, de rêver à un monde meilleur. Miriam Toews, elle-même d'ascendance mennonite, explique la beauté du monde par un acte inutile, la rédaction d'un procès-verbal, qui finit pourtant par offrir un trésor inespéré au lecteur : la liberté et l'amour.

Témoignage imaginaire et sincère, porteur d'un message d'espoir et de liberté où les femmes existent et reprennent la parole, Ce qu'elles disent entre en résonance avec notre époque et explique, avec une intelligence de tous les instants, que la violence ne résout rien, que la vengeance ne profite à personne et que le changement viendra de l'éducation de nos enfants.
Magnifique, brillant et poignant.
Lien : https://justaword.fr/ce-quel..
Commenter  J’apprécie          210
Elles sont mennonites, vivant en autarcie dans la colonie de Molotschna, en Bolivie. Illettrées, elles doivent suivre les préceptes de la Bible tels qu'ils leur sont transmis par leur évêque, Peters, et appliqués par les hommes de la communauté.
Elles ne parlent que le bas-allemand, ne connaissent rien du pays où elles vivent, ignorent tout de ce qui borde les différentes communautés mennonites, n'ont que très peu de contacts avec l'extérieur.

Elles ont presque toutes été victimes de viols répétés, de nuit, après avoir été droguées.
Peu importe leur âge, peu importe leur situation.
D'abord chacune se tait, croit qu'il s'agit d'un cauchemar, d'une punition divine, l'oeuvre de Satan ou de fantômes… Mais de toutes petites filles sont également victimes. Alors, les femmes commencent à parler de leurs nuits en enfer et se rendent compte que le cauchemar est le même pour toutes. Qui plus est, il dure depuis plusieurs années.

L'évêque Peters accuse le diable, qui a bon dos.

Mais ce n'est pas le diable, ce sont des hommes de la communauté qui violent les femmes, les jeunes filles, et les fillettes, la nuit, une communauté où beaucoup sont apparentés, cousins, soeurs, pères, nièces, fils, cousines, frères, mères, neveux, filles…

Les hommes partis en ville, elles ont deux jours pour décider de ce qu'elles vont faire : rester et ne rien faire, rester et lutter, partir.
C'est ce que les femmes ont voté entre elles, loin du regard des hommes, loin de celui de l'évêque Peters qui compte leur demander de pardonner à leurs agresseurs ou de devoir quitter la colonie.

Certaines femmes veulent rester et ne rien faire.
Les deux autres choix ont obtenu le même nombre de voix, c'est pourquoi huit femmes se réunissent au nom des autres pour trancher entre rester et lutter ou partir.
August Epp, l'instituteur de la colonie qui de ce fait n'est pas perçu comme une menace par les femmes, prendra en notes les débats parce qu'elles veulent en garder une trace, même analphabètes.

Le 6 juin 2009, les femmes Loewen, Greta, Mariche, Mejal et Autje, et les femmes Friesen, Agata, Ona, Salomé et Neitje retrouvent Auguste Epp dans le fenil d'Erneast Thissen. le 7 au soir, elles devront être parvenues à un accord à présenter aux autres femmes qui refusent de se résigner.

August Epp raconte ce qu'il entend, Ce qu'elles disent.

Comment rester en accord avec ce qui est écrit dans la Bible ? Savent-elles réellement ce qui y est écrit ? Apprendront-elles à lire et écrire pour le savoir ? Comment continuer à croire, à respecter leur foi ? Comment protéger leurs enfants ? Demanderont-elles une place égale à celles des hommes ? Peuvent-elles le faire ? le feront-elles ?
Quid des hommes qui n'ont pas participé ? Des garçons de moins de quinze ans ?

Ces questions peuvent-elles se résoudre en restant et en luttant ? Ou bien en partant sans même attendre le retour des hommes, marquant par là-même qu'il s'agit de leur choix à ELLES et non d'une décision de l'évêque Peters ?

Toutes les questions sont cruciales. Toutes les réponses sont importantes. Toute décision prise est essentielle.
Tout compte, chaque mot, chaque silence.

Dans ce monde qui considère les femmes à peine au-dessus des animaux, et encore !, elles apprennent à inventer ensemble un mode de vie qui leur soit personnel, un équilibre, loin au sens propre ou au sens figuré des violences subies.

La narration est simple, August Epp prend ses notes à la volée, les mots sont ceux qu'elles disent comme elles les disent.
Et s'il commence par parler de lui, c'est pour expliquer cette place particulière qu'il a au sein de la communauté, qui lui permet d'assister à ces réunions.

C'est un roman bouleversant. On est assis dans le fenil d'Erneast Thissen avec ces huit femmes. Comme August, on les voit au fil des pages, elles qui se connaissent depuis toujours, de la plus jeune à la plus âgée, devoir dépasser leurs différents, leurs agacements, leurs colères rentrées, leurs jugements sur les manies des autres, pour faire émerger leur vérité : elles sont femmes, elles sont victimes et refusent de continuer à l'être, elles veulent prendre leur vie en main ou plutôt l'arracher des mains des hommes de la colonie, elles veulent penser par elles-mêmes.
Et ce chemin qui part d'une obéissance aveugle aux hommes de la communauté "parce que c'est écrit dans la Bible" à la remise en cause de ce que ces mêmes hommes leur transmettent de ladite Bible, d'une existence toute dévolue aux règles et aux autres à une volonté d'édicter leurs règles elles-mêmes, c'est un tremblement de terre pour chacune.

Mais c'est surtout une renaissance.

Toutes vont prendre conscience de leurs possibilités, de leurs forces, l'une après l'autre, au détour d'une phrase. Comme une intelligence commune qui s'éveille, pour le meilleur, avec effort, forçant le respect.

"Nous voulons que nos enfants soient en sécurité.
Nous voulons rester fidèles à notre foi.
Nous voulons pouvoir penser."

Nous voulons pouvoir penser.

Inspiré de faits réels dont Miriam Toews signale qu'ils se sont reproduits ensuite dans la même communauté mennonite en Bolivie après l'incarcération des premiers violeurs, ce roman rend hommage à ces femmes qui méconnaissent leurs ressources jusqu'au moment de les rassembler pour s'extraire du joug imposé par des hommes méritant à peine ce nom, tant ils sont brutaux, arrogants, méprisants, sûrs de leur supériorité supposée sur ces êtres nés, pensent-ils, avec pour seule fonction de leur obéir aveuglément.

Les victimes réelles avaient 65 ans pour la plus âgée, 3 ans pour la plus jeune. Cent-trente cas ont été répertoriés, dans une communauté où le silence est la règle…
Par la force de son écriture, Miriam Toews leur a donné une voix.

Merci à elle, aux éditions Buchet-Chastel et à NetGalley de m'avoir permis la découverte de cet ouvrage.
Commenter  J’apprécie          217
Lire ce livre procure un sentiment d'effarement ! J'en ai eu des sueurs froides.

Parfois, lire un livre, c'est vous emmener vers des souvenirs, vers des situations entraperçues, vers des personnes rencontrées.

J'ai découvert cette histoire en regardant son adaptation cinématographique sur un vol international de Delta Airlines.

Durant un séjour en Nouvelle-Angleterre, berceau de l'Amérique dit-on souvent, nous avons fréquemment croisé des membres de ces colonies religieuses avec leurs tenues vestimentaires d'un autre siècle, je me souviens particulièrement de cette adolescente vêtue, telle une Marie Ingalls, faisant des achats dans une petite station essence au milieu de nulle part et de ces hommes avec leur grand chapeau noir vendant leurs légumes devant un supermarché, mais là s'arrête la comparaison.

Miriam Toews s'est inspirée d'un fait divers sordide qui s'est déroulé en Bolivie entre 2005 et 2009. Des dizaines de femmes, adolescentes et petites-filles de la colonie mennonite de Molotschana sont droguées à coup d'anesthésiant vétérinaire, puis violées. Bien sûr, elles ont dû rêver leur dit-on, ou bien alors c'est la faute de satan.

L'auteure imagine dans le grenier d'une grange, un huis-clos entre ces femmes meurtries. Elles ont quarante-huit heures pour se décider.

. Rester et pardonner.

. Se battre, mais c'est s'opposer au précepte de non violence.

. Partir…mais comment et où ? Elles sont analphabètes et ne parlent qu'un patois allemand.

La révolte, pour la première fois gronde chez ces femmes isolées.

Elles se battront, mais quel sera leur avenir dans un monde qu'elles connaissent si peu ?

Un livre à lire et à faire lire.
Commenter  J’apprécie          140
Miriam TOEWS. Ce qu'elles disent.

Un récit glaçant. Oui, les jours se suivent et j'ai l'air de me complaire dans des lectures noires. Après avoir lu, la biographie de Guilhem GALLART « Un peu plus loin », j'ai enchaîné avec Philippe BESSON « Ceci n'est pas un fait divers », et me voici confrontée avec cette narration vivement recommandée par ma fille. La dernière page refermée, je me suis précipitée sur la toile afin de faire connaissance avec cette autrice canadienne. Elle connaît parfaitement son sujet, native d'une communauté mennonite du Manitoba. Je vous conseille de lire les articles consacrés à cette culture, à faire connaissance avec ces mennonites...

« Ce qu'elles disent », se déroule dans une colonie mennonite de Molotschna, en Bolivie. Cette histoire est actuelle et se passe entre 2005 et 2009. Des femmes ont été droguées, battues, violées par des hommes de leur propre communauté. Elles avaient été anesthésiées avec un produit utilisé pour les animaux… Démasqués par une victime, ils ont été arrêtés et transférés à la prison de la ville. Ces femmes sont sidérées, elles viennent d'apprendre que les huit hommes incarcérés vont être libérés suite au paiement d'une caution. Ces femmes vont se réunir, à l'insu de leurs époux ou compagnons et vont décider, en leur âme et conscience de leur avenir…

Trois choix s'offrent à elles :
1. Ne rien faire.
2. Rester et se battre.
3. Partir.

Mais ces femmes sont toutes illettrées, ne parlant même pas l'anglais, ne s'exprimant que dans leur dialecte. Elles sont soumises entièrement aux hommes et veulent s'affranchir de ce joug. August Epp, l'instituteur va être leur scribe. Mais cette réunion qui va s'étendre sur deux jours est, une véritable cacophonie. Toutes parlent en même temps, s'injuriant, se moquant les unes des autres, s'amusant… Et cette communauté vivant en autarcie, ignore les frontières, les limites du territoire et ne sait même pas comment se diriger. Ces femmes sont incapables de s'orienter. Auguste va noter les propositions des unes et des autres. Il faut se hâter. le retour des hommes est annoncé pour très bientôt. Quelle va donc être la décision finale que choisiront ces combattantes ? Derrière ce départ, il y a toute une logistique à mettre en place : il n'y a pas de véhicule hormis des bogheis et des chevaux, en triste état. Peuvent-elles abandonner leurs enfants en pleine adolescence, en âge de devenir adulte, avant qu'ils ne sombrent dans la délinquance et deviennent des bourreaux comme ceux qu'elles envisagent de quitter ? Que faire ? Rester ? Se battre ? Fuir à tout jamais ? Cruel dilemme.Quel sera donc le choix ultime ?

Ce récit est effrayant, glaçant. Au XXI ème siècle, une vie en autarcie, sans aucun confort, sans relation avec le monde extérieur, vivre cloîtrée, isolée, enchaînée à des hommes cruels, dominateurs, tyranniques ! Se cantonner uniquement à des tâches ménagères, concocter des repas, laver, repriser le linge, s'occuper des enfants… Est-ce ainsi que les femmes peuvent s'épanouir ? Ne peuvent-elles avoir les mêmes droits que les hommes ? Loin de toute civilisation, isolée et maintenue isolée envers et contre tout, elles vont prendre la parole et après réflexion, décider de leur sort, s'affirmer et prendre un certain pouvoir. Faisant fi des belles paroles de leur prêtre, accusant que c'est l'oeuvre de Satan, elles entendront la voix de la liberté. La violence ne doit pas être à la base des relations entre les êtres. La paix, la sérénité, le calme sont bienfaiteurs de bonne entente. Un récit qui évoque des faits réels, actuels, mais barbares. Miriam narre cette histoire, basée sur des faits réels, en toute lucidité. Ce message d'amour, d'amitié, de partage ne peut nous laisser indifférents face à toute cette détresse. Mais que pouvons-nous faire ? La première solution est l'éducation de tous, garçons et filles et dans le cas de cette colonie, il faudrait commencer par éduquer les parents. Une tâche ardue, voire impossible… Nous avons le droit de rêver…. Je recommande la lecture de ce témoignage bien écrit et bien documenté. Bonne journée.
( 19/05/2023).
Lien : https://lucette.dutour@orang..
Commenter  J’apprécie          110
1 Ne rien faire.2 Rester et se battre. 3 Partir. Telles sont les solutions qui s'offrent aux femmes , parfois très jeunes, qui ont été violées et rouées de coups durant plusieurs années dans une communauté mennonite en Bolivie.
Le diable est-il le responsable ?,comme l'affirme l'évêque Peters. La vérité finit par éclater: ce sont des hommes de la communauté qui, usant d'un anesthésiant en pulvérisateur ,abusent de celles qu'ils côtoient au quotidien.
Analphabètes, totalement coupées du monde extérieur, les femmes se réunissent et choisissent comme rédacteur du procès-verbal de cette assemblée August Epp, qui vient de réintégrer la collectivité.
Pied à pied, se construit une réflexion féministe universelle qui déborde du cadre de ce groupe de femmes pour englober toutes celles qu'on maintient volontairement dans l'ignorance et la servitude, que ce soit par le biais d'une quelconque religion ou par le truchement de biens commodes traditions.
Se dessinent aussi au fur et à mesure les personnalités de ces femmes, riches d'humanité et d'intelligence laissée en jachère. le roman traduit au plus près leurs aspirations ,"Nous voulons pouvoir penser", leurs déchirements aussi (faut-il emmener si elles partent les enfants mâles et si oui jusqu'à quel âge ?), sans pour autant négliger l'aspect romanesque, tendu par une romance en sourdine, ainsi que par un vrai suspense.
Inspiré de faits réels, écrit par une femme née dans une communauté mennonite canadienne, ce roman, bouleversant, piqueté de marque-pages, file à toute allure sur l'étagère des indispensables.
Commenter  J’apprécie          70
Depuis 2005, des filles et des femmes de la colonie mennonite de Molotschna ont été violées, y compris une petite fille de 3 ans - par des fantômes ou par Satan d'après les hommes - après avoir été rendues inconscientes par des substances, et cela à cause de péchés qu'elles auraient commis. Évidemment, quand les femmes sont violées, c'est toujours de leur faute. Mais bien sûr, les agresseurs étaient des proches. Et pendant que les agresseurs sont en prison, et avant qu'ils ne soient libérés sous caution, les femmes se réunissent pour décider de ce qu'elles doivent faire pour se protéger, elles et leurs filles, puisque les hommes sont LE danger.

C'est une histoire violente, pourtant August Epp, le narrateur ne manque pas d'humour dans son récit, ou plutôt de dérision envers lui-même. Il nous parle d'abord de lui, et ce qu'il dit est très étrange. Il vient de ce monde en dehors du monde : les mennonites. Il avait été banni, il est revenu. Il est là pour retranscrire les témoignages de ces femmes qui ne savent ni lire ni écrire. Celles-ci ont trois options quant à ce qui leur est arrivé :
1. Ne rien faire
2. Rester et se battre
3. Partir
La première option consiste à pardonner à leurs agresseurs, ce qui leur assurera leur place au paradis. Si elles refusent, elles devront partir. Décidément, les religions n'aiment vraiment pas les femmes…

On assiste à un débat philosophique entre ces femmes, sur le pardon et Dieu, le salut de l'âme et le désir de vengeance, l'amour et la compassion, la peur de l'excommunication. Elles se questionnent sur ce qu'est la liberté, ce qu'elles sont réellement, la position qu'elles occupent dans leur micro société coupée du monde moderne, le respect qu'on leur refuse, la domination des hommes.

C'est choquant de penser que dans une toute petite communauté où la religion et la crainte de Dieu sont prédominantes, où tout le monde se connait, une chose pareille ait pu se produire. Pourtant l'autrice, elle-même issue d'une communauté mennonite, s'est inspirée d'une histoire vraie, d'un événement arrivé dans une colonie mennonite de Bolivie.
Le débat des sans-voix, celles qu'on laisse dans l'ignorance du monde dans lequel elles vivent une vie sans joie, qui ne parlent pas sa langue puisqu'elles pratiquent un allemand médiéval, éternellement sous le joug des hommes, ces femmes veulent que leur vie change. Elles veulent changer la société. Elles y veulent une vraie place. Elles décident d'établir un manifeste où elles seront libres de leurs choix, de leur vie. Pourtant il semble toujours y avoir un mur quasi-infranchissable, c'est la crainte de Dieu.

J'ai trouvé ce roman très intéressant. Il nous parle d'un sujet intemporel : il faut éduquer les garçons à respecter les femmes et non pas éduquer les filles à faire attention. Il nous montre que, hélas, les combats des femmes sont à peu près les mêmes partout, dans toutes les sociétés, à différents degrés, mais qu'ils sont bien réels et essentiels pour se faire une place au soleil. Car ce qu'on ne prendra pas, personne ne nous le donnera.
J'ai néanmoins trouvé ces débats un peu longs, car bien que la condition féminine soit primordiale à mes yeux, et que les religions m'intéressent car elles ont forgé les sociétés, sur ce point j'ai trouvé le temps long, car la foi je ne l'ai pas et je n'arrive pas à comprendre cette vénération emplie de crainte qui sert de chemin de vie. C'était cependant passionnant, les débats de ces femmes, avec l'avis masculin (silencieux) d'August, considéré comme un demi-homme par ses semblables, sans doute, entre autre, parce qu'il ne se sert pas de ses poings sur les femmes pour leur imposer le respect.
Lien : https://mechantdobby.over-bl..
Commenter  J’apprécie          32
Huit femmes. Quarante-huit heures. Un grenier. Un homme, seul à savoir lire et écrire, prend à la lettre le procès-verbal de la réunion.
Trois choix : ne rien faire, rester et se battre, ou partir.

Dès la préface, nous sommes informés que ce roman dont le narrateur est l'homme, a été inspiré à l'autrice par une série de viols commis sous un puissant anesthésiant dans une communauté mennonite isolée, et probablement par ce qu'elle connaît de ce même type de communauté dans laquelle elle est née et a grandi.

Ces femmes sont analphabètes. La plupart ont été violées, certaines sont enceintes du viol ou très jeunes. Beaucoup sont mères de filles et de garçons, les familles nombreuses sont la règle. le conflit de loyauté entre la paix apparente de la communauté et leur paix intérieure donne toute son universalité à ce roman, qui se déroule sur un mode théâtral (deux jours et une nuit). La grande diversité des ressentis face aux violences sexuelles, aux violeurs et potentiels violeurs, à la violence supplémentaire risquée par ces femmes du fait de la simple initiative de se réunir pour parler, est parfaitement rendue par ce mode narratif.

Miriam Toews nous donne à voir le fondamentalisme religieux pour ce qu'il est, une mainmise sur les esprits et les corps au bénéfice de quelques-uns. L'unique différence avec les sociétés dites libérales consisterait peut-être à assumer et justifier complètement ce patriarcat absolu. August, narrateur et secrétaire du débat, apporte une lueur d'espoir, bienvenue dans cet univers où le seul salut réside peut-être dans la fuite.

Une première lecture de cette autrice qui donne des frissons quant au retour de bâton fondamentaliste outre-Atlantique, mais qui me donne envie d'approfondir son oeuvre !
Commenter  J’apprécie          30
Je tiens à remercier les éditions J'ai lu pour l'envoi de ce SP.

Bon ce roman est… particulier. Pourtant c'est un coup de coeur. Je suis contente de l'avoir lu. J'allais dire c'est un ovni, pas forcément, mais je n'en ai pas lu beaucoup de ce genre, je trouve qu'à notre époque il résonne particulièrement à l'époque de #metoo et TANT MIEUX.

À mon avis, ça ferait un film brillant, car au format livre il est plus difficile à digérer suite à des choix de l'auteure (qui ont du sens, mais qui rendent la lecture plus ardue). En film ça serait une belle claque.

Il faut déjà noter que c'est un sujet féministe, difficile et que le résumé étant clair, je suppose que les trigger warnings sont là, mais peut-être pas autant que je m'y attendais que je ne m'attendais pas à ce que ça soit aussi dur à lire. Déjà parce que les faits sont inspirés de faits réels qui ont eu lieu en Bolivie a priori. Dans une colonie « mennonite » (je ne sais pas si ça existe en France) donc une congrégation religieuse assez extrémiste et fermée qui vit avec ces principes venus de l'ancien testament et avec une vie en autarcie. Un peu comme les mormons peut-être, pour ce que j'en sais, ils sont peut-être plus connus.
Comme le décrit le résumé, le récit se situe dans une de ces colonies où pendant des années des femmes se réveillent rouées de coups et violées, soit disant par le diable, en réalité par un groupe d'hommes de la colonie. Tout cela est bien dit, on a pas par contre tout de suite la compréhension que cela atteint des soeurs, des cousines et des femmes de tout âge enfant ou grands-mères, ce qui amplifie encore l'horreur des faits décrits. Si rien n'est décrit, le récit se situe vraiment a posteriori, quand ces femmes se regroupent pour prendre une décision suite à ce qu'elles ont subi, on a quand même les nombreux retentissements dans la vie des personnages féminins, des séquelles physiques avec mâchoire abimée à des séquelles psychologiques très lourdes.

On suit donc sans pathos j'ai trouvé, avec une certaine distance et en même temps un côté incisif, malaisant, hyper fort les délibérations des femmes de la colonie. Que faut-il faire ? Elles ont 48h pour prendre leur décision. On va suivre leur délibération presque heure à heure grâce à une suite de dialogues, presque en huis clos, de réflexions et considérations de femmes en colère, perdues, mais aussi très croyantes, ligotées par leur foi et des principes très forts. Eh oui, car elles sont censées pardonner, aimer leur prochain, même si ce prochain a eu un comportement au-delà des mots.

Au départ, cela semble très loin de notre réalité, donc on se sent presque protégé. On est plein d'empathie pour cette assemblée de femmes, mais quand même, à distance. Et petit à petit ce qui m'a bluffé et le renversement de la situation à quel point les réflexions de ses femmes deviennent universelles, concernent le patriarcat dans son ensemble à tout niveau même très loin d'une congrégation religieuse aussi particulière : ses femmes deviennent toutes les femmes, elles parlent pour toutes celles qui subissent au quotidien des maris violents, le poids d'une charge mentale d'être celle qui fait tourner une famille, s'occupe des enfants, et, dans ce roman, fournissent un travail colossol faisant presque tourné la colonie alors qu'elles sont entièrement sous la coupe des hommes à qui elles doivent obéissances.

Si on peut vraiment croire ses réflexions lointaines au départ, elles résonnent encore dans notre société actuelle. C'est sidérant.

Ce roman a été recommandé par M.Atwood qui a écrit « La servante écarlate » plus que connu, et qui en disait « Un roman époustouflant ». C'est ce qui m'a donné envie de demander ce service presse. Au départ, j'ai eu du mal à le lire, le dialogue nous ait retranscrit par un homme de la colonie au statut à part : revenu depuis peu et de parents qui ont été exclus de la colonie, tout comme lui. C'est un « homme » mais il est considéré par la plupart comme un moins que rien vu qu'il ne travaille pas dans les champs et donnent des rudiments d'écriture, calcul, etc. aux enfants de la colonie (des garçons bien entendu). Il a va retranscrire les paroles de ces femmes de leur langue (un vieux dialecte) à l'anglais. Choisir un tel narrateur n'est évidemment pas anodin. La retranscription que livre le roman ne comporte du coup aucun trait de dialogue par exemple, ce sont de longs blocs de textes ce qui les rend plus difficiles à lire, moins digestes, mais semble aussi plus réaliste, vu la situation. Nous avons les digressions qu'il évoque mentalement, et certaines sont presque jugeants ou on sent qu'il ne comprend pas forcément (sans devenir macho ou aussi rétrograde que les autres hommes de la colonie décrite), mais il réalise parfois trop tard qu'il peut faire des interventions qui inquiètent les femmes sans le vouloir. J'ai trouvé ça très bien fait et pensé ; s'il est un vrai allié, il n'est pas l'une de ses femmes. Il ne comprend pas tout. Même dans une telle situation, elles ont besoin de lui alors qu'elles ne l'acceptent pas totalement au départ.

Si j'ai pensé à l'origine qu'il y avait pas mal de personnages, on s'y retrouve rapidement, en film ça serait vraiment brillant avec de bonnes actrices pour camper ces personnages tous très différents, crédibles au point qu'on les voit presque avec leur tic, leur posture… L'auteure a fait un travail fou à ce niveau !

Enfin, dernière petite remarque, l'auteure elle-même est issue de l'une colonie mennonite, donc elle est totalement cohérente crédible et on sent à quel point elle a un infini amour et surtout respect pour celles qu'elle dépeint. Quand on parle du « ownvoice » actuellement, on est en plein dedans. Je doute qu'un auteur extérieure à ce type de congrégation aurait atteint une telle justesse pour retranscrire les questionnements moraux et règles qui vont écraser ses femmes, le cheminement de leurs pensées et la façon dont elles vont devoir trouver leur vérité.

J'ai eu la sensation que l'auteure avait le besoin viscéral de retracer cette histoire pour celles qui n'ont pas pu le faire. Je n'ai aucune idée si tout le déroulé du récit et la fin sont réalistes, si elle a suivi toute l'affaire, j'ai même eu envie de chercher. En même temps tout est cohérent et j'ai presque eu les larmes aux yeux à la fin, c'est très émouvant tant on s'attache à elles (et on est aussi vraiment indignés ou en colère quand on comprend tout ce qu'elles ont subi).

C'est un livre fort, féministe, bien campé, réaliste, précis. Un roman à lire. Il est court, pas forcément facile d'accès pour la forme, mais son peu de nombre de pages mérite vraiment de tenter l'aventure. La couverture fait penser à la servante écarlate d'ailleurs, à mon avis pour interpeller les lecteurs de M.Atwood (vu qu'on a aussi sa citation en tête de livre) et je la préfère nettement à celle de la version brochée que j'ai vu en ligne. J'espère que le roman trouvera son public, voire qu'il aura le droit à son adaptation cinéma.
Lien : http://thereadinglistofninie..
Commenter  J’apprécie          20
Un petit bijou de lecture de tendresse, d'humanité , de philosophie et d'humour dans une situation qui ne s'y prête pas à priori. Histoire inspirée de faits réels.
Huit femmes d'une communauté mennonite du Manitoba se réunissent en secret dans une grange pour décider de leur sort. August, l'instituteur qui avait été excommunié avec ses parents, est chargé par Ona, son grand amour d'enfance, d'en dresser le "procès-verbal".

Ne passez pas à côté de ce très beau roman.
Commenter  J’apprécie          20
Hello, allez je vous parle d'un livre de la rentrée littéraire : "Ce qu'elles disent" de Miriam Toews (éditions Buchet Chatel, 240p., sortie aujourd'hui). Un livre qui part d'un fait réel. On pourrait croire à la lecture du livre qu'il s'agit d'une histoire qui se passe il y a très longtemps; il n'en ait rien ce fait s'est produit en 2009 en Bolivie : voilà ce fait divers :Huit hommes de la communauté mnémonite sont actuellement en détention, accusés d'avoir violé plus d'une centaine de femmes, dont des mineures. Ils auraient utilisé un aérosol rempli d'un produit soporifique pour endormir les futures victimes dans leur propre maison avant de passer à l'acte.
L'auteur part de ce fait divers pour raconter l'histoire de ces femmes, qui sont tenues dans une ignorance absolument incroyable. Elles ne savent ni lire, ni écrire, ne sortent pas de leur communauté et sont sous le joug de cette société patriarcale et très religieuse. le groupe de femmes que nous suivons va se rebeller et tenter de savoir comment agir à la suite de ces viols. Elles se réunissent dans un petit local et invitent l'instituteur (qui même s'il est actif ne travaille pas à la production et est considéré par les autres hommes comme un moins que rien) afin qu'il retranscrive leurs débats. Nous sommes avec ces femmes, et nous voyons le poids de la religion, le poids de ce mode de vie sur leurs choix. le livre raconte le cheminement de leurs réflexions pour échapper au viol et s'enfuir. J'ai beaucoup aimé ce livre qui nous montre qu'il y a encore beaucoup de progrès à faire dans de nombreux domaines.
quatrième de couv.Colonie mennonite de Manitoba, Bolivie, 2009. Alors que les hommes sont partis à la ville, huit femmes – grands-mères, mères et jeunes filles – tiennent une réunion secrète dans un grenier à foin. Depuis quatre ans, nombre d'entre elles sont retrouvées, à l'aube, inconscientes, rouées de coups et violées. Pour ces chrétiens baptistes qui vivent coupés du monde, l'explication est évidente, c'est le diable qui est à l'oeuvre. Mais les femmes, elles, le savent : elles sont victimes de la folie des hommes.
Commenter  J’apprécie          20




Lecteurs (433) Voir plus



Quiz Voir plus

Les emmerdeuses de la littérature

Les femmes écrivains ont souvent rencontré l'hostilité de leurs confrères. Mais il y a une exception parmi eux, un homme qui les a défendues, lequel?

Houellebecq
Flaubert
Edmond de Goncourt
Maupassant
Eric Zemmour

10 questions
562 lecteurs ont répondu
Thèmes : écriture , féminisme , luttes politiquesCréer un quiz sur ce livre

{* *}