«
Des Hommes » de
Laurent Mauvignier résonne en ce mois de janvier 2021 avec le rapport de
Benjamin Stora sur « les mémoires de la colonisation et de
la guerre d'Algérie ». le conflit, quelque soixante ans après, présente des cicatrices inguérissables, et poursuit, par un silence tonitruant, son oeuvre destructrice. le livre de
Laurent Mauvignier se singularise par son style, sa construction, la puissance des thèmes abordés.
Quand un cadeau d'anniversaire provoque interrogations et suspicions, la fête familiale verse dans l'acte violent. Bernard, le clochard, a offert une bague de prix à sa soeur, ce cadeau provoque l'incompréhension de la famille. le sentiment d'exclusion, amplifié par l'alcool, pousse Bernard à violenter une famille d'origine maghrébine, intégrée au village. Bernard, ancien combattant en Algérie, a raté son retour à la vie civile et ne peut oublier l'horreur de la guerre.
L'auteur construit le roman en quatre temps. Rabut, raconte, dans « l'après midi », la fête et la réaction violente de son cousin Bernard. « le soir » est propice aux réactions de la famille, comment Bernard en est-il arrivé là ? « La nuit » retrouve la guerre, avec ses horreurs qui marquent à jamais. Bernard et Rabut se sont retrouvés là-bas ensemble, les souvenirs ont été enfouis, les projets se sont évanouis.. « le matin » est le retour à la vie, au quotidien mais « peut-on commencer à vivre quand on sait que c'est trop tard » conclut l'auteur.
Le style marque l'indicible, il essaie de coller à la réalité du vécu et rythme une tension qui va dégénérer. Les situations décrites sont autant d'arrêts sur images sur un plan visuel. le langage est direct, l'oral cherche à cerner les réactions, les intentions..
La vie des appelés sert de cadre au récit de la guerre : l'isolement du camp militaire, les corvées, les patrouilles… « L'ennemi » reste invisible, les attaques sont soudaines et la mort horrible. Les représailles suivent avec la même violence et inhumanité. L'incompréhension des appelés face à cette guerre sans nom aboutit à une défaite qui plonge les soldats dans le mutisme, l'oubli.
A la lecture, «
Des Hommes » indispose . le conflit déchire toujours les consciences, le passé ne passe pas. La mémoire oubliée, enfouie empêche la travail de la Mémoire Historique. Un livre à conseiller.