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EAN : 9782729122393
141 pages
Editions de La Différence (31/01/2016)
3.55/5   21 notes
Résumé :
C'est un portrait double que dresse en cinq carnets brefs celui qui dit « je » dans cet étrange et envoûtant roman. Le fils parle de son père : « Qu'a-t-il fait à la guerre, Papa ? – Il s'est engagé à dix-sept ans. Il ne faut pas parler de ça. » Et à travers le père, le fils parle aussi de lui : « Tous les moi que je suis, enchâssés l'un dans l'autre depuis le tout premier. »

Au fil de phrases courtes saisies entre des silences, s'écrit l'histoire d'u... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
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On croit avoir lu l'essentiel sur le sujet, on croit avoir déjà exploré à peu près tous les points de vue, tous les angles... Et puis, on se prend un grand coup dans l'estomac. On tombe sur quelques phrases qui mériteraient d'être gravées dans la pierre. Ce Journal d'un autre, je l'ai commencé un peu à reculons, je l'ai fini plutôt sonnée.

Les dégâts provoqués par la seconde guerre mondiale se prolongent bien au-delà de la période du conflit et surtout bien au-delà de ceux qui étaient impliqués à l'époque. Certains enfants doivent vivre tout au long de leur existence avec des questions plein la tête. Des questions confiées à des carnets, histoire de tenter d'y voir un peu plus clair. le Carré des Allemands raconte, à travers cinq carnets, le désarroi de celui dont le père, vivant alors en Belgique a fait la guerre du mauvais côté. Engagé volontaire aux côtés des Allemands. Complice volontaire des exactions que l'on connaît. Un père qui a ensuite passé sa vie à fuir l'opprobre sans jamais rien révéler des pensées ou des motivations qui l'habitaient alors. Laissant son fils avec ses questions.

"Toute ma vie est passée. Et elle était entre les parenthèses de ça. Derrière la vitre de ça. de ces récits inavouables. de cette histoire irracontable, même par moi qui n'y étais pas. L'histoire d'un de ces paumés, revenus étrangers, cabossés comme tous les autres, comme ce chat, c'est l'histoire tout court. Peut-être pas tout à fait vraie, mais pas fausse non plus. C'est tuer des gens. Broyer des vies. le crime était collectif, mais chacun l'a commis seul. Chacun s'est retrouvé seul avant, pendant, après. Tout seul avec ce qui s'est passé, tout seul devant l'horreur. On est aussi seul quand on la commet que quand on la subit. Histoire d'un criminel de guerre."

Jusqu'où doit-on assumer l'héritage ? Comment gérer la transmission génétique ? Comment vivre avec ça, tout simplement ? En un peu plus d'une centaine de pages d'une sobriété poignante, l'auteur nous plonge dans les interrogations de ce fils qui tressaille quand on lui parle de ressemblance. Qui tente de comprendre, remonte la piste qui mène à la tombe de ce père toujours fuyant au point de mourir loin de sa famille. Et peine à trouver la bonne distance entre lien filial et volonté de se dissocier de cette figure monstrueuse.

"En quoi suis-je différent ? N'aurais-je pas fait pareil ? Ouvert, moi aussi, la porte sur le noir ? Aurai-je commis le pire ? Pas sûr que non."

Un premier roman percutant, dérangeant et très convaincant. Un texte fort qui interroge sur la faiblesse des hommes pris dans le tourbillon de l'Histoire et la difficulté de vivre avec ses conséquences. Bouleversant.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Dans ce court roman, on sent le poids du secret (mal gardé) qui a pesé et pèse sur le narrateur : le père s'est engagé dans la Légion Charlemagne (des soldats français qui ont collaboré avec les nazis dans la campagne contre l'URSS). Après la guerre, ce père a sans cesse fui sa famille, ses enfants, incapable sans doute de se fixer et d'assumer cet engagement.

Evidemment ce genre de secret ronge les descendants : le narrateur se demande dans quelle mesure il porte les mêmes dispositions à la violence que son père, il peine lui aussi à s'attacher, à se faire des amis et finit par habiter dans un entresol typique des maisons bourgeoises, un entresol où il peut en réalité se cacher de l'extérieur. Il a pour seule compagnie un chat errant et une femme, la seule qu'il puisse considérer comme son amie et à qui il n'a jamais révélé complètement son histoire familiale.

Le roman, composé de cinq carnets, joue sur l'ellipse et la métaphore. Tout comme le fils a dû deviner le secret du père, le lecteur comprend aussi entre les lignes, la réalité de l'engagement dans la Légion Charlemagne et des exactions commises par celle-ci à la suite des nazis n'est dévoilée que dans le quatrième carnet. C'est un poids tellement lourd à porter que les émotions sont tenues à distance, ce qui fait que sans doute, malgré le désir que j'avais de lire ce livre et malgré l'originalité du style, il sera peut-être vite oublié, malheureusement.
Lien : https://desmotsetdesnotes.wo..
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Décidément, notre aventure des 68 premières fois ne nous aura rien épargné des failles de l'être humain. Après "Notre Château", "Branques" et même, pour ce qui me concerne, "Une famille normale", le premier roman de Jacques Richard se hisse au premier rang de l'horreur.
Désespérant, accablant, écrasant, je ne sais trop quel adjectif correspond le mieux à ce roman présenté sous forme de cinq carnets dans lesquels un fils parle de son père, que d'aucun pourrait sans doute qualifier de "héros" ordinaire – héros ou bourreau ? – tout en se racontant lui-même. Impossible de dire que je l'ai détesté, ce serait totalement faux. Pourtant, sa lecture m'a souvent laissée le coeur au bord des lèvres. Souvent, je me suis surprise à fermer les yeux, comme devant une scène de film particulièrement dérangeante.
La lecture de ce récit me fut douloureuse et c'est la raison pour laquelle, je me vois dans l'obligation de dissocier le fond et la forme. Pour ce qui est du fond, je crois avoir tout dit : l'histoire est violente, terriblement violente.
Mais cette violence est servie par une écriture magistrale. Plus qu'un roman, ce livre m'est apparu à de nombreuses reprises comme un poème en prose tant j'ai eu l'impression d'être entraînée par la mélodie du texte. "Dis, comment sont-ils morts, les enfants qui mouraient lorsque vous arriviez ? Et comment pleuraient-elles, les femmes que vous laissiez couchées près de leur corps, vivant leur mort dessus ? Appelle-t-on ça pleurer ? Appelle-t-on ça souffrir ?" C'est toute l'horreur de la barbarie traduite par une langue belle à se damner. Les mots claquent, les idées dansent et chante le texte.
Aimer, ne pas aimer est-ce possible à dire ? Je ne le sais pas mais en tous les cas ce roman est de ceux que l'on ne peut oublier. Il bouscule au-delà du normal. Extra-ordinaire, voilà ce qu'il est, oui, c'est bien ça : au-delà de l'ordinaire.
Pour un essai, c'est un coup de maître !
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Déprimés, passez votre chemin, ce roman est fait pour qui va bien et ne redoute pas d'explorer les tréfonds des âmes des coupables d'atrocités. Lecture exigeante donc. D'abord par le thème : le père s'est engagé à dix-sept ans dans les Waffen SS pour échapper à une vie de misère et de violence, plus que par attachement aux idées nazies. Cet engagement était pour lui l'occasion de se sortir de son état ; sans doute y aurait-il eu une autre opportunité dans d'autres armées puissantes l'aurait-il choisie ? C'est l'aventure et le corps militaire en temps de pré-guerre qui l'attiraient : la violence, la mort, l'adrénaline, ... Mais ce fut la Waffen SS, puis ensuite d'autres choix tout aussi discutables, toujours les conflits, toujours la violence pour échapper à sa vie : "Il fuyait. Je crois qu'il n'arrivait pas à faire autrement. Je vous ai dit, il y en a qui ne savent pas comment faire autrement. Ils ne trouvent pas leur place. Et nous, encore une fois, nous ne sommes pas à la leur. Pour eux, revenir n'a pas de sens. Pour quoi faire et pour qui ? Et quel visage montrer à ceux qui sont restés et qui ont attendu ? La honte est leur histoire. Ils s'en vont de partout. Il n'y a pas d'endroit dont ils ne doivent partir." (p.59)

Le fils a du mal à se construire avec une telle image du père, il le cherche dans des photos, dans les souvenirs de parents éloignés ; il s'isole, ne parvient pas à s'intégrer à des groupes, à lier des relations durables trop occuper à tenter de répondre aux questions que lui pose le passé de son père : "Nous sommes dans un jeu de miroirs, de fragments où personne ne se voit tout entier. Mais à tenir les autres à distance, c'est moi-même que j'enferme. Les autres sont mes barreaux." (p.15) Comment doit-il l'intégrer dans sa vie ? Comment en parler ou ne pas en parler ? Comment vivre tout simplement en sachant qu'on est le fils d'un salaud, d'un type qui a tué et violé, certes en temps de guerre, mais tout de même ces crimes sont terribles ?

Et le père d'intervenir comme s'il relatait dans un courrier les atrocités commises par son unité, son dégoût, voire ses actions pour empêcher des exactions, preuve qu'il n'était pas un vrai salaud ou qu'il n'était pas que cela.

C'est un récit lourd, plombant, dur et profond. Jacques Richard parvient à une profondeur rarement atteinte en littérature contemporaine. Son style sec fait de phrases courtes, directes n'y est sûrement pas pour rien. de l'écriture "à l'os" disais je ne sais plus qui, c'est un qualificatif que l'on peut reprendre pour ce roman : il va au plus profond des âmes, des esprits, des questionnements sans se soucier du dérangement et du malaise des personnages voire des lecteurs.

Un roman fort et puissant, intense, pour lequel il faut se ménager du temps et de la distraction entre deux carnets. On peut parfois s'y perdre si on le lit d'une traite, même si c'est tentant puisqu'il ne fait que 142 pages. Enfin, 142 pages qui vous remueront plus que n'importe quel best-seller -on me pardonnera j'espère cet anglicisme- de telle ou telle rentrée littéraire.
Lien : http://lyvres.fr
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Lu dans le cadre des 68premières fois Un livre étrange et déroutant et qui quand on a lu la dernière page, ce texte continue à hanter notre esprit. D'une belle écriture, simple, des chapitres courts. Pas de narration traditionnelle : une sorte de récit mais on ne sait pas qui nous parle. Plusieurs carnets, plusieurs époques, plusieurs personnages narrateurs ? Des pages qui nous parlent de violence, de recherche d'histoire familiale : qui est ce père qui a « abandonné » sa famille pour la guerre, mais était il dans le bon camp ? Qu'est ce que le bon camp d'ailleurs, une histoire de point de vue. Les textes nous parlent aussi de violence, et de maîtrise de cette violence de façon personnelle : des pages terribles sur des épisodes de meurtres institutionnalisés (deuxième guerre mondiale mais cela pourrait se passer sur n'importe quel champs de guerre, guerre internationale ou guerre civile). Cette violence humaine peut être induite par des guerres mais ce texte nous parle aussi d'une violence plus quotidienne : un enfant qui tue les oiseaux du jardin, un chat qui offre lui aussi un oiseau à son propriétaire.. Ce texte est donc très déroutant et je ne sais pas quel sentiment exprimé après cette lecture. Quelques indices, dont le titre, nous permettent de savoir qu'un homme essaie de connaître la vie de son père, qui s'était engagé dans l'armée allemande.. Lui semble vivre dans une cave, isolé, et qui n'a semble-t'il que la visite d'un chat de gouttière, bagarreur et violent. Il sort la nuit et déambule dans les rues de la ville. Un texte, qui pourrait être lu à haute voix, entraîne les lecteurs vers des questionnements individuels et collectifs face à la violence et à la banalité du mal. « Chacun s'est trouvé tout seul avant, pendant, après. Tout seul avec ce qui s'est passé, tout seul devant l'horreur. On est aussi seul quand on la commet que quand on la subit. » « le rêve est une réalité dont nous croyons que nous pouvons sortir. » Merci beaucoup de m'avoir permis de lire ce premier roman-récit dans le cadre du challenge des 68premièresfois et hâte de lire d'autres ressentis face à cette lecture.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Je vis désormais en reclus. Dans ce qui me sert de chambre, la plupart du temps. J’ai installé mon lit et ma bibliothèque dans la cuisine-cave. C’est une spécialité architecturale d’ici dans laquelle je me retrouve très bien. Ni cuisine, ni cave, elle est à l’image de cette ville, de ce petit pays ni chaud ni froid, ni bon ni mauvais, en tout cas pas plus que les autres. Vivre sous ses nuages est mon héritage maternel. Pays paisible, pays pour rire, disent ceux d’ailleurs, mais c’est sans doute qu’ils sont jaloux. Pays où la bien-pensance fait d’une certaine qualité de silence, d’un certain genre de mutisme, un devoir. Pays où les peintres font les ombres avec du brun et du noir tant qu’ils n’ont pas vu la Méditerranée. Neutre, oui. Qu’importe ici ou là, nous sommes « enfermés sur la terre » quel que soit le pays. Pas tout à fait vrai, pas tout à fait souterrain, mon sous-sol est à son image. (p. 85)
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Toute ma vie est passée. Et elle était entre les parenthèses de ça. Derrière la vitre de ça. De ces récits inavouables. De cette histoire irracontable, même par moi qui n'y étais pas. L'histoire d'un de ces paumés, revenus étrangers, cabossés comme tous les autres, comme ce chat, c'est l'histoire tout court. Peut-être pas tout à fait vraie, mais pas fausse non plus. C'est tuer des gens. Broyer des vies. Le crime était collectif, mais chacun l'a commis seul. Chacun s'est retrouvé seul avant, pendant, après. Tout seul avec ce qui s'est passé, tout seul devant l'horreur. On est aussi seul quand on la commet que quand on la subit.
Histoire d'un criminel de guerre.
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Tous les moi que je suis, enchâssés l'un dans l'autre depuis le tout premier. Toutes mes innocences dès le premier mensonge. Chacune enchevêtrée à chacune des autres. Tous les mensonges enchevêtrés d'innocence. Toutes les innocences érodées de mensonges, usées, flétries, et toujours aussi nues, fragiles, vraies, les mains croisées sur la poitrine frêle. Tous les moi ingénus, transparents, obscurs, anciens, impurs, intacts. Ils sont tous là. Tout le temps, tous les jours. Chacun parle, chantonne, ment, crie, joue, triche à son tour et simultanément. L'adulte qui est en moi en sait plus sur l'innocence que l'enfant qu'il sera jusqu'à la fin. Et l'enfant sait tout du mensonge, et d'abord de celui qu'il se fait, depuis le début, à lui-même, de celui qu'il est. L'enfant sait tout du mal.
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Couvrez-moi des regrets de ceux qui n'ont rien fait. Recouvrez-moi de noir. Redonnez-moi la nuit. Il n'y a pas de soleil pour les gens comme moi. Que personne ne me sache ni ne voie qui je suis.
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La faute du père, tu sais, tu sais, ça écrase le fils. Le fils reprend la faute et la fuite du père. C’est un fardeau commun, pas tout à fait secret, un fardeau de famille. Un fardeau comme un autre. Tu devais te cacher, nous devons nous cacher. Personne ne doit te voir. Personne ne nous verra. Nous voir, c’est voir la faute. Un père est quelquefois un Cain sans Abel. (p. 63)
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