AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Les chemins de la liberté tome 3 sur 3
EAN : 9782070360581
377 pages
Gallimard (28/03/1972)
3.93/5   155 notes
Résumé :
"Ils sont vivants mais la mort les a touchés : quelque chose est fini ; la défaite a fait tomber du mur l'étagère aux valeurs. Pendant que Daniel, à Paris, célèbre le triomphe de la mauvaise conscience, Mathieu, dans un village de Lorraine, fait l'inventaire des dégâts : Paix, Progrès, Raison, Droit, Démocratie, Patrie, tout est en miettes, on ne pourra jamais recoller les morceaux. Mais quelque chose commence aussi : sans route, sans références ni lettres d'introdu... >Voir plus
Que lire après Les chemins de la liberté, tome 3 : La mort dans l'âmeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
C'est le troisième et dernier volet des Chemins de la liberté, au moment de la guerre, au moment où il va falloir user de sa liberté et faire des choix pour exister. Il y a plus d'action, même si Sartre se limite à l'invasion de la France en mai 1940 et s'il ne donne pas la fin, il laisse le lecteur deviner comment se termine l'histoire. Cela clôt un bon feuilleton, c'est à lire pour le plaisir.
Commenter  J’apprécie          40
Un livre d'actualité, en ces temps où l'on déclare la guerre contre le terrorisme.

Sartre fait entendre des voix diverses -- la sienne propre est plus directement distribuée entre les personnages de Mathieu et de Schneider.
Les deux positions plus structurées, opposées, sont celles de Brunet, le communiste, et du prêtre. Elles ne se rejoignent que sur l'injonction de ne pas désespérer.
Commenter  J’apprécie          30
Avec ce roman, Sartre nous plonge dans la débâcle d'une guerre perdue, sans avoir vraiment combattu. Ceux de 40 ne seraient donc pas à la hauteur de leurs aînés de 14 ? Pas assez de sang coulé pour mériter d'être un héros ?

En se glissant dans la peau de certains personnages, l'auteur porte volontiers un regard critique et même moraliste sur le comportement des masses face à la tragédie.

Avec au résultat de bons moments de lecture, même si j'ai surtout apprécié la seconde partie où Sartre nous fait suivre le cheminement de « capitulards » (malgré eux ?), qui devenus prisonniers cherchent à survivre, voire à s'accommoder de leur nouvelle situation. Entre deuil, compromission et juste révolte. Il n'y a pas à dire… Brunet à du travail !
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
Que beaucoup d’entre vous sont croyants, mais je sais aussi qu’il en est d’autres qui m’écoutent par curiosité, pour s’instruire ou simplement pour tuer le temps. Vous êtres tous mes frères, mes très chers frères, mes frères d’armes et mes frères en Dieu, je m’adresse à vous tous, catholiques, protestants, athées car la parole de Dieu est pour tous. Le message que je vous délivre en ce jour de deuil, qui est aussi le jour du Seigneur, consiste en ces simples trois mots : “ Ne désespérez pas !... “ car le désespoir n’est pas seulement péché contre l’adorable bonté divine : les incroyants mêmes conviendront avec moi que c’est un attentat de l’homme contre lui-même et, si je puis dire, un suicide moral. Il en est sans doute parmi vous, mes chères frères, qui, trompés par un enseignement sectaire, ont appris à ne voir, dans la suite admirable des événements de notre histoire, qu’une succession d’accidents sans signification ni lien. Ils s’en vont aujourd’hui répétant que nous avons été battus parce que nous n’avions pas assez de tanks, parce que nous n’avions pas assez d’avions. De ceux-là, le Seigneur a dit qu’ils ont des oreilles pour ne pas entendre et des yeux pour ne point voir, et sans doute, lorsque la colère divine se déchaina sur Sodome et Gomorrhe, se trouva t-il dans les citées impies des pécheurs assez endurcies pour prétendre que la pluie de feu qui réduisait leurs villes en cendres n’était qu’une précipitation atmosphérique ou un météore. Mes frères, ne péchaient-ils pas contre eux-mêmes ? car, si la foudre est tombée sur Sodome par hasard, alors il n’est pas un ouvrage de l’homme, il n’est pas un produit de sa patience et de son industrie qui ne puisse, du jour au lendemain, être réduit à néant, sans rime ni raison, par des forces aveugles. Pourquoi bâtir ? Pourquoi planter ? Pourquoi fonder une famille ? Nous voici, vaincu et captifs, humiliés dans notre légitime orgueil national, souffrants dans notre corps, sans nouvelles des êtres qui nous sont chers. Eh quoi ? Tout cela serait sans but ? Sans autre origine que le jeu de forces mécaniques ? Si cela était vrai mes frères, je vous le dis : il faudrait nous abandonner au désespoir, car il n’est rien de plus désespérant et rien de plus injuste que de souffrir pour rien. Mais, mes frères, je demande à mon tour à ces esprits forts : “et pourquoi n’avions-nous pas assez de canons ? “ Ils répondront sans doute : “ C’est parce que nous n’en produisions pas assez. “ Et voilà que se dévoile tout à coup le visage de cette France pécheresse qui, depuis un quart de siècle, avait oublié ses devoirs et son Dieu. Pourquoi en effet, ne produisions-nous pas assez ? Parce que nous ne travaillions pas. Et d’où vient, mes frères, cette vague de paresse qui s’était abattue sur nous comme les sauterelles sur les champs de l’Egypte ? Parce que nous étions divisé par nos querelles intestines : les ouvriers, conduits par des agitateurs cyniques, en étaient venus à détester leurs patrons ; les patrons aveuglés par l’égoïsme, se souciaient peu de satisfaire aux revendications les plus légitimes ; les commerçants jalousaient les fonctionnaires, les fonctionnaires vivaient comme lui gui sur le chêne ; nos élus à la chambre, au lieu de discuter, dans la sérénité, de l’intérêt publique, se heurtaient, s’insultaient, en venaient parfois aux mains. Et pourquoi ces discordes mes très chers frères, pourquoi ces conflits d’intérêt, pourquoi ce relâchement dans les mœurs ? Parce qu’un matérialisme sordide s’était rependu dans le pays comme une épidémie. Et qu’est ce que le matérialisme sinon l’état de l’homme qui s’est détourné de Dieu : il pense qu’il est né de la terre et qu’il retournera à la terre, il n’a plus de souci que pour ses intérêts terrestres. Je répondrai donc à nos sceptiques : “ Vous avez raison, mes frères : nous avons perdu la guerre parce que nous n’avions pas assez de matériel. Mais vous n’avez qu’en partie raison parce que votre réponse est matérialiste et c’est parce que vous êtes matérialistes que vous avez été battus“.
Commenter  J’apprécie          80
Des Allemands s'étaient montrés, prudemment, à l'entrée de la grand-rue. . Chasseriau, Pinette et Clapot firent feu. Les têtes disparurent.
"Ce coup-ci, on est repérés."
De nouveau le silence. Mathieu pensa :"Qu'est-ce qu'ils préparent ?" Dans la rue vide, quatre morts ; un peu plus loin, deux autres : tout ce que nous avons pu faire. A présent il fallait finir la besogne, se faire tuer. Et pour eux, qu'est-ce que c'est ? Dix minutes de retard sur l'horaire prévu.

Dans le clocher d'une église. Mathieu baissa les yeux. Sous leurs pieds il y avait cette odeur de poivre et d'encens, cette fraîcheur et les vitraux qui luisaient faiblement dans les ténèbres de la foi. Sous leurs pieds, il y avait la confiance et l'espoir. Il avait froid ; il voyait le ciel, il respirait le ciel, il pensait avec du ciel, il était nu sur un glacier, très haut ; très loin au-dessous de lui, il y avait son enfance.(...)

La terre haussait vers ce mourant son visage renversé, le ciel chaviré coulait à travers lui avec toutes ses étoiles : mais Mathieu guettait sans daigner ramasser ces cadeaux inutiles.(...)

Mathieu s'en fut dans un coin et fouilla des yeux la campagne. Il pensait qu'il allait mourir et ça lui semblait drôle. Il regardait les toits obscurs, la douce phosphorescence de la route entre les arbres bleus, toute cette terre somptueuse et inhabitable et il pensait : je meurs pour rien.(...)

Mes yeux éteindront le monde et le fermeront pour toujours.
Commenter  J’apprécie          80
Mathieu était seul.

-Nom de Dieu, dit-il à voix haute, il ne sera pas dit que nous n'aurons pas tenu quinze minutes.
Il s'approcha du parapet et se mit à tirer debout. C'était une énorme revanche ; chaque coup de feu le vengeait d'un ancien scrupule. Un coup sur Lola que je n'ai pas osé voler, un coup sur Marcelle que j'aurais dû plaquer, un coup sur Odette que je n'ai pas voulu baiser. Celui-ci pour les livres que je n'ai pas osé écrire, celui-là pour les voyages que je me suis refusés, cet autre sur tous les types, en bloc, que j'avais envie de détester et que j'ai essayé de comprendre. Il tirait, les lois volaient en l'air, tu aimeras ton prochain comme toi-même, pan dans cette gueule de con, tu ne tueras point, pan sur le jeton d'en face. Il tirait sur l'homme, sur la Vertu, sur le Monde : la Liberté, c'est la Terreur ; le feu brûlait dans la mairie, brûlait dans sa tête : les balles sifflaient, libre comme l'air, le monde sautera, moi avec, il tira, il regarda sa montre : quatorze minutes trente secondes ; il n'avait plus rien à demander sauf un délai d'une demi-minute, juste le temps de tirer sur le bel officier si fier qui courait vers l'église ; il tira sur le bel officier, sur toute la Beauté de la Terre, sur la rue, sur les fleurs, sur les jardins, sur tout ce qu'il avait aimé. La Beauté fit un plongeon obscène et Mathieu tira encore. Il tira : il était pur, il était tout-puissant, il était libre.
Quinze minutes.
Commenter  J’apprécie          50
Il se couche tout de son long comme les morts, sur les morts ; il regarde le ciel ; il se relève, il redescend à pas lents, il pense qu’il est seul. La mort est autour de lui comme une odeur, comme la fin d’un dimanche ; pour la première fois de sa vie il se sent vaguement coupable de penser et de vivre. Coupable de n’être pas mort. Au-delà des murs il y a des maisons mortes et noires avec tous leurs yeux crevés : l’éternité de la pierre. Cette clameur de foule dominicale monte vers le ciel depuis toujours. Seul Brunet n’est pas éternel : mais l’éternité est sur lui comme un regard. Il marche : quand il rentre, le soir tombe, il s’est promené tout le jour, il avait quelque chose à tuer, il ne sait pas s’il y est arrivé : quand on ne fout rien, on a des états d’âme, c’est forcé.
Commenter  J’apprécie          90
Mathieu ouvrit les yeux et vit le ciel ; il était gris perle, sans nuage, sans fond, rien qu'une absence. Un matin s'y formait lentement, une goutte de lumière qui allait tomber sur la terre et l'inonder d'or. Un commencement, un matin. Le premier matin du monde, comme tous les matins : tout était à faire, tout l'avenir était dans le ciel.(...)

Un chat passa près d'eux à toute vitesse, en zigzaguant. Il se tapit soudain, parut prêt à bondir ; puis, oubliant son projet, s'éloigna nonchalamment.
Commenter  J’apprécie          140

Videos de Jean-Paul Sartre (209) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Paul Sartre
S'agissant par exemple du marxisme, de l'existentialisme, du bouddhisme, du nominalisme, de l'immanentisme, du keynésianisme, du personnalisme ou autres, il ne viendrait à l'esprit de personne de se demander si, pour adhérer à ces doctrines, ces conceptions du monde ou ces écoles de pensée, il faut être une femme ou un homme (même si, dans la plupart des cas, elles ont été forgées par des hommes !). Il n'en va pas de même lorsqu'il s'agit du féminisme : une « femme féministe » ressemble à un pléonasme, un « homme féministe » à un oxymore. Pourquoi ? Peut-être parce que le marxisme ne tient pas à ce qu'était Karl Marx ni à qui il était, pas plus que le keynésianisme ne s'explique par ce qu'était John Maynard Keynes, alors que le féminisme, tout en étant une philosophie, une conception du monde, une pratique, une gamme de mouvements sociaux et politiques, est ancré dans le « devenir-femme », élaboré depuis la subordination et les systèmes d'exploitation politique, économique, sociale, sexuel, familial dans lesquels les hommes, façonnés, eux, par le système patriarcal, ont enfermé les femmes. Autrement dit, les femmes sont les sujets du féminisme, les protagonistes qui l'ont initié, formulé, partagé, diffusé et transformé en force des femmes, alors que les hommes sont les objets de l'analyse, les agents et les hérauts de la structure qu'il faut modifier et faire tomber, les représentants et les vecteurs des modalités patriarcales. Certainement, Simone de Beauvoir eût pu écrire l'Être et le néant, mais à Jean-Paul Sartre il aurait été impossible d'écrire le Deuxième sexe, et si, par son ingéniosité, il avait quand même réussi à le faire, l'ouvrage serait resté un « point de vue » sur les femmes, et jamais devenu la matrice et la puissance du féminisme moderne. Est-ce à dire que les hommes, quand ils ne s'accrochent pas au vieux virilisme comme à une bouée, sont condamnés à demeurer des « compagnons de route » du féminisme et qu'ils partagent, collaborent, participent aux luttes des femmes ? Probablement pas. À ceci près que le féminisme exige peut-être cette « écriture féminine » dont parlait Hélène Cixous, qui exalte ce qui a été ignoré et méprisé par le discours des hommes, crée sans cesse des structures syntaxiques et stylistiques nouvelles irréductibles aux codifications fixées par les hommes, et qui s'avère capable de refuser et réfuter la logique de l'« écriture masculine », fondée, elle, sur ces oppositions (homme/femme, père/mère, actif/passif, culture/nature, coeur/raison…) qui ont nourri la pensée occidentale et, par là même, conforté le patriarcat. Dans ce cas, on pourrait dire que l'« homme féministe » est celui qui se révélerait apte à assurer, assumer et faire sienne une telle « écriture féminine ».
+ Lire la suite
autres livres classés : romanVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (753) Voir plus



Quiz Voir plus

L'oeuvre littéraire et théâtrale de Jean-Paul Sartre

Dans Huis Clos, l'enfer c'est...

Les oeufs
Les autres
La guerre
Les voisins

8 questions
354 lecteurs ont répondu
Thème : Jean-Paul SartreCréer un quiz sur ce livre

{* *}