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Bertrand Tavernier (Autre)Fabienne Duvigneau (Traducteur)
EAN : 9782330171612
608 pages
Actes Sud (02/11/2022)
4.32/5   116 notes
Résumé :
Ils viennent du Missouri et ont tout abandonné dans l’espoir de trouver une terre à des milliers de kilomètres de leurs foyers. Ce voyage où ils affrontent les rapides, le froid, les pluies diluviennes qui vous transpercent, la faim, constitue une suite d’épreuves exténuantes que Haycox restitue avec une ampleur, un lyrisme, une vérité inégalés. Le cinéma, à de rares exceptions près, paraît timide, aseptisé, face à l’acuité d’un tel livre. Parvenus à destination, le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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Imaginez, c'est le soir, vous vous couchez prête à ouvrir un nouveau livre, chaudement recommandé par nombre de vos amis. Il pleut, vous entendez la pluie rebondir sur le toit, mais vous êtes douillettement installé au fond de votre lit. Et là, d'un seul coup, en quelques pages, l'auteur vous immerge dans des scènes d'enfer, où la pluie, la neige, le froid, la boue règnent en maitres, l'abri des chariots n'est qu'une mince barrière pour s'opposer à la fureur des éléments, et vous avez complètement oublié la quiétude de votre lit douillet. Jugez par ce premier paragraphe du roman :
« Une pluie battante, cinglante, détrempa son manteau de laine pendant qu'il harnachait les chevaux de bât et le froid s'insinua dans ses os. Il frotta la selle mouillée avec sa manche avant de monter. Des vagues de sable arraché à la falaise se ruèrent à l'assaut de son visage, et quand il baissa la tête, l'eau accumulée dans le bord de son chapeau inonda son entrejambe. le vent bousculait la terre, rugissant à ses oreilles tel un long cri perçant lâché sur le monde. »

Ce roman, c'est une épopée, ce sont des aventures, des défis à relever, des obstacles à vaincre, une nouvelle vie à mettre en place dans une nature sauvage, où tout est à découvrir, où tout est à construire.

Ce roman, c'est une ode magnifique à la nature, sauvage, dangereuse parfois, mais aussi généreuse. L'auteur la décrit de façon très visuelle, très sensuelle aussi, nous transmettant la beauté, les couleurs, mais aussi les odeurs, les sensations éprouvées à son contact par ceux qui tentent de la domestiquer :
« Au long des journées, les rayons du soleil jouaient sur une terre encore amollie par la pluie du printemps. La chaleur et l'humidité libéraient le parfum unique de la fertilité, superposant les odeurs, accélérant la croissance de toutes choses. Les roses du couchant, les pourpres du crépuscule, les gris du soir entraînaient doucement le jour vers la nuit ; et le souffle de la terre, tour à tour délicat, sucré et puissamment épicé, enveloppait Burnett de ses grisantes turbulences. La terre était une femme qui, longuement aimée et caressée, se tendait vers la jouissance ultime. »

Ce roman, ce sont aussi et surtout une flopée de personnages, des hommes que l'on apprend à connaitre, à apprécier ou à détester, déclinés dans toutes les nuances de gris. Pas d'outrance dans les caractères, même les méchants auraient pu devenir autres. Des hommes oui, mais aussi des femmes, qui jouent un rôle crucial, qui sont bien éloignées des stéréotypes qu'ont pu nous transmettre les westerns. Elles ne sont ni dociles, ni soumises pour la plupart, et elles prennent leur vie en main, dans la mesure du possible et des contraintes infligées par l'époque et la situation.

Ce roman, c'est enfin une mine de réflexions qui m'ont enchantée, sur la vie, l'amour, la politique, les règles de vie dans une communauté, les préjugés raciaux (ici envers les indiens). L'auteur nous livre celles-ci au détour des péripéties, le tout très naturellement. J'ai été soufflée par l'intelligence de ses propos.

Et, cerise sur le gâteau, le tout servi par une écriture magistrale, très visuelle, très sensuelle aussi, que ce soit comme je le disais plus haut pour magnifier la nature, mais aussi dans ses descriptions des rapports entre hommes et femmes. Il fait partie de ses livres où j'e n'ai pas arrêté de noter des citations. J'en ai posté quelques-unes, mais si peu par rapport à ce que mérite cette écriture.

Encore merci à mes amis, d'abord à Gabb, qui m'a fait exhumer ce livre de ma PAL, merci à Berni et Yaena qui m'avaient poussé à l'y mettre. Et sans oublier Indimoon pour cette merveilleuse idée de collier. Une perle que j'ai appréciée, et qui prendra une place magnifique au milieu de toutes les autres.
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Allez ! Ho ! Hue ! Dia !
Je garde encore en moi les sensations vives des premières pages de ce roman, Les Pionniers, écrit par l'écrivain américain Ernest Haycox.
Je me suis retrouvé sous des pluies torrentielles, au milieu des radeaux chargés de bétail et des chariots qui menaçaient sans cesse de sombrer dans la rivière impétueuse qu'il fallait traverser.
J'étais transpercé par ces trombes d'eau, par le froid, par la bourrasque, par tous les éléments déchaînés en même temps. Transi, rincé, fourbu, comme si je venais de passer l'heure dans une lessiveuse.
Un western en panavision, me direz-vous ? Mieux que ça, un roman tout simplement, digne de la grande littérature américaine, car l'acuité des mots me semble ici et tout au long des pages de ce livre, plus fort que certaines images de cinéma.
Dès les premières pages, le tableau est posé : on sent les protagonistes de cette histoire déterminés à aller jusqu'au bout de leur périple.
Ils viennent du Missouri et ont tout abandonné dans l'espoir de fonder une terre nouvelle à des milliers de kilomètres de leurs foyers, là-bas à l'Ouest, dans l'Oregon. Ce sera désormais leur Eldorado.
On les appelle les Pionniers, ce sont les premiers colons qui vont faire la conquête de l'Ouest.
Dès les premières pages, les personnages sont campés avec une infinie justesse et j'ai senti tout de suite qu'Ernest Haycox était désireux de casser les codes du « bon » western classique.
Bien sûr, il y a les thèmes de prédilection chers au genre : l'extrême rudesse d'un quotidien où tout reste à construire, la grandeur de la nature, la menace indienne, quelques rixes mais si vous venez pour cela vous serez vite déçu ; en contrepoint ce qui a emporté ma fascination est la manière dont l'auteur décrit ses personnages, les anime dans une fresque sociale magnifique, c'est-à-dire avec beaucoup d'empathie et de compassion.
Bien sûr, on rencontre des méchants, des odieux, des crapules, mais ils ne sont pas légion dans le récit. Il y en a bien un en effet, Cal Lockyear, qui finit par être rejeté par la communauté à cause de sa brutalité ; sans l'accabler à outrance pour sa conduite, l'auteur recherche toujours la nuance pour comprendre le parcours d'un homme harassé de violence. Ici les personnages les plus haineux sont des êtres désespérés.
Il y a même un prédicateur haut en couleur, Lot White, comme seul le côté sombre et ridicule de l'Amérique sait en produire. Ce fut vraiment une période fondatrice à tous points de vue.
Je me suis attaché au pas de Rice Burnett, comme un ami un peu solitaire, qui cherche son chemin.
Mais surtout il y a de très beaux personnages féminins, notamment je pense aux personnages d'Edna et de Katherine qui m'ont touché. Elles cherchent à être maîtresses de leur destin, on est loin ici des stéréotypes du western qui les a souvent reléguées au second plan, elles combattent à visage ouvert, volontaires, déterminées, intelligentes.
Pour autant, l'auteur est conscient de la condition indigne qui était réservée aux femmes dans la communauté des colons, en dépit du rôle crucial qu'elle ont joué dans cette grande conquête de l'Ouest.
Et puis il y a Louisa femme squaw qui a épousé un trappeur blanc.
Le regard hostile des colons, sa confrontation avec les femmes blanches, vont la miner. Et le regard qu'Ernest Haycox porte sur cette situation, sur la confrontation des colons avec les Indiens, souligne ses convictions humanistes.
C'est une fresque sociale décrite dans un rythme lent, servie par une écriture généreuse, magnifique, ample, qui va convier tous ces personnages, en faire des histoires intimes mêlant désir, amour, jalousie, déception, regrets...
Ce sont de très belles parenthèses sentimentales, des échappées intimistes où des femmes et des hommes se cherchent, s'affrontent, s'interrogent ou se perdent. Derrière la rudesse du quotidien, ce sont des zones d'ombres secrètes qui sont ici esquissés avec sensibilité, des moments impalpables, faits de regrets, d'espoirs déçus, de silences, de renoncements. La vie, quoi !
Il y a des scènes fortes et poignantes.
La violence est souterraine et lorsqu'elle éclate c'est un fleuve impétueux.
La nature n'est pas en reste, j'ai eu sans cesse l'impression d'étreindre un paysage beau, immense, vertigineux qui faisait écho avec le coeur des personnages.
Oui, Les Pionniers est un roman splendide et touchant, mêlant avec talent des histoires intimes avec la dimension universelle de l'Amérique qui s'est construite aussi à l'aune de ces récits et chemins...
Le western littéraire est un genre qui n'a pas à rougir de sa position, il appartient à part entière à l'histoire de la littérature américaine. Ernest Haycox l'a démontré ici avec brio avec ce récit d'une puissance d'évocation qui m'a particulièrement séduit.
Les Pionniers, c'est un roman qui m'a conquis. Merci Doriane (alias Yaena) de m'avoir incité à aller à la rencontre de ce livre par ton très beau billet.
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Les Pionniers est un livre ambitieux car il s'agit de nous raconter l'histoire des Pionniers dans leur intégralité. Leur voyage mais aussi leur installation et leur vie quotidienne. Une sorte de documentaire romancé. Ernest HAYCOX nous raconte l'histoire de plusieurs familles qui ont laissé derrière elles le Missouri pour aller vers l'Ouest et plus précisément à Oregon City. A l'époque il ne s'agit pas d'un simple voyage c'est un véritable périple où chacun risque sa vie. Ces hommes, femmes, enfants, vieillards, ont tout laissé derrière eux sans aucun espoir de retour : amis, famille, maison, terres,… ils ne reverront plus ce qu'ils ont quitté. C'est un véritable déracinement, c'est presque comme émigrer dans un autre pays.

A l'Ouest ils ne savent pas ce qui les attend il ne savent que ce qu'on leur a raconté. de la bonne terre à perte de vue gratuite et qui ne demande qu'à être cultivée. Mais rien n'est jamais gratuit, le paiement sera fait de sueur et de sang, chacun le sait.

Loin des chevauchées endiablées, des bagarres de saloon, des feux de camps et de tout ce qui fait les westerns classiques, HAYCOX nous offre un western historique absolument fascinant. Nous vivons en immersion le quotidien de ces pionniers qui ont tout à construire. Car une fois la destination atteinte peu importe les corps épuisés et les esprits las tout est à faire. Les cabanes n'y suffiront pas. Si elles abritent les familles elles ne font pas une communauté. Elle aussi est à bâtir sur des fondations solides de solidarité et d'entraide. Pas toujours facile quand les personnalités sont si différentes. Chacun doit prendre sa place et trouver le rôle qu'il a à jouer. Les intérêts personnels ne rejoignent pas toujours l'intérêt collectif.

HAYCOX se fait sociologue et nous offre le tableau d'une société en devenir. Il soulève des problématiques telles que la place des femmes dans la société et les relations entre les hommes et les femmes. Les histoires d'amour se font et se défont et se mêlent aux intérêts plus terre à terre : une femme à l'époque ne peut demeurer seule et si en théorie pour un homme c'est possible la vie quotidienne est bien trop difficile pour tout faire seul. Parfois l'amour rejoint l'utile et parfois non. Si Rice Burnett, un homme célibataire, semble être le héros de ce livre je pense surtout qu'il permet d'insuffler la dynamique nécessaire à l'histoire mais qu'au final le personnage principal ce sont Les Pionniers dans leur ensemble. L'auteur prend le temps de nous faire entrer dans chaque foyer et d'appréhender les états d'âmes de ces habitants.

J'ai beaucoup aimé les personnages féminins. Souvent dans les westerns ils sont plutôt fades, ici c'est tout le contraire. Elles ne sont pas des faire valoir pour d'autres personnages. Il y a Mme Maillard, féministe avant l'heure et pleine de colère face à ces vies injustes que doivent mener les femmes, Edna qui refuse de porter le masque de la femme convenable, Katherine qui refuse de se marier par convenance mais aussi Louisa, un personnage secondaire, une femme indienne victime de la cruauté du monde.

Les hommes ne sont pas en reste, Lockyear la brute rejetée qui n'en devient que plus brutale, Burnett le loup solitaire qui aimerait être apprivoisé, M. Gay le leader charismatique, Collingwood qui voudrait être quelqu'un, White l'homme de Dieu

HAYCOX nous épargne les personnages caricaturaux et à travers chacun d'entre eux montre à quel point il était en avance sur les idées de son époque (il est mort en 1950). Ses personnages de femmes montrent une réelle critique de la place qui leur est faite dans la société tout en mettant en avant le rôle primordial qu'elles y jouent. Il critique la façon dont ont été traités les indiens durant la colonisation et les considère comme des êtres humains à part entière et non comme des sauvages ou des sous-hommes, ce qui, pour l'époque, est audacieux. de même que la manière dont il caricature White et son dévouement à Dieu. Il y a d'ailleurs un passage avec un semblant de tentative d'exorcisme à mourir de rire.

Mais surtout quelle plume. Les descriptions sont d'une beauté à couper le souffle. Jamais grandiloquentes, toujours justement dosées. Des phrases qui coulent comme une rivière et qui vous transportent. Les mots font naître les odeurs, les sons, les images comme si vous y étiez. Une nature vivante et sauvage à la fois tout en nuance et en brutalité. Face à elle des hommes humbles qui luttent et s'adaptent. Qui aiment et respectent.

Une histoire qui se déroule sur un rythme lent, constant, régulier, pas de rebondissements de changements de cap mais plutôt des évènements, des hauts, des bas. On accompagne ces vies à la dure où personne ne se plaint et où tout le monde avance. HAYCOX réussi à nous emmener dans une épopée qui mêle la grande Histoire à l'intime rendant cette fresque passionnante et touchante. Pleine de tout et de rien. C'est un de ces livres où il ne se passe pas grand-chose mais où le coeur arrête de battre dans les silences. C'est un de ces livres où il ne se passe rien d'autre que la vie, où la simplicité réchauffe l'âme, où l'amitié rustre vous noue le ventre. C'est un de ces livres qui vous manque quand vous l'avez terminé.
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Je remercie chaleureusement les Éditions Actes Sud ainsi que Babelio pour cette lecture et leur confiance !

Dans la collection « L'Ouest, le vrai » dirigé par le réalisateur Bertrand Tavernier chez Actes Sud, vient de paraître le plus beau roman western signé du grand Ernest Haycox : « Les Pionniers« . Haycox comptait parmi ses admirateurs, ni plus ni moins, qu'Ernest Hemingway lui-même. Plusieurs de ces romans furent adaptés au cinéma, notamment par John Ford avec « La chevauchée fantastique » où l'on retrouve dans le rôle titre John Wayne (le film qui en fît une star). Il faut dire que le souffle, la puissance d'évocation vertigineuse de Haycox dans « Les pionniers » rappelle le meilleur des westerns contemplatifs, crépusculaires, avec cette modernité dans l'écriture, dans le caractère des personnages de ce roman chorale hors norme. Il est à noter que ce roman ne fût jamais adapté au cinéma, puisqu'il sortit en 1952, deux ans après la disparition de l'illustre auteur. Considéré pendant longtemps comme un sous genre moqué, le roman western compte de nombreuses pépites très justement publiées chez Actes Sud dont « Les Pionniers » de Haycox est, en quelque sorte, la pierre angulaire. Ni suranné, ni daté, le style d'écriture Haycox allie une description vertigineuse de la nature sauvage à une finesse psychologique, des différents personnages que nous suivons dans ce roman, qui est très moderne dans son approche. Ainsi les femmes pionnières ne sont pas des simples faire valoir ici, Haycox dresse des portraits fantastiques de ces dernières avec justesse, émotion, empathie. Une écriture ciselée, magnifiée qui donne de la profondeur au récit, et qui nous rend la lecture de ce western de plus de 500 pages fort agréable. La nature est un personnage à part entière. Cinq mois de voyage avec le convoi pour rejoindre l'Oregon. Des conditions dantesques sur le plan climatique. La nature hostile, la maladie, la faim, la mort mais aussi l'espérance chevillée au corps pour ces pauvres gens de trouver enfin l'Eldorado tant promis vers l'Ouest sauvage. On quitte définitivement une vie pour en espérer une autre de meilleure. Nous sommes dans le dernier tiers du XIXème siècle. L'apocalypse s'abat sous forme de pluie et de neige, de bourrasques de vent, de tempêtes, ce qui donnent à Haycox l'occasion de graver des pages mémorables sur cet état d'esprit pionnier où le travail, la sueur, la foi en un avenir meilleur sont extrêmement présents et conditionne leurs façons de penser ce nouveau monde qu'est l'Oregon. Enfin les familles arrivent et décident de s'installer. Nous allons ainsi suivre quelques-unes de ces dernières, une communauté pionnière qui s'installe et qui doit tout construire de ses mains, car il n'y a rien mis à part la terre qui est offerte à un prix dérisoire, pour qui aura le courage de la transformer, pour récolter du blé et du maïs. Des conditions de vie impitoyable mais avec chez Haycox cette profonde humanité, de regard empreint d'empathie. Ainsi il nous décrit l'existence des quelques indiens qui ont survécu à la variole et aux massacres. Ils hantent ce western mais ce que nous allons suivre ici, ceux sont ces quelques familles de pionniers. Une citation du livre page 208, résume parfaitement tout ce roman :
« Tous ici, nous désirons ce que nous ne pouvons pas avoir. Des fils invisibles, des dizaines de fils nous tendaient d'une personne à l'autre, tissant une toile dans laquelle chacun était pris; par soucis de respectabilité, ils ne se débattaient pas mais l'espoir leur criait de se libérer ».
Haycox est très critique vis à vis de la religion. le pasteur local est moqué pour voir satan dans toutes femmes. Ces dernières sont portées par des personnages forts comme Edna, jeune fille d'un couple de pionnier qui embrase le coeur des hommes et tels les papillons, butinent de coeur en coeur. Rice Burnett, le personnage majeur du roman et Lockyear que tout opposent désireront la même femme. Lockyear le frondeur, violent, assassin d'indiens, violeur sans scrupule de squaw. Burnett, le taiseux qui n'aurait qu'un mot à prononcer pour qu'Edna se marie avec lui. Mais il y a Katherine. Il ne sait laquelle choisir. Burnett, le protecteur d'indien, le pourfendeur de pasteur, le célibataire désiré de toutes mais qui porte un regard désenchanté sur l'amour. Dans un autre registre, il y a la pauvre Roxy battue par ce monstre de Lockyear. Veen, l'infirme qui tente de la protéger de la fureur de son frère. Louise, la squaw, l'indienne qui a épousé un homme blanc et qui est rejeté par racisme, sauf par Rice Burnett qu'elle apprécie beaucoup. Haycox questionne le racisme, le métissage, les règles édictées par les hommes de Dieu pour empêcher les hommes et les femmes de ressentir librement les élans du coeur, la violence, le pouvoir de destruction de l'homme, la volonté d'émancipation des femmes cloisonnées dans des rôles voulu par une société très patriarcale. J'ai ainsi beaucoup aimé le personnage féminin d'Edna, une femme libre qui assume son désir et sa sexualité. Elle démontre l'hypocrisie des hommes. J'ai aimé aussi Burnett, ce héros mélancolique et qui porte en lui une philosophie de vie très moderne. L'affrontement, le duel entre Burnett et Lockyear est profondément intéressant à suivre. Jamais manichéen, Haycox nous emporte avec ce roman western testament sur l'Ouest sauvage. Magnifiquement écrit, porté par un souffle qui ne retombe jamais, on peut dire sans ambages que c'est là un chef d'oeuvre de la littérature américaine. A découvrir absolument !
Lien : https://thedude524.com/2021/..
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Départ : Missouri, arrivée : Oregon City (God willing) par la piste du même nom. Embarquement immédiat pour un périple de 3000 kilomètres.
Fermeture des chariots couverts, attention au départ.
Et c'est parti.
Emportant le minimum, entre affaires utiles et celles dont ils n'ont pu se résoudre à se séparer, une colonie d'américains part vers l'Ouest, prêts à braver obstacles, dangers et éléments dans l'espoir d'une vie meilleure.
Car, s'il a duré des mois, ce voyage semé d'embûches ayant vu la perte de quelques colons, n'est qu'un avant-goût des difficultés futures. Une fois à destination, il faudra repartir à zéro, tout reconstruire, semer, compter sur des récoltes incertaines pour ne pas mourir de faim et, pour certains, ne pas mourir tout court quand d'autres menaces viendront se greffer.

Les intrigues s'entrecroisent, le labeur est continu, des amours naissent d'autres meurent, l'aventure n'est jamais loin et la mort, toujours là, veille et prélève sa patente où et quand bon lui semble. Égratignant au passage la religion (se servant pour ce faire d'un personnage haut en couleur, plus ridicule que méchant) et dénonçant l'expansionnisme et l'hégémonie wasp (une tribu d'Indiens – ici les Molalas mais ce fut valable pour toutes – déjà installée doit déguerpir quand les colons décident de s'implanter sur leurs terres), sont autant d'ingrédients qui font de ce roman un quasi livre d'Histoire car pas de doute, il y a de l'expédition Lewis & Clark dans ces Pionniers.
Un livre dense, comme son histoire et ses découvreurs. de nombreuses familles, presque de quoi nous perdre au début et puis finalement non, le caractère et les projets propres à chacun.es permettent de s'y retrouver sans peine.
Et, paradoxalement, même si certains personnages sont mis en avant (et la place des femmes, loin d'être anecdotique, compose la part belle de ce roman) quand d'autres ne font office que de figurants, il n'y a pas de « héros » à proprement parler car les deux protagonistes de ces Pionniers sont sans conteste la colonie dans son ensemble et les conditions de vie souvent apocalyptiques.
Qu'elle fut sanguinaire et cruelle cette conquête de l'Ouest.

Ernest Haycox fait dans le western et si d'aucuns pourraient hausser les épaules, qualifiant ce concept de littérature de seconde zone, nul doute qu'ils n'ont jamais ouvert une seule oeuvre de cet immense écrivain dont la plupart des titres ont inspiré les westerns cinématographiques que nous connaissons tous ; celui-ci mis à part, toujours vierge de toute adaptation sur grand écran. Trop foisonnant peut-être ?
Définitivement non, le western littéraire est un genre qui n'a pas à rougir de sa situation et si en plus, comme ici, la qualité d'écriture est manifeste...
A lire pour s'en persuader si besoin.

En remerciant Babelio et les éditions Actes Sud pour ces Pionniers qui m'ont, sans aucun mal, transporté dans leurs chariots. Ce fut indiscutablement un fabuleux voyage.
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critiques presse (1)
LeMonde
05 mars 2021
Ce roman posthume du maître du western Ernest Haycox, inspirateur de l'âge d'or hollywoodien, paraît en français grâce aux fouilles du cinéaste Bertrand Tavernier.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (37) Voir plus Ajouter une citation
Petite, menue comme un oiseau, c’était une de ces personnes dont l’inlassable vigueur ne se nourrissait ni des satisfactions personnelles de l’existence, ni de l’espoir d’une récompense, ni de la peur de la mort, mais qui, un jour, se donneraient la mort en cessant tout simplement de vouloir vivre. Infatigable jusque dans la vieillesse, elle se levait tôt, s’occupait à diverses besognes au fil des heures et, le soir venu, étendue sur son lit, pensait au passé en fouillant sa mémoire telle une malle dans un grenier où étaient rangés soixante-dix ans de vie ; des noms, des événements, l’écho de certaines voix, l’image du premier mort qu’elle avait vu, l’odeur du lilas dans une pièce oubliée, des bribes de phrases, la main d’un garçon la caressant maladroitement, l’excitation et la culpabilité peintes sur son visage, le corps de son troisième fils piétiné par le cheval qui l’avait tué, la sensation veloutée de la poussière de l’été épaisse comme un tapis sous ses pieds nus, le hurlement d’une fille dans les bois de Turner, le son des cloches du dimanche, les yeux brillants de Simon Burke posés sur elle dans la salle de bal alors qu’elle venait de se marier – tout cela gisait pêle-mêle dans les tiroirs de son esprit ; l’émotion s’était dissipée, mais de temps en temps remontait quelque chose qui la troublait encore et elle restait alors silencieuse, l’air absent, toute la journée.
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Entre les versants l’obscurité impénétrable était une superposition de couches pressées les unes sur les autres par le poids des milliards de kilomètre au-dessus, et la brume épaisse lui chatouillait le visage comme le frôlement d’une toile d’araignée. En de pareilles nuits, les multiples odeurs de la terre surgissait partout comme autant de sources vives, ici, un brin de menthe, là, l’arôme d’un cèdre, la senteur discrète des fougères : et ces rigoles parfumées se rejoignaient et formaient des ruisseaux invisibles qui sillonnaient la nuit, rencontrant d’autres ruisseaux de taille plus importante, la résine des pins, le musc âpre des putois, la fumée crachée par la cheminée de sa cabane, l’effervescence de l’herbe saturée d’eau dans les près ; et tous les ruisseaux se jetaient dans une large rivière d’odeurs, un lent et puissant écoulement, entêtant et sauvage, qui prenait possession de la nuit.
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Eût-il tenté de se mettre en avant, il aurait éveillé la hargne de ces hommes qui s’estimaient tout aussi capables de tenir le rôle de meneur ; comme il restait à sa place, ils lui accordaient le respect qu’il n’avait pas demandé. Il savait néanmoins faire preuve d’habileté ; c’était un homme doté de fortes convictions, qui croyait en l’honnêteté des gens, mais reconnaissait aussi chez eux la présence tenace de préjugés, de superstitions et d’égoïsme ; il concevait en conséquence ses méthodes de persuasion afin de défendre, lorsque l’occasion se présentait, la cause qu’il jugeait bonne. Sur une plus grande échelle, il aurait été un homme d’État qui tempère ses idées avec bon sens et réalisme ; dans cette dure vie réservée aux humbles, il était le meilleur chef qu’ils puissent se donner.
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Au long des journées, les rayons jouaient sur une terre encore amollie par la pluie du printemps. La chaleur et l'humidité libéraient le parfum unique de la fertilité superposant les odeurs, accélérant la croissance de toutes choses. Les roses du couhant, les pourpres du crépuscule, les gris du soir entrainaient doucement le jour vers la nuit; et le souffle de la terre, tour à tour délicat, sucré et puissament épicé, enveloppait Burnett de ses grisantes turbulences. La terre était une femme qui, longuement aimée et carressée, se tendait vers la jouissance ultime.
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Le matin de Noël, Martha Gay contempla la brume qui déferlait sur la terre, noyant les arbres et les collines. Il avait plu pendant la nuit, mais ceci n’était pas de la pluie ; c’était de l’eau battue en une mousse plus vaporeuse que des blancs d’œufs vivement fouettées, descendant par couches successives, de plus en plus bas, jusqu’à s’enrouler autour de la grange. Elle la sentait sur son visage comme une sueur froide, et tout autour, l’herbe du pré et les ustensiles de la famille luisaient sous des perles de cristal.
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Video de Ernest Haycox (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ernest Haycox
La Chevauchée fantastique de John Ford, avec John Wayne. Extrait.
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