Square des Poètes-11 mai 2023
MASGISTRAL !
Un immense MERCI à l'Inconnu(e) à qui je suis redevable de cette lecture fulgurante, captivante et bouleversante que j'ai lue en 2 jours...à la suite d'un hasard heureux.
Venant déposer des livres, comme je le fais de plus en plus souvent..., dans un kiosque de " Livres- voyageurs" au Square des Poètes ( Paris), J'ai ainsi croisé Gaëlle Nohant pour la première fois et pour son tout dernier livre...
Je m' y suis immergée aussitôt, prise d'emblée de sympathie pour Irène, jeune femme récemment mariée, répondant à une offre d'emploi au très important Centre de recherches et de documentation sur les persécutions nazies, l'International Tracing Service.
Elle y est embauchée en 1990, et s'engage très rapidement dans ce travail d'investigation, s'en faisant même un jardin secret chez elle, craignant les réactions de son mari allemand, dont le père fut engagé dans la Wehrmacht, et entraîné dans le sombre flot nazi...
Wilhelm et Irène divorceront dès la naissance de leur premier enfant,un fils, Hanno, après une violente dispute avec son beau-père,totalement dans le déni...
Deux portraits féminins inoubliables : Irène, notre héroïne mais aussi Eva, personnalité hors du commun, qui embauchera et formera Eva...dans ce Centre de recherches ...
Même si l'extrait est un peu long, je tiens à insérer la genèse de ce roman que Gaëlle Nohant explique , on ne peut mieux, dans ses remerciements, à la fin de l'ouvrage :
"Les enquêtes et les personnages de ce roman sont fictifs.Tout en évoquant la véritable histoire du centre d'archives d'Arolsen, j'ai pris certaines libertés nécessaires à mon intrigue et à la trame romanesque.
À l'origine de ce roman, il y a ce jour de l'hiver 2020 où mon amie Aurélie Serfaty- Bercoff m'a appris que les archives d' Arolsen conservaient des traces de la déportation de
Robert Desnos.Je me suis demandé pourquoi je n'avais jamais entendu parler de ce fonds qui existait depuis l'après-guerre .Ma curiosité aiguisée, je suis tombée au fil de mes recherches sur un article d' Élise Karlin, qui parlait de la restitution d'objets hérités des camps de concentration. Je veux la remercier ici, car c'est en le lisant que l'idée de ce roman m'est venue.
Pour autant, je crois que j'avais rendez-vous avec lui depuis longtemps. "
Irène depuis près de 30 ans s'investit sans compter dans ces travaux d'investigation, impactant grandement sa vie.Divorcée, elle vit seule et élève son fils unique, Hanno, qui va, par ailleurs, régulièrement chez son père .
Il est certain que le contenu " délicat "du poste de recherches d'Irène est difficilement oubliable ou
" déposable"lorsque le soir et ferme la porte de son " chez- elle" !
À l'automne 2016, Eva, sa directrice, historienne brillante, décide de lui confier une mission inédite et pas des moindres " émotionnellement ": restituer aux descendants des disparus déportés, les milliers d'objets dont le Centre a hérité à la libération des camps...
Au fil des enquêtes, Irène se heurte à toutes sortes de difficultés, à des mystères, à des aberrations de gestion ( au début de l'existence de ce Centre de Documentation, où d'anciens SS y travaillaient et ont pu détruire des archives compromettantes?!)
Heureusement, sa directrice, Eva, avait à l'époque alerté son Supérieur, afin qu'une tutelle plus large contrôle ces Archives et non plus la seule
Allemagne !...
Gaëlle Nohant réussit un magistral tour de force en ne rendant jamais,ce sujet lourd et
tragique,rébarbatif ou fastidieux...à lire. Bien au contraire; on est emporté dans un flot
d'émotions , et d'informations concernant les tourbillons de la grande Histoire...
On avance, on accompagne Irène dans ses nombreuses pérégrinations, déplacements qu'elles soient fructueuses ou décevantes ! On se réjouit , on s'attriste, on s'enthousiasme avec elle lorsque les recherches progressent et soulagent des familles brisées," endeuillées "...depuis si longtemps...
On la suit de Varsovie à Paris et Berlin, en passant par Thessalonique et l'Argentine...
Il y aurait tant à dire sur ce " vaste" roman; " vaste", car moult sujets, thématiques universels s'y croisent, s'y confrontent.
Parmi tous les éléments riches de réflexions, j'ai aussi retenu des passages précieux sur les rôles primordiaux des Archives et des archivistes...
"- Les archives ne mentent pas, sourit Pierre.C'est pour ça que tant de gens s'évertuent à les garder sous clef."
Une lecture vibrante que l'on a beaucoup de mal à quitter.Un grand livre qui réunit avec brio une abondante documentation, des personnages arattachants et complexes, des destinées incroyables parfois quelque peu réparées par le colossal travail d'Irène ,et par par delà cette fiction, par tous ces enquêteurs " internationaux ", archivistes, historiens, traducteurs de tous pays....
Pour ma part j'ai appris moult, moult choses dont un approfondissement de l'Histoire allemande ainsi que celle des pays annexés...sans omettre le rappel du sort de tous ces " enfants non accompagnés "
( orphelins ou enfants kidnappés pour être adoptés par des familles aryennes)...
Autre Extrait qui interpelle toujours avec autant d'urgence dans le monde entier. , au vu des actualités ukrainienne, birmane et tant d'autres peuples en guerre... !
"- Jusqu'en 1948, l' ITS s'appelait le Bureau central de recherches, lui avait expliqué Eva.
Cet endroit était né de l'anticipation des puissances alliées. Avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, elles avaient compris que la paix ne se gagnerait pas seulement au prix de dizaine de millions de morts, mais aussi de millions de déplacés et de disparus.Le dernier coup de feu tiré, il faudrait retrouver tous ces gens, les aider à rentrer chez eux.Et déterminer le sort de ceux qu'on ne retrouverait pas.
- Pour celui qui a perdu un être cher, ces réponses- là, c'est vital. Sinon, la tombe reste ouverte au fond du coeur."
Cette lecture difficilement oubliable m'aura donné de plus la curiosité de lire d'autres textes de cette auteure. Je m'adresse aux " fans" de Gaëlle Nohant pour connaitre leurs préférences ...afin de choisir au mieux le texte suivant que j'aimerais lire !