Mille grues de papier nous invite à un vertige poétique.
L'histoire de ce recueil, sa genèse, disent déjà cette beauté d'un geste poétique et empli d'humanité. Ce sont 644 poèmes écrits avec beauté par
Chantal Dupuy-Dunier que j'ai découvert sur Babelio grâce à quelques amis. Merci à eux.
Oui la beauté est là, à chaque page. Et si la beauté est parfois et souvent douloureuse, elle continue néanmoins de s'appeler ainsi.
L'objet de ce recueil repose sur une histoire vraie, émouvante, tragique.
Ainsi, Sadako Sasaki, fillette leucémique irradiée à Hiroshima, tenta de plier
mille grues de papier pour que, selon le proverbe, son voeu : "continuer à vivre" se réalise. Avant de mourir, sans dévier de son but, elle parvint à réaliser 644 de ces oiseaux hautement symboliques au Japon. Malheureusement, elle ne parvint pas jusqu'au bout.
Ce sont les enfants de sa classe qui confectionnèrent les origamis manquants afin de parvenir jusqu'à mille.
À l'image de Sadako,
Chantal Dupuy-Dunier eut cette magnifique idée de plier et déplier des mots sur précisément 644 poèmes, pas un de plus. Elle voulut s'arrêter là où la vie de Sadako Sasaki n'alla pas plus loin.
Chantal Dupuy-Dunier pose ainsi des poèmes très courts, parfois de la taille d'un haiku ou quelque chose qui y ressemble. Parfois ils sont plus longs...
Au-delà de l'exercice de style, il faut y voir un acte poétique magnifique dans cet accomplissement.
Beaucoup de ces très courts poèmes sont des pépites qui m'ont enchanté.
« Il est l'heure
où la forêt se fond dans la nuit,
S'éloigne de son apparence de forêt.
L'heure
où ses doigts d'arbres
caressent un autre signifiant,
creusent le puits de l'invisible,
qui pourrait conduire à ... »
La vie et la mort effleurent ces poèmes.
Ils disent la naissance du monde, la lumière, les vagabondages, les chevaux de bois qui s'élèvent, des printemps où il pleut, l'évocation d'un poème de
Pierre Reverdy, le vent, une barque mise à l'eau, un ciel qui traîne, et nous autres dans cette confusion magnifique...
À mon tour, j'ai plié et déplié ces mots mille fois beaux, dits pour Sadako, dits peut-être pour empêcher les guerres à venir.
Nous savons qu'ils sont dédiés à Sadako, cette enfant d'Hiroshima, morte à cause de la guerre là-bas et de la bombe, malgré les soins qui lui fut prodigués.
Comme c'est beau la poésie qui dit cela...
Dans cet acte poétique magnifique, j'ai rêvé naïvement durant un instant que les mots pouvaient arrêter les guerres.
« Me frayant un passage à travers l'ombre,
je vole,
livres déployés,
Projet ancestral,
Atteindre cette terre utopique. »
La grâce des mots de cette poésie me fait pénétrer dans cette terre utopique, rejoindre l'âme de Sadako.