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3,3

sur 175 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Vivant dans les préceptes de l'Ancien Testament, dans la crainte de Dieu et du Diable, les Mennonites espèrent le paradis et redoutent l'enfer. En communauté loin du monde moderne, ils parlent le bas-allemand, une langue qu'eux seuls comprennent.

Le quotidien est géré par les hommes qui travaillent dur aux champs, les femmes toutes illettrées s'occupent de la maison sans aucun contact avec l'extérieur. Les enfants vont à l'école jusqu'à douze ans où ils étudient des textes religieux. Une société bloquée au XIXème siècle, loin des vices et de la corruption du monde moderne ?

Pourtant dans cette communauté mennonite Bolivienne, entre 2005 et 2009, de nombreuses femmes âgées de trois (oui vous avez bien lu) à soixante-cinq ans ont été victimes de viols à répétitions pendant leur sommeil. Des hommes, après les avoir droguées avec un anesthésiant pour chevaux, les battaient et les violaient durant la nuit. Au matin les victimes se réveillaient le corps en sang et couvertes de bleus, sans aucun souvenir.

Pour les mennonites, les femmes sont une sorte de chainon manquant entre l'homme et l'animal, soit les victimes mentent pour masquer leurs turpitudes, soit elles sont victimes des attaques de Satan qui les puni de leurs pêchés. Lorsque les bourreaux seront reconnus par une femme qui se réveille en plein viol, une question se pose alors, les mennonites peuvent-ils reconnaitre la justice des hommes ?


« Salomé poursuit : Et quand nos hommes nous ont usées jusqu'à la corde, quand ils ont fait de nous des femmes qui, à trente ans, ont l'air d'en avoir soixante, des femmes avec un utérus qui, littéralement, menace de tomber sur le sol immaculé de notre cuisine, des femmes finies, ils se tournent vers nos filles. Et s'ils pouvaient nous vendre à l'encan ils le feraient sans hésiter. »

Elles sont huit femmes, dans un fenil, cachées du regard des hommes, elles ont quarante-huit heures pour décider de leur avenir. Se venger est un passeport pour l'enfer, pardonner serait un accès direct pour le paradis.

« Ceux qu'elles disent » est un livre rare, un précipité philosophique sur des vies contrôlées par la peur. Une conversation profonde sur la culpabilité, la résilience et le possible pardon. Que peut l'innocence face à la barbarie ordinaire et institutionnelle ?

Miriam Toews, qui connait parfaitement ces femmes, leur donnent la parole pour la première fois de leur vie dans un roman bouleversant. Une lecture qui marque.


Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Déroutant mais poignant, ce sont les mots qui me viennent à l'esprit pour évoquer ce roman qui part d'un fait réel - en Bolivie, les viols répétés des femmes d'une communauté sectaire par les hommes de leur entourage - et imagine les réactions et décisions de ces femmes analphabètes et soumises mais désireuses de ne pas se laisser faire.

Le roman est construit comme un huis clos où seul un homme est admis, lui qui fut autrefois banni de la communauté  et qui n'est présent que pour dresser le procès verbal de ces discussions. Cela donne un côté chaotique aux échanges, au ton vif et aux dialogues désordonnés comme le sont souvent les discussions animées. Ces femmes ont peu de temps avant le retour des hommes pour se décider. On ressent bien ce caractère d'urgence dans l'écriture de l'auteure.

Il faut rentrer dans le roman sans se laisser bloquer par les nombreux prénoms et les digressions, car ensuite on est pris dans ces discussions, les non-dits pudiques, les désaccords,  qui montrent le désarroi de ces femmes soumises qui ont été abusées par la loi et la folie des hommes de leur propre communauté.
Pas de voyeurisme ni de scène difficile sur les viols, ce sont vraiment les interrogations de ces femmes si différentes qui forment le noyau de ce livre déroutant. Doivent-elles partir, donc prendre des risques, se lancer dans l'inconnu ? Ou rester ? Se soumettre ou tenter d'imposer un autre mode de vie ?
Les échanges sont poignants souvent, malgré le ton distancié sans doute choisi à dessein par l'auteure. La présence d'August, seul homme de la réunion, donne un peu de répit car il a un regard attentif et empathique, sans excès, sur ces femmes, une surtout. C'est paradoxalement les passages le concernant, lui, l'homme, qui sont les plus tendres.

J'ai beaucoup aimé ce roman, très marquant tant il est difficile d'imaginer ce genre d'évènements et de discussion, vitale pour ces femmes enfermées et maintenues loin du monde, de nos jours.
La construction narrative un peu froide et désordonnée, surtout au début, peut décontenancer mais ce roman vaut la peine de passer outre ce (petit) bémol.

Merci aux éditions Buchet Chastel et à NetGalley pour la découverte de ce roman de la rentrée 2019.
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1. Ne rien faire.
2. Rester et se battre.
3. Partir.
Trois possibilités évoquées par huit femmes de la colonie mennonite Molotschna en Bolivie; elles sont mères, soeurs, tantes et nièces réunies en secret dans le fenil d'Earnest Thiessen, un vieil homme inoffensif, pour décider de leur avenir au sein de la communauté. Entre 2005 et 2009, elles, et d'autres femmes et fillettes, ont été violées dans leur sommeil par certains hommes de la colonie qui les endormaient au moyen d'un pulvérisateur de belladone destiné aux animaux. C'est l'instituteur August Epp qui est chargé de produire un procès-verbal de la réunion et c'est lui le narrateur du roman.
Miriam Toews a tiré de ce fait vécu un récit puissant qui donne la parole à des femmes longtemps bafouées par un régime patriarcal et qui osent secouer, tout en douceur et en réflexions, le carcan des dogmes édictés par leur évêque et les règles religieuses.
J'avais auparavant, heureux hasard, visionné un documentaire sur une colonie mennonite installée au Bélize. Contrairement à celle de Molotschna, on y alphabétisait autant les filles que les garçons, jusqu'à l'âge de quinze ans. Mais tout le reste se résume à une existence de labeur et d'austérité à travailler la terre, sans machinerie agricole, sans électricité et pour les femmes, du poulinage à outrance dès l'âge de la puberté, possiblement associé de violence conjugale, un enfermement de tous les instants, sans contacts avec le monde extérieur.
« Nous sommes des femmes sans voix, répond Ona avec calme. Nous sommes des femmes en dehors du temps et de l'espace, privées de la langue du pays dans lequel nous vivons. Nous sommes des mennonites apatrides. »
À la fin, ce qu'elles disent et ce qu'elles souhaitent : une société démocratique, communautaire et alphabétisée.
Un roman porteur d'espoir, enfin, j'aime le croire...
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En 2009, une tragédie se déroule au sein d'une communauté sectaire mennonite quelque part en Bolivie. Un groupe d'hommes, utilisant des somnifères en spray, abusent sexuellement des femmes et des fillettes de leur communauté durant la nuit. Ils seront finalement arrêtés et incarcérés.

Le roman de Miriam Toews écrit en 2018, imagine une réunion en huis-clos des femmes victimes se posant la question de partir ou de rester. le narrateur, l'instituteur de la communauté, est celui qui prendra les notes car les femmes sont toutes analphabètes. Un long dialogue s'ensuit entrecoupé de larmes, de doutes, de prises de bec et d'humour aussi. Si elles restent, les femmes devront pardonner à leurs agresseurs. Si elles partent pour mettre à l'abri leurs enfants, leur Dieu leur pardonnera peut-être cette désobéissance.

La vie de ces femmes est terriblement frustre et pathétique : analphabètes, battues par des maris qui boivent, travaillant du matin jusqu'au soir pour faire tourner la ferme à l'ancienne, obéissant aux maris, aux chefs et à leurs fils dès qu'ils ont 15 ans. Leur foi fondamentaliste les emprisonne. C'est le viol de leurs fillettes qui les forcent à s'interroger et à prendre leurs destinées en mains.

C'est un livre très bien écrit (presque une pièce de théâtre) qui ne met pas l'accent sur les faits sordides mais sur la résilience des femmes. A travers le dialogue admirablement bien maîtrisé par l'auteur, nous découvrons la psychologie de ces femmes et ce qui les fait vivre.

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"Laisser sortir la voix. Parler. Prendre les mots, même avec la langue rugueuse d'une parole confisquée. Rompre le joug, ouvrir la gorge pour que la vie prenne verbe, qu'elle prenne corps, rétablir le mouvement, commencer à lutter.
Inspirée d'un fait réel, l'histoire se déroule en 2009 dans une colonie mennonite de Molotoschna, Canada, où des femmes sont régulièrement retrouvées au petit jour inconscientes, battues comme plâtre et violées. Pourquoi et par qui ? L'affaire est entendue, c'est l'oeuvre du malin qui, comme on le sait, rode la nuit. Alors, un jour, des femmes décident de se réunir en secret pour dire les violences que les hommes leur font subir et tenter de changer la donne. Leur langue est difficile, elles parlent à peine, elles n'ont pas l'habitude de s'exprimer. Celles qui vivent en autarcie, tout en bas de l'échelle, n'ont pas le langage du maître.
Tour de force romanesque, Ce qu'elles disent est sans complaisance mais non sans une touche d'humour. Miriam Toews, qui ne nous met jamais dans une position de voyeur, chose suffisamment rare par les temps qui courent pour qu'on le souligne, nous rappelle que l'oppression peut cesser dès lors que des personnes isolées décident de s'unir."
Pierre-Romain Valère in DM
Lien : https://doublemarge.com/ce-q..
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Pendant quatre ans plus d'une centaine de femmes de la communauté de tous âges, 3 ans pour la plus jeune fillette, issues de différentes familles, ont été successivement droguées, violées, battues, et laissées inconscientes au petit matin. La seule explication donnée par les hommes est que le diable a pris possession de leurs corps, de leurs âmes, elles sont donc coupables. La place de la religion est tellement énorme dans cette communauté chrétienne anabaptiste et pacifiste (crée au XVIe siècle) pour tous et toutes qu'elles sont paralysées face au poids de ces évidences. Jusqu'au jour où elles démontrent que ce sont certains hommes de cette même communauté qui les endorment et abusent d'elles.

Cette lecture est à la fois un choc et une énorme surprise. Comment imaginer que des femmes vivent aujourd'hui dans de telles conditions, et surtout, comprendre ce qui leur est arrivé et comment elles ont été traitées pendant si longtemps.
lire ma chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2019/10/16/ce-quelles-disent-miriam-toews/
Lien : https://domiclire.wordpress...
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Les femmes mennonites sont isolées, illettrées, sans aucun droits dans leur communauté.
Mais, après avoir été gravement violentées, elles vont pour la première fois prendre leur destin en main.
Partir, se battre, faire comme s'il ne s'était rien passé ? Ona, ses soeurs et ses voisines, tapies dans une grange, ont quelques heures pour trancher.
Les dialogues qui s'engagent sont passionnants. Les femmes passent en revue les options et leurs conséquences ; elles posent ainsi des questions fondamentales sur la condition féminine, de la plus téméraire à la plus terre-à-terre.
Malgré quelques difficultés en début de lecture, j'ai adoré suivre leurs hésitations, leurs raisonnements et leur colère. Impossible de ne pas s'attacher à ces femmes dans ce puissant débat d'une vie, entre évasion, résistance et acceptation, à la recherche d'une vie meilleure - qu'elle soit ailleurs ou auprès des leurs.
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Au coeur d'une secte (les Ménnonites) un homme recueille la parole d'un petit groupe de femmes qui se demandent si elles doivent rester dans une communauté où les hommes violent femmes et enfants après les avoir endormis, ou si elles doivent pardonner à ces mêmes hommes qui les considère à peine mieux qu'une chaise !
L'autrice connaît bien le sujet pour être issue de cette communauté et en être partie.
Les dialogues sont profonds et bien menés et sans le savoir ces femmes soulèvent des questions féministes qui font écho à nos sociétés pourtant moins fermées sur elles-mêmes.
La lecture est un peu difficile au début mais on fini par se laisser séduire par ce huis clos riche en réflexion.
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Ce qu'elles disent est un roman à mi-chemin entre fiction et réalité puisque Miriam Toews s'inspire d'un odieux fait divers récent, le viol, la nuit, de femmes mennonites droguées par huit hommes dans une colonie bolivienne entre 2005 et 2009.
Après avoir cru, sous l'influence de l'évêque Peters qui règne en maître absolu sur cette colonie, qu'il s'agissait de punitions divines en réponse à leurs prétendus péchés, les femmes découvrent la vérité et huit d'entre elles décident de se réunir pour prendre leur destin en mains : doivent- elles ne rien faire, rester et se battre ou bien partir?
Ce qu'elles disent est la retranscription par August Epp, un homme qui avait été excommunié lui-même de la colonie, du procès-verbal de leurs débats , elles-mêmes étant totalement analphabètes. Ces débats se tiennent secrètement et urgemment alors que les hommes de la colonie sont partis payer la caution qui permettra de libérer et ramener les violeurs sous quarante-huit heures.
Au fil des pages, le lecteur est témoin de leurs interrogations, de leur rage, de leur révolte, de leurs désirs, de leurs doutes qui se révèlent avoir une dimension universelle.
Roman coup de poing sur fond de féminisme et de foi religieuse, Ce qu'elles disent interroge sur la possibilité pour les femmes de s'affranchir toutes ensemble de ce qui les entrave, et notamment de l'autorité patriarcale.
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J'ai eu un peu de mal à rentrer dedans du fait du style "compte-rendu", "Procés verbal" et des nombreux personnages d'emblée. Puis une fois le rythme pris, j'ai adoré l'histoire, l'ambiance, le parti pris de faire raconter l'histoire par un homme, à la fois impliqué et avec son histoire en filigrane. Comme c'est beaucoup dialogué, je pense qu'on doit aussi pouvoir en tirer une excellente pièce de théâtre.
C'est tiré d'une histoire vraie. Cela m'a donné envie d'en savoir plus sur la communauté décrite (dont vient l'autrice).
Je recommande sa lecture aux féministes mais aussi à ceux et celles qui aiment les huis-clos façon "8 hommes en colère" ou les débats d'idées.
2 très beaux personnages : Ona et August.
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