Comment dire ?
Encore une fois, je constate qu'un livre largement primé et porté aux nues ne fait pas forcément écho dans mon coeur et dans ma tête lorsque je le découvre. C'est sans doute un excès de promotion qui crée cette discordance entre mes attentes (souvent, j'achète le livre en brocante quelques années après sa sortie) et mon ressenti à sa lecture.
Certes, c'est excellemment bien écrit et
Adeline Dieudonné n'a pas démérité avec cet ouvrage. Jeune talent belge, je ne doute pas un instant qu'elle devienne une grande auteure internationale reconnue.
Mais, il faut quand même attendre près de la moitié du livre pour que l'intrigue devienne intéressante (erreur de débutante ?) ! Et c'est long. Certes, elle installe l'histoire dans son contexte. On y voit une famille dysfonctionnelle avec un père violent, une mère soumise, un frère falot limite autiste et une fille (qui est la narratrice) qui, tant bien que mal, tente d'exister sans prendre trop de coups, au propre comme au figuré. Car difficile de se construire harmonieusement quand la peur domine son existence et quand on voit que, pour le père, des animaux empaillés tiennent plus de place dans son coeur que ses propres enfants. Et quand, sur la route de l'adolescence, on n'a devant les yeux comme modèle féminin, une femme effacée, silencieuse, apeurée seulement intéressée par son jardin et ses chèvres.
Ce roman est une invitation à pousser la porte d'un petit pavillon grisâtre de la banlieue grisâtre belge, pavillon où se mêlent à la fois des familles de classe moyenne (ici, le père est comptable, la mère est au foyer) et des laissés-pour-compte de la société tentent de survivre à leur condition sociale difficile. Telle une caméra qui ferait un focus sur un point donné de l'action, on entre presque par effraction dans l'intimité de cette famille pour le moins bizarre, avec ce père grand chasseur de fauves devant l'Eternel qui devient complètement caractériel dès lors qu'il n'a pas assouvi son besoin récurrent de sang.
Par la voix de la narratrice, on assiste à la fois à une étude de moeurs d'une société devenue folle et particulièrement violente pour les plus faibles et à une introspection dans ses sentiments mêlés face à l'absurde (peur, culpabilité, colère, révolte, et enfin résilience).
Ce n'est pas un roman qui fait rêver, bien au contraire. Tout au long, on aurait bien envie de s'extraire de ce cloaque, amer, triste et nauséabond qui, selon le cas, renvoie à certaines de nos propres blessures d'enfance. Ce n'est pas un roman qui rassure sur la nature humaine, bien au contraire. Quoi penser de ce père qui se sert de sa fille comme appât pour initier son fils à sa première chasse ?
Ce n'est pas non plus un roman philosophique, à messages subliminaux, bien au contraire. Par la qualité de ses descriptions (personnages, lieux, décors, situations), l'auteure nous plonge dans la réalité crue d'une vie fade, grise et tellement injuste.
J'ai donc, pour ma part, eu bien du mal à avoir envie de continuer ma lecture tant celle-ci n'était pas réconfortante ni enrichissante. le lecteur, habituellement à la recherche d'évasion, se trouve, pour le coup, plongé dans une réalité qu'il aurait bien plutôt envie de fuir... d'où cette difficulté à aller de l'avant, car on le sent bien, une tension dramatique est là, installée de fait dès le début et ne fait qu'aller crescendo.
Un livre qui a été pour moi un livre dérangeant que j'ai bien failli ne pas finir. On mesure, à sa lecture, combien les blessures d'enfance peuvent faire de dégâts (en temps réel et a posteriori) et tout le poids des non-dits dès lors qu'ils impactent la vie même. Cela aurait été dommage car la seconde partie du livre est remarquable pour son implacable réalisme.
Les points positifs qui me feront sans doute m'intéresser aux prochains livres d'
Adeline Dieudonné : son talent narratif et descriptif, sa capacité à retranscrire les pensées et émotions de ses personnages, la force de son incipit (début de livre) et de son dénouement, une écriture simple et ciselée qui fait mouche, un regard acide sur la société qui transpire à chacune de ses pages, ainsi que sa capacité à installer une tension dramatique...