Santo Antão (Cap-Vert), le 3 avril 2022
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Chères éditions des Syrtes, cher Babelio,
je tiens tout d'abord à vous remercier pour l'envoi de ce livre de correspondances entre le Père
Gorki et ses fils, je vous assure l'avoir lu avec la plus grande attention possible.
Ici, nous sommes plutôt « à l'abri » de l'actualité, facilitant peut-être une lecture de l'Histoire passée faisant abstraction de celle en train de s'écrire. J'ai bien conscience de la relative vacuité de ce genre d'assertion, mais j'en profite pour vous demander des nouvelles, vous qui souffrez sûrement de la situation… Editer
Zakhar Prilepine doit forcément avoir des conséquences… Je suis heureux d'avoir pu lire son «
Certains n'iront pas en enfer » avant que les choses ne dégénèrent irrémédiablement.
Je vous prie de m'excuser pour le temps passé avant de vous répondre; mes mains ne servent plus dernièrement qu'à défricher et rouler de lourdes pierres; elles tremblent légèrement à se concentrer sur des touches de clavier.
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Votre livre est forcément passionnant, tant la personnalité, et l'incroyable destin, de chacun des trois individus échangeant est forte. Les évidents allers-retours entre Histoire et intime rythment à merveille la majorité des lettres reproduites.
Mais, parce qu'il y en a quelques-uns, je dois vous soumettre les éléments qui m'ont déplu, en toute franchise, ceux-ci concernant le travail d'édition et de mise en forme réalisé.
Votre introduction se concentre avant tout sur le résumé des vies de chacun, aide précieuse à entrer dans le bain, mais que vous trouverez utile de répéter le long d'une longue litanie de notes de bas de page. C'est bien le coeur du problème, tous ces astérisques, jamais totalement résolu dans l'histoire de la littérature, terreur du lecteur de Pléiade, dont certains auteurs comme
Danielewski ou Foster Wallace en ont exploré jusqu'aux limites. On en vient à tenter de les ignorer, renonçant à des précisions sur un tel, qu'on aura sitôt oublié trois missives plus loin, risquant ainsi de louper celles qui présentent un véritable intérêt. Tout ceci est bien-sûr relatif, mais l'interrogation reste : n'aurait-il pas été plus judicieux de ventiler cette introduction entre les lettres, supprimant ainsi une bonne moitié de ces petites interruptions ?
Il en va de même pour l'agréable et émouvant cahier central, regroupant de belles reproductions de photographies et de courriers, sur un papier plus épais que le reste. On comprend bien les problèmes techniques ou de coût d'avoir tout regroupé de la sorte, regrettant toutefois qu'elles ne soient pas accolées aux lettres correspondantes, aérant ainsi l'ensemble.
Le fait que le fils biologique porte le nom de plume de son père Alexei : Maxime , n'arrange pas le lecteur, parfois en baisse d'attention devant une série de lettres résumable à du « who's who ».
Il aurait peut-être fallu expliquer, voir justifier davantage la sélection des pièces; bref oser un travail d'éditeur plus « voyant », à la manière du regretté
Jacques Catteau, si vous me passez cette invocation pouvant être prise pour déplacée.
Reste avant tout la découverte de ce fils adoptif ayant fait carrière dans la Légion Etrangère, Zinovi, à la vie plus incroyable qu'un héros romanesque.
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N'ayant pour le moment lu que son « Tempête sur le ville », que vous avez nouvellement traduit et édité sous son titre original, «
Le bourg d'Okourov », et l'ayant beaucoup apprécié, votre ouvrage a confirmé mon envie de plonger dans l'oeuvre du Père Gorki, évidemment en lisant prochainement son grand roman, «
La Mère », elle plutôt absente de cette histoire de père et fils…
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D'ici le prochain de vos livres entre mes mains, je vous embrasse et vous remercie encore.
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Paul
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P.S: il y a beaucoup de babéliotes curieux, et plutôt fouineurs, et pour qui certaines coïncidences appellent parfois à des interrogations… com muit' respeit'… bijinho.