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4,3

sur 1973 notes
J'ai vu passer plusieurs des livres de cette collection « Ma nuit au musée » sans être tentée plus que cela. J'avais lu un livre de Lola Lafon sans être vraiment séduite (La petite communiste qui ne souriait jamais). Alors pourquoi avoir ouvert celui-ci ? Bien sûr, j'ai lu « le journal d'Anne Franck » dans ma jeunesse, mais je ne m'en souviens pas plus que cela. La réponse c'est Babelio : j'y ai lu tant de belles critiques, qui toutes parlaient d'émotion, que je n'ai pas résisté.

J'en sors bouleversée. Bouleversée par les mots de Lola Lafon, par l'immense humilité de cette femme, par son cheminement au cours de cette nuit, par ce récit qui plonge au coeur de ce qu'elle est, une enfant de survivants, d'exilés :
« Ce sont des parents follement inquiets à l'idée de ne pas parvenir à protéger leurs enfants. Ce sont des parents qui les somment de ne pas se faire remarquer, qui leur inculquent l'art de disparaître, de se fondre dans le paysage.
Ce sont des grands-parents follement fiers de la plus minuscule réussite de leurs petits-enfants, de tout ce qui confirmera l'appartenance au pays d'accueil. Des grands-parents qui, lorsqu'on leur récite une banale poésie française en sixième, ont les larmes aux yeux »

Elle se livre sans détour, laissant les souvenirs remonter dans cet environnement vide, mais si plein de l'histoire avec un petit et un grand H . Elle m'a profondément touchée par les mots avec lesquels elle évoque ces hommes et ces femmes emplis de « plus jamais », parce que privés d'une partie de leurs racines. Elle m'a aussi profondément émue par le respect qu'elle porte à l'autrice Anne Franck. Elle sortira à coup sûr changée, par rapport à celle qu'elle était la veille, peut-être plus « rassemblée »,
Et que dire de ces derniers chapitres qui éclairent ce titre un peu intrigant.

Il y a eu beaucoup de critiques, dont celles de Marie-Laure, Yvan, Bichette, Afleurdelivres, Fanny, Michel et tant d'autres, à qui je dois cette lecture, qui parlent si bien de ce livre.
Que rajouter, sinon Lisez-le

Merci à NetGalley et aux éditions Stock pour cet envoi #Quandtuécouterascettechanson #NetGalleyFrance
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« Quand tu écouteras cette chanson » fait partie de la collection « Ma nuit au musée » des Editions Stock, dont le principe est le suivant : demander à un auteur de choisir un musée dans lequel il aimerait passer la nuit, à charge pour lui de mettre ensuite ses impressions et réflexions par écrit.

Le choix de Lola Lafon s'est porté sur le musée Anne Frank à Amsterdam. Elle s'y est rendue le 18 août 2021 et y a passé la nuit, seule avec son ordinateur. Enfin, seule, façon de parler. Pourtant, ce n'était pas tant les fantômes d'Anne Frank et des sept autres personnes qui ont été cachées dans l'Annexe, de juillet 1942 au 4 août 1944, pour échapper aux nazis, entouraient Lola Lafon. Non, ce qui hante le musée, la nuit, ce n'est pas tant une présence, c'est l'absence. L'absence d'objets (l'Annexe est resté tel quel, quasi vide, depuis que les nazis l'ont dévasté), l'absence de vie, l'absence d'Anne Frank, cette jeune fille que le monde entier s'est approprié telle une icône, et dont Le Journal a été et sera lu par des générations d'écoliers.

Lola Lafon déambule dans le musée, hésite à entrer dans la chambre d'Anne Frank, s'interroge sur sa propre légitimité à écrire sur la jeune fille, fait entrer en résonance (sans les assimiler) l'histoire de sa propre famille, juive également, avec celle des Frank, évoque aussi le souvenir d'un ami d'enfance cambodgien, sur le point de rentrer dans son pays avec ses parents diplomates, sans imaginer le danger qu'ils couraient, alors que les Khmers rouges viennent d'arriver au pouvoir.

Lola Lafon tente de nous faire appréhender Le Journal non pas tant comme un témoignage du confinement forcé d'une jeune fille juive et de sa famille pendant deux ans, que comme un texte littéraire en tant que tel, insistant sur le fait qu'Anne Frank voulait faire oeuvre d'écrivaine et souhaitait voir son journal publié. Elle revient aussi sur la construction hollywoodienne du mythe Anne Frank dans les années 60, avec pour résultat un film ultra-lisse, presque rose bonbon, voire kitsch, sans allusion au désespoir ni image des camps de concentration.

Le destin fauché d'Anne Frank serre le coeur évidemment, Lola Lafon écrit très bien, avec beaucoup de sensibilité et de délicatesse. C'est très beau, très juste, mais, pour une raison qui m'échappe, cela ne m'a pas vraiment touchée.

En partenariat avec les Editions Stock via Netgalley.
#Quandtuécouterascettechanson #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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La collection "ma nuit au musée" permet à des auteurs de passer ...une nuit dans un musée . En contre partie d'un petit texte bien sur !
C'est dans ce cadre que Lola Lafon a passé un nuit au musée Anne Frank à Amsterdam.
Pourquoi ce choix ?
Sa famille maternelle a particulièrement souffert de la Shoah, le livre est dédiée à sa mère, et l'auteure veut aussi profiter de "ce moment" pour présenter quelqu'un à Anne Frank.

J'ai beaucoup aimé ce texte , tout en sensibilité, comme si l'auteure écrivait à voix haute et nous plongeait dans le monde de ses émotions. C'est fin , empli d'humanité , d'humilité aussi devant l'histoire.

L'analyse du fameux journal , de son élaboration à son interprétation est brillante et le petit détour par le monde du spectacle et l'utilisation faite de ce texte est à lui seul une raison , édifiante, de lire ce livre. Et oui, brave gens , il faut vendre et l'industrie vous le rendra bien avec de multiples récompenses et la postérité assurée.

Ce livre transpire l'honnêteté et Lola Lafon s'applique à nous donner une vision non édulcorée d'Anne Frank et de sa famille. Avant d'être une victime , Anne Frank était une ado avec son caractère trempé et son attirance naissance pour la sexualité. Omettre ces faits, c'est manquer de respect, une nouvelle fois, à cette victime et sa famille.
C'est bien écrit , et l'on sent toute la petitesse que l'on peut éprouver devant L Histoire.

Une très belle lecture , émouvante, où l'histoire personnelle de l'auteure vient se fondre dans L Histoire avec le plus grand talent.

Enfin pour tous ceux qui se demanderait pourquoi ce titre et cette couverture ...soyez patients, votre curiosité sera recompensée !
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Il y a plusieurs années, j'ai "visité" l'annexe où a vécu Anne Frank avec ma fille . La première chose qui m'a questionnée correspond à ce qu'évoque si bien Lola Lafon.
" Je suis venue en éprouver l'espace car on ne peut en éprouver le temps"
Comment la vie d'une adolescente, d'une famille s'est-elle rétrécie jusqu'à ne plus exister.
C'est aussi un peu le défi que nous lance Lola Lafon à travers son " errance" le temps d'une nuit dans la dernière chambre qu'à connue Anne Frank.
Ce qui m'a énormément touchée dans ce récit, c'est aussi le destin de la famille de Lola Lafon qui s'entremele au destin tragique de tous les juifs qui ont connu la Shoah et leurs descendants.
Comment les enfants des survivants vivent ce passé innommable?
Lola Lafon nous confie, qu'elle même pour y survivre doit s'en écarter.
"L'histoire des juifs d'Europe Centrale, je m'en suis écartée à l'adolescence. J'ai tourné le dos à l'abîme.Je ne voulais pas entendre, pas savoir."
Il est très émouvant aussi de connaître le motif du choix de Lola Lafon de passer une nuit dans ce musée.
Et, là, encore son histoire personnelle la lie à Anne Frank. Sa grand-mère : Ida Goldman lui a offert alors qu'elle avait une dizaine d'années une médaille dorée frappée du portrait d'Anne Frank.
Ce récit ,ces interrogations, ces confessions, ces questionnements soulevés par Lola Lafon m'ont bouleversé.
Que dire du titre: Quand tu écouteras cette chanson lorsque Lola Lafon nous révèle les balbutiements d'un premier amour broyé lui aussi sous d'autres cieux et sous une dictature.

J'avais un peu peur d'être déçue en lisant ce livre. C'est tout le contraire, il m'a enrichi et porté tout le long.
" Les hommes sont complices de ce qui les laisse insensibles"
Georges Steiner
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Quand tu écouteras cette chanson aborde Anne Frank comme une écrivaine prodige et pas seulement comme un symbole, son journal comme une oeuvre et pas seulement comme la dernière trace d'une adolescente juive assassinée par les nazis.
Quoi qu'il en soit, il n'y a jamais assez de livres pour rappeler la Shoah, et tout ce qu'elle a arraché au monde. C'est le cas de chaque génocide.
C'est une nuit dans un appartement d'Amsterdam, resté vide depuis que la Gestapo a arrêté la famille Frank et leurs amis. Comme l'a voulu Otto Frank, le visiteur se confronte à l'absence.
Lola a beau se défendre, réfuter le symbole, dire qu'Anne Franck n'appartient à personne, l'émotion est bien là et l'empêche de pénétrer dans la chambre qu'Anne occupait avec la dernière personne venue se réfugier dans l'Annexe.
Saviez-vous — c'est Lola Lafon qui me l'a appris — qu'Anne Franck a retravaillé son journal en espérant qu'il soit lu ? C'est bien l'oeuvre d'un écrivain que l'on donne à lire aux écoliers, sans le préciser, j'imagine, aujourd'hui comme hier.
Lola Lafon boucle son livre sur une autre histoire de massacre que je vous laisse découvrir parce qu'elle est poignante et qu'elle avertit : personne n'est à l'abri d'être considéré comme un danger qui doit être éliminé.
Merci à NetGalley et aux éditions Stock pour cette lecture.

Lien : https://dequoilire.com/quand..
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À quoi bon poster une critique de plus ? Tant pis ….
Je le fais quand même .

«  On ne pourra pas dire qu'on ne savait pas; on pourra dire qu'on ne savait pas que faire de ce qu'on savait » écrit l'auteure avec la lucidité qui la caractérise.
Autre passage «  Au coeur même du vide , un père inscrit tous les mois, au crayon à papier , à la pointe fine , des preuves de vie » .
Lola L. le remarque en s'approchant du papier peint , vestiges émouvants , indicibles , des marques griffonnées de la main d'Otto Franck….
Le père désirait suivre la croissance de ses filles.
Anne Franck sera arrêtée le 4 août 1944, puis déportée à Auschwitz , et assassinée à Bergen- Belsen.
Lola a vécu une expérience personnelle intime tout à fait ambivalente , une très courte incursion dans la cachette aux fenêtres obturées où la famille Franck se terra plusieurs mois, dans l'espoir tragique mais vain d'échapper au génocide nazi.
Le 18 août 2021, elle a passé une nuit au musée Anne Franck , la maison de celle- ci à Amsterdam , en obéissant aux règles qui offre à des écrivains de raconter leur séjour nocturne., depuis quatre ans , dans la collection littéraire «  Ma nuit au musée » …

Une écriture juste, directe , touchante beaucoup de questions traversent ce récit , interrogation à propos des paradoxes de l'obligation de mémoire qui pèsera toujours sur les survivants , l'auteure sonde aussi les béances de sa propre généalogie :
«  L'histoire des juifs d'Europe Centrale , je m'en suis écartée à l'adolescence . J'ai tourné le dos à l'abîme . Je ne voulais ni entendre, ni savoir . Leurs cauchemars ne seraient pas les miens » .

Récit intime très fort résonnant avec l'histoire de sa propre famille: anciens souvenirs d'exil et de fuite liés à elle, pogroms et ghettos de Russie et de Pologne .
Elle rend un émouvant hommage à Anne , tout en restituant à cette adolescence sa vraie place d'écrivaine.
Deux écrivaines se parlent même si l'une d'elles est morte en 1945.
Maîtrisé , bouleversant !
«  Comment imaginer vingt - cinq mois de vie cachés à huit dans ces pièces exiguës ? »
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Avant d'entamer la lecture de ce roman, j'ai relu le Journal d'Anne Franck puis visité en ligne (à défaut de pouvoir aller le visiter sur place) la Maison Anne Franck à Amsterdam afin de mieux comprendre le désir presque obsessionnel de Lola Lafon pour vivre une nuit dans "l'Annexe" et retrouver les conditions de vie d'Anne Franck, celle de sa famille et amis proches avant sa déportation.
Derrière ce désir, c'est aussi sa propre histoire familiale qu'elle raconte avec délicatesse comme un besoin d'apaisement et de sérénité.
Un beau roman plein de sensibilité.
PS : il y a déjà tellement de citations que je n'en n'ajouterai pas une de plus de peur de créer un doublon.







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POIGNANT

Dans le cadre de l'opération "Une nuit au musée" Lola lafon va passer une nuit dans le musée Anne Franck à Amsterdam. Elle va, plus particulièrement, passer une nuit dans l'annexe qui a abrité la jeune fille et sa famille pendant la seconde guerre mondiale.
Anne Franck, on la connait tous... de nom. Beaucoup ont lu son journal, certains ont lu pas mal de littérature autour de ce journal, tout le monde connait son nom.
Ses mots, certains se les sont appropriés, lui ont ôté du sens, ont enlevé les références juives pour être plus vendeurs, les ont transformés en romance, les ont nié en arguant qu'il était impossible pour la gamine que tu étais d'écrire de cette façon.
Tes mots, c'est ce qu'il reste de toi, morte comme tant d'autres dans les camps nazis.
Le vide, c'est ce qu'il reste d'Anne, de Margot dans cette annexe. le vide, c'est ce que va éprouver Lola Lafon. Ce vide immense peuplé de souvenirs.
Ce vide qui mène à l'introspection.
L'autrice va se tourner vers ses propres souvenirs, ses grands-parents juifs venus en France avec l'espoir d'être intégrés, de devenir français. Ses souvenirs d'enfance, d'un adolescent lâchement assassiné par les Khmers rouges.

L'écriture de Lola Fafon, tout en finesse et en retenue m'a captivée tout au long de ce récit poignant et émotionnel. Une très jolie lecture.
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Et bien voilà, je crois mes ami(e)s que nous tenons là, l'un des premiers grand roman de cette rentrée littéraire. Comment aurait-il pu en être autrement quand on connaît le talent d'écriture et la sensibilité d'une autrice qui, de livre en livre, construit un peu plus chaque jour, une oeuvre littéraire d'une rare intégrité dans sa démarche d'autrice, la qualité de son travail, sur la forme et sur le fond. "Ma nuit au musée" est une collection publiée aux éditions Stock, Leila Slimani et bien d'autres auteur(e)s talentueux se sont soumis avec un plaisir indicible, à cet exercice de style consistant pour chaque auteur(e) à passer une nuit dans un musée de son choix, afin d'en retirer une expérience intellectuelle, émotionnelle et même spirituelle. Lola Lafon a choisit le musée "Anne Franck" et plus précisément "L'Annexe", à Amsterdam en Hollande, le lieu si exiguë où de juillet 1942 au début d'août 1944, Anne, Margot et leurs parents Edith Franck et Otto Heinrich Franck se cachent pour éviter l'arrestation par le SD (Gestapo) puis la déportation. Ils sont rejoins, dans ce lieu dont la porte donnant l'accès à l'Annexe est cachée derrière une bibliothèque, par quatre autres personnes : Hermann, Augusta et Peter, puis en novembre 1942 par Fritz Pfeffer. le 4 août 1944, au matin, Anne Franck et les sept autres personnes présentes, sont arrêtés par un sous officier SS Karl Silberbauer. Tous meurent dans les camps d'extermination nazi sauf le père d'Anne Franck, Otto. Une histoire douloureuse et une mémoire attaquée, violée par les négationnistes et autres nostalgiques du IIIème Reich. "Le Journal" d'Anne Franck est un témoignage hors du commun pour sa qualité à la fois sur le fond et dans la forme. Comment ne pas tomber dans le piège de la redite ? Une histoire connue de tous. Lola Lafon aborde, ce lieu de mémoire où vécu Anne Franck et sa famille jusqu'à leur arrestation, en évoquant la place de l'écrivain, la puissance de l'acte d'écrire qui fait abstraction de la mort pour permettre à l'auteure de laisser une trace dans le temps. Un peu à l'image des hommes préhistoriques et de leurs peintures rupestres. Ecrire c'est se confronter à soi-même. La force du témoignage d'Anne Franck s'est de permettre de ne jamais oublier la Shoah, "plus jamais ça", mais c'est aussi un formidable témoignage d'universalité du crime génocidaire. Lola Lafon se livre et au fond, elle nous parle d'elle, de son rapport à sa judaïté longtemps cachée dans sa famille. L'assassinat d'Anne Franck dans les camps nazi et la volonté de Lola Lafon de parler de cette toute jeune adolescente juive, symbole de l'oppression aveugle, des massacres commis par tous les régimes autoritaires quels qu'ils soient. D'une lucidité impressionnante, d'une qualité d'écriture peu commune, Lola Lafon confronte les fantômes du passé, ceux d'Anne Franck bien sûr mais aussi dans ce que je perçois comme un cri libérateur, l'accouchement des souvenirs, des non dits, des secrets et des blessures transgénérationnelles qui la traverse. le voilà ce grand roman de la rentrée : Lola Lafon "Quand tu écouteras cette chanson" paru chez Stock. Fruit d'une nuit passée à l'Annexe, le lieu où Anne Franck se cacha avec sept autres personnes jusqu'à leur arrestation par la gestapo en août 1944, le nouveau roman de Lola Lafon est une plongée sidérante et cathartique sur l'acte d'écrire et le rôle alloué à la mémoire. C'est LE grand roman à lire en cette rentrée littéraire.
Lien : https://thedude524.com/2022/..
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« Les hommes sont complices de ce qui les laisse insensibles. »

J'aime beaucoup les musées, ils ont une âme, ils expriment, à travers le temps et l'espace, la mémoire de notre passé.
Lorsque j'ai visité Amsterdam il y a de cela quelques années, je n'ai pas manqué de me rendre dans certains lieux incontournables de la capitale, notamment le musée Van Gogh et le Rijksmuseum. Mais je n'ai jamais été autant bouleversée que par la visite de la maison d'Anne Frank. C'est un lieu de mémoire, mais je me suis sentie gênée, presque honteuse de faire la queue pour visiter cet endroit, comme si je n'avais pas place dans cette histoire.

Cette jeune fille a vécu cachée, pendant vingt-cinq mois, avec sa famille, au deuxième étage d'un immeuble qui ressemble à beaucoup d'autres. C'est dans le silence indispensable de « l'Annexe », une cachette aménagée par son père dans son entreprise, qu'elle va commencer à rédiger un journal, s'inventant une amie imaginaire, Kitty, à qui elle raconte sa vie quotidienne et lui confie ses peurs, ses angoisses.

« Anne n'oeuvrait pas pour la paix. Elle gagnait du temps sur la mort en écrivant sa vie… Son Journal est l'oeuvre d'une jeune fille victime d'un génocide, perpétré dans l'indifférence absolue de tous ceux qui savaient. »

*
Je découvre Lola Lafon avec ce livre intimiste, lequel m'a particulièrement touchée. « Quand tu écouteras cette chanson » assortit admirablement pudeur et respect, authenticité et simplicité, justesse et finesse, délicatesse et sensibilité, partage et transmission.
Vous allez peut-être penser que je suis dithyrambique, trop excessive, mais ce que j'ai ressenti est difficilement exprimable. L'autrice m'a emportée dans son histoire, dans celle d'Anne Frank et de sa famille, et plus généralement dans l'histoire de toutes ces familles victimes de la Shoah.

*
Lola Lafon a choisi de passer la nuit du 18 août 2021 dans « l'Annexe » du Musée Anne Frank, marchant sur les traces d'un passé, celui d'Anne Frank, de sa famille et de leurs amis.

« Cette nuit, je la passerai là où huit personnes, vingt-cinq mois durant, ont dû se plier au silence, en apprendre toutes les nuances, des chuchotements jusqu'aux pas feutrés en passant par l'immobilité totale. »

La solitude et le silence de la nuit accompagnent l'autrice dans ce lieu chargé d'histoire, imprégné d'une atmosphère à la fois feutrée, lourde mais authentique.
C'est avec beaucoup de maîtrise et de finesse que Lola Lafon entrelace passé et présent, le texte d'Anne Frank et le sien. Les mots se fondent ainsi dans la nuit en une narration à deux voix qui se rencontrent et s'entremêlent.

« L'angoisse, écrit-elle le 8 novembre 1943, est une masse sombre qui ne nous pousse ni en bas, ni en haut, mais se tient devant nous, mur impénétrable, qui s'apprête à nous détruire mais ne le peut pas encore. »

*
Ainsi, Lola Lafon raconte cette nuit émotionnellement forte qui va constituer un véritable moment d'introspection. Aux réflexions d'une grande lucidité d'Anne Frank quant à la barbarie des nazis ou au génocide des juifs, vont se superposer celles de l'autrice, sur son identité juive et son histoire familiale tronquée par des vides et des silences.
Des destins de gens ordinaires s'invitent dans cette nuit si particulière, des vies anéanties par les mouvements imperturbables de l'Histoire avec un grand H.

« Un jour, cette horrible guerre se terminera enfin, un jour nous pourrons être de nouveau des êtres humains comme les autres et non pas simplement des juifs, écrit Anne Frank, le 11 avril 1944. »

*
En pénétrant dans les pièces de cette « Annexe », c'est un sentiment de vide et d'absence qui nous enserre. Et de manière très étrange, en même temps, on a l'impression qu'au coeur de ces lieux austères et inhabités, Anna Frank et les siens y « habitent » toujours.
Mais pour les huit personnes qui ont vécu dans l'inconfort de ces minuscules pièces pendant de si longs mois, qu'a représenté cette « Annexe » ? Un refuge ? Une prison ? Un piège ? Un supplice ? Un espoir ?

« On ne peut pas se représenter la lourdeur des heures, l'épaisseur des semaines. Comment imaginer vingt-cinq mois de vie cachés à huit dans ces pièces exiguës ? »

Des mots de l'autrice me reviennent à l'esprit au moment d'écrire ces lignes : courage, combat, vie, mort, confiance, espoir, tristesse, souffrance, extermination.
Mais celui qui revient le plus souvent dans le texte de l'autrice, c'est la peur qui a habité continuellement les pensées d'Anne Frank. Cette peur qui revient sans cesse, laissant une empreinte indélébile sur ce récit : peur d'être entendus, peur d'être dénoncés, arrêtés et séparés, peur de mourir, peur de perdre l'espoir.

« La peur est-elle un envahissement brutal, semblable à un courant d'arrachement, cette force qui entraîne au large contre laquelle on ne peut lutter, ou la peur se dilue-t-elle dans les jours qui passent, et on finit par s'y faire, à la peur ? »

Le journal d'Anne Frank s'achève le 1er août 1944 lorsque les clandestins sont dénoncés anonymement, arrêtés et déportés. Anne Frank meurt du typhus dans le camp de Bergen-Belsen à l'âge de 15 ans. Des huit clandestins, seul, le père d'Anne Frank survivra aux camps de la mort.
Le livre de Lola Lafon s'achève sur le vide laissé par la mort d'une personne qui habite ses pensées. Une autre époque, plus récente, un autre régime politique, mais avec toujours cette folie meurtrière qui pousse les hommes à des génocides.

« I started a joke
Which started the whole world crying
Till I finally died, which started the whole world living
Oh, if I'd only seen that the joke was on me »
Bee Gees (*)

*
C'est dans un style épuré et posé, doux et amer, nostalgique et mélancolique, que l'autrice appelle l'intime pour aborder avec beaucoup de profondeur, les thèmes de la mémoire, des souvenirs, de l'identité, des traumatismes transgénérationnels.

Avec subtilité et pertinence, Lola Lafon va être également amenée à s'interroger sur l'acte d'écrire, sur le sens et le poids des mots, et à évoquer la censure du texte de la jeune autrice à sa parution, un sujet malheureusement d'actualité avec Agatha Christie retitré ou Roald Dahl réécrit ou retouché.

« Peut-être commence-t-on parfois à écrire pour faire suite à ce qu'on a perdu, pour inventer une suite à ce qui n'est plus. Pour dire, comme le petit rond rouge sur un plan, que nous sommes ici, vivants. Si la mémoire s'étiole, les mots, eux, restent intacts, ils sont notre géographie du temps. »

*
Pour conclure, c'est avec honnêteté et délicatesse que Lola Lafon nous transmet un récit poignant et émouvant. Sans jamais supplanter Anne Frank, sans jamais édulcorer les propos de la jeune femme, l'autrice redonne vie au passé, à Anne, à sa soeur Margot et aux six autres personnes recluses, à cette « Annexe » marquée par ces deux années d'enfermement. Je me suis glissée dans les pas de l'autrice, ils m'ont ramenée dans ces pièces sombres et exiguës. A ses côtés, j'ai retrouvé les traces du passage d'Anne Frank.

« Quand tu écouteras cette chanson » est un très beau roman qui perpétue la mémoire, pour que le passé ne s'efface jamais et que personne ne puisse dire un jour que les déportations massives et les camps d'extermination n'ont jamais existé.

« L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente »
Apollinaire

****
(*) Traduction de la magnifique chanson des Bee Gees
J'ai voulu faire une plaisanterie, qui a mis en pleurs le monde entier,
Mais je n'ai pas compris que c'était de moi qu'on rirait, oh non.
Jusqu'à ce que finalement je meure, ce qui permit au monde entier de vivre
Oh, si seulement j'avais compris que c'était de moi qu'on rirait
****
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