Citations de Jocelyne Saucier (295)
On meurt en forêt comme on y a vécu. Discrètement, prudemment, sans chercher à faire plus de bruit que la feuille dans son arbre.
Les heures, les jours, les mois, les semaines, elle les vivait en moments détachés, un par un, sans tenir compte du temps qui passe. Combien de jours, combien de mois encore ? La question ne se posait pas tant qu’il y avait cet homme qui de sa grosse main la gardait sur terre. Il était sa force, son poids, sa gravité, son attraction terrestre.
La folie n’était peut-être que cela, un trop plein de tristesse.
C’est dans la forêt qu’il prenait la mesure de son être, qu’il respirait l’air du monde, qu’il sentait son appartenance à la puissance de l’univers.
Au fur et à mesure qu’il avançait en âge, il avait développé l’espoir de pouvoir y mourir un jour, comme une bête, sans lamentos ni visages éplorés, rien que le silence de la forêt venu saluer une de ses créatures.
La fumée qui s'échappait de la cheminée de Ted était le plus sûr indice qu'il s'était levé ce matin-là, qu'il avait lui aussi allumé son poêle pour ses patates aux lardons, retrouvé ses pensées de la veille et commencé sa journée d'homme vivant et solitaire.
L'histoire est peu probable, mais puisqu'il y a eu des témoins, il ne faut pas refuser d'y croire. On se priverait de ces ailleurs improbables qui donnent asile à des êtres uniques.
" Le bonheur a besoin simplement qu'on y consente." p.179
"Il pleuvait des oiseaux, lui avait-elle dit. Quand le vent s'est levé et qu'il a couvert le ciel d'un dôme de fumée noire, l'air s'est rarifiée, c'était irrespirable de chaleur et de fumée, autant pour nous que pour les oiseaux et ils tombaient en pluie à nos pieds." p.81
On n’arrive pas chez des gens qui ont près d’un siècle derrière eux avec un boniment de dernière minute. Il faut du doigté, de l’habileté, mais pas trop, les vieillards s’y connaissent dans l’art de la conversation, ils n’ont que ça dans les dernières années de leur vie, des propos trop astiqués incitent à la méfiance.
Le grand âge lui apparaissait comme l'ultime refuge de la liberté, là où on se défait de ses attaches et où on laisse son esprit aller là où il veut
Il pleuvait des oiseaux, lui avait-elle dit.
Quand le vent s'est levé et qu'il a couvert le ciel d'un dôme de fumée noire, l'air s'est raréfié, c'était irrespirable de chaleur et de fumée, autant pour nous que pour les oiseaux et ils tombaient en pluie à nos pieds.
Le bonheur a besoin simplement qu'on y consente.
Qu'est-ce que tu faisais là, bon Dieu, veux-tu bien me le dire ? Pourquoi a-t-il fallu que tu sois là ? Silence. La montagne garde son secret et je me meurs, je crie, je pleure, je m'arrache le coeur.
Peu de temps après, Geronimo avait pris place dans la Studebaker d'Émilien et personne ne s'est préoccupé de savoir si, derrière, Angèle était bien Angèle. C'était une journée d'été, de celles qui vous embrasent de la tête aux pieds et ne vous laissent aucune goutte de sueur à sécher au soleil. L'été à Norco était saharien jusqu'en août. Nous vivions dans un tourbillon de vapeur sèche sous un ciel vibrant de cruauté jusqu'à ce que, pris de pitié, il décide de crever son eau et nous écrase de pluies diluviennes pendant des semaines.
Nous vivions dans la plus merveilleuse anarchie et j'adorais cette maison. Les portes claquaient, les escaliers vibraient, les murs vrombissaient, la vie trépignaient d'impatience dans cette maison, et moi, j'en avais la garde.
La petite vieille était une survivante du Grand Feu de Matheson. Elle lui avait parlé d'un ciel noir comme la nuit et des oiseaux qui tombaient comme des mouches.
Il pleuvait des oiseaux, lui avait-elle dit. Quand le vent s'est levé et qu'il a couvert le ciel d'un dôme de fumée noir, l'air s'est raréfié, c'était irrespirable de chaleur et de fumée, autant pour nous que pour les oiseaux et ils tombaient en pluie à nos pieds.
Ted était un être brisé, Charlie un amoureux de la nature et Tom avait vécu tout ce qu'il est permis de vivre. Une journée après l'autre, ils ont vieilli ensemble, ils ont atteint le grand âge. Ils avaient laissé derrière eux une vie sur laquelle ils avaient fermé la porte. Aucune envie d'y revenir, aucune autre envie que se lever le matin avec le sentiment d'avoir une journée bien à eux et personne qui trouve à y redire.
La mort, ils en parlaient comme de la pluie et du beau temps, il a bien fallu m'y habituer.
- Belle journée.
- Ouais, belle journée pour mourir.
Ce n'était ni triste ni douloureux, tout juste une éventualité qu'ils évoquaient comme n'importe quoi d'autre. Ils s'amusaient d'être devenus si vieux, oubliés de tous, libres d'eux-mêmes. Ils avaient le sentiment d'avoir brouillé les pistes derrière eux.
Le grand âge lui apparaissait comme l'ultime refuge de la liberté, là où on se défait de ses attaches et où on laisse son esprit aller là où il veut.
- La liberté, ma jolie, la liberté de choisir ma vie.
- Et sa mort, à ajouté Charlie.
Et ils sont partis d'un grand éclat de rire.