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Critiques de Edgar Allan Poe (1027)
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Histoires extraordinaires

Je sais que je vais en faire rugir certains, mais je crains, à la lecture de ce recueil de nouvelles, d'être moins dithyrambique que pouvait le laisser espérer sa grande notoriété.

Il est difficile d'émettre un avis plutôt négatif pour une oeuvre et un auteur qu'on trouve incontournables, mais telle est la gageure que je m'impose et qui d'ailleurs n'engage que moi.

En effet, Edgar Poe est à sa façon un explorateur, un pionnier, un génie. On pourrait, au bas mot, citer son oeuvre comme initiatrice d'au moins deux genres devenus majeurs de nos jours : le polar et la SF.

Il est indéniable qu'il y a une influence décisive de Poe dans Robert-Louis Stevenson, dans Jules Verne, dans Conan Doyle et tous ceux qui ont suivi. Le problème, c'est justement qu'en raison de son statut d'initiateur, les nouvelles qu'il nous a légué sont des stades embryonnaires de genres désormais enrichis de chef-d'oeuvres, à mon sens, tellement plus retentissants que les malheureuses petites histoires de ce recueil porteraient presque à sourire par leur excessive simplicité ou leur naïveté.

Aussi, lisez-les à titre d'héritage culturel, de curiosités ou d'étape dans l'histoire de la littérature, mais pas vraiment pour leur intérêt intrinsèque.

Le double assassinat de la rue Morgue, c'est du proto-Sherlock Holmes, la lettre volée, c'est du proto-Hercule Poirot, le scarabée d'or, c'est du proto-Jim Hawkins, le canard au ballon et l'aventure sans pareille d'un certain Hans Pfaall, c'est du proto-Phileas Fogg, etc., etc.

Que dire également de la traduction "positivement" imparfaite de Baudelaire et de son efflorescence de "positivement" ? J'adore pourtant Baudelaire, mais sa carrière de critique d'art et de poète est cent fois meilleure que celle de traducteur. N'est pas Maurice-Edgar Coindreau qui veut. Bien sûr Charles Baudelaire a un talent de plume indéniable, mais ce n'est pas la seule qualité requise pour faire un excellent traducteur.

En somme, c'est un ouvrage qui a marqué son temps, qui revêt un caractère prophétique, mais qui a beaucoup, beaucoup, beaucoup vieilli au point de devenir, excusez-moi pour le jeu de mots facile, des " Histoires Extraordinairement Dépassées " et qui risquent fort d'en décevoir s'ils s'attendent à mieux. Mais tout ceci, bien sûr, n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand chose.
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Le chat noir

Le narrateur , homme aimant sa femme et son chat noir plus que tout, fini par tomber dans l'alcoolisme. De là il s'ensuit des déboires; comme il peut en subvenir dans ces cas là



La petite touche de fantastique de Poe instille goutte à goutte dans sa nouvelle est la dose idéale. Poe arrive par son écriture a nous plonger dans une histoire angoissante qui monte doucement , mais sûrement en intensité.



Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu de Poe, mais le plaisir est toujours intact.
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Le chat noir

Une courte nouvelle d'une grande efficacité à classer dans la catégorie histoire macabre.

J'apprécie de plus en plus Edgar Allan Poe, quand je pense que ses écrits remontent à bientôt deux siècles...

Pour l'amoureux des chats que je suis cette nouvelle s'est révélée prenante du début à la fin, un récit à la première personne, la déchéance d'un homme, la fuite dans l'alcool et la violence.

L'auteur ici mêle habilement le fantastique et la réalité qui parfois peuvent se confondre, oui c'est vraiment bon.
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Histoires extraordinaires

Pierre Ménard (auteur d’un Don Quichotte) avait écrit lors de sa jeunesse un livre bizarre d’un français singulier. Ce livre a été mal accueilli par ses lecteurs contemporains qui y voyaient tous les stéréotypes du roman policier à ses origines, toutes les faiblesses des romans d’aventures et toute l’insuffisance des romans d’horreur. Il y voyait un retour fade aux origines de ces genres qui se sont épanouis avec le temps sous la plume d’auteurs talentueux. Et le style assez lourd parfois ne l’a pas beaucoup aidé. Ménard l’avait intitulé Histoires Extraordinaires.



Voilà comment un lecteur contemporain pourrait voir ces Histoires extraordinaires d’Edgar Allen Poe le grand représentant de la littérature américaine au même titre que Cervantès pour l’espagnole, Dante pour l’italienne ou Goethe pour l’allemande. Or, à la lecture de ce recueil de treize nouvelles (choix fortuit du chiffre ?) nous découvrons un bel esprit qui a la soif de tout connaitre, de tenter de toutes les connaissances, un écrivain aux talents multiples, un maître des maîtres, le Christophe Colomb de maints genres.



Personnellement, j’ai aimé les nouvelles où Poe gardait les pieds sur terre (au sens propre). Ainsi, j’ai lu avec un grand plaisir les deux premières nouvelles (policières), avec cette description de l’amitié qui réunissait le narrateur et son ami et des facultés d’analyse qu’avait ce dernier. La troisième nouvelle est une chasse au trésor, nouvelle agréable et intéressante. Puis c’est la glace ! On est devant ses deux nouvelles qui m’ont donné le plus de peine à lire (peut-être parce que je ne suis pas amateur de ce genre ni de Jules Verne); ces deux histoires au ballon. Surtout la deuxième, la plus longue du recueil où l’on est entraîné dans une suite interminable de descriptions minutieuses d’une exactitude scientifique d’un voyage extraordinaire. Puis on revient avec deux nouvelles dans la mer, vraiment intéressante est la première avec ce naufrage et ce bateau bizarre où le rescapé échappe à sa mort pour un moment. Ensuite, on retrouve deux histoires courtes sur le magnétisme dont la deuxième est un dialogue plutôt philosophique. L’histoire suivante est assez singulière, parmi les plus belles du recueil, où le rêve et la réalité se confondent. Les deux suivantes sont des histoires de revenants sur des femmes mystérieuses, intelligentes et d’une beauté déroutante. La dernière est une histoire de la haine entre deux familles (pas à la Roméo et Juliette bien sûr).



En somme, roman policier, roman d’aventures, roman fantastique ou d’horreur, tous sont là, ainsi que roman d’anticipation. Poe a le don de la description qu’il veut réaliste même en décrivant l’irréel. Chaque nouvelle nous rappelle un auteur : Stevenson, Conan Doyle, Verne, Conrad (Typhon surtout), Mérimée… Finissons par cette traduction. Baudelaire admirait tellement Poe qu’il a voulu faire une traduction fidèle à cet ouvrage. Malgré cela il dédie ses Fleurs du mal à Gautier ! Je sentais cette double présence Poe-Baudelaire en lisant le livre, c’était comme si Baudelaire me lisait ces histoires. Pour finir, ce livre est à lire sans doute, il est indispensable et hormis les deux nouvelles au ballon, il est agréable à lire.
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Double assassinat dans la rue Morgue - La L..

Je continue mon exploration du genre classique dans la littérature américaine avec cette fois deux récits d'Edgar Allan Poe : "Double assassinat dans la rue Morgue" et "La Lettre volée".

Charles Auguste Dupin et le narrateur en sont les personnages principaux et préfigurent les duos d'enquêteurs que seront Sherlock Holmes et Watson ou encore Poirot et Hastings plus tard.

Deux enquêtes assez pointues, le lecteur d'aujourd'hui les jugera peut-être un peu alambiquées et "verbeuses", cela dit le tout m'a semblé justifié par la personnalité de Dupin, un homme au cerveau exceptionnel et aux théories assez novatrices, un peu un profileur avant l'heure.

J'ai lu quelque part qu'Edgar Poe était l'inventeur du roman policier et j'ai toujours beaucoup de respect pour les précurseurs, quand je pense que ces deux nouvelles ont été publiées en 1841 et en 1845 je suis admiratif, c'était il y a bientôt deux siècles quand même.

J'ai trouvé le style que l'on doit à la traduction de Charles Baudelaire assez plaisant et ce même s'il est un peu daté et enfin j'ai été surpris et ravi que le théâtre de ces deux nouvelles soit la ville de Paris.

Pour conclure je ne suis pas déçu et je vais pouvoir continuer sans crainte avec les "Histoires extraordinaires".
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Histoires extraordinaires

Je continue ma découverte d'Edgar Allan Poe avec ce recueil des "Histoires extraordinaires".

Je dois dire que mon avis sera mitigé, il y a du bon et du moins bon, ou plutôt j'ai plus ou moins aimé chacune de ces nouvelles selon mon ressenti.

On peut parler de thématiques différentes avec un côté aventures fantastiques, j'ai beaucoup apprécié les premières et notamment "Le scarabée d'or", une pure merveille de réflexion nous embarquant dans une chasse au trésor passionnante.

Une autre partie nous propose des récits que faute de mieux je qualifierais de "techniques et scientifiques", pour ces nouvelles j'ai souffert comme avec "Aventure sans pareille d'un certain Hans Pfaall" que j'ai trouvé verbeuse, incompréhensible et interminable en plus d'être ennuyeuse.

Pour les autres il sera question de magnétisme ou de fantômes voire de folie, lues sans ennui et sans passion.

J'ai par contre pris beaucoup de plaisir à la biographie de l'auteur racontée par Charles Baudelaire qui est aussi le traducteur du recueil, on sent à chaque ligne l'admiration que celui-ci lui portait.

Bien que décédé à l'âge de 37 ans, Edgar Allan Poe a eu une vie riche et passionnante, sa personnalité complexe est évoquée de belle façon et nous rend cet auteur énigmatique éminemment sympathique et attachant.
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Le Corbeau

"Tell me what thy lordly name is on the Night's Plutonian shore!"

Quoth the Raven...



... Nevermore. Jamais plus.

Nous sommes presque tous en mesure de compléter la ligne, même ceux qui n'ont jamais lu "Le Corbeau".

L'un des poèmes les plus célèbres de la littérature américaine, il fait désormais partie de la "mémoire culturelle", de la culture populaire, presque au même titre que Dracula ou Frankenstein. Il serait inutile de compter le nombre de ses reprises et parodies depuis sa première publication dans le New York Evening Mirror en 1845.

On pourrait se demander d'où vient cette notoriété, mais il suffit de le lire pour comprendre. C'est terriblement économe, efficace et troublant. En quelques strophes, Poe arrive à créer une authentique atmosphère d'horreur, et sa métrique ciselée et répétitive est vicieusement hypnotisante. Jetez juste un oeil sur la première strophe, et vous n'arrêterez plus de lire... et de relire... jamais plus !



Malgré l'aura mystérieuse qui l'entoure, il ne reste pas beaucoup de place pour spéculer sur la genèse du poème, car Poe s'en charge lui même et l'explique en détail dans sa "Philosophy of Composition". L'histoire en soi est simplissime, Poe n'utilise presque pas de métaphores poétiques, et c'est à vous de chercher un peu entre les lignes quant à son interprétation. Selon la règle tacite, il ne faut pas confondre l'auteur avec son oeuvre, mais l'année 1845 était rude, pour Poe. Sa femme Virginia était mourante, sa situation financière catastrophique, et son penchant pour l'alcool se faisait sentir de plus en plus. On peut donc au moins imaginer quelques inspirations d'ordre privé.



Peut-on se fier complètement au narrateur du poème ? Accablé par la mort récente de sa bien-aimée Lénore, il se trouve dans un curieux état entre le rêve et la réalité, plongé dans la lecture de livres ésotériques, quand il entend toquer à sa porte.

C'est minuit, et le temps de ce glacial décembre est affreux à souhait... qui cela pourrait-il être, par une nuit pareille ?

Un corbeau noir, qui viendra se percher sur le buste de Pallas Athéna.

La situation est presque comique : le jeune homme est loin de voir son visiteur comme un véritable émissaire des Enfers, et il lui demande par dérision son prénom.

Mais tout va basculer au premier croassement sinistre du volatile : "Nevermore". Tel est son prénom, et le seul mot qu'il sait dire.

La descente est inévitable. le jeune homme se tourmente lui même en posant au corbeau des questions qui le préoccupent et dont il connaît d'avance la réponse définitive, qui tombe comme un couperet avec chaque nouveau "jamais plus".

Et le tempo s'intensifie encore quand le malheureux au bord de la folie ordonne à son visiteur de partir. La réponse ne se laisse pas attendre...

Poe nous parle de "l'effet de gradation", et il ne reste qu'à admettre que c'est parfaitement réussi.



Qui ou qu'est donc ce corbeau nommé Nevermore ?

On peut prendre le poème au premier degré et voir en lui un simple oiseau apprivoisé qui a appris à parler et qui poussera le jeune homme à la folie par son refrain répétitif. Il n'est pas sans intérêt que Poe a d'abord sérieusement pensé à un perroquet, et l'idée que la célèbre réplique pourrait être "Polly wants a cracker" est assez pittoresque...

Certains voient le corbeau comme le Diable en personne, mais cela ne me paraît pas convaincant. En général, le Diable vous propose un marché : votre âme contre quelque chose, mais ici cela ne fonctionne pas.

Reste la troisième possibilité : le corbeau de Poe aurait représenté la dépression. le mois de décembre est hautement symbolique; les journées raccourcissent, c'est la période de la mort de la nature et des forces obscures. L'oiseau de mauvais augure va se poser sur le buste de Pallas, symbole de la raison et de la sagesse, et Lénore (prénom qui signifie "lumière" ou "torche") est éteinte à tout jamais. Tout comme la dépression, le corbeau s'installe sans y être invité, fait ce qu'il veut de sa victime et ne partira pas à la demande.



Les traductions de Mallarmé ou de Baudelaire sont très belles, mais elles restent des traductions en prose, ce qui enlève presque tout l'effet dramatique à la lecture.

Poe a composé son poème comme un horloger minutieux, en optant pour le rythme trochaïque : un rythme en deux temps, dont la première syllabe est accentuée et la deuxième atone (à l'inverse du iambe, bien plus naturel pour la langue anglaise).

Il ne sort jamais de son schéma statique (ce qui lui est parfois reproché), mais il crée exactement ce qu'il avait en tête : une sensation d'urgence, de quelque chose qui monte crescendo vers l'inévitable mauvaise fin. le tempo du "Corbeau" est le même que celui des musiques qui accompagnent les scènes tendues dans les films d'horreur.

Les fans de métal peuvent vérifier cette théorie dans un hommage épique fait au "The Raven" de Poe par un groupe au nom inspirant de Rotting Christ; ces chevelus grecs ont tout compris sur les possibilités du vers trochaïque !

Vous pouvez le lire, l'écouter (l'interprétation de Christopher Lee en vaut le coup), ou même regarder le mémorable épisode qui lui est consacré dans la série Les Simpson... Il y a du choix.



5/5, car je ne trouve aucune raison pour baisser ma note. Mille excuses pour la longueur de la critique, mais il y a beaucoup à dire et l'occasion ne se présentera JAMAIS PLUS.

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La chute de la maison Usher et autres nouve..

La maison Usher est habitée par le dernier de la lignée Usher. Un homme qui vit seul avec sa sœur jumelle Madeleine. Il dit souffrir d'un mal inconnu dont sont affublés les Usher depuis toujours. Le narrateur, invité par le propriétaire des lieux est tout suite saisi par l'atmosphère fantastique qui règne dans cette maison aussi vieille que les Usher. En y regardant de près on dirait presque que la maison est vivante, prête à les engloutir.



Notre narrateur séjourne, à la demande de son hôte, quelques jours dans cette demeure et constate une ambiance mystérieuse, comme si la maison lui parlait, s'adressait à ses habitants.

Les paysages nocturnes décrits sont particulièrement angoissants, on se retrouve dans un monde à la Lovecraft ne sachant plus ce qui tient du réel et du fantastique incitant le lecteur a se confronter à ses peurs irrationnelles.



Quand on apprend la disparition de Madeleine, on sait que les choses vont tourner au vinaigre et pourtant Poe nous retient et nous force à le suivre dans une lente et angoissante montée vers la tragédie.



Un livre à lire avec sa lampe torche par une nuit de pleine lune, bien caché sous sa couette. Juste au cas où.
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Les Chats : À travers 17 textes cultes comm..

Une lecture audio qui a peiné à retenir mon attention, malgré son thème, la narration parfaite de Simon Jeannin et les commentaires intéressants de Sylvain Trias



Ces textes sont présentés chronologiquement et évoquent la manière dont le chat a été représenté dans la littérature au cours des siècles. Sylvain Trias intervient entre chacun d'eux pour les replacer dans leur contexte, commenter l'évolution de la vision du chat dans la littérature, d'un personnage souvent félon, voleur, déloyal ou pire encore maléfique à un animal auquel les auteurs vont s'attacher, qu'ils vont célébrer dans leurs textes, mais un animal qui ne renonce pas à son indépendance.



L'idée m'avait séduite, je connaissais et appréciais certains de ces textes, et pourtant les écouter n'a pas réussi à me passionner. Peut-être parce chaque texte était très court, et ne me laissait pas le temps d'apprécier l'auteur et son style. Peut-être des textes trop variés qui ne m'ont pas permis d'entrer dans l'atmosphère de ce livre audio, et je me suis surprise plusieurs fois à devoir revenir en arrière pour réécouter un extrait.



Une petite déception donc, mais qui saura sans doute séduire d'autres lecteurs-auditeurs.



Merci à NetGalley et aux éditions VOolume pour cet envoi #Leschats #NetGalleyFrance







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La Chute de la Maison Usher

Je n'aurais jamais dû accepter l'invitation de cet ami d'enfance, un certain Roderick Usher. Il m'invitait à venir séjourner quelques temps dans sa demeure, la fameuse Maison Usher. Oui vous savez, c'est cette grande maison là-bas sur la droite, quand on dépasse les premières collines du comté... Dans sa lettre d'invitation, il m'évoquait un mal qui l'oppressait. Pourtant, c'est bien moi qui ai ressenti un malaise lorsque j'arrivai à proximité des lieux où il résidait.

À peine arrivé à la Maison Usher, et à la vue du domaine, - un manoir austère qui m'impressionna tout de suite par son étrange présence dans le paysage, posé presque comme une énorme verrue, j'ai ressenti une profonde angoisse. Entrant dans la grande demeure de cet ami, - certes je ne l'avais pas vu depuis longtemps, cependant j'ai eu de la peine à le reconnaître tant sa physionomie était modifiée par sa maladie. Il souffrait d'un mal étrange, j'ai pensé à un mal héréditaire, car sa soeur aussi, sa soeur jumelle Madeline, qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau, souffrait également de ce même mal singulier.

Hélas, je n'ai pas eu le plaisir de connaître la fameuse Madeline... Madeline, elle ne m'a pas attendu, elle était comme invisible dans les lieux... Je la cherchais pourtant, errant dans les couloirs sans trop en faire, vous connaissez ma discrétion... En même temps, le teint maladif de Madeline ne m'incitait guère à imaginer la prendre par la main, courir ensemble, vagabonder dans les prés et les bois alentours et tutti quanti...

Quelques jours plus tard, résidant encore chez Roderick Usher, je ne fus pas étonné lorsqu'il m'annonça le décès brutal de sa soeur, ma surprise vint seulement de son désir macabre de vouloir conserver son corps durant quinze jours dans un caveau en attendant de procéder à l'enterrement définitif...

Je ne sais pas si je peux vous évoquer la suite, d'ailleurs vous ne me croiriez pas. Moi-même je ne crois pas ce qu'il m'est advenu. J'ai cru devenir fou, je crois bien l'être devenu totalement. C'est si facile aujourd'hui de penser que je n'aurais jamais dû accepter cette invitation...

À moins que toute cette histoire ait été inventée, inventée par quelqu'un de plus fou que Roderick Usher, de plus fou que sa soeur Madeline, de plus fou que moi qui suis désormais en train de perdre la raison en tentant de vous raconter ce récit...

C'est un récit insensé, beau, angoissant, minéral comme la pierre qui peut sceller à jamais l'impossible, ou du moins tenter de le faire...

Je tente ce soir de poser des mots sur cette page, je m'y suis repris à plusieurs fois, j'ai abandonné ce texte, j'y suis revenu, comme une main écartant désespérément de l'intérieur la dalle qui referme un tombeau, j'y suis revenu avec mes mains en sang, je le sais il y a encore des traces sur le papier...

Poe, Edgar Poe, Edgar Allan Poe... je vous en veux cher ami, quel que soit l'endroit d'où vous venez, quel que soit le dessein qui vous ait motivé d'imaginer cette histoire, ce beau texte, - on dit d'ailleurs que c'est l'un de vos plus beaux textes, cette puissance d'évocation dans les mots et qui me hante à jamais... Vous avez réussi votre coup, cher ami !

J'avais beau me dire que tout ce récit était inventé, j'ai compris plus tard, longtemps après qu'il n'en était rien...

Je l'ai compris à ces quelques détails qu'il me paraît difficile de vous révéler ici...

Je l'ai notamment compris en quittant le domaine Usher peut-être pour la dernière fois, ce soir-là... J'étais pressé de repartir chez moi, d'autant plus qu'ils annonçaient une mobilisation d'agriculteurs mécontents et des barrages routiers ici et là...

Je l'ai compris dans cette vision sidérante qui vous fait brusquement passer d'un versant à l'autre, comme si on passait du monde des vivants à celui des morts...

Je me suis retourné... et j'ai vu alors... les pages de mon livre s'effondrer sous mes doigts, se fissurer, se vider de ces mots ciselés à l'épure, gothiques à souhait et qui devenaient cendres et poussières... sable à jamais sous mes paupières que le sommeil emportait déjà vers d'autres rivages... Je suis alors redevenu brusquement un simple lecteur qui se souvenait de cette lecture, La chute de la Maison Usher.

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Aventures d'Arthur Gordon Pym

Je suis entré dans ce roman un peu comme on découvre une bouteille à la mer abandonnée sur le rivage.

Le temps d'ôter le bouchon de cire, j'ai brusquement entendu se répandre autour de moi des cris stridents qui semblaient venir du fond des âges et qui disaient « Tekeli-li ! Tekeli-li ! » Je me suis retourné, il n'y avait personne sur la plage, pas même la moindre mouette. J'ai alors tendu le goulot vers l'oreille, - ou plutôt l'inverse, enfin je vous laisse imaginer le mouvement latéral de part et d'autre et pas de doute les cris venaient bien du fond de la bouteille, d'où l'on pouvait apercevoir une sorte de rouleau de papier... J'ai fait ce qu'il ne fallait surtout pas faire : tendre le regard au travers du goulot. Et là j'ai reçu un paquet d'eau qui m'a rincé l'oeil, comme une vague sournoise qui entrerait par le hublot d'un navire.

Je m'apprêtais à briser la bouteille pour m'emparer de son contenu, mais ce ne fut pas nécessaire, la vague venait de jeter le rouleau de papier à mes pieds. Je défis les lacets qui l'enserraient et le rouleau se déplia sous mes yeux comme les ailes d'un oiseau, un oiseau marin bien sûr. C'était un manuscrit...

Je fus tout de suis happé par la lecture du texte, que les âges et les tangages de l'océan n'avaient point altéré. C'était le récit d'un homme, un certain Arthur Gordon Pym, persuadé qu'au moment d'écrire ces feuillets on le saurait d'ores et déjà disparu en mer, corps et biens, mais qui souhaitait qu'un jour quelqu'un puisse enfin découvrir son histoire et ses aventures fabuleuses, par ce manuscrit offert par l'entremise d'une bouteille jetée à la mer...

Du fond de cette bouteille venaient de jaillir les abîmes d'une odyssée incroyable.

C'était une sorte de journal de bord qui prenait sa source sur l'île de Nantucket, dans le Massachusetts, fameuse pour son port de chasse à la baleine et là où justement naquit Arthur Gordon Pym. Son meilleur ami, Auguste Barnard, est d'ailleurs le fils d'un capitaine de baleiniers. C'est avec ce dernier qu'une nuit le jeune homme organise une équipée qui manque tourner au drame : les deux jeunes gens, passablement alcoolisés, décident sur un coup de tête de profiter de la brise qui se lève pour prendre la mer sur un canot...

À partir de là je fus happé par le récit dont le rythme ne se ralentit pas jusqu'à la dernière page, dernière page dont je sentais bien qu'elle aurait pu se prolonger bien encore par d'autres feuillets, s'il n'y avait pas brusquement ce texte suspendu au-dessus du vide et cette ultime page demeurée blanche à jamais...

C'est ainsi peut-être qu'Edgar Allan Poe fit croire à ses lecteurs à la découverte du témoignage véritable d'un certain Arthur Gordon Pym...

Sauvetage, chasse à la baleine, tempête, mutinerie, massacres, cannibalisme, naufrage, île mystérieuse, ensevelissement, voyage sans retour, disparition en mer... Tous les ingrédients du roman maritime d'aventures semblent réunis dans ce récit échevelé comme une comète traversant les océans.

Aventures d'Arthur Gordon Pym est un roman atypique, une oeuvre de jeunesse de ce vieil ami Edgar Allan Poe, mal construit, mal fagoté, battu par les vents, emplis de maladresses et d'incohérences et une fin qui n'en est pas une, - passe encore, mais figurez-vous que ce livre ne comporte aucun personnage féminin, excepté la mer s'il faut ici y voir une image symbolique de la mère !

De ce roman inachevé, riche et complexe, aux aspects fragmentés comme les écailles d'une tortue marine, j'en suis resté perplexe jusqu'au moment où j'ai eu l'impression de découvrir la clef de l'insoluble... Je ne vais pas tourner en rond autour du mystère, ni vous faire croire à des intuitions improbables, ce fut grâce à la lecture de la préface... hé oui, il ne faut jamais faire l'impasse sur les préfaces...

En effet, la structure du roman est composée en épisodes où l'emboîtement donne au livre une allure de roman à tiroirs. Chaque épisode, en apparence disjoint, déconnecté aux autres, est en réalité prémonitoire de celui qui va suivre, s'agrégeant ainsi progressivement les uns aux autres par ce fil invisible et secret, comme une série de hameçons posés sur un fil de pêche.

On dit que ce roman qu'Edgar Allan Poe reniera plus tard, inspira cependant bon nombre d'écrivains tels que Herman Melville, Howard Phillips Lovecraft, Arthur Rimbaud, Jules Verne, Jorge Luis Borges, Pierre Mac Orlan... et aussi le peintre René Magritte...

J'étais là au milieu de la plage, venant d'achever ma lecture, lorsque brusquement j'entendis venir du fond du paysage des cris stridents qui ne cessaient de répéter : « Tekeli-li ! Tekeli-li ! ». Sur la crête des dunes et descendant vers la plage couraient vers moi des hommes nus aux corps peinturlurés de terre rouge, leurs bras armés de sagaies...

Alors il s'est passé quelque chose d'incroyable qui valut mon salut, - j'ai peine à vous l'avouer car je suis sûr que vous aurez du mal à me croire -, de la bouteille vide demeurée au sol s'échappa alors une voix à peine audible comme venue d'outre-tombe et qui me cria : « Saute sur la dernière page, la page blanche ! ».

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Manuscrit trouvé dans une bouteille

Perdu en mer, le narrateur, un marin qui s'est embarqué à Java sur un transport marchand, relate avec urgence et désespoir comment une tempête funeste a eu raison de l'équipage en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, et comment lui-même fut inopinément recueilli sur un vaisseau qu'il est permis au lecteur de classer dans la famille des navires-fantômes.



Nouvelle aussi brève qu'intense, très bien écrite, "Manuscrit trouvé dans une bouteille" est un récit d'aventures qui sent l'air du grand large et les embruns dans la figure. Si nous en restions là, nous pourrions le juger peu digne d'intérêt mais ce serait compter sans le talent de l'auteur des "Histoires extraordinaires". Le mystère, savamment distillé pour tenir en haleine le lecteur, le suspens qui en découle, le sentiment de désolation et de mort qui teinte la narration de noirceur, et le dénouement brutal et fatal lui confèrent la tension paranormale et fantastique propre à en faire une nouvelle marquante.



Le seul bémol - comme c'est fréquent avec les nouvelles - est ce goût de trop peu qui fait soupirer le lecteur après de plus denses développements.





Challenge MULTI-DÉFIS 2016

Challenge 19ème siècle 2016

Challenge PETITS PLAISIRS 2016
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Aventures d'Arthur Gordon Pym

Un formidable roman d'aventures. On aime jusqu'à ses formidables et poétiques invraisemblances. On aime le côté délié et l'extrême classicisme de la langue. On frémit à la froideur de la scène de "la courte paille" (Souvenances n'auriez-vous d'un certain couplet de la chanson... "Il était un petit navire..." ?).



Bref, "Aventures d'Arthur Gordon Pym de Nantucket" ("The Narrative of Arthur Gordon Pym of Nantucket") est l'unique (vrai et court) roman achevé par Edgar Allan POE (1809-1849). N'en déplaise aux bougres d'ignares ectoplastiques ("Oui-çé-désuet-ze-me-suis-bôcou-ennuyée...moizôssi-tu-sé-çé-com-toi... allé-zou-ze-ressaute-su'-ma-PAL"... et gnin-gnin-gnin), il restera ce "fantastique" roman d'aventures terrifiantes publié en 1838 par un jeune homme de 29 années qui n'avait (probablement) "ja-ja-jamais navigué" (ohé-ohé !) ...



Arthur, fils de commerçant de l'île de Nantucket, est un jeune gars de 16 ans ne faisant rien que des bêtises. Se saoulant à mort avec un copain, juste pour affronter la mer dans une chaloupe. Auguste, un peu moins "cuit" qu'Arthur, parvient à les ramener au rivage. Un miracle. Voilà qu'Auguste parvient à se fait enrôler sur le baleinier "Grampus". Son pote Arthur (bien sûr en clando) se planque dans la cale avec son terre-neuve, Tigre. A partir de là, que des bêtises dont une révolte à bord avec explosions et meurtres. Tout ce qu'il faut pour que le navire soit à moitié détruit. Sabordage et voies d'eau. Quatre survivants dont un indien court-sur-pattes (une force de la Nature), Dirk Peters. Bon, mais il faut juste survivre : d'où anthropophagie un temps nécessaire... (scène atroce de froideur "logique"). Puis on retrouve des vivres maigrichonnes dans la cambuse inondée. Mais le bon Auguste se meurt de gangrène. Ses deux compagnons squelettiques se considèrent perdus. Heureusement, la goélette "Jane Guy" vient à leur secours. Mais pas de temps à perdre, on repart aux vivres : direction plein Sud ("Le Pôle"). Des archipels. Des pingouins et des albatros se partageant les rochers, avec ces "rookeries" (pouponnières à pingouins) absolument géométriques. Des éléphants et vaches de mer. Des tortues Galapagos. Un archipel de huit îles : on aborde à celle qu'on nommera Tsalal. Là, de "bons sauvages" (noirs aux dents noirs) qui se révèlent sympas et bons commerçants. On sympathise donc. On s'apprivoise mutuellement en échangeant denrées, "galapagos" vivantes, couteaux et verroteries. On monte ensemble des hangars face à la Baie pour transformer une espèce de limace des hauts-fonds nommée "biche-de-mer" (ou "bouche-de-mer") ; mais ces fourbes de "sauvages" ont un plan diabolique : endormir de fausse bienveillance la quarantaine d'hurluberlus venus du Nord, à la peau blanche et à la Frégate fascinante...



Trois se sortiront de là, en route vers les draperies d'Aurores australes d'une Mer libre de plus en plus chaude... vers le Pôle. Jusqu'à une cataracte blanche qui s'ouvre dans le ciel sombre et fait apparaître une gigantesque forme humaine voilée de blancheurs...



"J'ai gravé cela dans la montagne et ma vengeance est écrite dans la poussière du rocher."



Allusion aux cinq hiéroglyphes du chapitre XXIII (dont 4 sont à la fois caractères éthiopiens, arabes et égyptiens... et tracés du labyrinthe suivi dans la montagne) : complets mystères, jusqu'en cette dernière phrase énigmatique... Vraiment point trop commercial, tout cela... d'où cent-mille vibrants mercis à toi, ô Charles Baudelaire, not' bon traducteur de 1858 !



Vingt-six chapitres fascinants & succintement titrés (de "AVENTURIERS PRECOCES" à "CONJECTURES"), tous bourrés de suspense.



Jules VERNE partira opiniâtrement - par héros botaniste interposé - à la recherche des traces d'Arthur et Dirk Peters : courant après l'énigme de la forme blanche spectrale (féminine ?) et celle du Pôle magnétique Sud : si son capitaine Hatteras (dès 1866) chercha le Nord jusqu'à la folie, Verne ressuscitera le Sud par pure fascination poesque... dans "Le Sphinx des Glaces", en 1897.



Poe a décidément une imagination de dingue. Maître de la Peur brute tel l'Herbert-George WELLS de "L'île du docteur Moreau" [1896] à la noirceur sans égale... Il est aussi vrai que les perruches et perroquets-des-îles n'aimant pas "cela" n'ont qu'à retourner picorer leurs Foenkinos-Nothomb-Gavalda-Legardinier industriels (suffisamment dessiqués avant d'être recongelés et accessibles chez Picard) ... et ne point déranger le Bostonien en son Paradis/Domaine de l'Imagination Reine !



" Un peu de respect pour la VRAIE littérature, m... ! " leur cria le bosco depuis l'entrepont... tandis qu'Auguste Barnard, brave moussaillon ressuscité des morts, marmonnait douloureusement (ces damnés fourmillements à son bras toujours noirâtre... ) : " Non, décidément, mon cher Edgar-Arthur-Allan-Gordon-Poe-Pym, en ta quarantième année tu n'auras point laissé ce triste monde derrière toi pour rien... Tas de feignasses et foutues bandes de sauvages ! "
Lien : http://www.dourvach.canalblo..
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Le scarabée d'or

On ne peut pas dire que je connaisse bien Edgar Allan Poe. J’avais tenté et abandonné ses Nouvelles Histoires Extraordinaires (je pense que le moment ne collait pas à l’ambiance : je bronzais à la plage) mais des années plus tard j’avais bien apprécié le Double Assassinat de la rue Morgue et La Lettre Volée. Bref Poe pour moi peut être trop sombre (j’ai du mal avec ces ambiances fantastiques) et aussi un excellent précurseur des récits où le raisonnement prime.



Le Scarabée d’Or est assez surprenant. L’intrigue semble nous embringuer dans une atmosphère où la folie est souveraine, où une fragrance de fantastique titille nos narines. Décrit par les yeux du narrateur, William Legrand n’a pas l’air net dans sa tête. Ses réactions à la découverte de ce fameux scarabée et au fait que – comme le lui fait remarquer le narrateur – on dirait qu’une tête de mort est tatouée sur sa carapace ne sont rien moins qu’excessives. Le narrateur est l’ami de Legrand. Il s’inquiète pour lui. C’est pour tenter de le protéger de lui-même qu’il le suit dans son délire.



On est d’autant plus surpris quand, une fois cette atmosphère d’étrangeté bien installée, un ventilateur soufflant la raison vient l’éparpiller. Je ne peux pas trop en dire sans gâcher le plaisir du lecteur qui découvrira cette nouvelle, mais la longue démonstration finale a certainement pu servir de livre de chevet au jeune Hercule Poirot qui cherchait ce qu’il allait faire plus tard.

Une démonstration dont j’ai beaucoup apprécié la précision, bien qu’elle puisse être ressentie comme trop longue par certains. Je me suis tout de même dit que Legrand avait eu beaucoup de bol. (Attention SPOIL) Mais Legrand le dit lui-même : toute cette affaire est quand même le résultat d’une chance extraordinaire.



Jupiter le serviteur noir de Legrand est un autre personnage utile à l’histoire. C’est la dimension un peu comique du récit. Comique d’époque. Vu de notre fenêtre, on ressent l’éloignement du temps de l’écriture du récit : en 1843 on est avant la guerre de Sécession et je suppose que bastonner son nègre n’a rien d’outrancier. Pourtant la relation maître-serviteur a l’air plus fusionnelle que cela, car Jupiter menace aussi Legrand du bâton pour lui remettre les idées à l’endroit sans que Legrand s’en offusque particulièrement.



L’édition Libretti du Scarabée d’Or s’adresse plutôt à un public jeune, peut-être à des élèves vu les nombreuses notes qui définissent des mots et expressions finalement assez standards comme « affranchi » ou « aliénation mentale ».

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Double assassinat dans la rue Morgue - Le m..

Bon, je n'ai pas de chance, s'agissant des personnages féminins dans ma découverte de l'univers littéraire d'Edgar Allan Poe. Souvenez-vous de mon billet, Aventures d'Arthur Gordon Pym, où je déplorais avec désarroi l'absence totale de femmes dans le récit.

Pour une fois que les deux nouvelles dont je vais vous parler en comportent, elles se font tout de suite assassinées dès le début de l'histoire et, qui plus, dans des circonstances sordides. Vous me direz, la manière aurait été plus douce, que le résultat n'en aurait pas été idifférent et mon chagrin tout aussi présent. Edgar Allan Poe ne m'a même pas donné le loisir d'apprendre à les connaître.

Double assassinat dans la rue Morgue est une nouvelle d'Edgar Allan Poe parue en 1841. C'est la première apparition d'un certain Auguste Dupin, détective français imaginé par l'écrivain américain qui devient ainsi l'inventeur du roman policier.

La nouvelle débute par une longue et savante réflexion sur l'importance qu'on donne à l'analyse dans l'esprit humain, propos développé avec brio par Auguste Dupin à son narrateur pour prendre le contre-pied des techniques policières jusqu'alors pratiquées et reposant essentiellement sur l'ingéniosité. Ici nous assistons à une brillante leçon qui cherche à démontrer la supériorité de l'intelligence méthodique sur le règne de l'apparence, Auguste Dupin n'hésitant pas à fustiger un des personnages fétiches qui a bercé mes souvenirs d'enfance devant le petit écran lorsqu'il n'y avait encore qu'une seule chaîne en noir et blanc, - non je ne vous parle pas de Thierry la Fronde, mais bien de Vidocq, Eugène-François Vidocq, ancien forçat évadé, devenu chef de la Sûreté Parisienne, puis qui fonda la première agence de détectives privés.

De la théorie à la pratique, il n'y a qu'un pas... Bientôt un drame va permettre à Auguste Dupin de faire la démonstration au narrateur des propositions qu'il vient de lui avancer.

Nous sommes à Paris. Auguste Dupin et le narrateur apprennent qu'un double meurtre a été commis au quatrième étage de la rue Morgue, oui vous savez cette petite rue dans le quartier Saint-Roch : celui de Mme l'Espanaye et de sa fille Camille, occupant toutes deux le même appartement de l'étage. C'est une scène morbide qui s'offre alors sous nos yeux. On vient de retrouver le corps de la jeune fille encastré, pour ne pas dire enfourné, la tête en bas, dans le conduit de la cheminée de l'appartement, tandis que la mère gît quatre étages plus bas dans la cour pavée, au pied de l'immeuble, la gorge tranchée, la tête détachée du tronc. Un désordre saugrenu règne dans l'appartement, tandis que les témoins, n'ayant cependant rien vu de la scène ni de celui qui a commis cette tragédie, s'accordent à dire qu'ils auraient entendu une voix s'exprimant dans une langue étrangère. Mais surtout rien n'a été volé, ce que la police n'arrive pas à comprendre.

Auguste Dupin finira par éclaircir le mystère et aider celle-ci à mettre la main sur le coupable.

Mais le dénouement est-il l'aspect majeur de cette nouvelle ? Dans ce bijou littéraire, n'est-ce pas plutôt l'intention d'Edgar Allan Poe qui prévaut dans sa vision du monde, la manière de regarder ce monde, cette vision esthétique qui parfois nous obsède et nous emporte à notre détriment ?

Cette nouvelle et son incroyable dénouement ne portent-t-il pas cette idée que les choses ne sont jamais ce qu'elles paraissent, que notre oeil et nos émotions peuvent parfois se laisser impressionner, duper, en oublier la réalité de ce qui a pu être ou de ce qui est.

Derrière l'illusion apparente et chaotique du monde, n'existe-t-il pas un ordre immuable, qui échapperait à l'intelligence, en raison de nos passions ?

La seconde nouvelle dont je vais vous parler est tout aussi intéressante, mais m'a bien moins passionné dans ma lecture. Aussi ai-je été glaner quelque autre déambulation dans l'écho macabre de cette triste histoire.

Nous sommes de nouveau à Paris, dans ce Paris du XIXème siècle. Marie Roget et sa mère habitent rue Pavée Saint-André, la mère y tient une pension de famille. Quand elle atteint l'âge de vingt-deux ans, Marie, jeune femme d'une grande beauté, attire l'attention d'un parfumeur, qui l'embauche pour travailler dans sa boutique. Un an plus tard, Marie disparaît, mais réapparaît au bout d'une semaine, l'air triste et fatigué. Agacée de la curiosité consécutive à sa disparition, elle quitte la boutique du parfumeur. Cinq mois plus tard, elle disparaît de nouveau. Quatre jours après on retrouve son corps dans la Seine. La police parisienne est perdue en conjectures et n'avance pas.

Et qui croyez-vous va mener l'enquête et démêler l'écheveau de ce mystère insondable ? Notre ami Auguste Dupin, comme de bien entendu, toujours suivi de notre narrateur insatiable de curiosité et dégustant avec plaisir le bénéfice d'une nouvelle leçon du brillant détective.

Comme dans la première nouvelle, Auguste Dupin va prendre plaisir à défaire les jugements à l'emporte-pièce, combattre les généralités, les opinions, l'apparences des faits, mettant en pièce les observations des journaux de l'époque, qui ont vite fait de trouver un coupable idéal sans réflexion ni véritable fondement. Non, je vous assure, tout ceci se passe bien dans un autre temps qu'aujourd'hui...

Pendant qu'Auguste Dupin disserte sur le comportement du corps des noyés une fois plongés dans l'eau, le nombre de jours au bout desquels ils remontent à la surface, qui varie en fonction de leur poids, de leur masse, mais aussi la nature élastique d'une jarretière à agrafe..., je me suis plu à imaginer que Marie Roget était devenue durant quelques temps cette célèbre inconnue, cette jeune femme belle et non identifiée, dont on prétend que le corps aurait été repêché dans la Seine et dont le masque mortuaire de son visage présumé devint un véritable mythe qui envoûtera l'imaginaire des artistes parisiens de la fin du XIXème siècle. Je me souviens que Louis Aragon évoquait le souvenir de cette inconnue de la Seine et lui rendait un bel hommage dans son magnifique roman, Aurélien.

Pendant que je déambulais sur les berges de l'Île Saint-Louis et que je rêvais à la belle inconnue de la Seine, Auguste Dupin s'ingéniait à déconstruire méthodiquement les apparences, au risque d'agacer la police officielle, jetant les bases des suites de l'enquête et des étapes à suivre pour prouver que le coupable est bien...

Alors je me suis demandé, mais pourquoi diable Auguste Dupin est moins célèbre que Sherlock Holmes alors que ce dernier lui doit presque tout ?
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Histoires extraordinaires

Livre lu dans le cadre de la pioche d’Avril. Puisqu’il s’agit d’un recueil de nouvelles, je voulais pouvoir l’intercaler avec d’autres lectures et j’ai ainsi pris du retard dans certaines de mes pioches. Je connais l’auteur de nom mais je ne l’ai jamais lu. J’avais trouvé celui-ci dans une brocante, ça a été l’occasion… pour qu’il soit enterré dans ma pal ensuite.



J’ai fait l’impasse sur la préface car je ne suis pas fan de ces parties-là, c’est très rare quand je les lis. J’ai donc commencé directement à la première nouvelle. Je connais de nom cette nouvelle que je n’avais pas spécialement apprécié sous son autre forme (« Quadruple assassinats dans la rue de la Morgue »). Mais au vu du début, ce n’est pas mieux avec celle-ci. Je n’y comprends rien, des phrases à rallonge qui ne me parlent même pas. J’ai donc lu les 3 premières pages en diagonale en sautant allègrement de longs passages pour arriver enfin au début réel de cette première nouvelle. J’ai essayé de lire celle-ci mais le style de cet auteur est complètement imbuvable pour moi. Même en lisant vite, j’en avais mal au crâne, comme si les phrases à rallonge pour ne rien dire m’attaquaient. C’était vraiment curieux car c’était la première fois que je ressentais ça. Le résumé était pourtant intrigant et donnait envie de découvrir cet auteur. J’ai même essayé de lire des passages des autres nouvelles, au cas où, mais rien n’y a fait. Le contexte de chacune est trop vague, on ne sait même pas qui nous parle dans chacune des nouvelles et il disserte à n’en plus finir sur des sujets abscons. La première nouvelle commence sur 3 pages à nous parler de sciences analytiques et de jeux d’échec. Dès les premières lignes, je me suis demandée sur quoi j’étais encore tombée…



Comme vous l’aurez compris, ce recueil n’a pas été un franc succès pour le style d’Edgar Allan Poe, c’est donc une grosse déception ainsi qu’un abandon et je passerai dorénavant mon chemin devant celui-ci. Ça me fait toujours un livre de moins à lire et un auteur de moins à découvrir. Je vous conseille néanmoins de le découvrir pour vous en faire votre propre avis. Pour ma part, je continue à trier ma pal grâce aux pioches et je remercie Flaubauski pour celle-ci.



Sur ce, bonnes lectures à vous :-)
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Nouvelles histoires extraordinaires

Lorsque j'étais adolescente, j'avais lu le Scarabée d'Or d'Edgar Allan Poe mais j'avoue que je n'avais pas été touchée par la nouvelle et je n'en garde même aujourd'hui aucun souvenir.



En poursuivant ma découverte de la littérature gothique, j'ai fait une belle rencontre au travers des Nouvelles histoires extraordinaires d'Edgar Allan Poe. J'ai été subjuguée par l'écriture poétique de l'auteur ainsi que par la magnifique traduction de Charles Baudelaire qui retranscrit toute la force et la beauté du texte original. Lire ce recueil a été pour moi un enchantement qui m'a permis d'égayer la monotonie de mes trajets quotidiens, dans le tramway : un vrai régal!



Néanmoins, toutes les nouvelles ne m'ont pas touché de manière égale : parmi toutes, je garderai surtout en mémoire Le chat noir, William Wilson, la Chûte de la Maison Usher, Le puits et le pendule, Hop Frog et le Portrait ovale. Certaines sont macabres, voire dérangeantes mais Edgar Allan Poe a une manière sans précédent de faire rentrer le lecteur dans son récit et de le faire intéragir avec le narrateur. Dans le Chat noir, je l'ai détesté littéralement et je n'avais de cesse qu'il soit puni pour ses odieux crimes. Dans le puits et le pendule, je tremblais pour le personnage principal, au point d'avoir de l'empathie pour lui et je voulais avec force qu'il se sorte de ses épreuves imposées par l'Inquisition. Dans la Chûte de la maison Usher ou dans Bérénice, les scènes finales ont fait émerger en moi un sentiment d'effroi et d'horreur.



Bref, je ne peux que recommander la lecture de ce recueil en espérant que d'autres lecteurs prennent autant de plaisir que moi à lire ces nouvelles. D'ici peu, je pense re-découvrir le Scarabée d'or et lire un autre recueil de cet extraordinaire auteur.
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La chute de la maison Usher et autres nouve..

Aaaaaaaaaaahhhh !!! Depuis le temps que j'attendais une nouvelle traduction des nouvelles d'Edgar Poe, qui nous libérerait de l'insupportable chape baudelairienne !!! Voilà qui est enfin mis en route, grâce aux éditions Gallmeister. Non pas que les traductions de Baudelaire furent complètement fantaisistes, ni de complètes trahisons, mais on sait qu'il a eu tendance à emmener Poe du côté qu'il lui seyait, bref, de donner une tonalité à Poe qui se mariait parfaitement à sa propre vision de l'auteur et à sa propre littérature... baudelairienne, forcément. Et pas seulement par le biais des traductions, mais aussi par le choix des textes présentés au public français. Car Baudelaire, premièrement, n'a pas traduit toutes les nouvelles de Poe, mais, deuxièmement, les a réunies en des recueils que les Français croient souvent relever du choix d'Edgar Poe... ce qui n'est absolument pas le cas. Depuis longtemps, je me disais que le Poe vu côté français n'avait pas grand-chose à voir avec le Poe des Américains, et j'étais prête à me lancer dans l'intégrale en version originale pour en finir avec Baudelaire... sauf que mon américain est encore pire que mon anglais - mon anglais se limitant à Agatha Christie et Harry Potter, sauf en cas de varicelle, où je deviens, ou ait l'illusion de devenir, sous l'effet de la fièvre, une pro de la langue shakespearienne le temps de la maladie. Mais d'une part, je n'attrape pas souvent la varicelle, et d'autre part, voilà qui vous informe assez bien de mon niveau en américain.



Donc merci à Gallmeister, qui publie une intégrale des nouvelles de Poe (il ne me semble pas que les poème soient inclus, mais je peux me tromper) depuis 2018 et jusqu'en 2020, en trois tomes. Ce qui posera certainement question, en revanche, aux habitués de Gallmeister, c'est le pourquoi de la chose. On les connaît pour leurs textes de nature writing, qui constituent la raison même de la fondation de la maison ; pour leurs polars ; plus récemment, pour leurs textes intimistes. Les uns n'excluant pas les autres. Mais le catalogue est très majoritairement constitué de titres d'auteurs contemporains, Fenimore Cooper et Thoreau faisant en gros exception à la règle, pour le motif simple qu'ils sont à la source du nature writing. Que fait donc Poe au milieu de tout ça ? Eh bien Poe joue le même rôle que Fenimore Cooper et Thoreau côté polar. Gallmeister voulait retrouver les sources du polar américain, et Poe était donc tout indiqué pour jouer ce rôle. Cependant, Gallmeister aurait pu se contenter de publier uniquement les textes policiers, et, heureusement pour nous, ce n'a pas été le cas : toutes les nouvelles, "baudelairiennes" ou pas, relevant du polar, ou pas, ont été retraduites à quatre mains par Pierre Bondil et Johanne le Ray. Ce qui fait tout de même de ce premier tome une curiosité dans la catalogue de Gallmeister, car le polar n'y est pas vraiment présent. L'atmosphère noire propre à Poe, qui a tant marquée Lovecraft, imprègne en revanche une partie du recueil. Mais pas que.



Dans ce premier tome, malheureusement pas très bien nommé car portant à confusion avec d'autres titres, ce qui est le plus frappant, c'est l'aspect protéiforme de la littérature d'Edgar Poe. Vingts-sept nouvelles ici, présentées dans un ordre chronologique et qui, selon des catégories établies par les traducteurs et qui se tiennent très bien, relèvent de la satire, de l'horreur, de l'allégorie, de l'aventure, de la fable, de la farce, de la parabole, de la science-fiction... et même du précis de décoration. Évidemment, tous les textes ne se valent pas et, pour un lecteur non contemporain de Poe, et non américain de surcroît, ce qui relève de la satire n'a que peu d'intérêt, parce que très difficile à remettre en contexte. Et quand bien même, je n'ai pas l'impression que ça soit si drôle que ça (mais je reste prudente, tellement l'écriture est liée au contexte). de plus, soyons francs, ça représente une partie non négligeable des nouvelles présentées ici. L'intérêt, en revanche, c'est la découverte d'une facette de Poe ignorée (du moins par mes soins) jusqu'à présent.



Mais c'est loin d'être la seule facette de Poe à laquelle nous avons droit. Bien sûr, on trouvera ici des nouvelles célèbres comme (vous l'avez sans doute deviné), La chute de la maison Usher, mais aussi Manuscrit trouvé dans une bouteille, Bérénice, Ligeia, Morella. Pour ma part, j'ai été happée par des textes que, soit je n'avais jamais lus, soit dont je ne me souvenais absolument pas (il est vrai que ça faisait bien longtemps que je n'avais pas relu Poe) : des textes présentés comme allégoriques, en tout cas énigmatiques à souhait, à l'atmosphère délétère, morbide, poétique. Il s'agit du Roi Peste, de Silence, d'Ombre, qui, il faut tout de même lui reconnaître ça, avaient bel et bien été traduits par Baudelaire.



Nous voici donc avec un nouvel Edgar Poe, qui peut décevoir par moments (oui, les textes satiriques ne sont pas les plus passionnants, ne nous voilons pas la face), mais qui sera montré dans sa totalité. J'ajoute que les traducteurs ne se sont pas fourvoyés dans une actualisation du style des nouvelles qui les rendrait très vite obsolètes, mais ont respecté l'écriture de l'époque. À découvrir, si ce n'est pas déjà fait, et bien entendu, à suivre !
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Le Coeur révélateur

Revoir ses classiques, quel bonheur ça peut être !



Avec cette très courte nouvelle où Poe joue aussi bien sur les sonorités que sur les jeux de regards pour faire monter le sentiment de malaise chez son lecteur à mesure qu'il lit la confession de son personnage.

Une nouvelle très rythmée, obsédante et cyniquement drôle.

On y voit bien les influences de Shakespeare et de son Macbeth. Du grand art ! En peu de mots, mais diablement bien choisis, tout est dit.



Mais alors qui est vraiment fou ? ou vraiment méchant ???



Pour savoir, rien ne remplacera l'expérience de cette lecture... reste à savoir si on a le courage de s'y risquer !
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L'ange du bizarre

Une histoire bizarre comme l'ange de bizarre! Ayant lu un article bizarre sur une mort bizarre d'un homme qui aurait par maladresse avalé une aiguille, notre narrateur voit apparaître devant un être bizarre qui n'est que l'ange du bizarre et depuis ce jour là sa vie va basculer de bizarre en bizarre jusqu'à vouloir choisir la mort comme solution, dans le processus de son suicide, c'est quand même, encore l'ange du bizarre qui va apparaître à nouveau....



Le seul couac pour ma part a été le langage indéchiffrable de l'ange du bizarre!
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