J'avais apprécié "
Continuer"aussi en voyant
Des hommes en version livre de poche, ai-je acheté ce roman du même auteur. Il est vrai que son nom court depuis quelque temps sur les ondes à l'occasion de la sortie en librairie, précisément le 3 septembre 2020, de son tout dernier roman :
Histoires de la nuit.
En route donc pour "
Des hommes". On commence la lecture dans un troquet d'une petite ville du Nord où Solange, soeur de Bernard, fête son soixantième anniversaire. Bernard, marginal, bourru, taiseux, souvent saoul et perpétuellement fauché, défie sa famille et les amis de sa soeur en offrant à cette dernière un bijou hors de prix. Son geste est incompris et son cadeau source de suspicion. D'où vient cet argent ? le ton monte, des rancoeurs anciennes et tenaces conduisent inéluctablement à l'explosion d'une violence d'autant plus terrible et dramatique qu'elle a couvé pendant quarante ans.
de même qu'
Alice Zeniter avec "
L'art de perdre" nous a permis de mieux comprendre le contexte particulier des relations entre les Français et les Algériens, de même
Laurent Mauvignier nous fait pénétrer dans l'absurdité de la guerre qui oppose
des hommes à d'autres hommes (et non pas comme autrefois des soldats à des soldats). Il rapproche en passant le sale travail que l'on imposait aux jeunes militaires français à celui qui fut assigné à l'occupant allemand en France. Notre regard sur les années soixante s'en trouve décalé.
Mais d'où vient le sombre et amer ressentiment de Bernard ?
Sans doute de la guerre d'Algérie et du traumatisme qu'elle a causé à tant de jeunes appelés (dont Bernard et son cousin Rabut). Mais, avant la guerre, il y avait déjà eu un drame familial : Reine, la soeur de Solange et de Bernard, est morte "en laissant un enfant sans père ni mère". La guerre, la soeur morte et la mère qui lui a pris tout l'argent qu'il avait gagné avant de faire son service militaire : les secrets se sont superposés et ont enfermé Bernard dans son hostilité envers le monde entier.
Dans un style époustouflant, flamboyant, envoûtant et très persuasif,
Laurent Mauvignier nous décrit la violence du ressentiment incoercible et celle du traumatisme post-guerre qui sévit chez tant et tant de rescapés, qu'ils aient été de 14-18 ou qu'ils soient du Vietnam, d'Algérie ou d'ailleurs.
En apprenant que
Laurent Mauvignier est né après les accords d'Évian, on ne peut qu'être en admiration devant son travail de recherche documentaire qui pourra convaincre bien plus qu'un grand reportage. Mais ce roman est avant tout un questionnement sur l'incommunicabilité pathologique qui peut résulter des non-dits entre les membres d'une même famille.