Tout à coup, je n’ai plus aussi mal à mon bras. Je crois que c’est dans ma poitrine que c’est le plus douloureux.
Maintenant, j’aimerais revenir en arrière, tout effacer et tout recommencer.
-Je n'ai pas besoin de t'apprendre que Dieu entend tout. Tu es déjà au courant, n'est-ce pas ? [...]
-C'est encore pire s'il entend tout, parce que ça veut dire qu'il a décidé de ne plus écouter. En tout cas, il ne me répond plus.
C’est dans ces petits instants du quotidien - dans la normalité, dans la banalité - que je me sens le plus heureux. Je n’ai jamais souhaité la richesse ou le pouvoir, comme mon père. Ce que j’ai toujours désiré, c’est ça : regarder la fille dont je suis tombé amoureux se brosser les dents juste avant d’aller se coucher pour s’endormir près de moi.
J’étais rempli d’appréhension mais, dès qu’il m’a vu prendre place sur l’un des bancs, il m’a souri et j’ai eu la sensation qu’il était vraiment content de me trouver là. Ce n’est pas grand-chose, quand on y pense, mais, pour moi, c’était déjà beaucoup.
Tout à coup, j’ai l’impression que le trou dans ma poitrine s’agrandit davantage. C’est un gouffre noir, sans fond, dans lequel je tombe depuis des mois.
Ce n’est que lorsque je porte les doigts à mes joues humides que je comprends que je pleure.
À chaque minute qui passe, son absence me donne l’impression de peser un peu plus lourd. Je la ressens dans tout mon corps, comme un liquide dense, un goudron qui peine à couler sous ma peau, et je trouve ça fou que le vide puisse avoir autant de consistance.
Concentré sur sa dissertation d’anglais, June mordille son médaillon, qu’elle a glissé entre ses lèvres. Comme à son habitude, elle a délaissé sa pauvre chaise de bureau pour s’asseoir en tailleur sur le sol. Je la regarde tout en continuant parler avec mon frère. Aujourd’hui, on ne ressent pas le besoin de faire un truc en particulier. On est juste là, l’un avec l’autre, et ça nous suffit. En tout cas, moi, ça me suffit.
Je relis plusieurs fois ses textos, si banals quand on y pense. L’inquiétude de Cliff est tellement normale, tellement saine… Il se demandait où j’étais parce qu’il se faisait du souci pour moi, comme un ami - comme un parent. C’est ce genre de relation que j’aurais aimé avoir avec mon père.
Comment avoir la foi alors que mon existence a déraillé et qu’il n’en reste rien sinon une carcasse accidentée et disloquée ? Finalement, mon point d’ancrage dans ce foutoir, ce n’est pas Dieu. C’est June.