VLEEL 297 Rencontre littéraire avec Adeline Fleury, Le ciel en sa fureur, Éditions de l'Observatoire
Elle assiste au spectacle de la magie des liens qui se renforcent entre son géniteur et sa progéniture. l'histoire s'écrit, sans artifice verbal, sans figure de style. Sans se parler, le vieil homme et l'enfant se comprennent. sans se parler, ils s'aiment. (p. 82)
Même si elle peut en lire à satiété sur sa Linum, le plaisir n'est pas le même. Il ne sera jamais plus le même ! Il n'y aura plus jamais cette sensualité au tourner des pages, cette légère odeur d'encre séchée, cette rugosité du papier vieilli qui faisaient que les personnages s'animaient à la lecture, que l'auteur lui parlait, l'enrobait de ses mots. Non, la magie des mots n'opère plus du tout par écran interposé. (p. 63)
Mère écrivain ! Père écrivain ! grand-père écrivain ! Trinité maudite.
"Qu'as-tu fait pour mériter pareille ascendance ? Les mots tu devras éviter. L'imaginaire tu fuiras. A leur sournoise petite musique, la vraie vie tu préféreras. (p. 14)
Car pour moi écriture et désir sont intimement liés, et je place le corps féminin au cœur de mon exploration littéraire, comme un champ des possibles inouï.
Pour la première fois, la fillette du pavillon numéro 13 se sent belle et légère. Elle fait tout ça pour lui. Ça en vaut la peine puisqu'il lui envoie un bouquet de papillons noirs. Elle ne s'était pas trompée, ce garçon est magique. Le vol des papillons accélère, elle court à perdre haleine pour les suivre, au bout du champ elle débouche sur un sentier qui longe un ruisseau. Elle n'était jamais venue jusqu'ici, elle se laisse gagner par le pouvoir de la campagne, le ruissellement du cours d'eau, les senteurs des herbes encore gorgées de rosée. Tout est plus intense ici qu'au lotissement. Le garçon blond lui ouvrait un nouveau champ des possibles, quelque chose d'insoupçonné. Les papillons s'arrêtent au bout du chemin, le garçon s'y tient, il esquisse un sourire, c'est la première fois qu'elle le voit sourire, il a l'air d'un ange, elle sait qu'il faut se méfier des anges, que leur colère peut être effroyable, mais la fillette du pavillon numéro 13 n'hésite pas un seul instant lorsque le garçon magique lui tend la main. Sans un mot, elle le suit le long du ruisseau aux Rats.
Longtemps, j'ai été prisonnière d'une forteresse interdite, d'un corps éteint. Longtemps, je me suis languie sans agir, telle une Emma Bovary du XIXème siècle, j'ai rêvé d'être pétrie, j'ai révé d'humidité, de sucs mélangés et d'alchimie des esprits.
Alors, lui, il a tout de suite trouvé normal de soigner les bouquins, de les nettoyer, les panser avant de les repenser. Elles méritent toute son attention ces reliques, certainement pas la mise au rebut, la mise au bûcher, encore moins l'oubli à jamais.
(...)Il sait maintenant qu'il est le fruit de l'amour fusionnel de deux êtres passionnés de littérature et qu'il a bien failli naître sur un parterre de livres déchiquetés. Tout ça c'est son histoire, tout ça l'a poussé vers une humanité marginale. Plus que l'amour, il a les mots en héritage. Il n'écrit pas, il restaure le passé. (p. 148)
Autodidacte de la pire espèce. de ceux qui en font trois fois plus que les autres., qui ont arraché leurs victoires au front de la bataille sociale. (...)
Il voyait peu le jour, et c'est une tornade de nerfs qui remontait pour partager le dîner familial. Peu de mots échangés, normal, toute la journée les mots l'avaient vidé. Adèle et sa mère s'y étaient faites. Il écrit...
Profession du père ?
"Ecrivain" (p. 28)
La Vieille porte le monde dans les yeux, les catastrophes, les grandes découvertes, les guerres, les passions dévorantes. La succession des saisons, les migrations des oiseaux, l'éclosion des fleurs, la crue des rivières, les tempêtes et les grandes marées d'équinoxe. Cette femme-là n'est pas simplement humaine, elle est animale, végétale, minérale, elle est la vie.
Les superstitions entourant les fantômes sont bien plus commodes à se représenter, que la réalité de la finitude et de sa pourriture.