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sur 3664 notes
Quoi de plus banal qu'un livre sur la guerre, me direz-vous ? Celui-ci est exceptionnel. Aucune glorification de fait d'armes, une exhortation implacable au pacifisme. A l'Ouest rien de nouveau est un livre sur la vie quotidienne d'un soldat de dix-huit ans, au front, pendant la première guerre mondiale. Côté allemand ! L'Ouest, pour les Allemands, c'est la frontière avec la France.

Succès mondial de librairie dès sa publication en 1928, le livre, inspiré par la propre expérience de son auteur, Erich Maria Remarque, lui valut d'être proposé deux fois pour le prix Nobel, une fois en littérature, une fois pour la paix, sans succès. L'ouvrage fut interdit par l'Allemagne nazie, E.M.Remarque déchu de sa nationalité. Plutôt une chance pour lui. Il vécut entre les États-Unis et la Suisse, où il mourut en 1970. Entretemps, il avait beaucoup écrit pour le cinéma et épousé Paulette Goddard, l'ex-égérie de Charlie Chaplin, la gamine des Temps modernes.

Paul, le narrateur, est allemand. Il aurait pu être français, anglais, américain, canadien... C'est un jeune homme attachant. Il est ouvert, sociable, serviable. Manipulés par un professeur, ses camarades et lui se sont engagés avec enthousiasme en 1916. Un enthousiasme vite douché par l'instruction militaire, qui gomme leurs personnalités, puis par la vie au front, qui les prive de leur humanité pour ne leur laisser qu'un instinct de survie animal. « Nous avions dix-huit ans et nous commencions à aimer le monde et l'existence ; il nous a fallu tirer un trait là-dessus. le premier obus qui est tombé nous a frappés au coeur ».

Paul raconte son quotidien dans la tranchée, la boue, la pluie, le froid, les rats, la faim, la peur. Sans fausse pudeur, il évoque la camaraderie, la solidarité, les blagues, les combines, tout ce qui permet de supporter l'insupportable. Car il faut survivre aux horreurs provoquées par les bombes, les obus et les rafales de mitrailleuses. A la vision des corps déchiquetés, des membres arrachés, d'une tête en partie emportée, d'entrailles qui jaillissent d'un ventre ouvert à la baïonnette. Au sifflement et à l'explosion des projectiles, au hurlement de douleur du camarade touché, juste à côté, qui plus tard, bourré d'antalgiques, pleure en silence parce qu'il comprend qu'on ne peut rien pour lui, et qu'il va mourir là, dans quelques minutes, ou dans quelques heures, peut-être dans quelques jours, à dix-huit ans.

Pourquoi lui, pourquoi pas moi, se demande Paul ? le hasard. C'est par hasard que l'on vit ou que l'on meurt. Il n'a aucun pouvoir sur la trajectoire des obus. Pas plus qu'il n'en a sur les événements. A titre personnel, il n'a aucun grief contre celui d'en face, tout près, à quelques mètres, français ou anglais, du même âge, dans une tranchée identique à la sienne, avec la même boue, les mêmes rats, la même peur, la même hantise de la blessure grave, de la mutilation. Et le même but : survivre. Quitte à « devenir soi-même meurtrier par angoisse, fureur et soif de vivre ».

Le livre fait penser à la première partie de Voyage au bout de la nuit, de Céline. Mais le ton n'est pas le même. le personnage de Bardamu est révolté, hargneux, haineux, en rupture de ban. Il s'exprime avec insolence, brutalité, privilégiant l'apostrophe et l'invective. Rien de tel chez E.M. Remarque. Son narrateur est un jeune homme simple, attaché à sa ville natale, à sa famille, à ses amis. Son expression est faite de phrases courtes, précises, lumineuses. Il fait preuve d'une vraie empathie, cette disposition qui permet d'accompagner les autres dans leurs souffrances physiques ou morales. Touchant !

Une sorte de ressentiment, mais pas de haine, contre les va-t-en-guerre de l'arrière, et contre les sous-off's médiocres et tyranniques. Paul constate avec amertume que l'expérience du front est indicible, car les civils sont enfermés dans des clichés de devoir patriotique et de faits d'armes héroïques. N'y a-t-il que la littérature pour transmettre ?

La dernière page du livre ne compte que quelques lignes. Elles sont en italique parce qu'elles n'entrent pas dans le récit de Paul. Octobre 2018. Quelques phrases tranquilles au contenu infiniment triste, rompant avec la brutalité du récit, le font glisser doucement vers le néant, comme certaines oeuvres musicales qui s'éteignent paisiblement dans leur dernier mouvement. Mahler, le Chant de la terre, la Neuvième Symphonie. Tchaikovsky, La Symphonie Pathétique...

Me vient à l'esprit, comme en surimpression, le Dormeur du val, qu'écrivit Rimbaud lors de la guerre précédente, côté français. Je ne peux m'empêcher d'en extraire quelques vers :
Un soldat, jeune, bouche ouverte, tête nue,…
Dort ; il est allongé dans l'herbe sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut….
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur la poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Quand un soldat de vingt ans tombe au combat pour une cause qu'on lui a imposée, c'est un peu notre enfant qui meurt.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Beaucoup d'humilité dans le "ton" de ce roman (empreint de la force du vécu de l'auteur, et de témoignages... ) d'E.-M. REMARQUE. Avec ces pauvres gars, tous si jeunes, sortis de leurs "Gymnasium" ou des cours de leur ferme... tous attachants, tous "égalisés" devant l'Horreur... et qui ne reviendront jamais intacts, s'ils reviennent...

"Notre jeunesse était finie" comme le dit le narrateur : morte au front, elle aussi...

Et ce con de "facteur"/adjudant-et-un-jour "lieutenant" Himmelstoss, comme la cerise sur le gâteau de la c...erie humaine, "ordinaire" en ces temps de chaos et de sourd conditionnement à l'horreur... qui viendra encore leur pourrir ce peu de si précaire existence et de furtifs bonheurs qui leur reste... !

La guerre, le nationalisme : tous ces tristes miroirs de l'imbécillité humaine (masculine), toute cette énergie de mort profondément déshumanisante : on nie l'Autre qui doit devenir "ennemi" et être exterminé...

L'empathie était - évidemment - une notion inconnue (déniée ou sacrilège ?) de ces imbéciles de nazis qui ont - stupidement - fait brûler les livres de ce merveilleux auteur, avec ceux de Zweig, Mann, Kafka, .. tout en rendant obligatoire à chaque "Citoyen Aryen" (!!!) la lecture de l'abrutissant "Mein Kampf" ! Tristes temps d'avant "notre Europe"...

On peut se souvenir encore qu'ils ont même fait assassiner d'une balle dans la nuque ce merveilleux poète prosateur-graveur qu'était le Polonais Bruno SCHULZ des "Boutiques de cannelle", dans une ruelle de sa ville natale de Drohobicz, transformée en ghetto en 1941-1942... et toute la famille de Franz Kafka, et Julie W. , l'ancienne fiancée du conteur légendaire de "La Métamorphose" !!!

Que les fascistes et autres crétins de nationalistes ne ramènent plus jamais leur fraise, "a fortiori" entre les murs du parlement européen !!!
Lien : http://www.regardsfeeriques...
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Agonies à ciel ouvert

À perte de vue s'étend un paysage informe. Les oiseaux osent à peine chanter entre deux sifflements d'obus. Quelques arbres épars semblent pointer un doigt accusateur vers l'immense trou blanc du ciel d'où va fondre la mort. Dans les tranchées, ces serpents de terre, des "hommes-bêtes" attendent la prochaine attaque, les boyaux serrés. À quoi bon vivre encore sur cette terre meurtrie ? Simplement pour tuer, pour ne pas mourir tout de suite, pour prolonger de quelques jours, semaines, mois ou années les battements d'innombrables coeurs terrifiés. Les corps s'engluent dans la boue, les shrapnels déchirent les chairs, les baïonnettes fouillent les ventres, à la recherche du point vital. Des agonies à ciel ouvert, des enfants devenus adultes, mais qui ne jouent plus à la guerre car ils la vivent de plein fouet ; partout le froid, la faim, la peur, le sang, la merde pour seul viatique, et des peuples qui se massacrent, comme le disait Paul Valéry, « au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas ».

L'enfer n'est pas ailleurs, il est ici, sur terre : des hommes comme Erich Maria Remarque en ont éprouvé la terrible réalité dans leur chair. Rien de nouveau sous le soleil ? Si. Un livre qui vous marque en profondeur, qui vous apprend ce que c'est que l'humaine condition réduite à ses plus simples fonctions. On n'en sort pas indemne : c'est cru, sans langue de bois, et c'est déchirant parce que c'est vrai.

© Thibault Marconnet
Le 23 juillet 2021
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Il y a pas mal d'année que je n'avait pas relu ce livre et il me touche toujours autant.

La guerre de 14-18 y est décrite d'un coin de tranchée allemande qui avance et recule au gré des bombardements et des attaques avec les mots et les sentiments d'un soldat de 20 ans. le dénuement, la faim, la crasse, la peur mais aussi la solidarité pour y survivre !

Les mots qui clôturent le livre sont poignants et je reste toujours quelques instants à les relire.

Quelle barbarie et quel gâchis qui se répètent encore et toujours !
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Un livre boulversant,un temoignage revendiquant de l'inutilite de la guerre;un livre dedie a cette jeunesse qui n'a pas eu le temps de vivre,d'aimer,de grandir.Cette jeunesse sacrifiee au nom de quoi?De qui?
Un livre qui permet de prendre conscience que la vie des hommes,des soldats comptent pour rien pour les gouvernements et leurs dirigeants,pour ces hommes de confiance(a qui on a confie le gouvernement du pays pour le bien-être du peuple) qui ne connaissent rien des dures realites de la guerre et qui n'iront jamais au front.
Que de vies gachees,perdues,detruites,handicapantes pour cette jeunesse en 1914,et que de temps perdu
Ce livre pour temoigner;pour ne pas oublier qu'il faut respecter la VIE
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Comment faire la chronique d'un tel livre sans tomber dans l'indécence ? Comment même penser à en faire la chronique, et prendre le risque de le réduire à une suite de mots maladroits ? Cependant, il me semble important de donner envie de le lire, alors voici :
Paul Bäumer, jeune troufion de 19 ans, raconte la première guerre mondiale telle qu'il la vit, heure après heure, jour après jour, mois après mois, année après année. D'une façon étrangement douce et posée, il raconte comment ses copains de classe et lui se sont enrôlés sous la pression de leur professeur, de leurs parents, de la société entière. Il raconte les dix semaines d'instruction militaire, puis la boue, le front, la guerre, les gaz, les hôpitaux, les permissions parfois, la camaraderie toujours : "ce que la guerre produisit de meilleur".
Toutefois, ce n'est pas un "livre de guerre pour garçons" -préjugé qui m'avait d'abord rebutée, jusqu'à ce que je découvre la merveilleuse chronique de Tiptop92 (un énorme merci à lui). C'est avant tout une réflexion sur la vie, la mort, et la guerre. Car Paul Bäumer est un jeune homme intelligent et instruit, et son récit -au présent- est haletant et bouleversant. Il fait le constat d'une jeunesse saccagée, jeunesse pour laquelle le slogan "no future" aurait dû être inventé, et c'est sans doute ce qui m'a le plus touchée. En outre, grâce à lui, j'ai compris comment des hommes, qui ne se connaissent pas, peuvent se jeter tout à coup furieusement les uns sur les autres pour s'entretuer. Plus qu'une dénonciation politique de la guerre, Erich Maria Remarque fait ici la démonstration philosophique et psychologique de son inanité. Pas étonnant que les nazis aient brûlé ce livre dès 1933.
Il est impossible de sortir indemne de ce récit, d'autant que malgré sa lucidité douloureuse, il est traversé de fulgurances de beauté et d'humanité : lorsque les soldats s'émerveillent devant un champ de coquelicots ou le vol de papillons, lorsqu'ils goûtent à la langueur d'un soir d'été, qu'ils partagent une cigarette ou un pot de confiture, ou qu'ils font la cour à de belles Françaises. Car malgré la chape de crasse, de destruction et d'absurdité qui les écrase, la vie continue de palpiter en eux -même malgré eux.
C'est un livre qui devrait être étudié dans tous les collèges de France et d'ailleurs. Non seulement pour se souvenir, mais surtout pour comprendre et se prémunir ; car même si la technologie et la rhétorique évoluent, la chair à canon reste la même.
Et si vos années-collège sont loin derrière vous... lisez-le quand même, car en décrivant le pire, Erich Maria Remarque exalte le meilleur qu'il y a en nous.
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Plusieurs jours sont passés depuis que j'ai refermé ce roman, mais en moi reste encore douloureusement ce sentiment de gâchis incommensurable qu'Erich Maria Remarque décrit de manière sublime. Gâchis de ces vies si jeunes encore, celles de soldats à peine sortis de l'adolescence projetés dans le chaos d'une guerre qui a des allures de purgatoire, où personne n'est plus réellement en vie mais en sursis, parfois déjà morts-vivants, et où les morts attendent une sépulture qui ne viendra pas forcément.
L'auteur dépeint avec une poésie profonde de tristesse ce front perdu dans le brouillard, la boue, et la violence fulgurante des obus qui explosent au hasard , et même si le jeune narrateur évoque les propos provoquants des soldats au sujet de la mort, du sexe et de la guerre ainsi que leur indifférence grandissante à tout ce qu'ils vivent - les cadavres, les mutilations des corps, la crasse, la nourriture, les uniformes usés - on sent poindre dans ces propos mêmes un désespoir prêt à éclater.
C'est un récit étouffant qui laisse peu respirer le lecteur sauf quand le narrateur rêve de son enfance, du monde d'avant, et alors un instant tout se fait silence, lumineux, verdoyant.
La force de ce récit, outre la beauté de l'écriture, réside dans la jeunesse des personnages qui font partie d'une génération un peu à part, à laquelle je n'avais jamais pensé, celle fraîchement sortie de l'école et n'ayant jamais commencé à travailler, celle qui est encore un peu sous le joug du maître qu'ils viennent de quitter, qui se demande ce qu'elle va devenir au sortir de la guerre car elle n'a aucune profession vers laquelle retourner. Celle aussi si jeune encore qu'en agonisant, elle appelle doucement sa mère pour la réconforter une dernière fois.
je n'avais jamais lu de livre si poignant sur la vie au front, un vrai chef d'oeuvre où être Allemand, Français ou Russe n'a plus aucune importance.
Je finis avec ce court extrait, choisi parmi tant d'autres tout aussi évocateurs:

Nos mains sont de la terre; nos corps, de l'argile; nos yeux, des mares de pluie. Nous ne savons pas si nous sommes encore vivants.
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Comment faire une critique, sur "l'incritiquable"...? Comment choisir une "citation" dans ces lignes qui ne décrivant que l'horreur , sont d'une humanité remarquable, parce vrai sans aucune tricherie, presque innocentes, de l'innocence de l'enfant qu'ils étaient pour la plupart.
Mon grand père qui à survécu à 4 années de tranchées n'a jamais dit du mal de ces "schleus" qu'agonissait ma grand mère. Il savait lui...Tout comme savait le gradé et vétéran allemand, qui voyant les médailles militaires de mon grand père, lui fit un salut militaire, rendu par mon grand père, puis fit faire demi tour au reste de ses soldats ainsi qu'aux policiers français, ignorant le pistolet rangé dans la même boite....Lui évitant certainement ainsi, les camps...
Ils avaient survécu tous deux à celle qui devait être la der des der, elle les avait fait frères par des liens eux aussi...de sang.
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L'horreur magnifiquement racontée !!! Un peu paradoxal ! Remarque livre ici un livre sur les ravages de la guerre, sur le monde, sur les êtres, sur l'âme... On vit la crainte, la peur, les bombardements, le confinement des tranchées... On sent l'angoisse des Hommes au bout de leurs fusils... Mais on vit la solidarité également, la camaraderie qui s'installe par l'épreuve partagée... Je ressors de cette lecture troublée, mais ravie, parce que je crois sincèrement que c'est une très grande oeuvre. J'ai de la difficulté à ramasser mes idées pour faire une critique qui rendra justice à ma lecture... Je ne peux que vous la conseiller.
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« A l'ouest rien de nouveau » , le témoignage d'un simple soldat allemand pris dans la Grande Guerre ; mais c'est aussi et surtout un grand « roman » pacifiste, d'un réalisme bouleversant, dans sa dénonciation des monstruosités de la guerre…

« A l'ouest rien de nouveau », c'est le récit d'un jeune homme, Paul Bäumer - engagé volontaire à dix-sept ans sur l'insistance d'un professeur - qui raconte par le menu la vie quotidienne sur le front de l'Ouest, vu côté allemand, pendant la guerre 14-18 : les tranchées, la pluie et la boue, la vermine, les bombardements et les gaz, les assauts…
Pas de grandes descriptions de stratégie d' État Major, ici ; du quotidien. Plus : de l'horreur au quotidien.
Un livre qui subit un autodafé le 10 mai 1933, par le nazisme montant…

Un hymne au pacifisme dans un environnement où la nécessité de survivre prend le pas sur l'humanité. Impossible de ne pas penser à Alain Fournier, auteur du « Grand Meaulnes » et à Apollinaire, tous deux « morts pour la France » dans ce vaste carnage, à la lecture de ce monument du témoignage de guerre.
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