AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,21

sur 1451 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« La nature efface ce qui reste d'elles. Je n'ai retrouvé que le ponton où Siemens chargeait les bateaux sur la Havel et quelques pierres du block où ma fille a été assassinée ».

Irène, personnage de fiction, expatriée française, s'est établie en Allemagne par amour pour Wilheim, à Bad Arolsen. Elle est, aujourd'hui, divorcée et mère d'un jeune homme, Hanno.

Elle travaille à l'International Tracing Service en qualité d'archiviste – enquêtrice. Ce centre de documentation, d'informations et de recherche, collecte toutes les preuves, écrites ou matérielles, sur les persécutions du national-socialisme, le travail forcé et la Shoah. L'ITS est devenu récemment « Les Archives Arolsen » et se situe dans le Hessois, à Bad Arolsen.

A la libération des camps par les forces alliées, ces dernières ont effectué un énorme travail de collecte, nécessitant une véritable course contre la montre, afin d'empêcher la destruction des preuves accablantes de la barbarie nazie. Elles ont pris d'assaut les archives des camps, fouillé les hôpitaux, réuni les listes, les cartes individuelles ou les registres cachés par les déportés afin de rassembler tous ces éléments à charge qui représentent aujourd'hui la plus grande collection d'archives au monde sur les victimes et les survivants au régime nazi. A ces documents, par la suite, sont venus s'ajouter les éléments sur le travail forcé que certaines entreprises ont accepté de divulguer.

Les objets personnels des personnes persécutées sont conservés dans ce centre et depuis 2016, la campagne « StolenMemory », tente de retrouver les familles auxquelles ces objets reviennent. C'est dans le cadre de cette démarche qu'Irène, se voit chargée, avec son équipe, de restituer ces objets. Ces effets n'ont, pour la plupart, aucune valeur marchande. Ils dégagent de leur matérialité, par delà l'invisible, une charge affective puissante qui relie le présent au passé, convoque les fantômes, matérialise le ou la disparue dans une filiation, redonne un sens à ces objets qui porte l'âme d'un être détruit dans des conditions qui sont insupportables à imaginer pour toute personne douée de raison.

C'est à la suite de l'écriture du « Dormeur éveillé » que Gaëlle Nohant a appris l'existence de ce centre (moi aussi d'ailleurs). Elle a eu l'idée d'écrire cette fiction qui relate plusieurs enquêtes d'Irène et de son équipe. Afin d'être au plus près de la réalité, elle a elle-même suivie une enquêtrice dans ses pérégrinations. Minutieuse, elle a mené les enquêtes le temps de la gestation du roman, elle a abordé ces destins brisés, s'est déplacée sur les lieux de l'abomination, elle a cherché à être au plus près du système de destruction des individus pour mieux se représenter le calvaire de tous les persécutés.
Et c'est tout l'intérêt de ce roman jusqu'au dénouement de chaque enquête. Suivre les investigations, participer aux différents modes de prospection, assister aux échanges entre les différents protagonistes des nationalités concernées, remonter à la source, au plus près de l'instant où tout à basculer, où l'horreur est entrée dans la vie de ces disparus. Tous ces destins brisés, tous ces instants où Irène prend contact avec les familles, donnent lieu à des moments d'une grande intensité émotionnelle – y compris pour le lecteur - tout en conservant à la lecture son côté passionnant et addictif : ce qui en fait une qualité essentielle pour les personnes imperméables à l'Histoire.

Gaëlle Nohant a souhaité écrire un roman contemporain pour les jeunes générations. Son style est fluide et repose sur des recherches et des qualités historiques indéniables. Elle balaie le large spectre des camps de concentration, du travail forcé, tout en restant dans un livre qui s'adresse à un large public.

Je n'avais jamais lu Gaëlle Nohant, j'avais retenu « le dormeur éveillé » qui évoque Desnos. Ce livre m'a été offert et m'a donné l'occasion d'apprécier cette fiction tout en observant deux maladresses : il est regrettable que dans un tel livre d'hommage qui se veut passeur de mémoire, Gaëlle Nohant n'ait pu s'empêcher d'éviter les clichés, cela crée une discordance dans une transmission historique de qualité – par exemple : elle divorce à la découverte du passé trouble de son beau-père Allemand - son ami Antoine est homosexuel et bien sur, ses parents le rejettent – Il est aussi dommage de se servir de ses personnages pour faire passer ses opinions politiques. Ceci étant, c'est un livre qui enseigne !

Commenter  J’apprécie          7616
Dans ce service né après guerre, le but était de tenter de restituer aux survivants de la Shoah ou à leurs descendants, objets, lettres ou autres renseignements susceptibles de faire la lumière sur leur destin tragique. Autant dire que l'on est loin de la légèreté que pourrait évoquer le titre aux accents de romance ou de bien-être.

Le personnage principal, Irène s'attelle à cette tâche avec obstination. Un petit pantin de chiffon focalise toute son attention. Il a été marqué d'un matricule que des recherches attentives renvoient à un détenu prénommé Lazar.
Irène se concerne également sur une femme, décédée avec l'enfant qu'elle avait pris sous son aile pendant sa détention.

L'énergie requise est immense, pour venir à bout de ces enquêtes qui aboutissent à autant d'impasses que de minuscules espoirs lorsque les pistes semblent se dessiner, laissant une large part à l'intuition de la jeune femme. de quoi s'y perdre …mais y perdre aussi le lecteur. J'ai eu par moment beaucoup de difficultés à faire la synthèse des histoires, confondant les deux itinéraires, mélangeant les générations…

Le roman présente l'intérêt de mettre en valeur cette oeuvre de restitution, maigre compensation des peines éprouvées amis avec l'intérêt essentiel de combler les lacunes dans la transmission des histoires familiales.


Construit comme toujours avec Gaëlle Nohant, sur une somme importante de documentation historique, le roman a un véritable intérêt pédagogique, avec ce petit bémol d'une intrigue très complexe qui requiert une attention soutenu et éventuellement de quoi prendre quelques notes en cours de lecture.


416 pages Grasset 4 janvier 2023
#Lebureaudéclaircissementdesdestins #NetGalleyFrance

Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          733
Irène est enquêtrice au bureau de l'international tracing service en Allemagne.
« Elle raccommode des fils tranchés par la guerre, éclaire à la torche des fragments d'obscurité. Sa mission terminée, elle s'efface. »
Elle rapporte aux descendants des victimes de la Shoah, un mouchoir, une lettre, un médaillon. Elle reconstitue et raconte, révélant la part oubliée d'une vie. Comme l'histoire bouleversante de ce pierrot en chiffon qui a traversé le temps. Comme ce mouchoir brodé témoin d'une belle solidarité féminine…
Le bureau d'éclaircissement des destins est un texte dense, éprouvant, absolument nécessaire.
Pour ne pas oublier.
Commenter  J’apprécie          500
Voici un ouvrage qui porte bien son nom car il met en lumière le travail de recherche documentaire d'un groupe de personnes qui oeuvre ensemble à l'International Tracing Service avec pour mission de restaurer des biens aux proches disparus durant les années 1940.

Gaëlle Nohant, au travers de cet ouvrage m'a fait découvrir l'ITS qui est un centre international de documentation sur les persécutions nazies situé en Allemagne à Arolsen. Cette institution, fondée durant la Seconde Guerre mondiale par les Américains est le fonds d'archives le plus important au monde sur la persécution national-socialiste, le travail forcé et la Shoah.

Dans ce roman, nous allons suivre les investigations menées par Irène, une Française travaillant à Arolsen depuis une vingtaine d'années dans la structure et qui « évoque ses pistes de Petit Poucet où les archives remplacent les cailloux blancs. Les voies sans issue, son impatience et sa frustration ». Pourtant, malgré les années amenuisant les chances de retrouver des membres de la famille des disparus, Irène et ses collègues gardent espoir et arrivent parfois à récolter le fruit de leur travail avec une grande satisfaction.

J'ai trouvé le récit très riche et enrichissant car Gaëlle Nohant nous offre un très beau travail de recherche même si parfois, je me suis un peu perdue en chemin, car je ne savais plus de quel personnage, il était question. le conseil que je peux donc vous donner et d'être concentré sur cette lecture et de ne pas oublier votre carnet et votre crayon pour noter les noms des protagonistes car vous en rencontrerez un certain nombre !

Je tiens à remercier Les Editions Grasset et Netgalley France pour cet ouvrage qui s'apparente à un témoignage où se mêle passé et présent. J'ai beaucoup apprécié la volonté se dégageant des personnages et le sentiment d'espoir se dégageant de ce livre.
Commenter  J’apprécie          434
Gaëlle Nohant nous apprend en post-face que c'est en recherchant des traces de la déportation de Robert Desnos ( pour son superbe livre" Légende d'un dormeur éveillé" ) qu'elle a eu connaissance des archives d'Arolsen, qui permettent de restituer à la famille les objets des déportés trouvés dans les camps. Cela lui a donné l'idée de ce roman.

Il y a, comme toujours, un formidable travail de documentation de la part de l'auteure. Même si, comme elle le précise, les personnages, les destins sont inventés, la vérité historique est bien là.

C'est Irène, une archiviste hantée par ses méticuleuses recherches, parfois aboutissant à des impasses, , qui est le pivot essentiel de l'histoire. A travers ses enquêtes se dévoilent les autres protagonistes, morts pour certains mais ramenés à la vie par elle, au travers d'objets, des lettres,un jouet, un mouchoir...

Les rencontres avec les descendants sont très émouvantes, quand elles peuvent avoir lieu. Les parcours de vie fracassés bouleversent. Notamment celui de ces enfants kidnappés en Pologne car ayant un profil aryen et adoptés ensuite en Allemagne.

Cependant, je n'ai pas été complètement happée par ce livre, essentiellement parce qu'il nous présente trop de personnages, j'aurais aimé que l'histoire se resserre sur seulement quelques-uns d'entre eux. Mais c'est un ressenti tout personnel. Gaëlle Nohant s'est investie pleinement dans cette oeuvre poignante. Je n'oublierai pas la courageuse Witta, le tourmenté Lazar, Karl arraché à sa famille. Je n'oublierai pas toutes ces existences anéanties.
Commenter  J’apprécie          392
Le bureau d'éclaircissement des destins
Touchante Irène qui dénoue le fil unissant les trajectoires individuelles à la mémoire collective de l'Europe.

Nous sommes en 2016 à Arolsen, petite ville de la région de Hesse en Allemagne, aux côtés d'Irène, mère de Hanna son fils de 20 ans. Cette jeune française est arrivée en 1990 après son mariage avec un allemand dont elle a divorcé depuis.
En 1990 elle a dit oui à un job proposé par l'International Tracing Service. D'emblée elle a été intriguée par l'activité de ce centre de documentation très particulier. Mais en 2016 tout s'accélère lorsqu'on lui donne pour mission de restituer des milliers d'objets récoltés depuis la libération des camps et qui reviennent de droit aux propriétaires ou aux familles des disparus.
Et c'est partie ! Elle est prise dans cette spirale psychologique que sont les relations humaines. Ces rencontres qui vous percutent, vous transpercent parfois jusqu'à la moelle, l'épicentre des blessures et failles de notre propre vie.
Tous s'entremêle, s'entrechoque : les destins et les secrets des disparus, la vanité camouflée et les ombres qui planent sur le centre, jusqu'à son passé à elle. Irène se démène au milieu de ces enquêtes de manière bouleversante et avec des moyens d'investigation plutôt modestes. Elle en délaisse même son fils.
L'autrice a été courageuse d'aborder ce thème si décrié durant tant de décennies. Sa documentation fouillée donne cette touche de réalisme qui explique certainement notre grande émotion à la lecture de ce roman qui coule, limpide et facile. Non, facile n'est pas le terme qui convient puisqu'il nous tire la larme.

Cela m'a fait repenser au discours de Jacques Chirac le 16 juillet 1995 qui commémorait la rafle du Vel' d'Hiv' du 16 juillet 1942, au rapport public de la CIVS (commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations) en 2017 concernant les victimes de spoliation, au discours de réparation et de mémoire d'Emmanuel Macron. Des points que l'autrice n'a pas abordés, probablement trop épineux à intégrer dans un joli roman.
Commenter  J’apprécie          384
Irène habite de puis 25 ans à Bad Arolsen. Elle est aujourd'hui (2016) divorcée, son fils Hanno a 20 ans, et ils se voient trop peu au goût d'Irène. Elle travaille à l'ITS (International Tracing Service) où sont stockées une impressionnante quantité d'archives datant de l'Allemagne nazie, des listes venant des camps, forcément, mais aussi des convois, des prisons, des lieux d'exécution, etc. La directrice actuelle est française, elle aussi, et elle s'inquiète du sort des objets qui sont en leur possession. Ne pourrait-on pas essayer de retrouver leurs propriétaires ? non, plutôt leurs descendants ? Irène va mener l'enquête sur un Pierrot de chiffon portant l'inscription d'un matricule et sur un médaillon contenant un dessin représentant une femme et un enfant.
***
On va donc suivre Irène dans ses enquêtes, mais aussi dans ses relations avec son fils Hanno et on apprendra les raisons de son divorce. Ce travail la passionne, mais l'épuise tant physiquement que psychologiquement. C'est pourtant malgré tout une sorte de refuge pour elle, ce qui remplit sa triste vie de célibataire et lui donne un sens. Ce que j'ai le plus apprécié, ce ne sont pas les récits sur l'horreur des camps, mais plutôt tout ce qui concerne l'immédiate après-guerre : le déni de l'horrible réalité, les bagarres administratives au sujet des enfants déportés ou volés (on ne peut s'empêcher de penser à l'Ukraine), les coupables indulgences des politiques, etc., et en 2016, les survivants ne veulent pas forcément connaître la vérité…
***
Je n'avais pas accroché du tout à La Part des flammes, mais certaines critiques extrêmement élogieuses de Babelio ou d'ailleurs m'ont convaincue de tenter le coup et de lire le Bureau d'éclaircissement des destins. Si j'étais enthousiaste au début de ma lecture (quel angle passionnant pour traiter ce sujet !), j'ai vite été perdue dans la quantité de noms, de personnages morts ou vivants, de changements d'identité, d'explications utiles et inutiles… J'aurais dû, dès le début, faire une sorte d'arbre pour expliciter les liens entre les personnages. Les titres de chapitres avec les noms de certains personnages ne m'ont pas vraiment aidée à m'y retrouver. Si on excepte Irène (et encore !), les personnalités sont juste effleurées, jamais fouillées, et je n'ai pas réussi à m'attacher à eux. Évidemment, le roman n'évite pas de nombreux clichés. Il présente des enquêtes couronnées de succès et des aboutissements heureux. Grâce à cet artifice, Gaëlle Nohant réussit à traduire l'émotion des survivants et la totale implications de certains enquêteurs. le final est prévisible et cousu de fil blanc. Ce livre réveille pourtant chez moi un sentiment de révolte récurrent devant l'incommensurable duplicité des pouvoirs publics et la propension de certains acteurs et témoins à camoufler l'horreur sous couvert de nécessité.
Commenter  J’apprécie          365
Une lecture agréable et instructive.
J'ai appris beaucoup sur la Shoah ,
des éléments qui avaient échappé
à tous les livres lus sur le sujet.
Ce bureau qui cherche
les vivants et les morts,
réconstitue des puzzles familiaux
éclatés à l'international...
Cet organisme préserve la mémoire
du passé et permet au présent d'avancer.
Tout cela est un formidable terreau
pour nourrir les élans romanesques.
Gaelle Nohant brode avec intelligence
des fictions puisées dans le réel.
Elle brode... un peu trop pour moi.
Ce récit aurait mérité une plus grande
sobriété pour frapper plus fort les esprits.
Ce témoignage hyper documenté
sait être poignant et passionnant.
Commenter  J’apprécie          340
Gaëlle Nohant est une écrivaine dont j'apprécie particulièrement les romans. J'avais été touchée notamment par la description des conditions de vie de Robert Desnos dans le camp de concentration de Theresienstadt dans "Légende d'un dormeur éveillé" et j'avais donc repéré une certaine forme de continuité avec "Le bureau d'éclaircissement des destins".
Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce bureau existe bel et bien et a pour mission de rendre aux familles des victimes des nazis des objets qui leur appartenaient et de remettre en lien des membres d'une même famille.
Le roman raconte donc comment Irène, archiviste dans ce service, effectue ses enquêtes, réussit sa mission pour quelques personnes. C'est tout simplement un travail de fourmi et d'une extrême patience,
Comme à son habitude, l'auteure a effectué des recherches documentaires historiques importantes et les distille de manière juste pour les transmettre et émouvoir le lecteur sur les injustices, mais aussi les conditions de vie que tant de gens ont pu vivre.
Cependant je n'ai pas tant accroché que je l'imaginais avec ce roman malheureusement. En effet, j'ai eu l'impression que Gaëlle Nohant ne me prenait pas suffisamment la main pour me faire avancer dans les recherches d'Irène. Il m'a manqué des liens pour que je la suive pleinement dans son récit. A d'autres moments, j'ai eu l'impression que le hasard faisait aussi trop bien les choses, avec des conclusions faciles. Dommage pour cette impression de manque d'homogénéité mais la thématique reste passionnante et à ne pas oublier.
Commenter  J’apprécie          300
2016, Irène se souvient de ce jour de 1990 ou elle découvrait pour la première fois ces espaces envahis de dossiers qui allaient devenir les siens (les espaces comme les dossiers).

Ces drôles de bureaux installés dans l'ancien château d'un dignitaire nazi déchu et défait de ses avoirs à la sortie de la seconde guerre mondiale.

Drôles de bureaux dans un drôle de site pour une drôle de mission : restituer aux victimes (ou à leurs proches) les objets retrouvés dans les camps d'extermination à leur libération.

Par le biais de divers objets miraculeusement retrouvés (un pierrot en tissus, un pendentif, une alliance…), la petite histoire rejoint la grande et permet à l'auteur de braquer un projecteur averti sur certains faits de guerre qui ont pu tomber dans l'oubli (les prisonniers évacués des camps par les SS mais entassés dans un paquebot flottant pavillon nazi pour que les ailiers le prennent pour cible, la ‘germanisation' des territoires occupés par les nazis par l'enlèvement et le déplacement d'enfants présentant des caractéristiques aryennes pour adoption par des parents de substitution allemands…)

Par le truchement d'une lettre confession, l'éternelle question nous est posée du « qu'aurions nous fait à la place de ces simples gens, citoyens allemands ordinaires, qui, d'autorité, ont été enrôlés dans l'organisation du III Reich pour y tenir des postes de gardes-chiourmes, par exemple » ?

Seule notre conscience peut y formuler une réponse intime, aujourd'hui, mais avec le recul, en sachant, à l'abri, hors contexte, loin de l'oppression et de la terreur d'alors.

Que de questions , tellement  peu de réponses.

Alors quand, au hasard d'une enquête, une ancienne lettre d'amour échoit entre les mains émues d'Irène, elle se sent investie de la mission quasi divine de résoudre le mystère d'une disparition que les affres de la guerre ont laissée irrésolue.
Elle s'y jette au-delà du raisonnable pour que cet amour ne reste pas incompris, mort à jamais.

Cet investissement émotionnel lui permet également de prendre du recul avec sa propre histoire, à elle, la jeune française venue remuer les archives nauséabonde d'une Allemagne qui n'a pas encore pansé toutes ses plaies, à elle qui avait épousé un jeune allemand dont elle a eu un enfant mais qui a mal supporté qu'elle immisce le doute quant à la posture de ses parents à lui durant la guerre et surtout quant à l'implication de son propre père dans les ‘exactions' de l'occupation.

À la fois un sacerdoce et un exutoire, sa mission l'emmène vers des profondeurs d'une noirceur qu'elle sait mais dont la découverte des détails l'engloutit davantage et la pousse vers des abîmes de plus en plus profond, ceux auparavant insoupçonnés de la nature que l'on dit humaine.

Elle fait aussi le choix de refaire, à rebours, le chemin de vie d'une collègue/amie disparue qu'elle n'a pas osé questionner sur son passé de déportée de peur de rouvrir des blessures pas même cicatrisées, s'interrogeant cependant si ces peurs pouvaient avoir été prises pour une forme d'indifférence.

Un roman utile qui nous renvoi à des quantités d'interrogations quant à la façon dont la ‘question juive' a été abordée au sortir de la guerre, à d'autres, tout aussi terrifiantes quant à la réinsertion d'anciens nazis dans des institutions dont ils ont pu modifier les fonctionnements pour pouvoir se racheter une conduite si ce n'est saboter les enquêtes qui auraient pu permettre de les retrouver et les traduire devant les autorités compétentes.

Quelques coups de griffes également pour rappeler combien les alliés ont pu faire preuve de tiédeur quand il s'est agi de restituer aux familles des déportés ce qui leur avait été spolié durant ces mois absolument abominables, tiédeur volontairement maintenue pour ménager certains personnages en vue qui ne s'étaient pas toujours montrés glorieux.

Un roman utile surtout parce qu'il entretient la flamme du souvenir qui, espérons le, réussira à tenir à distance encore longtemps ces loups qui n'ont jamais cessé de montrer les crocs et qui, aujourd'hui, défilent décomplexés sous de brunes oriflammes qui font craindre des lendemains qui déchantent.

À lire.
 
Commenter  J’apprécie          285




Lecteurs (3731) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3205 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}