"Le jeu du pouvoir n'est pas du tout un jeu, c 'est une guerre. Moi, ma guerre à moi, elle est ailleurs, elle est juste entre moi et moi. "
Le sujet de cet opus ne pouvait que m'intéresser: la politique, et plus particulièrement le sexisme dans celle-ci. Comme vous pouvez le voir dès cette première citation, le ton est direct, les mots sont durs, les phrases sont tranchantes. C'est même violent. On prend d'emblée une énorme claque en pleine face en lisant les premiers mots et les premières lignes de cet ouvrage.
Gabrielle, l'héroïne a été violée durant son adolescence et à partir de là, est rentrée "en résistance". Elle souffre et cette souffrance est parfaitement décrite dans tout ce qui suit.
"Et puis, tard dans la nuit, j'ai bossé une dissert de philo. Une fois terminée, elle faisait, comme on disait, cinq feuilles doubles: ce n'est pas au poids Gabrielle! m'avait dit mon prof. Pour moi, bien sûr que c'était au poids, il fallait bien que je remplisse cette solitude. "
Devenue Ministre de la République, elle tient sa revanche. Finie l'innocence de l'adolescence, bonjour la carapace d'une femme blessée qui sait se protéger et se faire respecter "autant que faire se peut". Gabrielle a su se construire tant bien que mal, use et abuse de l'attaque pour se défendre, ne se laisse plus marcher sur les pieds tout en affichant clairement son ambition. C'est là aussi sa vengeance... Je vous laisse découvrir.
"Les questions fusent, je suis bonne dans l'adversité. J'excelle et je le sais. Je ne le montre pas trop, histoire de ne pas agacer. Mais j'excelle. Je le sais".
Ironie de l'histoire, elle est ministre du travail (un clin d'oeil à l'actualité?) et elle aura pour chauffeur son propre violeur...
"Plus tard, je rejoins Patrick. Ce chauffeur-violeur-de-petite-fille. Je sais que j'ai réussi mes combats en partie grâce à des monstres comme lui. C'est toute l'ironie de l'histoire. Moi, je suis en train d'y rentrer dans
L Histoire".
C'est bien écrit, c'est rythmé, haletant, intense à l'instar des journées d'une Ministre. C'est captivant: la place de la femme dans le monde politique est si bien narrée. On prend parfois fait et cause pour elle face aux situations qu'elle subit et aux difficultés qu'elle traverse, parfois non (difficile souvent de rentrer en empathie avec l'héroïne, j'y reviendrai par la suite).
"On l'a sillonnée cette France des campagnes, des espaces verts et des vaches. On les a vus ces gens chauffés à blanc essayant de trouver un peu d'espoir dans nos mots. Un meeting politique, c'est un comme un match OM-PSG: de l'émotion pure, de la ferveur, de la sueur, des muscles fatigués, des cordes vocales abîmées.Pour nous, c'est tous les soirs un nouveau match. Un match qu'il faut absolument remporter."
C'est en résumé un récit sans concession où passé et présent alternent dans de courts chapitres.
Mais voila... était-ce vraiment comme cela qu'il fallait s'y prendre pour donner du crédit au fond? Etait-ce la forme appropriée ?
Pour certains, la réponse est clairement oui car justement en étant crue, dure, violente, cynique, provocante voire souvent vulgaire, l'auteure exprime la rudesse et la dureté du monde machiste politique. Est-ce pour autant réaliste? Certainement en partie car on s'aperçoit très rapidement que Virginie Martin sait de quoi elle parle. Elle semble même très bien renseignée.
"Je me souviendrai longtemps de cette formule qui m'avait impressionnée à l'ENA, une façon de dire les choses qui vous propulsait parmi les puissants: Autant que faire se peut. C'était LE sésame. J'étais béate d'admiration"
Pour ma part, la réponse est clairement non: la forme adoptée dessert clairement le fond. Elle laissera sur le bord du chemin quantité de lecteurs qui n'approuveront pas. Elle ne permet pas d'aborder les sujets profondément, ce qui est dommage. le sujet n'est pas novateur, son traitement avec cette forme apparaît du coup fade, voire parfois banal. Cela manque pour moi de finesse et de subtilité... et m'a souvent laissé indifférent à ma grande surprise et à mon grand malheur...
"Je n'ai rien gardé de mes vies passées, quasiment rien. de toute façon, ici, dans ce bel appartement, je ne suis même pas chez moi. Un remaniement, et hop, je me retrouve dans un mini trois-pièces dans l'est parisien. Ancienne ministre, c'est un peu comme ancienne miss, ancien footballeur... Faut vraiment savoir se recaser"
Que conclure? Vous l'avez deviné mon sentiment est mitigé. Je suis clairement déçu par cet ouvrage même si je lui reconnais de beaux atouts et qu'il se lit vite. Je ne l'ai pas lâché je le reconnais.
Cela reste un premier roman, c'est donc prometteur mais perfectible. Bien mais peut mieux faire en somme! Cela reste une belle claque qui malheureusement un mois après ne laisse que peu de traces... Il attisera en tout cas discussions et polémiques j'en suis certain.
Je suivrai cette auteure qui a du potentiel. Et vous recommande la lecture de cet ouvrage si vous aimez les approches directes, le parler cru et le monde de la politique.
3/5
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