Cataclop, cataclop, cataclop... Un jeune hipster sauvage à locks vient de sortir de son van aménagé d'où il gère sa start-up de chocolat bio. "Un café turque, ça vous dit ? Il vient de mon potager mobile". Evidemment, cette version moderne (et aimable) du nomade n'a plus rien à voir avec les nomades de l'ancien temps : armés de leurs khépesh, ceux-ci venaient vous prendre femme, homme, enfant, terre, fortune et, parfois, vie.
Dans les Nomades, le journaliste et amoureux d'Histoire
Anthony Sattin, aussi spécialiste du Moyen-Orient, retrace la course effrénée de nombreux peuples nomades. Des Hyksos du nord de l'Egypte aux Moghols de Babur, en passant par les tribus d'Arabie, les cavaliers Xiongnu et d'autres, on (re)découvre des civilisations dont la gloire a marqué
L Histoire... ou pas. Qui peut oublier Attila le Hun, Gengis Khan ou Tamerlan ? Qui se souvient encore de Tomyris, d'Odoacre ou de Möngke Khan ?
L'historiographie généralement noire autour de ces grands noms contribue à une image faussée du nomade : barbare, sanguinaire et peu poli. Sans être faux sur certains aspects, cela demande un art de la nuance. Sattin essaie de déconstruire ces mythes malgré le peu de traces ou de témoignages écrits laissés (parfois, juste des descriptions par des tiers qu'ils ont détruits ou dominés ou par lesquels ils ont été détruits ou assimilés).
J'ai été assez émerveillé quand le livre explore la "civilisation" indoeuropéenne. A partir de l'étude des proximités linguistiques de langues comme les langues celtiques, indo-iraniennes ou encore romanes et d'une grande similarité entre les mythes et légendes décryptées, cette civilisation aurait été entre la Mer Noire et la Mer Caspienne et aurait essaimé à travers les steppes asiatiques, l'Inde, l'Orient et vers l'Occident. Dans la seconde partie du livre, j'ai trouvé assez pertinent l'utilisation par l'auteur de la notion du grand historien arabo-andalou
Ibn Khaldoun : l'Asabiyya. Relevant de la sociologie et de la politique modernes, l'Asabiyya désignait pour le penseur le lien de solidarité entre les membres d'une communauté, dont
Ibn Khaldoun estime qu'il est particulièrement fort chez les peuples nomades. Ce lien disparait à mesure que la communauté se sédentarise et les élites se baignent dans le luxe.
Pour les points négatifs, une erreur grossière lorsque Sattin indique que les Huns ont remporté la bataille face aux Romains et aux Goths. C'est faux : même s'il peut replier ses troupes au-delà du Rhin, Attila le Hun a été vaincu. J'ai été aussi moins convaincu par la dernière partie sur la confrontation entre les Amérindiens des États-Unis et les Américains d'origine européenne. Si elle ne manque pas d'érudition, elle m'a paru sortir du cadre et exagérer le biais sédentaires/nomades.
Les Nomades est un bon livre bon. L'auteur n'est pas entièrement neutre : on sent qu'il est sensible au nomadisme. J'ai été touché par la conclusion d'
Anthony Sattin sur ses rencontres avec le peuple nomade des Bakhtiaris. Je le recommande comme ouvrage de vulgarisation autant sur les nomades que sur les peuples anciens.
Merci à Babelio et aux Éditions Noir sur Blanc pour ce MC.