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sur 696 notes
bookapax, très influente, m'a donné envie de lire Laurent Mauvignier. N'ayant pas trouvé "Histoires de la nuit" qu'elle avait adoré, je me suis penchée sur le seul que j'ai trouvé chez mon libraire; « Des hommes ».

Quels hommes ? Des hommes français, conscrits, appelés en Algérie pour y mener une guerre qu'ils ne saisissent pas, ne comprennent pas. Ils y vont parce qu'ailleurs, plus haut, quelques-uns ont décidé qu'il en allait de leur devoir de citoyens français. Ils y vont obligés et ils découvrent une terre qui ne leur appartient pas, ne leur appartiendra jamais. Cette terre, ils ne la connaissent pas ; ces habitants, ils ne les rencontrent pas. L'Algérie est pour eux un service militaire dont il voudrait vite se débarrasser, une énigme qui, toute leur vie, les torturera. Pourquoi ? Pourquoi cette guerre ? Pourquoi cette horreur ? Oui, pourquoi ? Ces hommes sont marqués, à vie, et ils ne peuvent en parler, jamais. Pour dire quoi ? A qui ? La guerre d'Algérie est devenue une guerre des mots. 

Le roman, par son thème, sa conscience politique aiguisée, son intelligence, m'a intéressé. Il montre la lâcheté d'un pays qui fait de la participation à la guerre d'Algérie un devoir de citoyens mais qui, une fois la guerre finie, les oublie. Pourquoi ? Pourquoi faut-il taire cette guerre ? Parce qu'elle est une honte ? Parce qu'elle est une perte ? La guerre d'Algérie est un trou dans L Histoire, un charnier meurtrier, une fosse commune qui entasse des morts par milliers, portés par la mémoire défaillante de toutes celles et ceux qui ont connu ou participé à cette guerre d'humiliés. Et ce poids pèse. Il assomme. Laurent Mauvignier raconte, avec efficacité, des hommes qui se sentent humiliés.

Bémols dans ce roman, j'ai eu quelques difficultés avec l'écriture et la trame de l'histoire. En voulant retranscrire tel quel le « parler » de ces campagnards, l'auteur a alourdit son texte difficile à digérer. C'est un parti pris que certains apprécieront peut-être mais qui a gâté quelque peu ma lecture. Quant à cet incident, minime, qui a enclenché le défilé des souvenirs, je n'y ai pas cru. Disons plutôt que je ne l'ai pas compris.
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Ouvrir un roman de cet immense auteur c'est accepter de renoncer à la facilité mais vouloir entrer à travers des phrases complexes et une structure narrative parfois déroutante dans une lecture précise, pointue, concentrée pour dire la complexité des événements, des gens, pour pénétrer dans l'âme humaine avec un scalpel sans effet, sans atermoiements, sans misérabilisme. Et toujours le respect, la dignité, l'intelligence en ligne de fond. Je tiens Laurent Mauvignier pour un des plus grands auteurs français contemporains sans fioritures ni effets de manches. Un immense talent et un grand travail qui obligent à l'admiration.
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Whou ! Quel style, quelle écriture !
Je dois avouer que j'ai mis quelques pages à m'y habituer et me suis rendu compte que parfois je survolais une dizaine de lignes, puis je revenais dessus et j'appréciais.
Cette écriture à la fois orale et parfaitement maîtrisée, avec ses hésitations, ses phrases laissées en suspend, comme dans nos propres pensées, oblige le lecteur à s'impliquer, à ne pas rester simplement lecteur.
Le thème du roman, les cicatrices, les rancoeurs, les peurs, laissées par la guerre d'Algérie, s'y prête particulièrement.
Quarante ans plus tard, si tout a voulu être oublié, rien ne l'a été et un rien peut faire basculer dans le passé, l'utilité de cette guerre (ou son inutilité), les atrocités commises de part et d'autre, les unes répondant aux autres.
La dernière phrase est déchirante : "je voudrais savoir si l'on peut commencer à vivre quand on sait que c'est trop tard".
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Lecture difficile que ce roman de Mauvignier, difficile parce que chargée émotionnellement, difficile parce que la guerre, difficile par ce qui n'est pas dit, difficile en raison du choc que ces hommes ont vécu, choc qui propage son onde sur toute leur vie et sur toutes celles et ceux qui les côtoient. Laurent Mauvignier, pour transmettre tout ce poids et tout ce tourment, adopte une écriture qui est proche du langage parlé avec ses hésitations, avec ses non-dits, avec ses phrases qui n'aboutissent pas et qui restent en suspens, avec...

Sous la plume de Mauvignier, plusieurs narrateurs racontent, en différents moments de la ligne du temps. le sujet, c'est celui de la guerre d'Algérie, mais surtout celui d'une famille élargie qui vit encore aujourd'hui dans son quotidien les affres de cette guerre. Ce sont les relations de Bernard avec sa famille, avec sa soeur et ses frères, avec son cousin qui a aussi vécu les «événements», avec ceux qui ont soufferts et qui souffrent de ce tumulte non cicatrisé. C'est aussi Bernard et des soldats qui envahissent un village, c'est Bernard dans la nuit en sentinelle seul avec sa peur.

C'est une oeuvre marquante par sa forme et par l'impact de son propos.
Lien : http://rivesderives.blogspot..
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Que de souffrances enfouies dans ce livre. Il raconte l'histoire des hommes ( Bernard, Rabut...) appelés en Algérie puis rappelés chez eux deux ans plus tard... et qui reprennent leur vie. Mais quarante après ce passé refait irruption.

J'ai aimé le style d'écriture plutôt intimiste de l'auteur et l'analyse et la description du choc de la guerre pour des individus qui ne peuvent s'en remettre jamais complètement.
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Il s'appelle Bernard mais tout le monde le surnomme Feu de Bois, tellement l'odeur âcre du charbon, du tabac et de la crasse ont imprégné ce grand corps d'homme de 63 ans vivant comme un clochard. Pourtant, le soir de l'anniversaire de sa soeur Solange, il a fait un effort.Dans son gros poing serré, il tenait une petite boîte de velours bleu, un cadeau pour sa soeur. Un présent qui va attiser les curiosités, délier les langues et faire resurgir un passé qu'on croyait à jamais enfoui.
Les mots de Mauvignier jaillissent comme des jets de pierre à la façon de pensées fulgurantes qu'on tenterait de mettre en ordre.Flot rapide et saccadé; souffle rauque de l'urgence dessinant les contours de drames anciens; qui dit à flux tendu, les choses horribles qui se devinent au fond des yeux. Cette atmosphère contractée à l'extrême,si elle vous coupe souvent le souffle, n'en est pas moins puissamment suggestive des traumas que peut causer la guerre, qu'elle soit d'Algérie…ou d'ailleurs.
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Un très grand roman. le sujet ici va bien au-delà de la guerre qu'a vécu Bernard. Laurent Mauvigner évoque comment une parole non libérée peut tuer, comment des destins sont brisés, comment l'homme dans un contexte de peur ne se maîtrise plus.
Au fur et à mesure de la lecture, on plonge dans la noirceur. La nuit tombe, les souvenirs ressurgissent et l'on découvre peu à peu comment Bernard est devenu "Feu-de-Bois", abandonnant travail et famille pour devenir un solitaire fermé aux autres, aigri et violent.

Tout n'est pas simple, la complexité des sentiments, de la vie elle-même est retranscrite avec justesse.

Le style d'écriture peut déstabiliser, il est très oral, et la façon de parler des personnages est très ancrée dans leur réalité. C'est aussi ce qui rend ce roman très humain et touchant.
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Petite critique tardive pour dire le bien que je pense de ce livre, acheté au hasard chez le libraire de mon quartier.

Des Hommes traite d'un sujet très difficile à traiter, celui des syndromes traumatiques des vétérans de guerre. Quelques mois après la lecture de L'art de perdre, d'Alice Zeniter, ce livre vient compléter de façon poignante le tableau d'un des épisodes les plus honteux de l'histoire de France.

Le livre raconte une guerre sale, du point de vue d'un soldat, ordinaire dans l'armée comme au quotidien, rustre, peu éduqué et dont l'expression enfantine est utilisée à point nommée pour raconter l'horreur. Il raconte également la souffrance psychologique du vétéran, cachée au plus profond dans un milieu - la France rurale - où l'on ne parle pas d'une guerre que tout le monde souhaite oublier.

Le lire est d'une grande finesse, indispensable pour faire ressentir la souffrance psychologique de Rabut et de Feu-de-bois. Il est une illustration poignante de l'importance de la parole et du devoir de mémoire, qui sont d'autant plus importants que l'événement concerné est de ceux que l'on souhaite oublier. Un livre dure mentalement : ici, pas de héros. Pas d'explications faciles ni de doigts pointés. Uniquement l'horreur de l'armée française en Algérie, du destin de ces jeunes appelés et de l'impossibilité de reprendre une vie normale.

J'ai le sentiment (diffus) que ces histoires ne sont que trop peu racontées, et devraient l'être davantage.
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« Des Hommes » de Laurent Mauvignier résonne en ce mois de janvier 2021 avec le rapport de Benjamin Stora sur « les mémoires de la colonisation et de la guerre d'Algérie ». le conflit, quelque soixante ans après, présente des cicatrices inguérissables, et poursuit, par un silence tonitruant, son oeuvre destructrice. le livre de Laurent Mauvignier se singularise par son style, sa construction, la puissance des thèmes abordés.
Quand un cadeau d'anniversaire provoque interrogations et suspicions, la fête familiale verse dans l'acte violent. Bernard, le clochard, a offert une bague de prix à sa soeur, ce cadeau provoque l'incompréhension de la famille. le sentiment d'exclusion, amplifié par l'alcool, pousse Bernard à violenter une famille d'origine maghrébine, intégrée au village. Bernard, ancien combattant en Algérie, a raté son retour à la vie civile et ne peut oublier l'horreur de la guerre.
L'auteur construit le roman en quatre temps. Rabut, raconte, dans « l'après midi », la fête et la réaction violente de son cousin Bernard. « le soir » est propice aux réactions de la famille, comment Bernard en est-il arrivé là ? « La nuit » retrouve la guerre, avec ses horreurs qui marquent à jamais. Bernard et Rabut se sont retrouvés là-bas ensemble, les souvenirs ont été enfouis, les projets se sont évanouis.. « le matin » est le retour à la vie, au quotidien mais « peut-on commencer à vivre quand on sait que c'est trop tard » conclut l'auteur.
Le style marque l'indicible, il essaie de coller à la réalité du vécu et rythme une tension qui va dégénérer. Les situations décrites sont autant d'arrêts sur images sur un plan visuel. le langage est direct, l'oral cherche à cerner les réactions, les intentions..
La vie des appelés sert de cadre au récit de la guerre : l'isolement du camp militaire, les corvées, les patrouilles… « L'ennemi » reste invisible, les attaques sont soudaines et la mort horrible. Les représailles suivent avec la même violence et inhumanité. L'incompréhension des appelés face à cette guerre sans nom aboutit à une défaite qui plonge les soldats dans le mutisme, l'oubli.
A la lecture, « Des Hommes » indispose . le conflit déchire toujours les consciences, le passé ne passe pas. La mémoire oubliée, enfouie empêche la travail de la Mémoire Historique. Un livre à conseiller.
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C'est ma seconde rencontre avec l'auteur dont j'avais aimé Continuer.
Ce texte est plus ancien, et de l'avis de certaines, son meilleur.
Quels hommes et quel style !Commençons par le style époustouflant à la fois proche de l'oral dans l'enchaînement des idées mais si bien travaillé que l'on ne perçoit pas ce travail. le récit coule et l'on a envie de continuer d'écouter petite musique du narrateur.

Un narrateur qui sait si bien décrire ses émotions que je les ai vécu avec lui même si je ne le voulais pas.

Et pourtant ce qu'il nous raconte glace le sang. Oh, pas tout se suite, l'auteur installe ses personnages dans la campagne française le jour desn60 ans de Solange. On devine les liens familiaux compliqués.

Puis vient Feu-de-bois par qui le scandale arrive.

C'est le bachelier qui nous raconte l'histoire depuis l'après-midi jusqu'au moment où il va se coucher, et que ses souvenirs l'assaillent.

L'Algérie, pas aussi terrible que Verdun, mais qui à détruit une génération de jeunes hommes dans leur tête, même si ils sont revenus avec tous leurs bras.

Des hommes qui ont fait comme ils ont pu entre la peur et l'amour, l'espoir et la barbarie.

Des hommes humains trop humains et que l'on n'oublie pas.

Merci, Monsieur Mauvignier, les heures passées avec vos personnages et la voix de votre narrateur me resteront longtemps en mémoire.

L'image que je retiendrai :

Celle des cachets que prend le narrateur et tous les anciens d'Algérie car ils n'ont jamais pu parler des atrocités qu'ils ont vu.
Lien : https://alexmotamots.fr/des-..
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