J'avais adoré "
Les limites de la nuit", magnifique recueil de nouvelles publié par les éditions Zulma et je me réjouissais de retrouver
Eduardo Antonio Parra avec ce nouveau livre. Hélas! quelle déception.
Premièrement, ce roman est d'un ennui profond. Rien ne fonctionne, tout y est artificiel, que ce soit l'histoire ou la construction du récit. On se moque complètement de ce qui va arriver aux protagonistes, on ne s'y intéresse à aucun moment. Les allers-retours dans le temps et entre les personnages auraient pu permettre une exploration passionnante des lieux, de la psyché, du contexte, etc., mais c'est tout le contraire qui se produit. Et les scènes de sexe... Elles donnent l'impression que l'auteur se conforme à un cahier des charges. Bref, tout cela finit par lasser et on se demande où est passé ce "roman noir d'un réalisme foudroyant [...] portrait d'un Mexique terrifiant de noirceur" promis par l'éditeur (ça fait beaucoup de noirceur pour une quatrième de couverture).
Deuxièmement (et ce point explique sans doute en partie ce qui précède), on est en droit de se poser deux questions en lisant ce livre:
1. Que s'est-il passé avec la traduction? L'écriture, que Télérama trouve "d'un réalisme bouleversant" (on n'a pas dû lire le même texte), est d'une telle lourdeur qu'on a du mal à croire qu'il s'agit de l'auteur des "Limites de la nuit". La traduction de ce très beau livre avait été faite par
François Gaudry. Celle de "
El Edén" est de
François-Michel Durazzo, qui n'est pourtant pas un débutant. Alors, que s'est-il passé? Est-ce vraiment
François-Michel Durazzo qui a traduit?
2. Y a-t-il quelqu'un chez Zulma qui relit le texte avant de l'envoyer chez l'imprimeur? Il y a dans ce livre tellement de coquilles, de phrases qui ne veulent rien dire et de lourdeurs, que cela finit par sortir le lecteur, prodigieusement agacé, de sa lecture. Quelques exemples?
p. 86 (on commence doucement): "[...] Norma et Darío remarquèrent que l'éclairage publique ne fonctionnait pas [...]"
p. 92 (on monte en gamme): "[...] pas plus qu'aux grondements lointains qui crépitaient au loin [...]"
p. 94 (attention): "L'affichage sur les murs de placards bourrés de menaces que les fautes d'orthographe rendaient plus agressives encore."
p. 100 (virgule fatale): "Ils sont sûrement d'ailleurs, ils doivent faire partie des hommes qui sont venus se battre contre ceux, qui faisaient la loi ici avant."
p. 101 (combinons lourdeur et "coquille"): "Des gouttes de sueur coulaient de leurs cheveux sur les yeux, les brûler, les forçant à s'essuyer le front."
p. 103 (on progresse encore): "Je pensais m'approcher de Leticia quand la viande sortirait du barbecue serait prête et lui dire ce que je ressentais, tout en continuant à discuter avec les collègues malgré le peu d'entrain des conversations."
p. 134 (la panique sans doute): "J'entendais aussi crisser des pneus tout près de moi, trop près, quand soudain je me vis debout, jambes tremblantes, entamant une course aveugle et chaotique dans n'importe quelle direction pourvu de m'éloigner du poteau."
p. 143 (en effet): "Et au milieu de ce bazar, y il se passait des choses inexplicables."
p. 184 (regard torve): "J'attardais mon regard regardai à la fenêtre sur les prostituées et leurs clients"
Ce ne sont que quelques exemples. Il aurait été assez fastidieux de faire un relevé exhaustif.
En conclusion, ce roman d'
Eduardo Antonio Parra a beau figurer dans la sélection des polars de l'été de Télérama (soit...) et sa traduction soutenue par le CNL (pas très regardant, apparemment), sa lecture n'en est pas moins pénible et on l'abandonne avec plaisir.