- Je suis contente qu’on se soit retrouvés.
Elle a parlé à voix basse, comme si ces mots étaient un secret entre nous. Un secret qui m’étreint le cœur et qui me fait du bien. Et parce que je veux moi aussi lui confier quelque chose, je murmure à mon tour sans la quitter du regard :
- T’as pas idée à quel point j’étais perdu sans toi.
C’est fou comme on peut se convaincre de quelque chose quand on refuse d’affronter la réalité.
J’ai besoin que quelqu’un me dise que tout va bien. J’ai besoin qu’on m’assure que je ne vais pas crever et que je suis en sécurité.
Les larmes me brûlent les yeux, mais elles restent où elles sont. Enfouies, là où personne ne peut les voir.
Tu crois qu’il y a un monde, dans le multivers, où on se serait choisis ?
Je t’ai toujours choisi, Thomas. C’est toi qui ne me choisis jamais.
Mes sanglots me secouent si fort que je me demande si ce n’est pas une tentative désespérée de mon corps pour faire redémarrer mon cœur qui s’éteint, et je me dis que c’est peut-être pour ça qu’on pleure si fort, parfois: pour empêcher notre cœur de s’arrêter une bonne fois pour toutes.
- Ça va aller ?
- Oui, t’inquiète.
J’ai répondu par réflexe. Au fond, quand les gens demandent si ça va, ils s’attendent à ce qu’on se contente d’un « oui » et qu’on passe à autre chose. Mais pas Finn. Alors que mon regard s’attarde sur le bâtiment moderne de l’hôpital psychiatrique, il ne me quitte pas des yeux.
- Thomas ? Thomas, regarde-moi, s’affole tout à coup June.
Elle attrape mon visage pour me forcer à garder les yeux rivés sur les siens. Je suis en train de me noyer, mais elle le voit. C’est bien la seule qui peut le voir. C’est la seule qui me connaît suffisamment. Alors que j’essaie de me concentrer sur elle et uniquement sur elle pour reprendre mon souffle, June pose sa paume contre mon torse, au niveau de mon cœur.
- Il bat encore, dit-elle. Tu es en vie, Thomas. Alors respire, n’arrête jamais de respirer, d’accord ?
- T’en es à combien de verres ?
- J’en sais rien. Fallait compter ?
Je voulais lancer ça sur le ton de la blague mais, manifestement, c’est un échec. Kurt me dévisage, l’air inquiet.
- Te rends pas malade, quand même.
- Tout me rend malade, de toute façon.
- Tu t’es fait disputer par grand-mère ?
- Un peu, oui.
- À cause de ton travail ?
- Oui.
Elle fronce les sourcils, consulté June du regard et revient à moi.
- Ça t’a fait de la peine ?
- Non, ça ne m’a pas fait de peine.
- T’as le droit de le dire, si t’es triste.
Je souris, mais je n’ai pas le temps de réagir davantage parce qu’elle enchaîne :
- Si t’es triste, je peux te faire un câlin.
- OK pour un câlin, alors.
C’est fou, là où la vie peut nous mener.