Ma première lecture de cet auteur. Un cadeau ciblé. Un opus de 120 pages.
Et j'ai commencé à l'ingurgiter sans prendre le temps de la dégustation. Comme un assoiffé du
désert qui se précipite, inconscient qu'il est, sur l'eau du puits. Un risque sans saveur.
Puis, au bout d'une trentaine de pages, j'ai eu la sensation du déjà lu, l'impression de relire, en bien mieux écrit évidemment, les pages Wikipédia sur l'auteur et sur son texte ou la quatrième de couverture !
Récit qui m'a néanmoins branché sur ma fréquence « pacifiste » via son regard d'enfant sur la barbarie de
la guerre. Vibration en haute fréquence !
Son parcours européo-africain lui a façonné une identité multiple, une sorte de créolisation singulière, parce qu'individuelle, car liée à sa personne et à son environnement.
Une lecture effrénée donc, quand son questionnement sur la littérature a soudain mis fin à ma boulimie lectorale.
Tout simplement, cette lecture m'a renvoyé à une situation personnelle vécue la veille : « A qui et à quoi cela peut bien servir que j'écrive ? ». Dans sa grande sagesse, l'amie a répondu : « Écrire, c'est donner du temps aux autres, et ça c'est toujours très utile et très important ». Faut dire qu'avec le challenge que je me suis fixé : « écrire au moins une page manuscrite par jour », je me targue d'être un écrivant produisant des écrits vains, jusqu'ici personnellement considérés comme tels.
Et là,
J.M.G. le Clézio nous, Me fait un legs.
Le don de son parcours peu commun
Le don d'une théorie de livres et d'écrivains, terreau de sa construction,
Le don qu'écrire, c'est agir
Il témoigne.
Non pas comme un témoin de moralité dégoulinant de bons sentiments lors d'un procès judiciaire, mais comme celui qui atteste avoir appris la liberté en voyageant.
Il affirme la nécessité du vivre ensemble en ne négligeant pas son voisin, l'impérieux besoin d'aller à la rencontre des intouchables indésirés ; inutile d'aller à Maurice pour en trouver, tant notre société a su en produire, jusqu'au fin fond de nos cantons ruraux, où ils font front et se rassemblent.
Le Clézio nous démontre aussi que, malgré sa situation actuelle (guerres fratricides, dictatures, injustices sociales, relents colonialistes, exploitation de la ressource, …), l'Afrique a trouvé dans la littérature son meilleur lien de rencontre, et par un imaginaire créatif tisse sur les chaînes de son héritage, la trame de son avenir.
L'Afrique berceau des taches communes de l'humanité, moïse de notre avenir planétaire.
Fabuleux cadeau qu'il nous offre,
J.M. le Clézio à l'aube de sa fin : lire, c'est écrire … et notre regard s'en trouve changé.
Ce type a encore suffisamment de musique dans le coeur pour faire valser le reste de sa vie … et la nôtre aussi.
Cinq étoiles.
Ancelle, le 9 mai 2024