Dans ses Considérations inactuelles, Friedrich-Nietzsche suggère qu'une vache ne connaît ni l'ennui ni la douleur, elle est incapable de se souvenir. Pour nous l'oubli, est une voie directe vers la paix du moment?
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Dans le plus petit comme dans le plus grand bonheur, il y a quelque chose qui fait que le bonheur est un bonheur : la possibilité d’oublier, ou pour le dire en termes plus savants, la faculté de sentir les choses, aussi longtemps que dure le bonheur, en dehors de toute perspective historique. L’homme qui est incapable de s’asseoir au seuil de l’instant en oubliant tous les événements du passé, celui qui ne peut pas, sans vertige et sans peur, se dresser un instant tout debout, comme une victoire, ne saura jamais ce qu’est un bonheur et, ce qui est pire, il ne fera jamais rien pour donner du bonheur aux autres. Imaginez l’exemple extrême : un homme qui serait incapable de ne rien oublier et qui serait condamné à ne voir partout qu’un devenir; celui-là ne croirait pas à sa propre existence, il ne croirait plus en soi, il verrait tout se dissoudre en une infinité de points mouvants et finirait par se perdre dans ce torrent du devenir. Finalement, en vrai disciple d’Héraclite, il n’oserait même plus bouger un doigt. Tout action exige l’oubli, comme la vie des êtres organiques exige non seulement la lumière mais aussi l’obscurité. Un homme qui ne voudrait sentir les choses qu’historiquement serait pareil à celui qu’on forcerait à s’abstenir de sommeil ou à l’animal qui ne devrait vivre que de ruminer et de ruminer sans fin. Donc, il est possible de vivre presque sans souvenir et de vivre heureux, comme le démontre l’animal, mais il est encore impossible de vivre sans oubli. Ou plus simplement encore, il y a un degré d’insomnie, de rumination, de sens, historique qui nuit au vivant et qui finit par le détruire, qu’il s’agisse d’un homme, d’une peuple ou d’une civilisation
L'accès aux pulsions étant rendu possible surtout par le rêve et l'ivresse, l'entrée dans le système esthétique de La naissance de la tragédie dépend de l'interprétation de ces derniers comme phénomènes manifestant des pulsions qui, en eux-mêmes, n'apparaissent pas mais se laissent seulement concevoir : ici s'établit donc l'articulation de l'empirique et du spéculatif qui conditionne méthodologiquement toute la réflexion de Nietzsche.
L’oubli n’est pas seulement une vis inertiae, comme le croient les esprits superficiels ; c’est bien plutôt un pouvoir actif, une faculté d’enrayement dans le vrai sens du mot, faculté à quoi il faut attribuer le fait que tout ce qui nous arrive dans la vie, tout ce que nous absorbons se présente tout aussi peu à notre conscience pendant l’état de « digestion » (on pourrait l’appeler une absorption psychique) que le processus multiple qui se passe dans notre corps pendant que nous « assimilons » notre nourriture. Fermer de temps en temps les portes et les fenêtres de la conscience ; demeurer insensibles au bruit et à la lutte que le monde souterrain des organes à notre service livre pour s’entraider ou s’entre-détruire ; faire silence, un peu, faire table rase dans notre conscience pour qu’il y ait de nouveau de la place pour les choses nouvelles, et en particulier pour les fonctions et les fonctionnaires plus nobles, pour gouverner, pour prévoir, pour pressentir (car notre organisme est une véritable oligarchie) voilà, je le répète, le rôle de la faculté active d’oubli, une sorte de gardienne, de surveillante chargée de maintenir l’ordre psychique, la tranquillité, l’étiquette. On en conclura immédiatement que nul bonheur, nulle sérénité, nulle espérance, nulle fierté, nulle jouissance de l’instant présent ne pourrait exister sans faculté d’oubli
Le bien suprême, il t'est absolument inaccessible : c'est de ne pas être né, de ne pas être, de n'être rien. En revanche, le second des biens, il est pour toi - et c'est de mourir sous peu.
On croit entendre gronder le tonnerre, mais l'atmosphère ne se trouve pas rafraîchie. Incapable de passer à l'acte, il s'en tient à des paroles agressives, mais les choisit aussi bruyantes que possible et dissipe en déclarations rudes et grondantes tout ce qu'il a amassé en lui de force et d'énergie ; la parole dite, il est plus lâche que celui qui n'a jamais parlé.
Rencontre avec Guillaume Métayer autour de son livre A comme Babel, traduction, poétique aux éditions La rumeur libre.
avec l'Association Franco-Hongroise de Midi-Pyrénées.
Guillaume Métayer, est né en 1972. Poète, traducteur et chercheur au CNRS, il a publié des ouvrages d'histoire de la littérature et des idées (Voltaire, Anatole France, Nietzsche) et des traductions notamment de l'allemand (poésie de Nietzsche, Andreas Unterweger), du hongrois (Attila József, István Kemény, Krisztina Tóth), et du slovène (Aleš Šteger).
A comme Babel
C'est dans son atelier que Guillaume Métayer nous invite, en nous proposant de partager avec lui des expériences singulières de traduction. La formule « traduction, poétique », sous-titre du présent essai, doit s'entendre : une première fois, au titre de la riche tradition de réflexion théorique dans laquelle il s'inscrit, et une deuxième fois, au sens où l'effort de la traduction apparaît ici sous sa forme la plus vivante et la plus incarnée. Les douze chapitres de cet essai, forment autant de rebondissements réflexifs et poétiques, qui se lisent comme le récit d'une traversée : traversée des langues, des espaces - notamment des champs centre-européen, allemand, slovène et hongrois dont l'auteur est un des meilleurs connaisseurs actuels. À l'horizon de ce parcours parfois périlleux, la catastrophe heureuse par quoi la poétique de la traduction se fait, purement et simplement, poésie.
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06/04/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
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