C'est un retour sur les heures les plus sombres du XXe siècle que nous propose
Michael Pye, à travers le drame d'un homme qui a vécu son enfance auprès d'une mère collabo (et même pire) et qui s'appropriait les biens des juifs qu'elle dénonçait. Bien des années après la confrontation avec l'une des victimes va faire resurgir beaucoup de choses et pousser le fils au suicide.
Rien de caricatural, de simpliste ni de grandiloquent dans ce livre ; simplement l'histoire profonde, douloureuse de gens qui étaient soit du "bon" côté, soit du "mauvais", soit entre les deux, dans cette zone grise qui vous cache l'avenir autant qu'elle vous voile le passé. Passé auquel tous dans ce livre voudrait échapper ( à l'exception de la nouvelle génération qui veut que justice soit faite), parce que se souvenir revient à revivre ce qui fut.. Mais, pas plus qu'on ne peut effacer ce qui a été, pas plus ne peut-on se fuir soi-même face au poids de l'histoire.
Ce beau roman sur le devoir de mémoire en montre les aspects les plus sombres, reliant le souvenir à la vieillesse des personnages et à la mort qui approche, et étend son ombre définitive sur celles d'un passé honni :
"Lucia la vieille dame, savait qu'il y avait quelque chose qu'elle ne voulait pas savoir. Elle ne saisissait pas exactement l'ordre des évènements, ou le lien entre eux, de sorte qu'elle craignait toujours l'arrivée impromptue d'un épisode qu'elle ne voulait pas revivre, et l'obligation de le revivre."
Le bref face à face entre la victime et la spoliatrice sonne fort et juste, la première vivant dans la peur de la confrontation, et la seconde dans le déni voire dans la justification de ce qu'elle a fait, montrant qu'aucun véritable dialogue ne peut s'établir entre les deux.
A lire pour tous ces petits détails qui nous dissuadent de généraliser trop vite et de nous approprier des situations qui n'appartinrent qu'à ceux qui les vécurent.