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EAN : 9782757899564
408 pages
Points (25/08/2023)
3.47/5   106 notes
Résumé :
Aké — nom des lieux où il a vécu son enfance — c'est le regard que porte le grand écrivain nigérian, prix Nobel de littérature en 1986, sur l'Afrique de ses onze pre¬mières années. Une terre où le dieu des missionnaires fait face aux masques des danses rituelles, et où surgissent des figures inou¬bliables : Bukola l'enfant aux
compagnons invisibles, Pa-Adatan le matamore hérissé de gris-gris, et surtout « Chrétienne Sauvage », la mère de Soyinka, véritable dé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Comme toute autobiographie, « Aké, les années d'enfance » raconte comment l'homme est né de l'enfant. Tout petit, Wole Soyinka jouit du domaine où il vit, ceint de hautes murailles (ou qui lui paraissaient telles), véritable Éden habité par les membres de sa famille protectrice. En grandissant, il découvre le monde au-delà, au cours d'escapades insouciantes, mais approfondit aussi sa connaissance des adultes et de leur illogisme. Pire encore, il prend conscience de l'injustice: celle de sa mère, capable d'humilier sa soeur, celle de son père incapable de pardonner à qui profane ses roses, celle de sa tante qui frappe en public une servante énurétique. Les enfants eux-mêmes sont prompts à la violence qui lynchent une clocharde enceinte pour la faire déguerpir. Soyinka comprend très vite qu'il est un privilégié et que les rapports de classe lui sont profitables. Mais le livre se termine sur une révolte contre l'impôt qui met à bas le pouvoir traditionnel.
Ce récit à hauteur d'enfant, où jamais Soyinka n'est condescendant envers le petit qu'il fut, annonce ainsi le grand auteur nobélisé, cet écrivain engagé qui se retrouva en prison pour avoir défendu ses idées.
Mais la grande réussite de ce récit est d'avoir fait coïncider une double émancipation. le bonheur de l'enfant se confond avec l'illusion d'une certaine élite africaine croyant possible de faire jeu égal avec les colonisateurs blancs. le monde initial du petit Wole est celui du syncrétisme : les missionnaires chrétiens et les esprits des ancêtres se partagent le territoire de la mission sans qu'il soit toujours possible de les distinguer. Mais lorsque le livre s'achève, en 1945, il aura compris que le conseil des Anciens est phagocyté depuis longtemps par le pouvoir des Blancs. Et il surprendra une conversation téléphonique qui achèvera de mettre les choses au clair:
« …lorsque j'ai entendu la nouvelle à la radio, je n'ai eu qu'une pensée : c'est bien eux, c'est bien la race blanche. Il a fallu que vous la lanciez sur le Japon, n'est-ce pas ? Pourquoi ne l'avez-vous pas lancée sur l'Allemagne ? Dites-le moi. Répondez honnêtement à cette question, si vous le pouvez ; pourquoi pas sur l'Allemagne ? […] Vous savez très bien pourquoi. Parce que l'Allemagne est peuplée de Blancs; les Allemands sont vos parents tandis que les Japonais ne sont que de sales jaunes. […] Japonais, Chinois, Africains, nous sommes tous des sous-hommes. »
À la fin de l'histoire, Wole Soyinka n'a que 12 ans et il n'a pas fini de grandir. Son peuple non plus. Mais ils ont déjà fait une bonne partie du chemin.
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En commençant ma lecture je me suis demandé si c'était un choix judicieux de découvrir un nouvel auteur nobelisé par un récit autobiographique, qui plus est de ses années d'enfance: appréhender l'homme avant sa littérature, est-ce bien raisonnable?
Eh bien oui, car en rassemblant en tableaux vivants ses souvenirs d'enfance Soyinka fait preuve d'une telle acuité, d'une telle profusion de détails, de couleurs, de sensations, qu'en le lisant on en vient à se dire que tout est littérature, pour autant que l'on sache porter haut le verbe dans sa vie. Ce que Soyinka fait avec une dextérité et une finesse merveilleuse, par une succession d'évocations du petit Wole dont il restitue l'appréhension du monde à travers ses yeux d'enfant, enfant avec lequel on entre immédiatement en empathie: à quatre ans quand il s'empare de livres de son père et décide de se faufiler sur les bancs de l'école, à cinq le jour où il s'échappe de la mission pour suivre la fanfare jusqu'au prochain village, ou encore à dix quand il vit l'expérience initiatique et douloureuse de la scarification administrée par son grand-père, à chacune de ces expériences le lecteur ressent de quelle manière le monde pour lui s'agrandit, prend son sens et sa gravité mais ne perd pas sa magie. le jeune Wole est alors prêt pour entrer dans le monde, celui du lycée et de la violence des règles non écrites, celui de la société régie par le colonisateur anglais dont le peuple commence à vouloir secouer le joug, celui de l'éveil politique qui va marquer la vie de l'auteur - citoyen.
L'édition que j'ai eu en main est enrichie de repères historiques et sociologiques, ainsi que d'une biographie qui m'apprend que Soyinka a écrit beaucoup de théâtre: je crois que c'est par là que je vais continuer ma découverte.
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Whole Soyinka est né en 1934 à Abeokuta au Nigeria.
Que sait on de ces années là en ce là-bas ?
On réduit trop souvent la taille du monde à la sphère de notre histoire.
Si la planète est une sphère sa matière est une ronde.
On se tient trop à ce que l'on sait, on devrait toujours tendre à ce qui nous reste toujours à découvrir. C'est peut être la meilleure façon d'abattre une grille.
Bonheur de découvrir Whole Soyinka. le regard de son enfance.
Le monde est un géant lorsqu'on a dix ans.
Où que l'on naisse quelque soit l'heure...
Mais aux pays des hommes il est des matins qui plantent profondément dans la chair les épines de leurs chemins.
On regarde le monde et peu à peu on en devine le langage.
Puzzle d'émotions, de joies, de peurs. de révolte, de combat, déjà.
Les yeux d'un enfant sont des mains de géant.
Comprendre ceux qui nous entourent , y trouver sa place, traverser les douleurs, faire partager nos espoirs.
Comprendre ce qui comprime la diamètre de notre cercle, ce qui le forge, ce qui le fragilise, ce qui lui donne sa force. Et dans ses mains porter la poésie des hommes.
Tenter d'ouvrir le cercle, ouvrir une porte. recevoir la parole confiée d'un grand-père, entendre en soi-même croire le devenir de son être, voir la force nécessaire des femmes percuter l'éternité stupide des hommes. Donner au mots la rapidité d'une griffe. Ouvrir une porte comme on arrache les barreaux d'une cage.
Ce mettre en mouvement en comprenant la dynamique du monde. Quitter l'immobilisme, et devenir un autre possible. Faire de tout ce qui entoure une nourriture, et faire entendre les rugissements qu'elle nous inspire. Aké, les années d'enfance, c'est entendre dans le regard d'un enfant la beauté naissante d'un tigre.
Wole Soyinka a reçu le prix Nobel de littérature, en 1986.
Aux pays des hommes il est des matins où certains jours tardent à venir.
Astrid Shriqui Garain



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Un très beau livre qui commence dans un style assez énigmatique et se poursuit sur un ton à la fois exotique et familier. les onze premières années (1934-1945) de la vie du futur prix nobel de littérature nigérian. Beaucoup d'humour, de nombreux détails sur la vie au Nigéria, l'éducation, la religion, les relations hommes-femmes et le début du rejet des colons. Ce n'est certainement pas le dernier livre de cet auteur que je lirais, si dieu me prête vie, il va de soit.
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Il s'agit du premier tome des mémoires de l'auteur, consacré à son enfance, avant qu'il ne parte pour le lycée des Blancs. Il évoque avec tendresse ses plus jeunes années, entre son père, surnomé Essay, directeur d'école, et passionné de livres, et sa mère, Chrétienne Sauvage, marchande, et forte personnalité. Il y a ses frères et soeurs, ses camarades d'écoles, tous les adultes, qui fréquentent la maison de ce notable qui est son père. Il y a la mission catholique dans l'ombre de laquelle il grandit, l'école de son père. le jardin et ses rosiers, auquel Essay tient plus que tout et que son fils prend soin d'entretenir. Les jeux, les bêtises des enfants, les fruits du verger, et parfois les punitions, et aussi les grands chagrins, comme la mort d'une petite soeur le jour de son premier anniversaire.

Entre les traditions africaines, dont les garants sont les grands-parents, et aussi les esprits, bons et mauvais, qui hantent toujours les lieux, et la foi chrétienne de sa mère, et les livres de son père, Wolé Soyinka évoque une enfance très heureuse et très riche, même si comme tous les enfants, il a eu envie de s'enfuir de la maison à certains moments.

La fin de ce premier tome annonce les autres à venir, le départ pour le lycée, et aussi les changements en Afrique, avec par exemple la formation du Groupe des Femmes, que sa mère anime, qui commence à réclamer la suppression de l'impôt. Mais ce n'est que la dernière partie du livre, la plus grande partie évoque l'univers de l'enfance.

Un très beau livre, qui rend merveilleusement bien les interrogations, les joies et les peines d'un enfant, écrit dans une langue superbe et fine. Cela me donne envie de découvrir d'autres livres de lui.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
- Les choses ne se passent pas toujours comme nous l'avons prévu. Il y a beaucoup de déceptions dans la vie. Il y a toujours de l'inattendu. On prévoit minutieusement, on prépare les différentes étapes et puis… enfin, c'est la vie. Nous ne sommes pas Dieu. Alors tu vois, tu ne dois pas te laisser accabler par l'inattendu. Tu découvriras que seule la détermination renverse les obstacles, la pure détermination.
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-Tu sais, tu n'as pas besoin de venir à l'école tous les jours. Viens seulement quand tu en as envie. Peut-être que demain, quand tu te réveilleras, tu te diras que tu préfères rester jouer à la maison...
Je le regardai avec stupéfaction. Ne pas avoir envie d'aller à l'école ! Les cartes en couleurs, les images et tout ce qui était accroché aux murs, les jetons colorés, les craies, les ardoises, les encriers dans de jolis trous ronds, les crayons de couleur et les cahiers de dessin, une étagère pleine de modelages d'animaux et d'êtres humains, d'outils, d'objets en raphia et en osier à divers stades de fabrication, et même les tableaux noirs et le chiffon... Je n'avais encore jamais vu une salle de jeux aussi attirante. Et puis j'avais fait le lien, vaguement, intituivement, entre l'école et les piles de livres avec lesquelles mon père semblait s'entretenir si religieusement dans la pièce de devant et qu'il avait fallu constamment m'arracher dès le moment où mes mains avaient pu les atteindre sur la table.
- Je viendrai tous les jours, déclarai-je d'un ton ferme.0
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Le grenadier ne produisait que très chichement. Il ne donnait son fruit de robuste apparence qu'à de long intervalles, et grâce aux soins patients des mains et du visages veineux de celui que nous ne connaissions que sous le nom de Jardinier. On ne pouvait compter que sur Jardinier pour distribuer ses fruits rares à la petite bande de guetteurs assidus du grenadier, mais le quartier le plus minuscule nous transportait jusque dans le monde illustré des belles histoires de la Bible. La grenade,c était la reine de Saba, les révoltes et les guerres, la passion de Salomé, le siège de Troie,l'Eloge de la beauté du Cantique des Cantiques. Ce fruit, qui au regard et au toucher donnait l'impression d'avoir un cœur de pierre, ouvrait la caverne d'Ali Baba, réussissait à sortir le génie de la lampe d'Aladin, pinçait les cordes de la harpe qui calmait la folie de David, divisait les eaux du Nil et remplissait notre mission de l'encens du temple obscure de Jérusalem
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Le goyavier en était un autre. Non pas l'arbre exubérant, généreux de la fontaine publique que dominait la résidence carrée et trapue du Pasteur.Celui dont je parles trouvait à quelques distance près de l école des petits. Il ne craignait pas les pierres ni les bâtons car ses fruits étaient plus près du sol et il n en donnait guère. Mais il avait de grande feuilles charnues d u vert sombre et l une de ses branches pesait presque jusqu'au sol. Ce goyavier avait des affinités avec la saison des pluies, Rien de réellement tangible, mais il semblait n être vraiment lui même qu en cette saison.Sous les nuages menaçants il réussissait le double exploit d exister et de se retirer dans un monde intérieur d'esprits bienveillants des feuillages,moite et cependant d'une fraîcheur toute vive, silencieux et pourtant tout rempli de sagesse communicative. Et il échappait au temps
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Je ne savais pas encore grimper à l'échelle tout seul, mais je savais déjà où elle se trouvait. Rien qu'à entendre le mouvement des pas précipités, je savais où aller à chaque fois que le bruit d'un événement parvenait jusque dans la maison d'Aké.
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Videos de Wole Soyinka (20) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Wole Soyinka
Wole Soyinka – Un siècle d'écrivains (France 3, 1996) L'émission « Un siècle d'écrivains », numéro 60, diffusée sur France 3, le 21 février 1996, et réalisée par Abdelkrim Djaad et Ahmed Rachedi.
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